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samedi 14 avril 2012

La radura dei ragazzi (La clairière des garçons)




"Cerchereste ancora tanto a lungo
La felicità impossibile delle anime."






Édition italienne de Tricks, de Renaud Camus : notes de lecture

Malgré la photographie de couverture fort discutable, le volume est tout de même plutôt élégant : format agréable, présentation soignée (avec des cahiers cousus, ce qui est de plus en plus rare dans l'édition française), belle typographie. Du bon travail de la part de ce petit éditeur de L’Aquila, Textus. On peut bien sûr regretter qu’il ne s’agisse ici que d’une édition partielle de l’ouvrage original (vingt-quatre tricks sur quarante-six), d’autant plus que l’explication que donne le directeur de la collection (I Romanzi della Realtà), Walter Siti, n’est guère convaincante : il s’agirait de contourner l’obstacle de l’ "illisibilité", et l’ "obsession du catalogue et de la classification" ; il me semble plutôt que ces coupures font perdre beaucoup de la cohérence et de l'originalité de l'ouvrage, bien perçues par Roland Barthes dans sa préface lorsqu’il insiste sur le caractère volontairement répétitif des Tricks, «ni aliénation, ni sublimation ; mais tout de même quelque chose comme la conquête méthodique d’un bonheur (bien désigné, bien cerné : discontinu).» 

Le choix des chapitres a toutefois été fait avec soin, et il permet de retrouver la diversité géographique des rencontres (Paris, la Côte d’Azur, Milan, New-York, Los Angeles, San Francisco). La liste des Tricks repris dans cette édition est la suivante : "Walthère Dumas", "Philippe dei Commando", "Brunetto muscoloso", "L’Invisibile", "Il fratello di Jacques", "Etienne Pommier-Caro", "Calogero", "Didier", "Maurice", "Zé", "Anonimo spagnolo", "Philippe degli Ospedali", "Irwing Karstein", "Bravo ragazzo dei bastioni", "Red Morgan", "Jean-Paul il Corso", "Dominique e Alain", "Anonimo messicano", "Il cow-boy", "Bob", "Dick", "Camicia a quadri", "A Perfect Fuck"

La traduction de Maurizio Ferrara m’a semblé très bonne, précise et vivante ; la seule erreur que j’ai relevée est, dans le chapitre "Red Morgan", la traduction de blasé par nauseato, qui signifie plutôt dégoûté, écœuré... Si l’on compare d’ailleurs les deux traductions italiennes du chapitre "Il cow-boy" (la première étant paru dans le livre de Renzo Paris Cronache francesi en 1989), on s’aperçoit que cette nouvelle traduction est beaucoup plus satisfaisante. Dans les parties dialoguées, on perd hélas beaucoup du style parlé si efficace dans la version originale, où l’on a vraiment l’impression d’entendre les accents des différents personnages ; dans la version italienne, les dialogues sont beaucoup plus uniformes dans le ton, mais il était certainement difficile de faire mieux.




 On a tout de même beaucoup de plaisir à lire en italien le chapitre milanais, avec les évocations du locale di ballo la Rosamunda, des cinémas Alce ou Argentina, où le spectacle était davantage dans la salle que sur l’écran : «Per entrare nella sala, bisogna sollevare due strati di pesanti tende di velluto, distante circa un metro e mezzo. Il film era italiano, ma l’azione si svolgeva forse a Chicago, all’inizio degli anni Trenta. Sullo schermo si vedevano tante grosse limousine nere e c’era un gran numero di sparatorie. La maggior parte delle file erano vuote. In compenso, molte sagome rimanevano raggruppate dietro l’ultima fila di poltrone, oppure si spostavano verso sinistra o destra. Erano perlopiù sagome di uomini abbastanza anziani o, nella misura in cui si poteva giudicare in quella semioscurità, piuttosto brutti. Una delle scene del film, dove un “padrino” qualunque andava a riconoscere uno dei sicari nella luce livida di un obitorio, permise di farci un’idea un po’ più precisa del posto, della sua sintassi e dei suoi occupanti. Il passaggio di destra, tra i sedili e il muro, conduceva a gabinetti assai alti e profondi. Nel corridoio di accesso, due tizi sulla trentina, entrambi un po’ enfaticamente maschi, si fronteggiavano e si palpavano la patta, i pettorali, i bicipiti. Più in là, altri aspettavano senza guardarsi, addossati alla parete umida e ammuffita. Il gabinetto delle donne, la cui porta era aperta, era vuoto. In quello degli uomini, due quarantenni calvi, con una cicca tra il pollice e l’indice, erano appostati con aria meditabonda davanti alla porta chiusa del cesso occupato.» Cet extrait me rappelle un  passage que j’aime beaucoup du journal de Gérard Pesson, Cran d’arrêt du beau temps : «Les salles de cinéma ici [à Tunis], comme en Italie du sud, abritent les flirts avancés parce qu’il n’y a pas, au sec, et avec une obscurité garantie, tant d’endroits tranquilles. Une scène de neige dans le film projeté aujourd’hui (Le Destin, de Youssef Chahine) a eu à cet égard des effets désastreux.» 

On a donc longtemps attendu cette édition italienne, mais, même partielle, elle procure au lecteur un grand plaisir, celui de retrouver dans une très belle langue ce qui fait l’essentiel de ces tricks : la drôlerie, l’entrain, l’insouciance, la gaieté de la jeunesse et l’innocence du plaisir ; mais, pour le lecteur d’aujourd’hui, la promenade est aussi teintée de nostalgie et de mélancolie, aux abords de la "clairière des garçons" du parc La Fayette de San Francisco, ou face à ce garçon à la chemise à carreaux qui fixe la mer, un soir de l'été 1978, à Land’s End : «Quando sono arrivato alla fine della mia scalata, mi sono voltato e l'ho visto in basso, da solo, sulla spiaggetta grigia. Guardava il mare. [Mai rivisto








J'ajoute ici la traduction de quelques extraits d'un entretien avec le maître d’œuvre de cette édition italienne de Tricks, Walter Siti, paru dans le magazine Rolling Stone, sous le titre assez étrange "Tricks, ou l'hypnose de la baise" :

Pourquoi lire Tricks aujourd’hui ? 

Parce qu'il illustre parfaitement le moment où l’activité sexuelle est devenue un véritable objet de consommation. Le livre évoque des rencontres qui ont eu lieu dans une période de six mois, en 1978, époque antérieure au sida, quand le commerce sexuel était très libre. Le souvenir des événements de 68 était encore très présent : pour les homosexuels, mais pour tout le monde en réalité, c’était une époque de libération sexuelle. Le principe des tricks est le suivant : la satisfaction de la rencontre unique perd de la valeur au profit de l’accumulation des expériences. La rencontre d’un très grand nombre de personnes devient une sorte d’absolu parce que cela correspond à une rencontre avec l’inconnu. Il n’est pas important de faire l’amour avec un tel ou un tel ; ce qui importe, c’est de le faire avec l’Inconnu. C’est pour cela que le premier rapport est beaucoup plus important qu’une éventuelle deuxième ou troisième rencontre. Ce n’est pas un hasard si, après avoir raconté dans le détail le premier rapport sexuel, Camus liquide en quelques lignes les suivants, en les mettant entre parenthèses.

Quelles étaient les références littéraires de Camus ? 

Certainement le Barthes de Sade, Fourier, Loyola. Et également une conception de la phénoménologie du réel dont Perec était la référence essentielle en France, pendant ces années-là. Le récit de la profondeur des choses perdait de l’intérêt, parce que cette profondeur est impossible à atteindre, et donc à raconter. On se concentrait sur la superficie : par exemple en restant assis sur une place et en notant tout ce qui s’y passe au cours d’une journée (cf. Georges Perec, Tentative d'épuisement d'un lieu parisien). Camus utilise le même procédé : il ne s’intéresse pas à la profondeur du sentiment amoureux, il raconte la répétition infinie. Il se limite à enregistrer ce qui advient. Et cela ne manque pas d’intérêt d’un point de vue littéraire puisque, le rituel étant toujours plus ou moins le même, ce sont les variations qui sont mises en évidence, c'est-à-dire les caractères individuels des personnes rencontrées.

Quelle a été l’aventure éditoriale du livre en Italie ? 

En fait, elle a été inexistante. Beaucoup d’éditeurs s’y sont intéressés. Angelo Morino (traducteur de nombreux écrivains sud-américains, et lui-même auteur) l’avait proposé à Einaudi qui a abandonné le projet, jugeant le livre trop long. Mais je crois bien que, derrière ce choix éditorial, il y avait une forme de censure. Aujourd’hui encore, il y a une résistance face à ce texte, même de la part du monde homosexuel. Tricks raconte des rencontres homosexuelles occasionnelles qui aujourd’hui semblent trop légères, comme s’il s’agissait d’une parodie de l’homosexualité. Cela pourrait selon certains nuire à une sexualité plus réfléchie, capable de prendre en compte l’aspect sentimental, d’affirmer une stabilité dans le rapport amoureux. Ce livre nous replonge au contraire au cœur d'une époque basée sur une promiscuité de pure consommation, déréglée, et, si l’on veut, très divertissante.



On peut lire ici l'entretien intégral (en italien). 

On peut entendre ici un entretien avec Walter Siti à propos de Tricks (en italien).

À lire aussi : Trick or Treat ? et une très bonne recension de Francesco Gnerre.

Ajout de juillet 2015 : un article fort intéressant de Giovanni Barracco




Images : Week-end, film d'Andrew Haigh

samedi 24 mars 2012

"Tricks" en Italie, suite




Je poursuis ici ma petite revue de presse autour de la sortie de l’édition italienne de Tricks (Editions Textus, collection I Romanzi della realtà, dirigée par Walter Siti), avec la traduction d’un article de Andrea Di Consoli, paru dans le quotidien Il Riformista, le 22 mars 2012, sous le titre assez bizarre Gli omosessuali di Renaud Camus stanno bene (Les homosexuels de Renaud Camus vont bien) La lecture de cet article, et de ceux que j’ai déjà repris ici dans mes précédents messages, me semble particulièrement éclairante sur la façon dont la société italienne considère aujourd’hui encore la question de l’homosexualité. On a par exemple vu il y a trois ans en Italie un jeune chanteur, Povia, présenter au festival de la chanson de San Remo (un événement qui réunit chaque année un bon quart de la population italienne devant les écrans de télévision), une chanson intitulée Luca era gay (Luca était gay, on peut voir le clip à la fin de mon message), dans laquelle il raconte l’histoire d’un garçon homosexuel qui un beau jour tombe amoureux d’une jeune fille, trouvant ainsi le bonheur et, sinon la guérison, au moins la rédemption et la sérénité dans le retour à la "normalité"... Dans le même état d’esprit, il n’est pas rare de voir à la télévision italienne, dans les talk shows du dimanche après-midi, un aréopage de prêtres, médecins et psychologues débattre du "douloureux problème" de l’homosexualité, comme Ménie Grégoire le faisait en France au début des années soixante-dix. Dans cette société-là, donc, la manière naturelle, tranquille et innocente dont Renaud Camus aborde le sexe, et en l’occurrence l’homosexe, ne va nullement de soi, ce qui redonne au texte aujourd’hui traduit la force subversive qu’il avait au moment de sa sortie française. Parce qu’il refuse les clichés (si présents en Italie dès qu’il est question de l’homosexualité), et qu’il ne s’inscrit pas dans une problématique de la transgression ou de la provocation, Tricks est aujourd’hui encore un livre unique et novateur. C’est ce qu’a bien compris, me semble-t-il, l’auteur de cet article lorsqu’il insiste sur la nécessaire liberté de dire les choses comme elles sont, sans hypocrisie ni provocation ; cela semblera peut-être aller de soi pour un lecteur français, mais ces questions sont encore en Italie d’une brûlante actualité. Voici l'article :

Mis à part quelques exemples extrêmes et provocateurs (on pense ici à certaines œuvres de Dario Bellezza, Riccardo Reim et Antonio Veneziani, et pour cet auteur, on citera principalement ce grand succès de librairie que fut l’enquête sur les Mignotti ou La gaia vecchiaia, enquête sur la façon dont les homosexuels italiens vivent leur vieillesse), ou à de rares cas où l’intensité des sentiments rejoint la qualité du style (on peut par exemple citer ici Ernesto, d’Umberto Saba, Chambres séparées, de Pier Vittorio Tondelli, Petrole, de Pier Paolo Pasolini La magnifica merce, [La magnifique marchandise, l'ouvrage n'a pas été traduit en français] de Walter Siti) ou le déjà classique Elements de critique homosexuelle, de Mario Mieli ; mis à part ces quelques exemples, donc, la présence de l’homosexualité dans la littérature italienne a toujours été plutôt dissimulée et passée sous silence, et a rarement donné lieu à un discours moral collectif, franc et nécessaire (qui doit être avant tout un discours sur le franc-parler des homosexuels, leur jargon en quelque sorte, parfois joyeux, parfois désespéré, parfois grossier et provocateur). 

La parution fort bienvenue en Italie, après des années d’attente vaine, de Tricks, de l’écrivain français Renaud Camus, nous donne l’occasion de réfléchir à nouveau, sans faux-semblants, sur le langage de l’homosexualité. Il s’agit bien sûr ici d’une façon explicite – qui n’est l’apanage que de "certains" homosexuels, auxquels la société a toujours préféré les homosexuels discrets et retirés, politiquement corrects et bien élevés – de raconter un monde reclus, considéré comme "différent", "malsain" (il suffit sur ce point de penser à la récente déclaration de Romano La Russa, affirmant que l’homosexualité était une maladie à soigner), "immoral", considérations négatives qui ont exacerbé en retour certaines revendications, certains "réalismes" délibérément provocateurs, c'est-à-dire en fait libérateurs. Renaud Camus, dans son introduction à la première édition de Tricks, parue en France en 1978, prenait soin de prévenir le lecteur en écrivant : «Ceci n’est pas un livre pornographique (...) Ceci n’est pas un livre érotique (...) Ceci n’est pas un livre scientifique (...) Ceci n’est pas un tableau de la vie des homosexuels.» Et il revendiquait la liberté d’écrire "tranquillement" et "innocemment" ses tricks, ce chassé-croisé incessant de corps qui ne se rencontrent qu’une seule fois dans leur vie, «mieux qu’une drague, moins qu’un amour» (il n’y a rien de plus révolutionnaire, quand on est discriminé, que d’aspirer à la reconnaissance de la tranquillité et de l’innocence de ses comportements ; et si l’on y réfléchit, c’est ce même discours que l’on retrouve à la base de la série des chroniques "sereines" d’Armistead Maupin). 

À sa sortie, on reprocha au livre de Camus d’être répétitif, dans la technique narrative des rencontres, dans les manières d’approche (et de drague), dans les façons de raconter (à la manière d’un procès-verbal) le rapport sexuel, c'est-à-dire la mécanique du coït. Et il y a bien en effet dans ce livre quelque chose de mécanique, de névrotique, d’obsessionnel et de compulsif. Ce n’est d’ailleurs que sous cet aspect que l’on peut penser à certaines œuvres de Sade, un auteur à qui Renaud Camus a été parfois associé (à tort selon moi, parce que rien chez Sade n’est innocent). Le livre de Camus est également – même si l’auteur s’est toujours efforcé de nier cette dimension sociologique de son œuvre – un tableau indispensable de la communauté gay (pas seulement française) des années soixante-dix du siècle dernier, décennie heureuse de la liberté homosexuelle (à peine quelques années plus tard, le fléau du sida aurait refermé et terrorisé, y compris sur le plan moral, une communauté qui était en train de s’ouvrir enfin sans réticences à la société). 

Barthes écrivait dans sa préface : «Ce que je préfère, dans Tricks, ce sont les "préparatifs", la déambulation, l’alerte, les manèges, l’approche, la conversation, le départ vers la chambre, l’ordre (ou le désordre) ménager du lieu.» Barthes a raison. Camus a une façon extraordinaire de décrire, avec la précision d’un diariste, les corps, les pensées, les caractères, les conversations avec les hommes qu’il rencontre au Manhattan, légendaire boîte gay de Paris. On a l’impression, à chaque fois, que chaque type de conversation et d’approche trouve une correspondance précise dans le rapport sexuel qui va suivre, raconté à travers ses innombrables variations et nuances (et il est évident que Camus renoue ici avec le genre érotique du "catalogue"). Tricks est un livre qui nous fait une nouvelle fois comprendre que la liberté des homosexuels passe essentiellement par une libération du langage, et que tant que l’on n’acceptera pas cette liberté de dire les choses comme elles sont (et pour parler clairement : tant que l’on n’acceptera pas d’utiliser ou d’entendre utiliser avec "innocence" des mots comme "bite" et "cul"), la question de l’homosexualité ne sera que partiellement résolue. A moins que, bien sûr, certains ne présentent des arguments convaincants pour fixer de nouvelles limites à la pudeur et à la retenue linguistique.

(Traduction personnelle)





Paul Cadmus Byciclists, 1933




mercredi 14 mars 2012

Trente ans plus tard




"Erano quasi le due del mattino, il Manhattan stava per chiudere..."






Toujours à propos de la sortie de la traduction italienne de Tricks (aux éditions Textus), je reprends ici un article de Christian Poccia, paru le samedi 10 mars 2012 dans le journal Cinque giorni ; il s'agit d'un journal gratuit, très bien fait et très lu, qui a deux éditions, l'une romaine et l'autre milanaise. On peut également lire en ligne les articles du journal sur le site Cinque giorni.it. L'article mêle des extraits d'un entretien avec Renaud Camus (ce sont les passages entre guillemets) et les impressions de lecture du journaliste. Les deux éléments sont toutefois si imbriqués qu'il est parfois difficiles de les distinguer ; dans ma traduction, j'ai donc séparé le texte en paragraphes et rajouté quelques précisions entre crochets et en italiques pour faciliter la lecture de l'article, par ailleurs fort intéressant :


L'éducation sentimentale (et sexuelle) de Renaud Camus

Les rencontres avec des inconnus, les désirs et les plaisirs d'une nuit. Tricks, le journal d'une époque de «liberté absolue», écrit en 1978, paraît en traduction italienne. Son auteur (et protagoniste) raconte la frontière ténue entre la drague et l'amour qui lui fait dire aujourd'hui : «J'ai habité la terre.».

Les bouches entourées de moustaches fournies. Les cuisses dures et les torses musclés. Les sentiers de poils sur des corps imparfaits décrits comme les cartes d’un voyage. Les garçons qui se pressent au Manhattan, un bar du boulevard Saint Germain, à Paris. Paris la nuit, Milan la nuit. Les sexes, de toutes les tailles ; les avant-bras puissants. Une multitude de chambres. Et surtout l'une d'entre elles, sous les toits, perchée au septième étage. Les amitiés. Les approches. Les fesses. Paris quand le jour se lève. La plage de San Francisco en plein jour. Tricks parle de tout cela – de tout cela aussi. Il ne s’agit pas d’un roman, mais plutôt d’un journal dans lequel l’écrivain français Renaud Camus raconte six mois de rencontres sexuelles. «Trick, note Roland Barthes dans sa préface, est la rencontre qui n’a lieu qu’une fois, mieux qu’une drague, moins qu’un amour.» 

La première édition du livre date de 1978 [en fait, 1979, aux éditions Mazarine], et «depuis ce temps-là, tout a changé, nous dit, depuis la France, Renaud Camus ; l’arrivée du sida a bouleversé ce type de relations. Et je regrette la liberté totale qui a disparu, cette sexualisation totale du temps, et peut-être plus encore de l’espace, le fait qu'il n'y avait pas de solution de continuité entre le désir, l’amour et le plaisir d’une part, et, de l’autre, la rue, les jardins et les villes. On arrivait dans une ville étrangère dont on ne connaissait même pas la langue, et on pouvait se retrouver tranquillement au petit matin entre les bras d’un inconnu, dans une chambre qui nous paraissait étrangement familière. Dans ces années-là, les rencontres étaient caractérisées par une intense immédiateté, en liaison étroite avec la géographie et l’espace sensible ; elles n’avaient que peu de rapport avec la fiction, et on avait l’impression que, pour un moment, les rêves se confondaient avec la réalité. Nos rapports sexuels – les milliers d’heures sacrifiées pour assouvir des plaisirs qui ressemblent à des amours fugaces, des amours sur le seuil, à peine commencés, comme suspendus à un souffle – pouvaient être précipités, parfois même comiques ; ils n’en étaient pas moins sentimentaux, affectueux, bienveillants. [Le passage placé dans les tirets n’est pas entre guillemets dans le texte original] Nous étions pleins de reconnaissance pour ceux qui nous faisaient le don merveilleux du plaisir. C’est aussi à ces aventures que je dois mon meilleur ami, le peintre et sculpteur Jean-Paul Marcheschi. Mais les ombres des jardins, les figures plus passagères, tous ceux que je n’ai jamais revus ont laissé aussi leur empreinte : ils ont vécu dans la ville, ils sont entrés dans ces chambres, ils ont habité la terre.»
 



Parcourir les pages de Tricks, c’est comme visiter une multitude de lieux, de maisons, de bars, de recoins, toujours intimes, même quand il y a beaucoup de monde ; c’est regarder des visages la plupart du temps inoubliables, rarement beaux, c’est sentir des corps, les toucher, s’aventurer dans des désirs éternellement semblables, et qui pourtant font chaque nuit à nouveau battre le cœur comme si c’était la première fois, désirs renouvelés et insatiables ; cela signifie éprouver une fringale d’hommes. «À cette époque-là, les tee-shirts américains proclamaient : So many men, so little time (Tant d’hommes, et si peu de temps). Voilà : les garçons étaient comme des livres, des récits, des histoires ; nous étions aussi boulimiques que le lecteur de romans et de poèmes.» Et on n’avait pas le temps de tomber amoureux, en tout cas si tomber amoureux signifiait se lier à une seule personne pour toute la vie. «On se rendait compte d’avoir aimé quelqu’un alors qu’on était déjà loin de lui dans l’espace et dans le temps, dans l’escalier qu’on descendait au petit matin ou trente ans plus tard, en retrouvant une vieille photographie dans un tiroir», nous dit Renaud Camus, et il n’y a peut-être aucun regret dans ses paroles, cela ressemble plus à une nostalgie, celle d’une époque révolue, de tant d’amants perdus.




«J’ai l’impression qu’aujourd’hui les rapports sont plus secs, méfiants, plus détachés de la vie sociale, des amitiés, des voyages, des façons d’habiter l’espace. Il me semble qu’il y a moins d’érotisme, que les pactes sexuels se concluent davantage sur Internet que dans les rues. Mais j’ai soixante-cinq ans, et peut-être est-ce surtout moi qui ai changé. Peut-être que les maisons, les chambres, les jardins et les villes sont aujourd’hui encore accueillants pour les diables amoureux de vingt ou trente ans.» Et ceux-là sauront eux aussi, comme Renaud, se rappeler un jour d’avoir aimé, ne serait-ce que quelques heures, un mercredi qui n’eut pas de nuit ; et même sans connaître – après tout, quelle importance ? – le nom de celui qu’ils ont aimé.

Christian Poccia (Traduction personnelle)








Renaud Camus a bien voulu me faire parvenir le texte du passionnant entretien qu'il a eu avec Christian Poccia (et dont malheureusement il ne reste que quelques bribes dans l'article) ; je le reproduis ci-dessous dans son intégralité :

1. À travers la période de six mois que vous racontez dans Tricks vous faites le portrait d'une société homosexuelle, parisienne, libre, hédoniste et pleine d'énergie. Qu'est-ce qui a changé depuis cette époque ? Quel souvenir en gardez-vous ? 

Oh, tout a changé. Le sida est passé par là et il a totalement transformé ce type de relations. Ce dont je regrette la disparition, c’est bien sûr la liberté absolue, la sexualisation totale du temps et plus encore, peut-être, de l'espace, le fait qu’il n’existait pas de solution de continuité entre le désir, l’amour, le plaisir, d'une part, et la rue, les jardins, la ville, les villes inconnues d’autre part. On était comme le diable Asmodée qui entrait dans les maisons par les toits ; et arrivant un soir dans une capitale ou une ville étrangère dont on ne connaissait même pas la langue on pouvait très bien se retrouver au matin tranquillement installé entre des bras inconnus parmi des draps défaits au milieu d’une chambre étrangement familière, ouvrant sur une place ou sur des quartiers de banlieue où l’on avait l’impression de vivre depuis toujours, de pouvoir vivre, d’avoir pu vivre. Mais bien sûr c’est un homme de soixante-cinq ans qui répond à vos questions aujourd’hui. Peut-être est-ce surtout moi, qui ai changé. Peut-être les maisons, les chambres, les jardins et les villes sont-ils tout aussi accueillants aujourd'hui à des diables amoureux de vingt ou trente ans. Il me semble tout de même que l’espace est beaucoup moins généralement érotisé qu’il ne l’était, que les pactes sexuels se passent ailleurs, dans des lieux spécialisés ou bien par Internet, moins dans la rue, moins au clair de lune.

2. Qu'aimez-vous et qu'est-ce qui vous déplait dans les années deux mille ?

Dans mes années deux mille particulières j'aime la stabilité amoureuse, la tranquillité sentimentale, le long bonheur affectueux. Tant qu’à faire, je pense qu’il vaut mieux organiser sa vie dans ce sens que dans l’autre (conjugalité fidèle dans la jeunesse, débordements sexuels à l’âge mûr et après). Dans les années deux mille en général, je n’aime pas la brutalité des rapports sociaux, la décivilisation, l’effondrement de la parole. Nos rapports sexuels avaient beau être multiples, précipités, vaudevillesques, presque farcesques, ils n’en étaient pas moins sentimentaux, affectueux, emplis de bienveillance comme le souligne Barthes quand il évoque la déesse Eunoïa, dans sa préface. Nous étions pleins d’une reconnaissance éperdue pour qui nous faisait ce don merveilleux, le plaisir. J’ai l'impression — mais encore une fois ce n’est peut-être que l’effet d’un inévitable changement de point de vue — que les rapports sexuels sont plus secs, plus méfiants, plus détachés de la vie sociale, des amitiés, des voyages, des façons d’habiter l’espace.

3. Pensez-vous qu'il soit possible de retrouver la liberté sexuelle des années soixante-dix ?

Peut-être, si on se libérait tout à fait de la maladie. Mais il faudrait aussi retrouver la douceur, la gentillesse, l'humour, la bonne camaraderie whitmanienne...

 4. Que reste-t-il des rapports sexuels que vous décrivez dans votre roman ?

Mon livre n’est pas un roman, je ne sais pas pourquoi tout le monde l’appelle comme ça. Il n’y entre aucun élément de fiction, sauf dans les noms. Mais ces rapports sexuels occasionnels laissent beaucoup. D’abord je leur dois mon meilleur ami, le peintre et écrivain Jean-Paul Marcheschi, Jean-Paul le Corse (je ne sais pas s’il apparaît dans la traduction italienne, qui est partielle, et que je n’ai pas encore vue). Mais même les ombres des jardins, même les figures les plus passagères, même les “jamais revus”, laissent un sentiment d’avoir été là, d’avoir habité les villes, d’avoir pénétré dans les chambres, d’avoir résidé sur la terre. Il y a une merveilleuse poésie des désirs accomplis, chantée par Gide dans Les Nourritures terrestres, illustrée par Cavafy ou Sandro Penna, admirablement exprimée dans le splendide Pao Pao de Tondelli, un de mes livres préférés. Le foutre une fois versé, et peut-être surtout pour rien, en l’air, sur les feuilles des jardins publics, dans le square Jean-XXIII derrière Notre-Dame à Paris, ou sur les bords d’une fontaine, dans le brouillard, à Volterra, nous rend l'espace vibrant à jamais.

 5. L’esthétique masculine que vous représentez, empreinte de virilité, semble ne plus être actuelle. Pourquoi, selon vous ? 

Oh je ne suis pas sûr qu’elle soit moins présente que jadis. Moi je la vois très présente, sur la Toile, par exemple. Elle a toujours été minoritaire au sein de l’homosexualité. Le courant whitmanien de l'homosexualité a toujours été moins visible que le courant... comment dire, pédérastique grec, théocritien, élisabétain, stefan-georgien ; peut-être parce que, par définition, il est moins flamboyant, moins pittoresque, moins démonstratif. Il représente pourtant, si vous me permettez de le dire en riant, la seule homosexualité proprement dite, la seule qui ne singe pas l'hétérosexualité en reconstituant des rôles, la seule ortho-homosexualité...

6. Comment décririez-vous la beauté masculine ? 

Quelque chose de très simple, d’élémentaire, d’un peu massif, de plus roman que gothique, de plus primitif que maniériste ou baroque, d’inaffecté, de droit, de gentil, de souriant, de très «français de Saint-André-des-Champs», comme dit Proust — mais rassurez-vous, le Français de Saint-André-des-Champs peut parfaitement être italien et venir tout droit du Basilicate ou du Frioul, de Casalpusterlengo ou de Valguarnera Caropepe.

7. Qu'est-ce qui caractérise le sexe entre hommes, qu'a-t-il de plus ou de moins si on le compare au sexe entre un homme et une femme ?  

Oh, alors là, je ne permettrai pas d’en présumer, au moins quant au fond... Pour ce qui est de la pure logistique, en revanche, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, au moins, il présentait certainement l’avantage d’une disponibilité plus grande, d’une plus abrupte immédiateté, d’un lien plus étroit avec la géographie, la topographie, l’espace sensible. 

8. Faut-il croire à l'amour, et si oui, jusqu'à quel point ?

Dans l’amour tel que le décrit un livre comme Tricks il entre assez peu de fiction, sinon celle du fantasme sexuel, qui fait prendre un moment la réalité pour ses rêves. Le mensonge n’y a aucune part, donc la crédulité n’y est pas mise à l’épreuve.

9. Peut-on tomber amoureux pour une seule nuit, puis s'en aller et continuer tout seul sa route ?

En général c’est plus la vie, la fantaisie du voyageur, ses contraintes et celles du destin qui imposent de tels choix, pareils départs — plus que la décision délibérée. Comme le proclamaient les T-shirts américains de cette époque là : so many men, so little time. Les garçons se présentent comme autant de livres, de récits, d’histoires, de beaux noms : c’est la même boulimie que celle du lecteur de romans, d’ouvrages d’éruditions ou de poésie. Mais l'on peut tout à fait se rendre compte qu'on était amoureux alors qu'on est déjà loin, dans l’espace et dans le temps : dans l’escalier qu’on dévale au matin ou bien trente ans plus tard, en retrouvant une vieille photographie dans un tiroir.
 
10. Vous avez vécu à Rome et vous connaissez bien Milan. Quels souvenirs gardez-vous de ces deux villes ? 

Rome est plus poétique et Milan plus sexuelle. Mais comme la poésie peut-être très sexuelle, et la sexualité très poétique... J’ai des souvenirs délicieux des pentes du Capitole sous la lune, entre les marbres, entre les pins, et de toilettes souterraines de cinémas milanais, oh, comment s’appelaient-ils, L’Argentina, non, dans une merveilleuse lumière glauque à la Hopper, avec gros plan sur des cuisses, des hanches, des ventres, un sourire, des dents sous une moustache noire. Et cette boîte des confins de la ville, comment dit Tabucchi, déjà, dans Tristano muore : Rosamunda, Rosamunda, che magnifica serata / sembra proprio preparata da una fata delicata ?



 Source de l'article
 


Images : dessin de Tom of Finland, Duel Portrait

tout en bas, Site Flickr

jeudi 8 mars 2012

La dea Eunoia (La déesse Eunoïa)




J’étais pourtant sûr, dit-il, et même de l’avoir lu ! La déesse Eunoïa, c’est ça ? Il faudrait véri



"Volti d'amore, come li voleva il mio canto... 
Incontrati nelle notti di giovinezza, nelle mie notti,
ascosamente..." 

Costantino Kavafis







Je reproduis ici la version italienne de la très belle préface de Roland Barthes à Tricks, de Renaud Camus, telle qu'on peut la lire dans la récente édition italienne de l'ouvrage (Textus, 2012) :

– Perché ha accettato di scrivere una prefazione a questo libro di Renaud Camus ? 
– Perché Renaud Camus è uno scrittore, perché il suo testo rientra nel campo della letteratura, e dato che non può dirlo lui stesso, ci vuole pure qualcuno che lo dica al posto suo. 
– Se il suo testo è letterario, ciò dovrebbe vedersi da solo. 
– Infatti si vede, si sente dal primo costrutto, dal modo immediato di dire "io", di portare avanti il racconto. Ma siccome questo libro sembra parlare, e crudamente, di sesso, di omosessualità, certuni forse dimenticheranno la letteratura. 
– Si ha l' impressione che, per lei, affermare la natura letteraria di un testo sia un modo di riabilitarlo, di sublimarlo, di purificarlo, di conferirgli una sorta di dignità che, a darle retta, il sesso non ha ?
– Nient' affatto : la letteratura esiste per dare un supplemento di piacere, non di decenza. 
– Ebbene, cominci pure, ma sia breve. 

L'omosessualità scandalizza di meno, ma continua a incuriosire ; è ancora a quello stadio di eccitazione in cui provoca ciò che si potrebbe chiamare le prodezze del discorso. Parlare di essa consente a «chi non ci è» (espressione già pizzicata da Proust) di mostrarsi aperto, liberale, moderno ; e a «chi ci è» di testimoniare, rivendicare, militare. Con scopi diversi, ognuno si adopera a metterla in luce. 

Eppure proclamarsi qualcosa è sempre parlare dietro sollecitazione di un Altro vendicatore, entrare nel suo discorso, discutere con lui, chiedergli un frammento d' identità: «Lei è... - Sì, io sono...». In fondo, l'attributo non è importante ; quello che la società non tollererebbe è che io sia... niente, oppure, per essere più precisi, che il qualcosa che io sono sia apertamente presentato come passeggero, revocabile, insignificante, inessenziale, in una parola : impertinente. Basta dire «Io sono» e si è socialmente salvo. 

È possibile rifiutare l' ingiunzione sociale per mezzo di quella forma di silenzio che consiste nel dire le cose semplicemente. Dire semplicemente è di competenza di un' arte superiore : la scrittura. Si prendano le produzioni spontanee, le testimonianze parlate, poi trascritte, di cui la stampa e l' editoria fanno sempre più uso. Qualunque sia il loro interesse «umano», non so cosa suona falso (almeno al mio orecchio) : forse, paradossalmente, un eccesso di stile (fare «spontaneo», fare «vivo», fare «parlato»). Si verifica insomma uno scambio : lo scritto veridico appare un prodotto della fantasia ; affinché sembri vero, deve diventare testo, passare attraverso gli artifici culturali della scrittura. La testimonianza si arrabbia, prende a testimone la natura, gli uomini, la giustizia ; il testo va lentamente, silenziosamente, ostinatamente – e arriva più in fretta. La realtà è finzione, la scrittura è verità : questa è l' astuzia del linguaggio. 

I Tricks di Renaud Camus sono semplici. Vale a dire che esprimono l'omosessualità, ma non parlano mai di essa : non la invocano in nessun momento (la semplicità sarebbe questa : non invocare mai, non lasciar venire al linguaggio i Nomi, fonte di dispute, di arroganze e di morali). 

La nostra epoca interpreta molto, ma i racconti di Renaud Camus sono neutri, non entrano nel gioco dell' Interpretazione. Sono come dipinti con un colore uniforme, senza ombre e senza secondi fini. E ancora una volta solo la scrittura consente una tale purezza, un tale mattino dell' enunciazione ignoto alla parola, che è sempre un groviglio contorto d' intenzioni nascoste. Se non fosse per le dimensioni e per l' argomento, questi Tricks dovrebbero far pensare agli haiku : perché l'haiku unisce un ascetismo della forma (che taglia di netto la voglia d'interpretare) a un edonismo così tranquillo, che fa dire a proposito del piacere soltanto che è qui (il che è anche il contrario dell' Interpretazione). 

Le pratiche sessuali sono banali, povere, destinate a ripetersi, e tale povertà è sproporzionata rispetto alla meraviglia del piacere che procurano. Ora, siccome questa meraviglia non può essere detta (poiché appartiene all'ambito del godimento), al linguaggio non rimane altro che raffigurare, o meglio ancora, cifrare, con minore spesa, una serie di operazioni che comunque gli sfuggono. Le scene erotiche devono essere descritte con economia. Qui l'economia è quella della frase. Il bravo scrittore è colui che usa la sintassi in modo da concatenare parecchie azioni nello spazio più corto di linguaggio (c'è, in Sade, tutta un' arte delle subordinate) ; in un certo senso, la frase ha la funzione di sgrassare l'operazione carnale privandola delle sue lungaggini e dei suoi sforzi, dei suoi rumori e dei suoi pensieri accessori. A tal proposito, le scene finali dei Tricks sono interamente sotto l' influenza della scrittura. 

Ma ciò che preferisco, in Tricks, sono i «preparativi» : l'andirivieni, l'allerta, le manovre, l'abbordaggio, la conversazione, la partenza verso la camera, l'ordine (o il disordine) domestico del luogo. Il realismo si sposta: non è la scena amorosa a essere realista (o almeno il suo realismo non è pertinente), è la scena sociale. Due ragazzi, che non si conoscono ma che sanno di essere in procinto di diventare partner di un gioco, arrischiano tra loro il poco linguaggio a cui li costringe il tragitto che devono fare insieme per raggiungere il campo da gioco. Il trick lascia allora la pornografia (prima di approdarvi) e arriva al romanzo. La suspense (perché credo che questi Tricks si leggano con alacrità) verte non sulle pratiche, scontate (è il minimo che si possa dire), ma sui personaggi : chi sono ? Come sono diversi gli uni dagli altri ? Ciò che mi seduce, in Tricks, è proprio questo incrociarsi : le scene sono certamente ben lungi dall' essere pudiche, ma i discorsi lo sono : dicono di nascosto che il vero oggetto del pudore non è la Cosa («La Cosa, sempre la Cosa», diceva Charcot citato da Freud), ma la persona. E a sembrarmi riuscito in Tricks è il passaggio dal sesso al discorso. 

Si tratta di una forma di sottigliezza completamente sconosciuta al prodotto pornografico, che sfrutta i desideri, non i fantasmi sessuali. Perché ciò che suscita il fantasma non è solo il sesso, è il sesso più «l'anima». È impossibile spiegare i colpi di fulmine, piccoli o grandi, semplici attrazioni o rapimenti alla Werther, senza ammettere che nell' altro viene ricercato qualcosa che si chiamerà, in mancanza di meglio e a costo di una grande ambiguità, la persona. Alla persona è connessa una specie di quid che agisce alla maniera di una testata teleguidata e fa in modo che tale immagine, fra migliaia di altre, venga a trovarmi e mi catturi. I corpi possono disporsi in un numero finito di tipi («È proprio il mio tipo»), ma la persona è assolutamente individuale. I Tricks di Renaud Camus hanno sempre come inizio l'incontro con il tipo ricercato (perfettamente codificato : potrebbe figurare in un catalogo o in una pagina di annunci economici) ; ma non appena il linguaggio compare, il tipo si trasforma in persona e il rapporto diventa inimitabile, qualunque sia la banalità delle prime parole scambiate. Senza ricorrere alla psicologia, la persona rivela se stessa a poco a poco, leggermente, nell' abbigliamento, nel discorso, nell' accento, nell' arredamento della camera, in quello che si potrebbe chiamare la «vita domestica» dell' individuo, in quello che oltrepassa la sua anatomia e di cui ha però la gestione. Tutto questo viene piano piano ad arricchire o a rallentare il desiderio. Il trick è dunque affine al movimento amoroso : è un amore virtuale, bloccato volontariamente da una parte e dall' altra, per contratto, sottomissione al codice culturale che assimila l'abbordaggio di un partner al dongiovannismo. 

I Tricks si ripetono : l'argomento fa surplace. La ripetizione è una forma ambigua ; talvolta denota l'insuccesso, l'impotenza, talaltra può leggersi come un' aspirazione, il movimento ostinato di una ricerca che non si scoraggia : si potrebbe benissimo interpretare il racconto di adescamento come la metafora di un' esperienza mistica (e forse questo è stato già fatto, perché in letteratura esiste tutto: il problema è sapere dove). Né l' una né l' altra di queste interpretazioni si adattano apparentemente a Tricks : né alienazione, né sublimazione ; ma qualcosa come la conquista metodica di una felicità (ben designata, ben circoscritta: discontinua). La carne non è triste (ma ci vuole molta arte per farlo capire). 

I Tricks di Renaud Camus hanno un tono inimitabile. Ciò deriva dal fatto che la scrittura qui porta avanti un' etica del dialogo. Una tale etica è quella della Benevolenza, che è sicuramente la virtù più contraria alla caccia amorosa e dunque la più rara. Mentre di solito ci sono delle specie di Arpie che soprintendono al contratto erotico, lasciando ognuno in una solitudine gelida, qui è la dea Eunoia, l' Eumenide, la Benevola, ad accompagnare i due partner : certo, letterariamente parlando, sembra assai piacevole essere «trické» da Renaud Camus, anche se i suoi compagni non sono sempre coscienti di un simile privilegio (ma noialtri, lettori, siamo il terzo orecchio di questi dialoghi : grazie a noi, quel po' di Benevolenza non è stata offerto invano). Questa dea ha del resto il suo corteo : la Cortesia, il Garbo, l'Umorismo, lo Slancio generoso, come quello che coglie il narratore (durante un trick americano) e lo fa delirare gentilmente sull' autore di questa prefazione. Trick è l' incontro che accade una sola volta : più di un adescamento, meno di un amore : un' intensità, che passa, senza rimpianto. E dunque, per me, Trick diventa la metafora di molte avventure, e che non sono sessuali : incontro di uno sguardo, di un' idea, di un' immagine, sodalizio effimero e forte, che accetta di sciogliersi leggermente, bontà infedele : un modo di non impeciarsi nel desiderio, senza tuttavia schivarlo : una saggezza, insomma. 

(Traduzione :  Maurizio Ferrara) © Textus Edizioni












J'ajoute ici ma traduction d'une critique de Giorgio Fontana, parue dans le quotidien milanais Il Sole 24 ore, le six mars 2012 :


Le sexe recherché, le sexe consommé, le sexe comme découverte et même comme géographie du Paris gay. Voici Tricks, le journal de six mois de rencontres fortuites, au cours de l’année 1978. L’auteur est le prolifique Renaud Camus ; l’ouvrage est publié pour la première fois en Italie aux éditions Textus, dans une traduction partielle.

«Notre époque interprète beaucoup, écrit Roland Barthes dans sa préface, mais les récits de Renaud Camus sont neutres, ils n’entrent pas dans le jeu de l’Interprétation. Ce sont des sortes d’à-plats, sans ombre et comme sans arrière-pensées.» C’est vrai : s’il y a une constante stylistique dans ce livre, une lumière qui l’éclaire, c’est celle de la neutralité absolue. La prose de Camus est plus proche de la photographie que de la narration, de la représentation que du discours. Le réalisme désenchanté, l’objectivité minimale de la langue sont bien plus ici que des moyens techniques : ils sont les révélateurs d’une poétique globale.

«Ce livre essaie de dire le sexe, nous explique l'auteur, en l’occurrence l’homosexe, comme si ce combat-là était déjà gagné, et résolus les problèmes que pose un tel projet : tranquillement. Ou, pour parler comme Duvert : innocemment.» Il ne faut pas minimiser la portée de cet adverbe. L’innocence de Renaud Camus est absence de pudeur, totale ouverture, répétition dénuée d’angoisses. En effet, on a l’impression que Tricks décrit toujours la même rencontre. Le livre manifeste en permanence la même obsession pour les détails, les mêmes dialogues minimalistes (d’où es-tu, que fais-tu, qu’est-ce que tu veux boire : ce sont "les manèges, l’approche", qui plaisaient tant à Barthes), le même anonymat et le même appétit de chair nue.

Et pourtant, de façon paradoxale, c’est justement parce qu’ils pourraient être interchangeables que ces récits ont de la valeur. Ce n’est pas la banalité et la platitude qui les rendent équivalents, mais le fait d’être toujours vécus avec la même curiosité, la même joie. Aucun d’eux n’a l’ambition de devenir une histoire : chacun des récits naît et meurt complètement dans l’instant de l’aventure, de la dépense érotique ; mais cela ne signifie pas qu’il perd en dignité, bien au contraire.

On peut donc percevoir dans cet ouvrage du désintéressement, une passion exclusive de la chair, et même un certain degré d’"acharnement sadien". Mais on peut y lire aussi une étrange tendresse et une indéniable nostalgie – pour «son entrain, ses petits matins, son innocence», comme l’écrit Renaud Camus dans une note rédigée quelques années plus tard.

Tricks sera présenté le dix mars à dix-sept heures trente par Walter Siti et Pier Luigi Diaco, à l’Auditorium du Parc de la Musique, à Rome, dans le cadre de la manifestation Libri Come.

Source de l'article.



Images : en haut, Paul Cadmus, Jerry, 1931 

en bas, Paul Cadmus, Self-portrait on Majorca (détail), 1930 

samedi 25 février 2012

Mai più incontrato (Jamais revu)




Renaud Camus nous dit dans son Journal de l'année 2007, Une chance pour le temps, qu’il a finalement accepté, «non sans hésitation, une traduction partielle de Tricks en italien» (cf. page 15). Cette traduction était annoncée en 2008 aux éditions Textus (situées à L’Aquila), mais la parution de l’ouvrage a été sans cesse reportée depuis, et elle semblait même définitivement compromise à la suite du tremblement de terre qui a touché en avril 2009 le chef-lieu des Abruzzes. Fort heureusement, la petite maison d'éditions Textus a pu récemment reprendre ses activités, et l'on annonce enfin pour le 7 mars prochain la parution de cette édition italienne de Tricks. Elle parait dans une collection intitulée I Romanzi della realtà (Les Romans du réel), dirigée par l'excellent Walter Siti, romancier de grand talent (Scuola di nudo, Troppi paradisi, et tout récemment Autopsia dell'ossessione, chez Mondadori) et maître d’œuvre de l'édition des textes de Pasolini dans les Meridiani. Il s'agit en effet d'une édition partielle du livre le plus célèbre de Renaud Camus, puisqu'elle ne comprend que vingt-cinq des quarante-cinq tricks de l'édition française définitive (P.OL, 1988).

On a toutefois déjà pu lire en italien deux chapitres de Tricks, puisqu’ils ont été publiés dans l’ouvrage de Renzo Paris, Cronache francesi, paru aux éditions Transeuropa en 1989. Le sous-titre du livre est «un panorama della nuova narrativa francese» (un aperçu de la nouvelle fiction française) ; le choix des textes et des auteurs est fort éclectique, puisque l’on y retrouve notamment Tony Duvert, Annie Ernaux, Mathieu Lindon, François Bon, Danièle Sallenave, Jean Echenoz, Le Clezio, Hervé Guibert, Guy Hocquenghem, et donc Renaud Camus, «parmi tous ces auteurs, sans doute le plus scandaleux» nous dit Renzo Paris dans sa préface... Les deux tricks retenus ici (tous les deux new-yorkais) sont le trente-cinquième, Anonyme en salopette (pages 355-360 dans l’édition P.O.L de 1988) et le trente-septième, Le cow-boy (pages 373-380, op. cit.). La traduction est de Dario Bellezza (en collaboration avec Mario Sigfrido Metalli), par ailleurs écrivain et poète de valeur, mort du sida en 1993. Un de ses romans a été traduit en français : L’amour heureux, Salvy, 1998. Puisque cette édition des Cronache francesi est désormais introuvable, l'ouvrage étant depuis longtemps épuisé, je reproduis ici l'intégralité des deux chapitres de Tricks dans cette première (et plutôt bonne) traduction italienne :


Anonimo con la salopette (a Severo Sarduy)


Lunedì 24 luglio 1978
(Racconto trascritto a Parigi, giovedì 11 marzo 1982).

M’aggiravo, verso la fine del pomeriggio, nello stretto corridoio su cui s’aprono le cabine di proiezione, nel settore più lontano della “libreria” che sta all’angolo tra Christopher e Hudson Streets. Fuori faceva ancora caldo, e così non c’era molta gente in questo retrobottega scuro, praticamente senza aerazione. Un uomo sui trenta-trentacinque anni, abbastanza piccolo, bruno, baffuto, mi stava scrutando. Portava dei grandi occhiali con la montatura di tartaruga e, per vestito, una salopette azzurro-mare che gli lasciava nudi i fianchi, la parte superiore del torace, le spalle e le braccia. Non si poteva dire se fosse bello o brutto, ma certo era un po’ comico per il contrasto tra i suoi occhiali da intelletuale e la sua tenuta da stagnaio, e per i baffoni alla Ben Turpin. Mi seguiva lungo il corridoio, che porta sempre al punto di partenza, oppure aspettava il mio successivo passaggio e allora mi guardava fisso.

Sono andato ad appostarmi in una rientranza particolarmente buia tra due cabine. Lui m’ha subito raggiunto e immediatamente m’ha messo la mano sulla patta. Stavo a torso nudo, la mia camicia sgualcita infilata dalla parte del colletto nella tasca posteriore dei jeans [secondo un vezzo della moda molto diffuso quell’anno]. Ho fatto qualche passo indietro, per appoggiarmi al muro, lui m’è venuto incontro. [Interruzione : siccome, a causa del caldo, sto scivendo con indosso solamente uno short molto largo da cui fa capolino per l'occasione il mio sesso, mi sono messo a masturbarmi, Dio sa perché, visto che l'episodio non ha niente di particolarmente eccitante. Ho approfitato dell'occasione per assaggiare un flaconcino di poppers Rush, che appartiene a F.H. e stava sul comodino. Il suo effetto è stato vigoroso, fino a sconvolgere ancora adesso la mia scrittura (in effetti particolarmente agitata), e prima, fino a portarmi alla soglia d'un orgasmo al quale mi sono sottratto, fortunatamente, proprio nel momento in cui due goccioline annunciatrici e lubrificanti erano apparse sulla punta del mio sesso]. Ho passato la mia mano sul suo petto, solido e molto peloso, e sul suo ventre, molto peloso ma meno solido. Potevo anche, avendo slacciato due bottoni sui suoi fianchi, toccare direttamente il suo culo, le coscie e il sesso. Ma appena arrivato a quel punto, lui m’ha proposto d’andare in una cabina. Ho accettato. La prima che aveva scelto aveva la porta che non funzionava e ne ho preferita un’altra, proprio di fronte. Ci sono entrato e lui m’è venuto dietro. Ho sbottonato la mia patta. Lui m’ha accarezzato il torace e m’ha tirato fuori il sesso. Gli ho tirato giù le bretelle della salopette scoprendogli così tutto il torace. Ma allora lui ha introdotto una moneta nella fessura dell’apparecchio di proiezione. Non so se lo ha fatto per una sorte di dovere, temendo che i gestori della “libreria” ci richiamassero all’obbligo un po’ duramente (“C’mon, I want to hear those quarters !”, però io avevo l’impressione che avessero rinunciato a quel tipo di politica, e che il dollaro che esigevano all’ingresso del retrobottega fosse ormai la loro sola pretesa), o forse perché aveva voglia di vedere un film. Comunque sia, siccome io stavo appoggiato contro la parete su cui veniva proiettato il film, le prime immagini sono arrivate sul mio torace. Abbiamo allora cambiato posizione e ci siamo messi uno di fronte all’altro, stavolta per il largo della cabina, così stretta d’altronde che potevamo appoggiarci confortevolmente tutti e due, di spalle, a una parete, e tenere i nostri bacini e i nostri cazzi stretti l’uno contro l’altro. Il film veniva così proiettato tra i nostri petti, il centro dell’immagine solamente arrivava sul tramezzo, mentre i bordi si perdevano sui nostri corpi.

Ci siamo abbracciati e stretti l'uno contro l'altro, più forte che potevamo, spostandosi leggermente, in senso contrario, da sinistra a destra, per meglio sentire i peli dei nostri toraci mescolati e premuti. Poi l'uomo con la salopette s'è inginocchiato e s'è messo a succhiarmi il cazzo. Nel film, che aveva per titolo due nomi che ho scordato, Tom e Terry o qualcosa di simile, si vedevano due mastodonti dalle muscolature da Cappella Sistina, quasi nudi ma non particolarmente eccitanti per me, sperduti separatamente in una specie di deserto, che si scoprivano da lontano e si avvicinavano attraverso le dune. Uno stava già masturbandosi quando l'altro lo raggiunge e gli si inginocchia davanti per succhiarglielo. Le immagini sono abbastanza banali, gli attori insignificanti malgrado l'ordine colossale delle loro architetture, e il tutto comunque non sarebbe stato sufficiente a eccitarmi. Ma la similitudine delle situazioni portava con sé una qual certa identificazione, e come il giovane lassù, sullo schermo, aveva un'aria beata per la fellatio praticata su di lui, io non potevo che essere altrettanto contento di quella di cui ero il beneficiario e che era altrettanto ben fatta. A un punto tale, che fui quasi sull'orlo dell'orgasmo e dovetti, per evitarlo, sollevare l'uomo con la salopette. Non più che la sera prima, in effetti, avevo intenzione di godere, e avevo fatto la mia visita alla "libreria" solo for old times sake, per ricordo dei vecchi tempi. Ho stretto di nuovo il mio compagno tra le braccia, gli ho leccato il petto, lui ha leccato il mio. Ma tutto questo lo interessava abbastanza poco, quello che voleva era succhiarmi il cazzo, così non ha tardato a riprendre la sua posizione accoccolata.

È successo allora qualcosa di strano che non ho capito. Il proiettore era situato sul fondo della cabina, dietro uno schermo di vetro. Un giovane nero, che non avevo mai visto prima ma che certamente lavorava lì, s'è messo a spostare da dietro il proiettore, non so assolutamente perché, come se volesse trovare un miglior campo di proiezione del film sul tramezzo. Man mano che faceva muovere la macchina, le immagini si spostavano in tutte le direzioni, verso l'alto, verso destra, sul mio torace, verso il basso, sul mio sesso e sul viso dell'uomo con la salopette. Non sapevo che fare, né se bisognava essere imbarazzati per questo tecnico che sembrava non esserlo affatto da noi, poiché avrebbe potuto fare i suoi aggiustamenti quando non c'era nessuno nella cabina. Attraverso il vetro lui poteva certamente vedere ciò che voleva, soprattutto nel fascio di luce del film, per esempio il mio sesso, in piena erezione, nella bocca del mio partner, il cui viso intero serviva da supporto allo sviluppo della trama e ai personaggi, per così dire, e più spesso al gigante in piedi in procinto di farsi succhiare il cazzo. L'uomo con la salopette, perplesso, s'era interrotto per un istante, di cui io ho approfittato per masturbarmi, ma molto prudentemente perché ero sempre deciso a non godere.

Ogni volta che il film si interrompeva, all'incirca ogni tre minuti, l'uomo con la salopette introduceva nella fessura dell'apparecchio una nuova moneta. Conseguenza delle manipolazioni del giovane nero, abbiamo avuto diritto a una bobina tratta da un film diverso, assai migliore. Dopo di che l'uomo ha ripreso il suo lavoro un po' monotono. Il nero continuava a fare i suoi esercizi. L'idea mi viene adesso scrivendo, può darsi che costui non lavorasse affatto alla "libreria", che fosse soltanto un cliente guardone, e che fosse deliberato il suo dirigere il fascio della proiezione sul mio cazzo e sulla bocca dell'uomo con la salopette, che aveva deciso, dopo una riflessione, di riprendere ciò che aveva cominciato. L'immagine riflessa sui miei fianchi e sulle guance non era molto chiara, evidentemente, ma ci si distinguevano ancora molto distintamente le sagome e le situazioni interpretate, o piuttosto vissute, perché l'uomo che si faceva succhiare era arrapato molto veritieramente, allo stesso modo che molto veritieramente poi se ne veniva.

Ho detto che non avevo nessuna intenzione di godere. Ma ciò che ha indebolito la mia decizione è stato il pensiero di questa cronaca, e del racconto che potevo trarre da un episodio così enfaticamente, così grossolanamente, “artistico” : “fellatio in corso mentre un’altra viene proiettata sui partecipanti della prima, tatuaggio mobile ; è la pornografia che i nuovi saddhus dell’Hudson imprimono sui loro corpi, al posto dei Veda cari ai loro fratelli del Gange [dei quali, in approssimativo contraccambio, Severo Sarduy scrive in La Doublure (Flammarion, 1981, p. 78) che con i loro finissimi pennelli, la loro cipria nera, e i loro “vanity-case che maneggiano con abilità” : “– Li avevo scambiati per delle frocie –.”]. Come mi sono venute queste idee, fui perduto, tanto più irremediabilmente in quanto l’uomo con la salopette era un succhiatore assai esperto. Ho sentito montare dentro di me una tensione che non poteva risolversi se non in un orgasmo, e ho goduto nella sua bocca, con molto piacere. Lui ha inghiottito il mio sperma. Quando si è risollevato, s'è messo a masturbarmi. Io lo tenevo per le spalle mentre lui protendeva il bacino, e gli carezzavo le cosce, i coglioni e anche il torace. È venuto abbastanza in fretta, e il suo sperma è andato a schizzare sulla parete dove la sua ombra nascondeva una metà del film, di nuovo proiettato nel suo posto specifico.

Ero impaziente di uscire dalla cabina, in parte a causa del calore che il nostro dimenarci aveva aggiunto a quello del giorno, in parte per l’inquietudine sulla sorte della mia camicia che avevo abbandonato prima d’entrare nella cabina, con il mio libro, Les Confessions, precisamente dalla parte dove il singolare manipolatore aveva dato luogo ai suoi capricciosi interventi. Sono dunque uscito prima che l’uomo con la salopette si fosse risollevato le bretelle, con un sorriso d’arrivederci che lui a malapena poteva vedere. Comunque lui aveva dovuto lasciare prima di me la “libreria”, perché l’ho visto, più tardi, precedermi su Christopher Street, che andava verso est sul marciapiedi opposto.

(Mai più incontrato).






Il cow-boy


Giovedì 27 luglio 1978

Dovevano essere le cinque e mezza. Stavo ritornando dal Pier 42, sull'Hudson, dove avevo trascorso il pomeriggio a rileggere Les Confessions, al sole. Se sono entrato nella "libreria", all'angolo di Christopher Street e Hudson Street, è stato soltanto perché un ragazzo che vagamente m'interessava, e che mi camminava davanti, c'era stato prima di me. Ho sfogliato qualche rivista, anche io, e poi è uscito di nuovo.

M'apprestavo a fare la stessa cosa, piuttosto che penetrare, al prezzo d'un dollaro, al di là del girello di metallo a forma di croce, simile a quello del metrò, che dà accesso alla seconda parte dell'impianto, quella dove uno stretto e buio corridoio – che si morde la coda – apre le sue porte a delle minuscole cabine di proiezione.

Ma proprio mentre stavo rimettendo al loro posto Luscious dessert o Chicken Lickin' good, m'è sembrato di sentire uno sguardo posato su di me. Ho girato la testa. Al di là del tornante di metallo, c'era un ragazzo dal viso molto pallido, con dei baffetti neri, abbastanza fine, una camicia rossa a quadri e un cappello da cow-boy, dalle larghe falde rovesciate all'insù. Stava fermo, ma come lo scorsi, smise subito di guardare dalla mia parte, o verso la porta, e si spostò sparendo di colpo dalla mia vista.

L'avevo guardato soltanto per qualche secondo. M'era sembrato talmente bello, bello anche se non m'era sembrato che si interessasse a me. Certamente era la prima stanza, quella dei libri e delle riviste, e la porta, che lui guardava, per vedere se qualche nuovo venuto si presentava al di là del girello ruotante di metallo. E se era rimasto fermo presso quest'aggeggio doveva essere perché non c'era nessuno di interessante nella seconda stanza. Dunque non decisi subito di andare a raggiungerlo. Ma neanche lasciai la "libreria" così velocemente come avevo intenzione di fare. Mi misi distrattamente a sfogliare un altro volume, e a girare la testa verso il tornante di metallo, alla fine di ogni paragrafo. Tre o quattro minuti più tardi, il cow-boy fu di ritorno e questa volta senza alcuna ombra di dubbio stava guardando me.

Di tutti i Tricks di cui si racconta qui, incontestabilmente il più bello è questo ; e anche, a eccezione di Jeremy, senza dubbio, forse il solo veramente bello, secondo ogni criterio di giudizio, l’unico a trascendere i “generi”. Il ragazzo era molto alto e muscoloso, ma in modo naturale, senza eccesso ; d’aspetto molto virile, senza ostentazione. Il suo abito da cow-boy, che aveva tutte le probabilità di questo mondo d’apparire perfettamente ridicolo, su di lui era soltanto molto eccitante e, senza che possa bene spiegare perché, patetico. Incarnava perfettamente il mito, e nondimeno non aveva il fisico tradizionale del ruolo : i suoi cappelli, di cui una ciocca sfuggiva dal cappello, sulla fronte bianca, le sue sopracciglia, i suoi occhi, i suoi baffi erano troppo neri ; aveva piuttosto l’aria latina, o meglio, gitana. Quello che era veramente notevole in lui, era il suo volto, a mio avviso perfetto : energico, fine, luminoso, rischiarato dalla torva scintilla delle pupille. Questa volta m’ha lasciato il tempo di vederlo meglio. Ma, come aveva fatto in precedenza, s’è allontanato dal girello di metallo per sparire tra le cabine. Il suo sguardo, nel momento in cui si spostava, era su di me. Ciò sembrava un chiaro invito. Quasi non riuscivo a credere alla mia fortuna. Ma ero deciso adesso a tentarla. Ho dunque dato il mio dollaro all’incaricato che ha sbloccato il tornante di metallo, liberando il meccanismo di passaggio.

Il corridoio che fa da comunicazione alle cabine disegna un quadrato su cui, servandosene, ci si ritrova sempre al punto di partenza. Non ho seguito il cow-boy. Mi sono avviato nella direzione opposta alla sua, pensando così d’incontrarlo. Ma lui era tornato sui propri passi, io ho fatto un giro completo senza incrociarlo. C’erano là dieci o quindici ragazzi, alcuni dei quali avevo già visto prima lungo l’Hudson, di cui due o tre eccitanti. Mi sembrava più saggio interessarmi a loro piuttosto che a questo cow-boy, che decisamente m’intimidiva. Era troppo bello. Ma sapevo anche bene, che troppo lo avrei rimpianto, in seguito, se non fossi arrivato in fondo a questa storia.

Quando l’ho rivisto, stava entrando in una cabina. Ha lasciato la porta completamente aperta, e s’è appoggiato contro la parete di fronte, i pollici nelle tasche dei jeans. Mi guardava. Io ho ancora tergiversato. Mi sono allontanato. Quando mi sono girato, lui stava sulla porta. Controllavo che l’avessi visto, che sapessi bene dove lui stava, si è rimesso nella sua posizione, all’interno della cabina, contro la parete. Ho fatto un giro completo del corridoio, ma molto svelto, e mi sono fermato di fronte a lui. Ci siamo guardati, io ho ancora girato la testa una o due volte a destra e a sinistra, poi mi sono deciso, e l’ho raggiunto.

Temevo che lui fosse il tipo da ricevere, senza minimamente contraccambiare, gli omaggi che istigava. E avevo anche paura d’essere intimidito sessualmente, di non potermi neanche arrapare, se avesse messo la mano sulla mia patta sarebbe stato deluso dalla modesta taglia del mio membro in completo riposo. Ma queste inquietudini non hanno avuto nessuna conferma. Lui m’ha toccato nello stesso istante che l’ho toccato io, era tanto perfettamente eccitante quanto era bello, rara combinazione, e io gli ero accanto da neppure quindici secondi che già ero arrapato con estremo entusiasmo.

I suoi jeans erano vecchi e consunti. Sul lato interno della coscia destra, verso l'alto, c'era un buco dai bordi sfrangiati. Non portava slip. Quando ho messo all'inizio la mano sulla patta, l'estremità del suo membro era assai lontana da quel foro, cinque o sei centimetri. Ma man mano che si eccitava, lo sentivo avvicinarsi, e ben presto il suo glande fece capolino. Questa apparizione m'eccitò molto. Ho fatto scorrere la porta dietro di me, ma non completamente, perché un po' di luce continuasse a filtrare. Raramente avevo desiderato di vedere bene uno dei miei amanti. Mi sono accoccolato di fronte a lui e ho passato la lingua sul suo glande, attraverso il famoso foro. Con la mano destra, ho cominciato a slacciargli la cintura e la patta. Lui m'ha aiutato. Mi sono tirato su. Lui m'ha aperto i pantaloni e m'ha tirato fuori il membro. Gli ho sbottonato la camicia, le cui maniche portava arrotolate fino ai bicipiti, molto sviluppati. Dei peli bruni gli ricoprivano il petto, limitati molto nettamente dalla forma dei pettorali, a eccezione d'una sottile linea nel mezzo del ventre, che giungeva fino al sesso, che sarebbe stata perfettamente dritta, se non fosse stato per le cavità e le sporgenze dei suoi muscoli addominali. Nulla era troppo in risalto, ma tutto perfettamente duro, perfettamente ben disegnato. Il suo membro, che adesso stringevo, era più grosso del mio, lungo, carnoso, molto ben circonciso, sarei tentato di descriverlo come notevolmente elegante. I suoi coglioni erano molto voluminosi. Le sue cosce, lunghe e possenti, ma non ampie, si congiungevano molto in alto al bacino, di modo che il loro risalto era già evidente all'altezza del sesso ; tutte le volte che cambiava l'appoggio principale, ci si vedeva scattare ogni muscolo ben distinto.

Era un po' più alto di me. Ci siamo guardati sorridendo. Poi ha dato con un colpo della mano, in un gesto convenzionale, un lieve tocco al cappello, per gettarlo un po' all'indietro. Un altro ciuffo di capelli neri, un po' ondulati, gli è caduto sulla fronte. Gli tenevo le mani sui fianchi. M'ha stretto contro di lui. Ho slacciato la mia camicia, allargandone i lembi perché i nostri toraci fossero direttamente a contatto l'uno contro l'altro. Ci siamo baciati. Le sue gambe erano leggermente divaricate, le mie tra le sue. I nostri membri completamente eretti si premevano formando una X ; noi li facevamo oscillare quasi insensibilmente da sinistra a destra, il canale seminale compresso per un istante e poi liberato, e compresso di nuovo.

Ho passato le mani tra la parete di compensato e le natiche del cow-boy. Esse erano, come il resto del suo corpo, molto dure e assai prominenti, con una fossetta su ciascuna parte. Erano anche molto pelose, ma non eccessivamente, salvo che nella fessura.

Mi sono di nuovo accoccolato per succhiargli il cazzo, mentre gli carezzavo il ventre e il petto. Le mani tra i miei capelli, le spalle contro la parete, lui protendeva il bacino.

Sul fondo della cabina, alla mia sinistra, c'era un sedile molto basso destinato agli spettatori del film che noi avevamo trascurato di mettere in azione. Mi ci sono seduto, attirando verso di me il cow-boy col suo cappello sempre inclinato verso la nuca. I suoi jeans erano adesso appena sopra le ginocchia. Con la mano destra gli carezzavo le natiche, il mio avambraccio contro la sua coscia sinistra, e con la sinistra gli stringevo la verga alla base oppure giocherellavo con i suoi coglioni. Siamo restati in questa posizione quattro o cinque minuti. Ogni volta che sentivo che stava per venire, rallentavo il va-et-vient della mia bocca, e passavo le mie labbra sui coglioni o la lingua sotto.

Come mi sono sollevato, il cow-boy m'ha fatto cambiare di posto con il suo, cosa che non era molto facile in questa cabina che era certamente larga meno d'un metro. Si è seduto e m'ha preso il cazzo in bocca. Ma ancora una volta non volevo venire. Tony e io avevamo tutto un programma di convegni per la serata, Anvil, Saint-Mark sauna, eccetera, e volevo conservarmi le energie. Quello che mi sarebbe piaciuto, evidentemente, sarebbe stato di portarmi il cow-boy a casa. Ma sempre intimidito da lui, e dal mio desiderio di lui, non ho osato proporglielo.

Quando sono stato sul punto d'eiaculare, mi sono chinato in avanti. Gli ho sollevato la testa, l'ho baciato, e l'ho forzato ad alzarsi. S'è di nuovo appoggiato alla parete, di fronte alla porta. Quanto a lui era ben deciso a venire. Si masturbava. L'ho fatto io per lui, con la mano destra, l'avambraccio sinistro sulla sua spalla, baciandolo. Lui protendeva i fianchi piegando un po' le gambe. Al momento di venire, ha girato la testa sospirando, m'ha fatto togliere la mano dal suo membro e l'ha posata sul suo seno destro, le mie dita sul minuscolo anello di metallo che era infilato nel suo capezzolo, che avevo dimenticato di segnalare. Ha finito da solo di masturbarsi, e il suo sperma è andato a sbattere contro la porta, in molteplici getti sorprendentemente distanziati. Ho raccolto nella mia bocca le ultime gocce.

Subito dopo lui avrebbe voluto che anche io potessi venire, molto gentilmente. Ma io ho cominciato a rivestirmi, sorridendo. Non ha insistito, senza fare domande. Aveva nei suoi jeans un fazzoletto col quale s'è asciugato il membro. S'è rapidamente ricomposto. L'ho lasciato uscire per primo. M'ha dato, sorridendo, un leggero pugno sul braccio : Take care! 

Sono uscito dalla cabina quasi immediatamente dopo di lui, abbastanza veloce per vederlo entrare nelle toilette che sono proprio di fronte al tornante di metallo d’accesso al piccolo corridoio. Mi sono appostato lì, nella luce che viene dalla bottega propriamente detta. Volevo vederlo ancora una volta, assicurarmi che fosse così bello come m’era sembrato. Lo era, forse anche di più. Quando è uscito dalla toilette, m’ha fatto un segno con la testa poi, arrivato vicino alla porta, s’è girato sorridendo, facendo un saluto con la mano.

Sono rimasto ancora cinque minuti nella “libreria”, per non avere l’aria di seguirlo e d’imporre la mia presenza. Quando a mia volta sono uscito, mi sono diretto verso la Sesta Avenue su Christopher Street. Mano a mano che andavo riprendendo coscienza, mi rimproveravo la timidezza. Avrei potuto dargli il mio indirizzo, il mio numero di telefono, invitarlo a pranzo a casa. Era uno dei più bei ragazzi che avessi visto in vita mia. Sembrava molto gentile. E adesso l’avevo perduto.

Arrivato sulla Settima Avenue, sono tornato sui miei passi. Bisognava che lo ritrovassi, era una cosa sciocca. Fortunatamente con quel suo cappello, era riconoscibile da lontano. Doveva gironzolare nel quartiere. Sono entrato in parecchi bar, Boots and saddles, Ty’s, e sono tornato su Hudson Street. Sulla strada ho incontrato un amico francese, Patrick, e gli ho chiesto se non avesse visto un ragazzo con il cappello da cow-boy.
– Sì, piuttosto presto nel pomeriggio.
– Un tipo molto bello ?
– Sì, niente male, sì.
– No, questo qui non è niente male, è una meraviglia della natura.
– Non ho guardato bene...
– L’avresti guardato, l’avresti notato... Bene, suppongo che sia rientrato a casa sua, merda!
E me ne sono tornato a casa.

(Mai più incontrato).

Traduction : Dario Bellezza et Mario Sigfrido Metalli








Voici la couverture de l'édition italienne de Tricks. J'avoue qu'elle m'a laissé plutôt perplexe :








Une lecture italienne de Tricks : ici, et la traduction française de l'article : là.

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Images : Site Flickr (1) et (2)

Tom of Finland, Untitled (Cowboy), c. 1965