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vendredi 6 juillet 2018

En plein cœur de Rome




Gare Termini, hall central, 09 h 14

Tout le monde n'avait, hier, qu'un seul désir : qu'il n'y ait personne et que tout autour d'eux règne la solitude. Pour être seuls et s'embrasser. Ainsi, un homme et une femme, à la gare Termini : lui venant de Caserta, elle de Padoue. Ils s'étreignaient mais tous alentour — avec des pensées prises à crédit pour vivre comme jamais on n'a vécu — tous ressentaient ce désir de faire deux à partir d'un et quelqu'un a même fait tomber de sa poche un livre, Onéguine. Une page s'est ouverte et l'encre de Chine est devenue neige. En plein cœur de Rome. 

Pietrangelo Buttafuoco  I baci sono definitivi La nave di Teseo Editore, 2017 (Traduction personnelle)







Images : auteur du blog, sauf en bas, (1) Antonio Trogu  (Site Flickr)



mercredi 4 juillet 2018

L'abandon (L'abbandono)




Ligne A, Cornelia, 6 h 30

Aujourd'hui justement, à six heures et demie, les banlieusards ont l'air de ceux qui "s'en vont". Chacun avec un bagage. L'un d'eux — avec l'émotion marquée sur son visage — emporte les crépuscules de novembre ; d'autres les étoiles des nuits de décembre et puis, deux femmes — qui ne restent pas un instant en silence — se passent de main en main les matinées emperlées de gel, celles de janvier flambant neuf sous la neige.
Le peu qu'il reste de février, qui vient de s'achever, se remarque encore dans les wagons bondés de souvenirs. Il y a même entre les sièges des petits biscuits, les thés de l'après-midi et les sachets remplis de confettis, tous d'une grande discrétion, découpés dans les livres de poésie. 
Dans un wagon où il n'y avait personne, il y a justement une personne. Il est perdu dans une solitude sans échappatoire, avec les oreilles suspendues aux fils des écouteurs qui diffusent Insieme a te non ci sto più [Je ne suis plus avec toi].
Il reste là avec l'hiver qui "s'en va". Dans l'état de l'abandon, abandonné.

Pietrangelo Buttafuoco  I baci sono definitivi  La nave di Teseo Editore, 2017 (Traduction personnelle)








Images : en haut, Franco Battaglia  (Site Flickr)

en bas, (1) Luigi Zarrillo  (Site Flickr)

(2) Filippo Lorenzi  (Site Flickr)



mardi 3 juillet 2018

Les baisers sont définitifs




Ligne B, Colosseo / Piramide, 16 h 29

Une femme assise dans le métro — à la station Colosseo, à Rome — exhibe un tatouage somptueux et plutôt démonstratif. Il représente un dragon flamboyant qui se déploie de l'avant-bras jusqu'aux doigts de la main. 
L'animal est, en effet, impérial. Il saisit dans ses griffes un rocher orné d'étendards et de cerisiers auguraux tandis que dans ses yeux brillent tous les présages de victoire.
Un dessin qui témoigne, sinon de l'inquiétude, du moins de la forte personnalité de la femme, une musicienne.
Elle s'appelle Tosca et elle transporte, rangé dans un étui, un instrument à cordes. Et musicienne aussi est son amie qui, un petit tas de partitions sur les genoux, observe cet enchevêtrement avec circonspection avant de donner son avis.
La femme au tatouage, Tosca justement, s'aperçoit de la stupeur de son amie et dit :
"C'est juste du henné, ça part facilement."
L'autre, alors, ne manque pas de répondre :
"Moi, je ne veux rien de définitif sur mon corps."
Un homme assis près d'elles — entre-temps, la rame est déjà arrivée à la station Piramide, tout le monde descend en direction de Testaccio — prend la liberté de parler :
"... à l'exception des baisers."
Les deux amies le regardent, lui adressent un coup d’œil en forme de question — comme pour lui demander : "qu'est-ce que vous voulez dire ?" — et lui, sans se démonter, conclut ainsi la discussion, avec cette réponse :
"Les baisers sont définitifs."

Pietrangelo Buttafuoco  I baci sono definitivi  La nave di Teseo Editore, 2017 (Traduction personnelle)










Images : en haut, départ du bateau Amerigo Vespucci, Livourne 1963, auteur inconnu

en bas, (1) Valerio Pompilio  (Site Flickr)

(2) Andrea Donato Alemanno  (Site Flickr)

(3) Alessandra Striglioni  (Site Flickr)