Translate

Affichage des articles dont le libellé est Barcelona. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Barcelona. Afficher tous les articles

samedi 23 juin 2018

Le Distrait




Un poème de Gabriel Ferrater, poète catalan né en 1922 et mort à Barcelone en 2003. Il est extrait du recueil Menja't una cama, paru en 1961.

EL DISTRET 

Segur que avui hi havia nùvols,
i no he mirat enlaire. Tot el dia
que veig cares i pedres i les soques dels arbres,
i les portes per on surten les cares i tornen a entrar.
Mirava de prop, no m’aixecava de terra.
Ara se m’ha fet fosc, i no he vist els nùvols.
Que demà me’n ricordi. L’altre dia
vaig mirar enlaire, i ennllà de la barana
d’un terrat, una noia que s’havia
rentat el cap, amb una tovallola
damunt les espatlles, s’anava passant,
una vegada i deu i vint, la pinta pels cabells.
Els braços em van semblar branques d’un arbre molt alt.
Eren les quatre de la tarda, i feia vent.

Gabriel Ferrater


LE DISTRAIT

Certainement qu'aujourd'hui il y avait des nuages
mais je n'ai pas regardé en l'air.
Tout le jour je n'ai vu que des visages et des pierres et des troncs d'arbres,
et des portes à travers lesquelles des visages entrent et sortent.
Je regardais de près, toujours au niveau de la terre.
Et maintenant tout est sombre et je n'ai pas vu les nuages.
Il faut que demain je m'en souvienne. L'autre jour
j'ai regardé en l'air, et par-delà la balustrade
d'une terrasse, une jeune fille qui s'était
lavée la tête, avec une serviette
sur les épaules, se passait
une, dix, vingt fois le peigne dans les cheveux.
Ses bras ressemblaient aux branches d'un arbre très haut.
Il était quatre heures de l'après-midi et il y avait du vent.

Traduction personnelle






IL DISTRATTO 

Certamente oggi c’erano nuvole,
ma non ho guardato in alto.
È tutto il giorno che vedo volti e pietre e tronchi d’albero,
e porte attraverso cui volti entrano ed escono.
Guardavo da vicino, non mi alzavo da terra.
Ora m’è venuto buio e non ho visto le nuvole.
Bisogna che domani me ne ricordi. L’altro giorno
ho guardato in alto, e oltre la ringhiera
di un terrazzo, una ragazza che s’era
lavata la testa, con un asciugamano
sulle spalle, si passava
una, dieci, venti volte, il pettine fra i capelli.
Le sue braccia assomigliavano ai rami di un albero molto alto.
Erano le quattro del pomeriggio, e c’era vento.

Traduzione : Pietro U. Dini






Images : en haut, Domenico Ghirlandaio  Adoration des bergers, 1485 (détail)

au centre, Piero della Francesca  Légende de la Vraie Croix (détail), Arezzo, 1452-1466

en bas, Agnolo Bronzino Portrait de jeune homme, c. 1531, Uffizi, Firenze

mercredi 20 septembre 2017

Aubade (Albada)




Voici un deuxième poème de Jaime Gil de Biedma, extrait du recueil Moralités (1966) et intitulé Albada (Aubade). Je le cite dans une traduction personnelle ; les lecteurs curieux pourront comparer avec la traduction de William Cliff que l'on trouvera plus bas, juste avant le texte original en espagnol :

Réveille-toi. Le lit est plus froid
et les draps sales par terre.
Derrière les vitres de la véranda
l'aube se lève,
avec sa couleur de gabardine
et de jarretelle.

Réveille-toi en pensant vaguement
que le portier de nuit à appelé.
Et écoute dans le silence : au loin
on entend le bruit métallique des tramways
qui se succèdent pour emmener les gens au travail.
C'est l'aube.




Les fleurs coupées vont s'amonceler
dans les kiosques des Ramblas,
et les oiseaux chanteront — ces crétins —
dans les platanes, en observant
la triste humanité qui va au lit
alors que l'aube se lève.

Rappelle-toi la chambre où tu as dormi.
Enfonce ta tête dans les coussins,
en retrouvant l'irritation et le froid
que procurent l'aube
près du corps qui nous plaisait tant
la nuit d'avant,

et pense qu'il faudrait te lever.
Pense à la maison encore dans le noir
où tu rentreras pour te changer,
et au bureau, où il faudra lutter contre le sommeil,
et à toutes les autres choses qui s'annoncent
dès que l'aube se lève.




Même si à côté de toi tu entends le murmure
d'un autre souffle. Même si tu cherches
ce reste de chaleur entre ses cuisses
et qu'à moitié endormi tu le sens frissonner.
Même si l'amour n'est pas moins doux
quand on le fait à l'aube.

— Près du corps qui cette nuit me plaisait
si nu, laisse-moi allumer la lumière
pour nous regarder et nous embrasser
à l'aube.
Parce que je connais la journée qui m'attend,
et qu'elle n'a rien de plaisant.

Jaime Gil de Biedma   Moralités (1966)

(Traduction personnelle)






La traduction de William Cliff  (in Un corps est le meilleur ami de l'homme, Anatolia / Éditions du Rocher, 2001) :





 Le texte original du poème :

 Albada

Despiértate. La cama está más fría 
y las sábanas sucias en el suelo. 
Por los montantes de la galería 
llega el amanecer, 
con su color de abrigo de entretiempo 
y liga de mujer. 

Despiértate pensando vagamente 
que el portero de noche os ha llamado. 
Y escucha en el silencio : sucediéndose 
hacia lo lejos, se oyen enronquecer 
los tranvías que llevan al trabajo. 
Es el amanecer. 

Irán amontonándose las flores 
cortadas, en los puestos de las Ramblas, 
y silbarán los pájaros — cabrones —
desde los plátanos, mientras que ven volver 
la negra humanidad que va a la cama 
después de amanecer. 

Acuérdate del cuarto en que has dormido. 
Entierra la cabeza en las almohadas, 
intiendo aún la irritación y el frío 
que da el amanecer 
junto al cuerpo que tanto nos gustaba 
en la noche de ayer, 

y piensa en que debieses levantarte. 
Piensa en la casa todavía oscura 
donde entrarás para cambiar de traje, 
y en la oficina, con sueño que vencer, 
y en muchas otras cosas que se anuncian 
desde el amanecer. 

Aunque a tu lado escuches el susurro 
de otra respiración. Aunque tú busques 
el poco de calor entre sus muslos 
medio dormido, que empieza a estremecer. 
Aunque el amor no deje de ser dulce 
hecho al amanecer. 

— Junto al cuerpo que anoche me gustaba 
tanto desnudo, déjame que encienda 
la luz para besarte cara a cara, 
en el amanecer. 
Porque conozco el día que me espera, 
y no por el placer.

 

Jaime Gil de Biedma


Images : (1) Site Flickr

(2) Jordi Miralles  (Site Flickr)

(3) Site Flickr

(4) Week-end, film d'Andrew Haigh