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samedi 4 novembre 2017

Les Frileux (Freddolosi)




Dans Risvolti svelti son nouveau livre paru aux éditions Sellerio, dans la très élégante collection Il divano, Eugenio Baroncelli propose toute une série de rabats (ou volets) de couvertures de livres imaginaires, présentant des personnages réels tous en rapport avec la vie littéraire. Ces esquisses de biographies sont classées par catégories hétéroclites : ceux qui s'ennuyaient, ceux qui sont tombés, les décapités, les fumeurs impénitents, les passagers, les voyageurs acharnés, les frileux... Je cite ici trois exemples appartenant à cette dernière catégorie ; comme toujours chez Baroncelli, la brièveté, l'aspect lapidaire du texte produit un effet d'étrangeté et de vérité étonnant, comme un flash, une lumière qui brille un laps pour éclairer une vie, et c'est le lecteur qui est à la fois surpris et ébloui par ces esquisses, ces résumés fulgurants de biographies dont il peut s'il le souhaite retisser la trame en faisant appel à ses souvenirs ou en laissant vagabonder son imaginaire, comme invitaient à le faire les écrivains de l'Oulipo, auxquels on pense souvent en lisant Baroncelli...






Ignoto perfino a lui, che ci ha insegnato quel che non sapeva, un misterioso dio gli raggelò le gambe. Ebbe per musa la sua stufa. Nella canicola dell'agosto romano scendeva sotto casa al caffè Strega avvolto nel pastrano.

Inconnu même pour lui, qui nous a enseigné tout ce qu'il ne savait pas, un dieu mystérieux lui glaça les jambes. Son poêle fut sa muse. Dans la canicule du mois d'août romain il se rendait juste en dessous de chez lui au café Strega emmitouflé dans son pardessus.





Paul Celan

Quanto patisse il freddo non si sa, ma è un fatto che con la neve, la cosa e la parola, molto trafficò. È dalla neve, intanto, che cavò i pupazzi dei suoi versi inversi. Così provò che il contrario è la forma mistica del superlativo, che di là dal bianco massimo sta il nulla.

On ne sait pas à quel point il souffrit du froid, mais il est certain qu'il eut beaucoup affaire avec la neige, la chose concrète et le mot. Par exemple, c'est avec elle qu'il a fabriqué les bonhommes de neige de ses vers inversés. Il se rendit compte ainsi que l'inverse est la forme mystique de l'extrême, qu'au-delà du blanc absolu règne le néant.






Glenn Gould

Tiene al suo corpo, visto che è un dio. Da sempre teme che i suoi odiati fan gli sciupino le mani. Da sempre, per la paura di ammalarsi, indossa il cappotto in piena estate.

Il tient à son corps, puisqu'il est un dieu. Depuis toujours, il craint que ses admirateurs haïs lui abîment les mains. Depuis toujours, par peur de tomber malade, il porte un manteau en plein été. 

Eugenio Baroncelli  Risvolti svelti, Sellerio editore Palermo, 2017 (Traduction personnelle)








samedi 2 septembre 2017

Lassù (Breve storia del cielo) Là-haut (Brève histoire du ciel)




Dans un petit livre paru en 2013 aux éditions Sellerio, Pagine bianche [Pages blanches] Eugenio Baroncelli réunit cinquante-cinq livres qu'il n'a pas écrits, et dont on trouve ici les titres, souvent très évocateurs, parfois les préfaces, ou encore les quatrièmes de couverture, les avis au lecteur, les incipits, les index, les dédicaces. Avec ces quelques éléments, le lecteur peut rêver à loisir à la matière de ces ouvrages imaginaires : 
La chambre verte, abécédaire de mes morts favoris  
Atlas raisonné des saisons   
Choses, livre de toutes les choses, et bien d'autres encore, qui se trouvent sur mon bureau  
Où étions-nous ? Soixante-dix-sept cartes postales jamais envoyées 
La lumière s'est enfuie, éloge de l'ombre 
Les fleuves, chapitres d'un roman prêt à s'abîmer en mer 
Au commencement, livre lacuneux de l'enfance
Loin, plus loin, très loin : histoire et géographie de la distance
La liste joyeuse : inventaire de mes inventaires favoris 
Avant la fin de la nuit : dix-neuf rêves et vingt rêveurs 
Silence, bibliographie complète des livres jamais écrits, etc.
L'entreprise de Baroncelli rappelle la séquence du rêve de l'élève de Giotto qui clôt le Décameron de Pasolini, où l'artiste se demande "pourquoi réaliser une œuvre, alors qu'il est si beau de seulement la rêver"... Je cite ici le chapitre consacré au livre virtuel intitulé : Là- haut : brève histoire du ciel.


 « Il cielo si è riempito di astronomia. » 


Prefazione

Uno lo sognò Tolomeo, un altro Copernico. Gli atlanti lo dividono in costellazioni, vere o false a seconda dell’edizione, che sta nel tempo. Al principio dell’altro secolo, Fernandez Moreno, incantato da quello che gli stava sopra tutti i santi giorni, lo divise in quartieri, come se fosse Buenos Aires. Qualcuno lo popolò di quasi infinite stelle, di cui non sa il nome. Altri di molti dèi, e altri di uno solo, che lo avrebbe inventato per ingannare la solitudine e ci abiterebbe ancora oggi. Alcuni assicurano che è eterno ; altri sostengono che la sua eternità è affare del reticente avvenire, e prudentemente la configurano nelle antologie della fantascienza. Girolamo Fleury, uomo ufficioso, lo credette un talismano o uno specchio che dovremmo leggere — di nuvole che ce lo nascondono, di lune che lo sbiancano, di soli che lo incendiano. Claudio, l’uomo lontano trecento metri o due anni da dove sto adesso, seppe un giorno dove comincia. 

Questo libro racconta questo e anche altro : per esempio le aurore, quella musica, da cui sappiamo che i nostri morti non sono morti ma lontani, così lontani che la loro voce ci arriva travestita da brusio della brezza, per esempio certi crepuscoli di fuoco, che sembrano una fine e invece, con quei riflessi rosso sfacciato da tintura da poco che a me ricordano le donne perdute, sono un principio, almeno per un po’. Per esempio i banditeschi tramonti in cui se ne va in sangue, con quegli spaventevoli cani che fiutano la notte. 

Eugenio Baroncelli  Pagine bianche, 55 libri che non ho scritto  Sellerio editore, Palermo, 2013








« Le ciel s'est rempli d'astronomie. »


 
Préface

Ptolémée en rêva un, et Copernic un autre. Les atlas le divisent en constellations, vraies ou fausses selon les éditions et les époques. Au début du siècle précédent, Fernandez Moreno, fasciné par ce qu'il pouvait contempler au-dessus de lui tous les jours, le divisa en quartiers, comme s'il s'agissait de Buenos Aires. Certains le peuplèrent d'un nombre presque infini d'étoiles, dont ils ignorent le nom. D'autres en firent le séjour de plusieurs dieux, alors que d'autres pensaient au contraire qu'il n'en existait qu'un seul, qui l'aurait inventé pour tromper sa solitude et qui s'y trouverait encore aujourd'hui. Quelques uns assurent qu'il est éternel ; d'autres soutiennent que son éternité est liée à l'incertitude de l'avenir, et avec prudence ils considèrent que toutes ces considérations relèvent du domaine de la science-fiction. Jérôme Fleury, un homme très scrupuleux, crut qu'il s'agissait d'un talisman ou d'un miroir qu'il nous faudrait lire — avec des nuages qui nous le cachent, des lunes qui le blanchissent, des soleils qui l'incendient. Claudio, l'homme éloigné de trois-cent mètres ou de deux ans de l’endroit où je me trouve à présent, sut un jour où il commence.

Ce livre raconte cela, et d'autres choses encore : par exemple les aurores, cette musique, qui nous apprend que nos morts ne sont pas morts, mais qu'ils se sont éloignés, à tel point que leur voix nous parvient déguisée en murmure de la brise, par exemple certains crépuscules de feu, qui semblent une fin alors que, avec leurs reflets rouges criards de teintures bon marché qui m'évoquent les femmes perdues, ils sont un début, au moins l'espace d'un moment. Par exemple encore les couchers de soleil criminels où le ciel devient sanglant, avec ces chiens effrayants qui flairent la nuit. 


(Traduction personnelle)









Images : en haut, Denis Trente-Huittessan  (Site Flickr)

au centre, Site Flickr

en bas, Chiara Catalini  (Site Flickr)




"Perchè realizzare un'opera quando è così bello sognarla soltanto ?" 
"Pourquoi réaliser une œuvre alors qu'il est si beau de se contenter de la rêver ?"

mercredi 18 janvier 2017

Signor Giovanni




Johan Joachim Wincklemann

Trieste, 8 giugno 1768. Muore verso le quattro del pomeriggio fra le braccia insanguinate del cerusico Ezechiel Katz. Ha gli anni di Calamity Jane e il destino di Pier Paolo Pasolini. È il maestro del Bello e fa una brutta fine. Quella notte, nel suo letto all’Osteria Grande, locanda verosimilmente poco appollinea, non ha dormito. L’ha passata con il vicino di stanza, il cuoco pistoiese al momento disoccupato Francesco Arcangeli, fronte bassa, occhi scuri, naso curvo, sopracciglia folte, che di celestiale, decisamente, non ha altro che il cognome. Che cosa lo abbia attirato in un uomo come quello (il vigore degli anni, il fascino della rozzezza ?) sembra un mistero ma non lo è, perché l’amore, come si sa, è cieco. Fatto sta che all’alba, forse ingolosito da certe preziose medaglie che brillano sul comodino, quello ha impugnato  il coltello e, sostituendo una furia all’altra, ha infierito sul suo corpo come un macellaio quando scanna le bestie. 

Delle loro anime si sa poco. Una sarà finita nel nobile paradiso degli esteti, l’altra nell’efferato inferno dei disgraziati. Dei loro corpi si sa tutto. Uno, sfigurato dalla ruota e divorato dal fuoco, ebbe le ceneri disperse al vento : dispregio riservato dalla legge ai sodomiti. L’altro fu inummato con tutti gli onori nel campo comune, dove diventerà cenere come l’altro. L’1 marzo 1833, quando si riesumarono i resti per collocarli in un più degno sepolcro nel Cimitero superiore, non si trovò altro che quella. 

Eugenio Baroncelli   Mosche d'inverno Ed. Sellerio, 2010






Johann Joachim Wincklemann

 Trieste, 8 juin 1768. Il meurt vers quatre heures de l’après-midi entre les bras ensanglantés du chirurgien Ezechiel Katz. Il a l’âge de Calamity Jane et le destin de Pier Paolo Pasolini. C’est le maître du Beau et il a une fin très laide. Cette nuit-là, dans son lit de l’Osteria Grande, établissement vraisemblablement peu apollinien, il n’a pas dormi. Il l’a passée en compagnie de son voisin de chambre, le cuisinier de Pistoie à ce moment-là sans emploi, Francesco Arcangeli, le front bas, les yeux sombres, le nez courbe, les sourcils épais ; décidément, il n’a rien d’angélique, si ce n’est son nom. Qu’est-ce qui a bien pu l’attirer chez un tel homme : la force de l'âge, l’attrait de la rudesse ? Cela ressemble à un mystère, mais ce n’en est pas un, parce que l’amour, c’est bien connu, est aveugle. Toujours est-il qu’à l’aube, peut-être alléché par certaines médailles précieuses qui brillent sur la table de chevet, l’homme s’est emparé d’un couteau et, passant d’une fougue à l’autre, il s’est acharné sur son corps comme un boucher lorsqu’il égorge les bêtes. 

Sur le destin de leurs âmes, on ne sait pas grand-chose : l’une a dû rejoindre le noble paradis des esthètes, l’autre l’impitoyable enfer réservé aux voyous. En revanche, on n’ignore rien de ce que devinrent leurs corps : l’un fut écartelé sur la roue et dévoré par le feu, avant que l’on ne disperse ses cendres dans le vent, selon la punition prévue par la loi pour les sodomites ; l’autre fut inhumé avec tous les honneurs dans le cimetière commun, où lui aussi il va finir par se dissoudre. Le premier mars 1833, lorsque l’on exhuma les restes pour les placer dans un tombeau plus digne, dans le Cimetière supérieur, on ne trouva plus que de la cendre. 

(Traduction personnelle)








Images : en haut, Renaud Camus (Site Flickr

au centre, Claudia Dias (Site Flickr

en bas, Site Flickr



samedi 8 novembre 2014

Come un romanzo (Comme un roman)




Le dernier ouvrage d'Eugenio Baroncelli, Gli incantevoli scarti (Les écarts enchanteurs, ou peut-être aussi Les rebuts enchanteurs) propose cent romans, chacun étant composé de cent mots. Ce sont donc des esquisses, ou plutôt des concentrés de romans, dont la concision laisse au lecteur la possibilité d'imaginer, d'approfondir, de développer l'hypothèse de fiction qui lui est proposée. Nous sommes ici dans le sillage des expériences de l'Oulipo (l'Ouvroir de littérature potentielle), mais aussi de Borges ou de Calvino ; les romans sont classés par genre : épistolaires, sensuels, romans roses ou noirs, romans historiques ou biographiques, romans d'aventures... Je cite ici trois exemples de ces romans brefs, qui, au-delà de l'intérêt expérimental de l'entreprise, offrent aussi un délicieux plaisir de lecture :

Ci vuole gusto

« Mi scriverai ? ». « Ti scriverò », promise Stella. Fu di parola. La prima lettera sapeva di terra. Veniva dal giardino in cui piantava le patate dolci. La seconda sapeva di mare : l’Egeo in cui si tuffa tra una frase e l’altra. La terza sapeva di pioggia (l’avrà presa sulla strada per l’ufficio postale). La quarta sapeva di fumo. Veniva dalle notti in cui covava il fuoco delle sue eterne Camel senza filtro. La quinta sapeva di sangue : l’ultimo sangue che esce da una ferita mortale. La sesta sapeva di tenebre, come una bottega chiusa. La settima profumava di lavanda, come i morti.




Il faut avoir du goût

« Tu m’écriras ? ». « Je t’écrirai », lui promit Stella. Elle tint parole. La première lettre avait un goût de terre. Elle provenait du jardin où elle plantait les patates douces. La seconde avait un goût de mer : l’Égée dans laquelle elle plongeait entre une phrase et l’autre. La troisième avait un goût de pluie (elle l’aura prise sur la route de la poste). La quatrième avait un goût de fumée. Elle provenait des nuits où couvait le feu de ses éternelles Camel sans filtre. La cinquième avait le goût du sang : le dernier sang qui s’échappe d’une blessure mortelle. La sixième avait un goût de ténèbres, comme une boutique fermée. La septième avait un parfum de lavande, comme les morts.


Lope de Aguirre, angelo ammutinato

Basco di Guizpuzcoa, attraversò il Nuovo Mondo come un tumore furibondo. Là, con la sua voce bruciata dal rum, abbaiò al re Filippo e agli uomini. Là, lui che era un diavolo, febbrilmente corse in cerca del Paradiso, che allora si chiamava El Dorado. Ebbe due morti. La prima in un film, dove, mascherato da Klaus Kinski, finiva circonfuso di scimmie che gridano. La seconda, in una autentica baracca di Barquimiseto, dove fu fucilato dai soldati imperiali il 27 ottobre 1561. Il corpo fu smembrato e disperso in varie città del Venezuela. L’anima, probabilmente, ritornò là da dove era venuta.




Lope de Aguirre, ange mutiné

Basque de Guipuzcoa, il parcourut le Nouveau Monde comme une tumeur furieuse. Là, avec sa voix brûlée par le rhum, il aboya conte le roi Philippe et contre les hommes. Là, lui qui était un diable, il courut fébrilement en quête du Paradis, qui alors s’appelait El Dorado. Il eut deux morts. La première dans un film, où, déguisé en Klaus Kinski, il finissait encerclé par des singes hurleurs. La seconde, dans une authentique baraque de Barquimiseto, où il fut fusillé par des soldats de l’Empire le 27 octobre 1561. Son corps fut démembré et dispersé dans plusieurs cités du Venezuela. Son âme, probablement, retourna là d’où elle était venue. 


Perseguitata

Myriam correva. Un ora prima della partenza per Tahiti, scivolò sulla scala mobile e crac, si spezzò una caviglia. L’aereo si alzò fra i suoi rimpianti, annaspò nel cielo azzurro e splash, si inabissò nel mare di Rovigno. Tre mesi dopo che le avevano tolto il gesso, la sua amica Fiorenza festeggiava il compleanno in una discoteca sui colli. Myriam sbagliò una curva e crash, alla festa non arrivò mai. Intanto la discoteca andava a fuoco per un inesplicabile corto circuito, con dentro Fiorenza e le ventidue candeline della torta ancora spente. Myriam piangeva. Povera lei, perseguitata dalla fortuna.




Persécutée

Myriam courait. Une heure avant son départ pour Tahiti, elle glissa sur le tapis roulant et crac, elle se rompit une cheville. L’avion décolla à son grand désespoir, s’agita dans l’azur du ciel et splash, sombra dans la mer de Rovigno. Trois mois après qu’on lui eut ôté son plâtre, son amie Florence célébrait son anniversaire dans une discothèque sur les collines. Myriam manqua un virage et crash, elle n’arriva jamais à la fête. Au même moment, la discothèque prenait feu à cause d’un inexplicable court-circuit, avec à l’intérieur Florence et les vingt-deux bougies du gâteau encore éteintes. Myriam pleurait. Pauvre Myriam, persécutée par la chance.

Eugenio Baroncelli  Gli incantevoli scarti  Sellerio editore Palermo, 2014  (Traductions personnelles)



Images : (1) Samuel van Hoogstraten  Huile sur toile, 1664 (détail) Dordrechts Museum, Dordrecht

(2)  Michel Séguret  (Site Flickr)

(3)  Klaus Kinski dans Aguirre, la colère de Dieu, de Werner Herzog

(4)  Davide Tallento  (Site Flickr)




vendredi 9 mai 2014

Les fleuves (I fiumi)




Dans un petit ouvrage paru aux éditions Sellerio, Pagine bianche [Pages blanches] Eugenio Baroncelli réunit cinquante-cinq livres qu'il n'a pas écrits, et dont on trouve ici les titres, souvent très évocateurs, parfois les préfaces, ou encore les quatrièmes de couverture, les avis au lecteur, les incipits, les index, les dédicaces. Avec ces quelques éléments, le lecteur peut rêver à loisir à la matière de ces ouvrages imaginaires ; voici l'incipit d'un ouvrage potentiel, intitulé : I fiumi, capitoli di un romanzo vicino a scomparire in mare [Les fleuves, chapitres d'un roman sur le point de s'abîmer en mer].


Incipit

La montagna non mi piace : troppo ripida, così stupidamente vicina al cielo. Il mare, che Sade detestava, che Baudelaire adorava, che Valentino, innomabile eresiarca, proclamò iniziatore del mondo, mi è sempre piaciuto : prima (quando ero bambino) perché ci sguazzavo dentro senza saperlo e dopo (oggi, per esempio) perché so che è una eccelente metafora dell'eternità. Questo libro, questo equanime libro, sta nel mezzo.

I fiumi ci assomigliano. Hanno l'incertezza delle nostre vite : forse saranno mare, forse lago. Hanno quella discutibile virtù discenditiva che noi chiamiamo invecchiare. Muoiono come noi, e molte volte più di noi. Si ripetono, ecco tutto. Trascinano giù a valle, nell'imparziale corrente, tutti i detriti del mondo, i cadaveri e le rose, il sempiterno fango o l'albero spezzato del veliero, come noi le nostre minuscole scorie, di anni, di ricordi, di salute o malattia. Perfino i più nobili (il Danubio, il Nilo) non schivano l'impurità, ma la accolgono per trasformarla nel loro impeto. 

C'è il piccolo Dewi intralciato dai giunchi. C'è il generoso Mississipi, pronto ad accogliere il tuffo di John Berryman. C'è il Giallo, così sterminato che sembra lui un mare. O il Tevere, se non è un'idea. Ci sono la Senna maliziosa e il breve Reno. C'è il Gualdalquivir rosso di sangue. C'è l'indeciso Marecchia, capitolo della mia infanzia. Però, come vedrete, fra tutti preferisco il Meno.
  
Eugenio Baroncelli  Pagine bianche, 55 libri che non ho scritto  Sellerio Editore, 2013





 Incipit

Je n’aime pas la montagne : trop escarpée, si bêtement proche du ciel. La mer, que Sade détestait, que Baudelaire adorait, dont Giovanni Valentino Gentile, hérésiarque dont il ne faut pas prononcer le nom, dit qu’elle constituait l’origine du monde, m’a toujours plu : d’abord, (quand j’étais enfant), parce que j’aimais y barboter, et par la suite, (aujourd’hui, par exemple), parce que je sais qu’elle est une parfaite métaphore de l’éternité. Ce livre, ce livre impartial, a choisi une voie intermédiaire. 

Les fleuves nous ressemblent. Ils ont la même incertitude que nos vies : ils seront peut-être une rivière, ou peut-être un lac. Ils ont cette vertu discutable de l’écoulement, que nous appelons la vieillesse. Ils meurent comme nous, et plusieurs fois, contrairement à nous. Ils se répètent, voilà tout. Ils transportent en aval, dans le courant impartial, tous les déchets du monde, les cadavres et les roses, la boue éternelle et le mât brisé du voilier, comme nous le faisons nous-mêmes pour nos rebuts minuscules, qu’il s’agisse d’années, de souvenirs, de santé ou de maladie. Même les fleuves les plus nobles (le Danube, le Nil) n’échappent pas à l’impureté, mais l’accueillent pour la transformer dans leur cours impétueux.




Il y a le petit fleuve Dewi entravé par les roseaux. Il y a le généreux Mississipi, prêt à recevoir le plongeon de John Berryman. Il y a le Fleuve Jaune, immense au point qu’il ressemble à un océan. Ou le Tibre, s’il n’est pas seulement une idée. Il y a la Seine malicieuse et le bref Rhin. Il y a le Gualdaquivir rouge de sang. Il y a l’indécis Marecchia, un des chapitres de mon enfance. Toutefois, comme on va le voir, celui que je préfère est le Main. 

(Traduction personnelle)








Images : (1), Edi Schneider  (Site Flickr)

(2), Louis C.  (Site Flickr)

(3), Chris Bryant  (Site Flickr)

(4), Rainer Cadera  (Site Flickr)




mardi 11 mars 2014

Natalie Wood




"Though nothing can bring back the hour..."








Al largo dell’isola di Catalina, 29 novembre 1981. Alle sette e tre quarti del mattino la trovano che galleggia sulle acque generose dell’oceano : di schiena, come se volesse contemplare per sempre il cielo perseguitato dalle stelle. Nel cuore della notte ha lasciato lo yacht, si è imbarcata sul gommone ed è andata. Andata dove ? Non importa. Basta il viaggio più breve per dichiararci partiti. Cosa è successo ? Chi dice che, inebetita dall’alcool e dai barbiturici, è scivolata come niente fuori bordo. Chi dice che ha raggiunto i suoi compagni di Gioventù bruciata, Jimmy Dean fulminato dalla sua Porsche a ventiquattro anni, Sal Mineo finito da una pugnalata al cuore a trentasette, finché era in tempo. Belli e dannati non si può essere da vecchi, e lei di anni da farsi perdonare ne aveva già quarantatré.

Eugenio Baroncelli  Mosche d'inverno Ed. Sellerio, 2010





Au large de l’île de Catalina, le 29 novembre 1981. À huit heures moins le quart du matin, on l’a retrouvée flottant dans les eaux généreuses de l’océan : sur le dos, comme si elle voulait contempler pour toujours le ciel poursuivi par les étoiles. En plein cœur de la nuit, elle a quitté le yacht, s’est embarquée sur le canot pneumatique et elle est partie. Pour aller où ? Peu importe. Le voyage le plus bref suffit pour attester que l’on est bel et bien parti. Qu’est-ce qui s’est passé ? Certains disent que, assommée par l’alcool et les barbituriques, elle a basculé par-dessus bord sans même s’en apercevoir. D’autres disent qu’elle a rejoint, quand il en était encore temps, ses partenaires de La Fureur de vivre : Jimmy Dean foudroyé dans sa Porsche à vingt-quatre ans, Sal Mineo tué d’un coup de couteau dans le cœur à trente-sept ans. Beaux et damnés, on ne peut pas l’être quand on est vieux, et elle avait déjà quarante-trois années à se faire pardonner.

(Traduction personnelle)







Image
: en haut, Bree Prince (Site Flickr)

Source de la vidéo : Site YouTube



(...)

dimanche 8 décembre 2013

Edie S.





Edie Sedgwick

New York, 16 novembre 1971. Muore in casa, di un overdose di uova strapazzate all'acido lisergico e cocaina. Ha appena salutato la città in un film (Ciao, Manhattan!) e oggi la saluta nella cosidetta realtà. È stata la controfigura femminile dell'algido Warhol, re tiranno del pop. Avvolta in una nuvola di alluminio o nuda sotto il visone bianco, capelli laccati d'oro e scarpine basse, il naso lucido di cipria e di neve, tutte e due del colore della pelliccia, tenendo al guinzaglio quindici conigli spauriti, tutte le notti ha ancheggiato ai riff dei Velvet Underground e a ogni alba è crollata fra le braccia dei tassisti, a cui, balbettando l'indirizzo, lasciava di mancia qualcuno dei suoi gioielli. Aveva ventotto anni, uno in meno di Evaristo Carriego e John Keats.

Eugenio Baroncelli Mosche d'inverno, Ed. Sellerio, 2010


 

Edie Sedgwick

New York, 16 novembre 1971. Elle meurt chez elle, d'une overdose d’œufs brouillés à l'acide lysergique et à la cocaïne. Elle vient tout juste de saluer la ville dans un film (Ciao, Manhattan !), et aujourd'hui, c'est dans ce qu'il est convenu d'appeler la réalité qu'elle lui dit adieu. Elle a été la doublure féminine du glacial Warhol, roi tyrannique du pop art. Enveloppée dans un nuage d'aluminium ou nue sous un vison blanc, cheveux laqués d'or et chaussures basses, le nez brillant de poudre et de neige, l'une et l'autre de la même couleur que la fourrure, tenant en laisse quinze lapins apeurés, elle s'est déhanchée toutes les nuits sur les riffs du Velvet Underground et à chaque aube elle s'est effondrée dans les bras des chauffeurs de taxi, à qui, après avoir bredouillé son adresse, elle laissait comme pourboire l'un de ses bijoux. Elle avait vingt-huit ans, un de moins qu'Evaristo Carriego et John Keats.

(Traduction personnelle)












dimanche 28 avril 2013

La Casati



"Age cannot wither her, nor custom stale
Her infinite variety."

Shakespeare Antony and Cleopatra II, 2







Luisa Casati

Londra, Beaufort Gardens, sabato 1 giugno 1957. Agli amici non scrive più. Si crede telepatica e parla con loro convinta che la sentano. Si lava con la belladonna gli occhi che ormai non vedono più. Invecchia, sola con le sue manie, in una modesta camera affittata. Spegne nell’ombra i fuochi di una vita leggendaria. Se ne va alle tre del pomeriggio stroncata da un’emorragia cerebrale. È stata Isabella Inghirami in quel romanzo di D’Annunzio, e oggi muore come lui.

Una volta era bella. Ha impreziosito la sua bellezza indossando gli abiti strepitosi che Fortuny disegnava solo per lei. Ha incantato Diaghilev. Ha ammaliato Rubinstein e messo in soggezione David Herbert Lawrence. Ha dato feste mitiche, nel suo palazzo sul Canal Grande o nel giardino con gli alberi dipinti d’oro della villa di dieci piani alla periferia di Parigi, in cui lei era il sole e gli altri le stelle che debbono rassegnarsi a impallidire. «Vorrei essere un’opera d’arte vivente», ha sempre confessato senza tante cerimonie, e oggi sa come vanno a finire anche le opere d’arte.

Un giorno, a Parigi, ha ricevuto Man Ray. Lei ha quarantatré anni, undici più di lui, ma non si vede. Indossa la tenuta abituale : tre metri di pitone vivo intorno ai fianchi ancora snelli. Si mette in posa. Lui accende le lampade, ma un corto circuito oscura tutte le luci gettando il salone nella penombra. Non fa niente. Starà in posa nella penombra. Tornato a casa, lui svillupa le fotografie. Sono venute così male che vorrebbe buttarle, ma lei dice : «Le compro». Lei le trova magnifiche. Adora quel sorriso sfuocato, di occhi che scintillano nel buio come gli occhi di una tigre al risveglio. Gli dice : «Ha fotografato la mia anima, lo sa?»

Eugenio Baroncelli  Mosche d'inverno Ed. Sellerio, 2010







Luisa Casati

Londres, Beaufort Gardens, samedi 1er juin 1957. Elle n’écrit plus à ses amis. Sûre d'avoir des dons de télépathie, elle parle avec eux, persuadée qu’ils l’entendent. Elle baigne avec de la belladone ses yeux qui désormais ne voient plus. Elle vieillit, seule avec ses manies, dans une modeste chambre louée. Elle éteint dans l’ombre les feux d’une vie légendaire. Elle meurt à trois heures de l’après-midi, emportée par une hémorragie cérébrale. Elle a été Isabelle Inghirami dans le roman de D’Annunzio, et aujourd’hui elle meurt comme lui.

Autrefois, elle était belle. Elle a rehaussé sa beauté en portant les vêtements prestigieux que Fortuny créait spécialement pour elle. Elle a fasciné Diaghilev. Elle a envoûté Rubinstein et troublé D.H. Lawrence. Elle a donné des fêtes mythiques, dans son palais sur le Grand Canal ou dans le jardin aux arbres peints en or de sa villa de dix étages dans la banlieue de Paris ; elle y était le soleil et tous les autres des étoiles qui doivent se résigner à pâlir. «Je voudrais être une œuvre d’art vivante», avouait-elle tout simplement, et aujourd’hui, elle sait comment les œuvres d’art, elles aussi, finissent.

Un jour, à Paris, elle a reçu Man Ray. Elle a quarante-trois ans, onze de plus que lui, mais cela ne se voit pas. Elle porte sa tenue habituelle : trois mètres de python vivant autour de ses hanches encore minces. Elle prend la pose. Il allume les lumières, mais un court-circuit plonge brusquement le salon dans l’obscurité. Cela n’a pas d’importance : elle gardera la pose dans la pénombre. Un peu plus tard, Man Ray développe les photographies. Elles sont si mauvaises qu’il voudrait les jeter, mais elle lui dit : «Je vous les achète». Elle les trouve magnifiques. Elle adore ce sourire flou, ces yeux qui scintillent dans le noir comme ceux d’une tigresse au réveil. Elle lui dit : «Savez-vous que vous avez photographié mon âme ?»

(Traduction personnelle)








Images
: en haut, Man Ray Portrait de la Marquise Luisa Casati (1922)

au centre, Man Ray Portrait de la Marquise Luisa Casati (détail) (1922)

en bas, Adolf de Meyer Portrait de la Marquise Luisa Casati (1912), avec un autographe de D'Annunzio.

mercredi 19 septembre 2012

La leçon de la Sainte-Victoire




"Lorsque sur le premier haut plateau je me retournai pour voir la montagne, ses flancs, de nouveau, étincelaient comme une fête (il y avait même un endroit qui brillait comme s'il y avait là une veine de marbre) ; au coup d’œil suivant, cette lueur, loin en bas dans une forêt de pins, semblait, à travers les pointes des arbres, une robe de mariée accrochée là. Continuant mon chemin, je lançai une pomme qui se mit à tourner dans l'air, reliant mon sentier à la forêt et au rocher." 

Peter Handke La leçon de la Sainte-Victoire, Gallimard, 1985







Paul Cézanne, l'uomo che voleva diventare una montagna

A me le montagne non piacciono (troppo ripide, così stupidamente vicine al cielo), ma sentite qua. Da Aix, dove era tornato a morire, lui ne vedeva una, la Sainte-Victoire, così attraente che nei colori dell'anima – il bianco, il violetto, il grigio nuvoloso – la ritrasse almeno sessanta volte, come se volesse diventare lei. Andate e vedrete : ne restano dappertutto, due a Zurigo, una a Cardiff, una a Basilea e un'altra (la stessa) a Philadelphia. Fatto sta che in questa laboriosa prodezza moltiplicò le energie e gli anni che gli restavano, ma forse non ce n'era bisogno. Forse non sapeva che undici secoli prima il taoista Li-Po, morto cadendo dalla barca mentre, ubriaco di vino, tentava di afferrare la luna sul lago Chang Jiang, fra le sue mille e cento poesie in verso regolato ci aveva lasciato questa : «Sediamo insieme, la montagna e io, finché rimane solo la montagna.»

Eugenio Baroncelli  Falene, 237 vite quasi perfette  Ed. Sellerio, 2012








 Paul Cézanne, l'homme qui voulait devenir une montagne

 Pour ma part, je n'aime pas les montagnes (trop escarpées, si sottement proches du ciel), mais écoutez plutôt. Depuis Aix, où il était revenu pour y mourir, il en voyait une, la Sainte-Victoire, si attirante que dans les couleurs de l'âme – le blanc, le violet, le gris des nuages – il la peignit au moins soixante fois, comme s'il voulait devenir cette montagne. Allez-y voir : il y en a partout, deux à Zurich, une à Cardiff, une à Bâle et une autre (la même) à Philadelphie. Par cette laborieuse prouesse, il parvint à multiplier ses forces et les années qu'il lui restait à vivre, mais peut-être n'était-ce pas nécessaire. Il ignorait peut-être qu'onze siècles plus tôt, le taoïste Li-Po, mort en tombant d'une barque tandis que, ivre de vin, il tentait d'attraper la lune sur le lac Chang Jiang, parmi ses mille cent poèmes en vers réguliers nous avait laissé celui-ci :

«Nous sommes assis ensemble, 
La montagne et moi, 
Jusqu'à ce que, seule, la montagne demeure

(Traduction personnelle)








Images : en haut, photographie de la Sainte-Victoire par Jacqueline Poggi  (Site Flickr)

au centre, Paul Cézanne  Mont Sainte-Victoire, 1885-1887

en bas, Paul Cézanne  La Montagne Sainte-Victoire vue des Lauves, 1901-1906




vendredi 31 août 2012

Farsi dimenticare (Se faire oublier)



"Un giorno, prenderemo dei treni che partono."





L'une des "237 vies presque parfaites" que raconte Eugenio Baroncelli dans son ouvrage Falene (Phalènes), récemment paru aux éditions palermitaines Sellerio :


L'uomo più dimenticato del monde

Niente nome. Quello se lo tolse con gioia, la stessa con cui a noi lo mettono i nostri genitori. Niente musica, tranne quella canzone di Serge Reggiani con cui faceva volentieri sera. Niente vocazioni. Era portato per la poesia, ma non scrisse un solo verso. Niente è più poetico che farsi dimenticare. Niente indirizzo. Stava in un vecchio autobus abbandonato, dove non è necessario essere ancora qualcuno. Se ne andò in fretta e furia. Stava per dire che se ne andava all’improvviso senza avvisare nessuno, ma invece di dirlo aprì bocca in un sorriso. Chi avrebbe dovuto avvisare ?

Eugenio Baroncelli  Falene, 237 vite quasi perfette, Sellerio Ed. 2012






L'homme le plus oublié du monde

Pas de nom. Il s’en débarrassa avec joie, la même joie qu’éprouvent nos parents à nous en donner un. Pas de musique, à part cette chanson de Serge Reggiani qu’il aimait bien écouter, le soir venu. Pas de vocation. Il était doué pour la poésie, mais il n’a jamais écrit un seul vers. Rien n’est plus poétique que de se faire oublier. Pas d’adresse. Il vivait dans un vieil autobus abandonné, là où il n’est pas nécessaire d’être encore quelqu’un. Il s’en alla à toute vitesse. Il était sur le point de dire qu’il partait à l’improviste sans prévenir personne, mais au lieu de cela, il se contenta d’esquisser un sourire. Qui aurait-il dû prévenir ?

(Traduction personnelle) 








Images : en haut, Site Flickr

en bas, Mauro Franzolin  (Site Flickr)

samedi 2 juin 2012

Zona Cesarini




Dans son Libro di candele (Livre de chandelles), Eugenio Baroncelli raconte "en deux ou trois poses", deux cent soixante-sept vies, comme autant de bougies allumées pour entretenir la mémoire ou raviver le souvenir. Par exemple, ici, celui du fantasque footballeur italien Renato Cesarini : 


Renato Cesarini, attaccante dandy


Nacque a Senigallia nel 1906. A nove mesi salpò per l’Argentina sul piroscafo Mendoza. Sbarcò a Buenos Aires che ne aveva dieci. Fu calzolaio, acrobata, pugile, radiocronista e chitarrista. Fu anche funebrero, cioè becchino. Tirò i primi calci in un campetto della Chacarita, quartiere in cui sorgeva un cimitero e che dava il nome alla squadra : la stessa terra per giocare e per seppellire i morti. Aveva talento e fiuto per il gol. Aveva il naso triste di Bartali, il viso affilato, gli occhi come scintille, e un ciuffo ribelle a qualsiasi brillantina. 

Nel gennaio del 1930, comprato dalla Juventus, tornò in Italia : portava una sciarpa di seta, gemelli d’oro e borsalino di marca. Diventò compagno di Virginio Rosetta, che non amava i colpi di testa perché gli sciupavano la permanente, e Felicino Borel, che aveva i piedini di una principessa cinese. Imparò l’italiano nei bordelli di piazza Castello. A Torino aprì un locale di tango e vestì i camerieri da gauchos. Più rousseliano di Roussel, cambiava camicia tre volte al giorno. Dormiva in lenzuola di seta e fumava tre pacchetti di sigarette al giorno. Una volta arrivò all’allenamento scendendo in smoking dal taxi. Il 13 dicembre 1931, guadagnata la maglia azzurra, segnò al novantesimo il gol con cui noi battemmo gli ungheresi e lui battezzò la zona passata in proverbio. 

Nel 1935 tornò in Argentina, dove vinse due scudetti come allenatore del River Plate. Morì nel 1969, nel sonno, con indosso il suo pigiama di seta.

Eugenio Baroncelli  Libro di candele, Sellerio Ed., 2010 







Renato Cesarini, l'attaquant dandy


À l’âge de neuf mois, il embarqua pour l’Argentine sur le paquebot Mendoza. Il en avait dix quand il débarqua à Buenos Aires. Il fut cordonnier, acrobate, boxeur, présentateur de radio et guitariste. Il fut aussi funebrero, c'est-à-dire fossoyeur. Il commença à taper dans un ballon sur le petit terrain de la Chacarita, un quartier où se trouvait un cimetière et qui donnait son nom à l’équipe de football : la même terre pour jouer et pour ensevelir les morts. Il avait le talent et le flair du buteur. Il avait le nez triste de Bartali, le visage émacié, les yeux comme des étincelles, et des mèches rebelles à toutes les brillantines.

En janvier 1930, acheté par la Juventus, il retourna en Italie : il portait une écharpe de soie, des boutons de manchettes en or et un Borsalino. Il devint l’ami de Virginio Rosetta, qui n’aimait pas le jeu de tête parce que cela dérangeait sa coiffure, et de Felicino Borel, qui avait les petits pieds d’une princesse chinoise. Il apprit l’italien dans les bordels de la piazza Castello. Il ouvrit à Turin une boîte à tango où les serveurs étaient habillés comme des gauchos. Plus roussellien que Roussel, il changeait de chemise trois fois par jour. Il dormait dans des draps de soie et fumait chaque jour trois paquets de cigarettes. On le vit une fois descendre d’un taxi en smoking pour se rendre à l'entraînement. Le 13 décembre 1931, sous le maillot de l’équipe nationale, il marqua à la quatre-vingt-dixième minute le but qui permit à l'Italie de remporter la victoire contre l'équipe de Hongrie ; c’est ainsi qu’il donna son nom à la zone devenue proverbiale (1).

En 1935, il retourna en Argentine, où il remporta deux titres de champion comme entraîneur du River Plate. Il mourut en 1969, dans son sommeil, vêtu de son pyjama de soie.

(Traduction personnelle)

(1) En Italie, les commentateurs des matchs de football ont l'habitude de parler d'un but marqué "in zona Cesarini" ("en zone Cesarini") quand le joueur marque dans les toutes dernières minutes (ou secondes) de la partie. (Note du traducteur)






Images : en haut, Wiki Commons

au centre (Source)