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dimanche 18 janvier 2015

Mal di luna (Mal de lune)






Il male della luna

Non so se fu malocchio
che mi sciolse i ginocchi,
malocchio di mezzogiorno.

Non so se fu scorpione
che mi punse il tallone,
scorpione di pozzo rotondo.

Non so se fosti tu,
con uno spillo nel pugno
e con le labbra d'aceto.

Io non so nulla più,
ho il male della luna,
e non m'aiuta nessuno.

Gesualdo Bufalino  Il miele amaro  Bompiani Editore






Le mal de lune

Je ne sais si ce fut le mauvais œil
qui me dénoua les genoux,
mauvais œil de midi.

Je ne sais si ce fut le scorpion
qui piqua mon talon,
scorpion du puits rond.

Je ne sais si ce fut toi,
une épingle entre les doigts
et des lèvres de vinaigre.

Je ne sais plus rien,
j'ai le mal de lune,
et personne ne m'aide.

(Traduction : Renato Corona )




On peut voir ci-dessus un extrait de l'épisode Mal di luna, adaptation d'une nouvelle de Pirandello par les frères Taviani, dans le film Kaos. On y entend une chanson traditionnelle sicilienne dans un arrangement de Nicola Piovani ; j'en cite ci-dessous le texte, suivi de ma traduction :


La luna 'un avi jammi e vui l'aviti,
idda I'argento e vui l'oro purtati.
Idda la luci spanni,
idda la luci spanni e vui la dati.

La luna in cielo e vui luciti 'n terra,
siti 'na donna di billizzi rari
e spirluciti comu 'na lanterna
comu varca a macieddu supra mari,
comu varca a macieddu supra mari.

Ne lo tuo pietto 'n aucieddo ci verna.
Nella tu vucca 'n arburu ci arridi.
Bella ca fusti fatta,
Bella ca fusti fatta
in vita eterna.
Tutti l'arburi sicchi fai sciuriri,
Tutti l'arburi sicchi fai sciuriri.

La lune n'a pas de flammes, mais vous en avez,
elle est vêtue d'argent, et vous êtes vêtue d'or.
Elle répand la lumière,
elle répand la lumière et vous la prodiguez.

La lune resplendit dans le ciel et vous resplendissez sur la terre,
vous êtes une femme à la beauté si rare
et vous brillez comme un fanal
comme une barque qui se perd en mer,
comme une barque se perd en mer.

Près de ton cœur un oiseau passe l'hiver.
Dans ta bouche pousse un petit arbre.
Belle, tu le seras pour l'éternité.
Tu fais refleurir tous les arbres morts,
Tu fais refleurir tous les arbres morts.




Images : (1) Michele Angelo Salvioni  (Site Flickr)

(2) Source



lundi 29 décembre 2014

Uno, nessuno, centomila (Un, personne, cent mille)




On peut voir actuellement au Musée d'Art et d' Histoire de Cholet, jusqu'au 22 février, l'exposition de Jean-Paul Marcheschi intitulée Mathématique du feu, 11 000 Portraits de l'humanité. Je cite ici le texte de présentation de cette très belle exposition et un passage du texte de Philippe Piguet Jean-Paul Marcheschi, éloge du nombre, qui se trouve dans le catalogue de l'exposition :

« Théoricien de l'art, peintre, sculpteur et scénographe d'origine corse, Jean-Paul Marcheschi revient ici sur le thème du visage dont il tente de restituer à la fois l'extrême singularité tout en en soulignant la part impersonnelle, collective, voire anonyme. À l'aide de son pinceau de feu, il tente de saisir ce qui est propre à chacun de nous et ce qui témoigne, en même temps, de notre appartenance à une même espèce.

Nous n'aurons pas, au cours de l'existence, un seul visage et, de la naissance jusqu'au très grand âge, le corps se verra contraint à d'innombrables métamorphoses. Nul ne peut lutter contre Chronos, ce dieu du temps qui nous gouverne et nous dévore pour nous rendre finalement à l'humus. 

Portraits d'inconnus, de proches, portraits de la mère, du père, de la fratrie, autoportraits : ce qu'ici le visage affirme, c'est qu'il est unique, qu'il n'est personne, qu'il est cent mille.

Que sont ces 11 000 Portraits de l'humanité ? Quel art, mieux que la peinture, a su au cours des siècles approcher cette énigme et nous permettre d'en comprendre et d'en adoucir le tragique ? »






« Face au portrait de Camille sur son lit de mort que Monet a peint en 1879 de son épouse tout juste décédée, Jean-Paul Marcheschi s'est longtemps interrogé sur ce qui avait bien pu conduire le peintre a prendre ses pinceaux. Et si le visage était le lieu par excellence de la peinture ? Le visage, ou la mort, sinon la question du masque ? Songeons aux portraits du Fayoum. Songeons à Rembrandt, à Van Gogh. Songeons à cet incroyable autoportrait de Picasso, datant de 1972, juste un an avant sa mort. À ce genre justement, l'artiste a choisi de consacrer un nouvel ensemble, les Onze mille Portraits de l'humanité. Un nouveau défi, un nouvel enjeu — l'occasion d'aller à l'autre. Marcheschi précise que voilà déjà plusieurs années, il avait eu ce projet mais que celui des Onze mille Nuits l'avait absorbé et que son retour tient à ce que quelqu'un lui commande un jour son portrait. L'artiste ne cache pas l'émotion ressentie face à la situation, d'autant qu'il n'avait pas rencontré le commanditaire et qu'il s'était trouvé face à un lot de photographies, à partir desquelles il a travaillé. Une fois de plus, le peintre s'est pris au jeu et il en a fait toute une série. 
"Il y a quelque chose dans le visage — dit-il — d'un frayage vers autre chose. Quelque chose d'unique, et il faut veiller à ce que ni le peintre, ni la peinture n'y mettent trop leur grain de sel." Le passage est donc infime et l'exercice périlleux car il faut bien préserver tout à la fois le commun et le différent. Rien de plus excitant, en somme. L'acte de création ne vaut que lorsqu'il y a risque de catastrophe. Marcheschi regrette que les temps contemporains aient abandonné la pratique du portrait parce qu'il voit dans son application une forme de préservation qu'aucune autre forme d'art de représentation ne lui semble capable de tenir. "La photographie est réifiante à côté de la peinture, lance-t-il sur un ton appuyé ; elle manque de chair et de corps face au drapé somptueux, millénaire et troué de l'art des peintres. Elle est pauvre en ce qu'elle manque de durée et de temps."
Voudrait-il s'inscrire en résistance, il ne s'y prendrait pas mieux. En réalité, l'artiste n'a que faire des effets de mode ou d'époque. Il suit son chemin, celui où l'entraînent l'écriture et les matériaux. Encore une fois, la formule est ici vérifiée : le luxe de la peinture est de prendre son temps et celui du peintre de lui donner le sien.

Le temps, Pirandello l'a pris à rédiger l'un de ses plus célèbres romans, Uno, nessuno e centomila. Commencé en 1909, achevé en 1926, il l'a tout d'abord publié sous la forme d'un feuilleton dans Le Salon littéraire. Dans une lettre autobiographique, l'auteur définit lui-même son livre comme "la description la plus amère et la plus profondément drôle de la décomposition de la vie". Non paradoxe mais complémentarité. Jean-Paul Marcheschi — qui a écrit sur "le pacte obscur avec l'eau" qu'a signé selon lui le peintre de Giverny — le sait bien : les œuvres de longue haleine offrent à voir des contradictions fondamentales. En quête de l'unicité de l'être, ses portraits sont tout à la fois individuels et universels. Ils disent l'homme rassemblé et distinct en ce que chacun compte quelque chose de ce nucleus qui fait l'humanité. »

Philippe Piguet  Jean-Paul Marcheschi, éloge du nombre (in Jean Paul Marcheschi, 11 000 portraits pour l'humanité ou la Mathématique du feu  Éditions Art 3, 2014)

On peut commander le catalogue de l'exposition ici.



























Images : en haut et tout en bas (2), merci à Mathieu François du Bertrand  (Site Flickr)

tout en bas (1), merci à Afchine Davoudi  (Site Flickr)

pour les autres images : Source




 "E l'aria è nuova. E tutto, attimo per attimo, è com'è, che s'avviva per apparire. Volto subito gli occhi per non vedere più nulla fermarsi nella sua apparenza e morire. Così soltanto io posso vivere, ormai. Rinascere attimo per attimo. Impedire che il pensiero si metta in me di nuovo a lavorare, e dentro mi rifaccia il vuoto delle vane costruzioni.

La città è lontana. Me ne giunge, a volte, nella calma del vespro, il suono delle campane. Ma ora quelle campane le odo non più dentro di me, ma fuori, per sé sonare, che forse ne fremono di gioia nella loro cavità ronzante, in un bel cielo azzurro pieno di sole caldo tra lo stridio delle rondini o nel vento nuvoloso, pesanti e così alte sui campanili aerei. Pensare alla morte, pregare. C'è pure chi ha ancora questo bisogno, e se ne fanno voce le campane. Io non l'ho più questo bisogno, perché muoio ogni attimo, io, e rinasco nuovo e senza ricordi : vivo e intero, non più in me, ma in ogni cosa fuori".

"Et l'air est neuf. Et tout, d'instant en instant, est ce qu'il est, et se ravive pour apparaître. Je détourne aussitôt les yeux pour ne plus rien voir se figer dans son apparence et mourir. Ce n'est que comme cela que je puis vivre, désormais. Renaître d'instant en instant. Empêcher que le travail de la pensée ne reprenne, en recréant en moi le néant des constructions vaines.

La ville est loin. Il m'en parvient parfois, dans le calme du soir, le son des cloches. Mais maintenant, ce n'est plus en moi que retentissent ces cloches, mais hors de moi, elles sonnent pour elles-mêmes ; peut-être en frémissent-elles de joie entre les parois de leurs bourdonnantes cavités, sous un beau ciel bleu bien ensoleillé, parmi les cris perçants des hirondelles ou dans dans le vent chargé de nuages, hautes et pesantes dans leurs campaniles aériens. Penser à la mort, prier. Pour certains, ce besoin existe encore, et c'est par la voix des cloches qu'il s'exprime. Pour ma part, je n'éprouve plus ce besoin, parce que je meurs à chaque instant, pour renaître neuf et sans souvenirs : vivant et entier, non plus en moi, mais en toutes les choses extérieures."

vendredi 15 mars 2013

Come tu non mi vuoi (Comme tu ne me veux pas)




 Je cite ici un deuxième extrait du livre de Masolino d'Amico, Lampadine :

Avec un coupable retard (quand on pense qu’il n’existe pas un seul enregistrement de la voix d’Eleonora Duse, morte en 1924 !), l’Italie, après s’être dotée d’une Discothèque nationale, se préoccupa de conserver les voix de ses hommes les plus illustres, comme Marconi, D’Annunzio, et d'autres encore ; Luigi Pirandello, dramaturge déjà célèbre, même s’il n’était pas encore Prix Nobel, fut lui aussi invité à se prêter à une séance d’enregistrement. L’auteur des Six personnages accepta bien volontiers, et il lut une page de l’une de ses œuvres. 
Ensuite, quand il réécouta sa voix, il fut horrifié. Il n’en reconnaissait pas le timbre, et surtout il n’avait jamais pensé avoir un accent sicilien aussi prononcé. 
« Mais c’est vraiment ma voix ? » demanda-t-il au technicien chargé de la prise de son.
« Oui, mais ne vous en faites pas ! C’est une réaction normale pour quelqu’un qui s’entend pour la première fois. Tous pensent être différents, et personne ne se plaît. » 
Pirandello réfléchit un moment sur cette réponse. 
« J’aurais dû le savoir, dit-il enfin ; au fond, j’ai écrit des pièces sur ce sujet. »

Masolino d'Amico  Lampadine  il Mulino Ed. 1994 (Traduction personnelle)



mardi 8 décembre 2009

Maschere


'NA MANU LAVA L'ANTRA E TUTTI DU LAVANU LA MASCARA. Traduzione del detto italiano «una mano lava l'altra e tutte e due lavano la faccia», ma con una essenziale variante : la maschera al posto della faccia.

Luigi Pirandello intitolò il suo teatro Maschere nude. Nude, tolte le maschere, dovrebbero essere le facce. Sono invece invisibili, ignote, forse non esistono. Non ci sono che maschere. Non siamo che maschere.

Leonardo Sciascia, Occhio di capra, ed. Einaudi

'NA MANU LAVA L'ANTRA E TUTTI DU LAVANU LA MASCARA.
Ce proverbe sicilien est la traduction de l'expression italienne : «une main lave l'autre, et les deux mains lavent le visage», mais avec une variante essentielle : ici, le masque remplace le visage.


Luigi Pirandello a intitulé son théâtre Masques nus. Une fois les masques enlevés, les visages nus devraient apparaître. Et pourtant, ils sont invisibles, inconnus, peut-être même n'existent-ils pas. Il n'y a que des masques. Nous ne sommes que des masques.

Source de l'image : Site Flickr