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samedi 4 novembre 2017

Les Frileux (Freddolosi)




Dans Risvolti svelti son nouveau livre paru aux éditions Sellerio, dans la très élégante collection Il divano, Eugenio Baroncelli propose toute une série de rabats (ou volets) de couvertures de livres imaginaires, présentant des personnages réels tous en rapport avec la vie littéraire. Ces esquisses de biographies sont classées par catégories hétéroclites : ceux qui s'ennuyaient, ceux qui sont tombés, les décapités, les fumeurs impénitents, les passagers, les voyageurs acharnés, les frileux... Je cite ici trois exemples appartenant à cette dernière catégorie ; comme toujours chez Baroncelli, la brièveté, l'aspect lapidaire du texte produit un effet d'étrangeté et de vérité étonnant, comme un flash, une lumière qui brille un laps pour éclairer une vie, et c'est le lecteur qui est à la fois surpris et ébloui par ces esquisses, ces résumés fulgurants de biographies dont il peut s'il le souhaite retisser la trame en faisant appel à ses souvenirs ou en laissant vagabonder son imaginaire, comme invitaient à le faire les écrivains de l'Oulipo, auxquels on pense souvent en lisant Baroncelli...






Ignoto perfino a lui, che ci ha insegnato quel che non sapeva, un misterioso dio gli raggelò le gambe. Ebbe per musa la sua stufa. Nella canicola dell'agosto romano scendeva sotto casa al caffè Strega avvolto nel pastrano.

Inconnu même pour lui, qui nous a enseigné tout ce qu'il ne savait pas, un dieu mystérieux lui glaça les jambes. Son poêle fut sa muse. Dans la canicule du mois d'août romain il se rendait juste en dessous de chez lui au café Strega emmitouflé dans son pardessus.





Paul Celan

Quanto patisse il freddo non si sa, ma è un fatto che con la neve, la cosa e la parola, molto trafficò. È dalla neve, intanto, che cavò i pupazzi dei suoi versi inversi. Così provò che il contrario è la forma mistica del superlativo, che di là dal bianco massimo sta il nulla.

On ne sait pas à quel point il souffrit du froid, mais il est certain qu'il eut beaucoup affaire avec la neige, la chose concrète et le mot. Par exemple, c'est avec elle qu'il a fabriqué les bonhommes de neige de ses vers inversés. Il se rendit compte ainsi que l'inverse est la forme mystique de l'extrême, qu'au-delà du blanc absolu règne le néant.






Glenn Gould

Tiene al suo corpo, visto che è un dio. Da sempre teme che i suoi odiati fan gli sciupino le mani. Da sempre, per la paura di ammalarsi, indossa il cappotto in piena estate.

Il tient à son corps, puisqu'il est un dieu. Depuis toujours, il craint que ses admirateurs haïs lui abîment les mains. Depuis toujours, par peur de tomber malade, il porte un manteau en plein été. 

Eugenio Baroncelli  Risvolti svelti, Sellerio editore Palermo, 2017 (Traduction personnelle)








mercredi 28 janvier 2015

Assisi (Assise)




Un poème de Paul Celan, daté du début 1954 et publié dans le volume Von Schwelle zu Schwelle [De seuil en seuil] (1955) :

Assisi

Umbrische Nacht.
Umbrische Nacht mit dem Silber von Glocke und Ölblatt.
Umbrische Nacht mit dem Stein, den du hertrugst.
Umbrische Nacht mit dem Stein.

Stumm, was ins Leben stieg, stumm.
Füll die Krüge um.

Irdener Krug.
Irdener Krug, dran die Töpferhand festwuchs.
Irdener Krug, den die Hand eines Schattens für immer verschloß.
Irdener Krug mit dem Siegel des Schattens.

Stein, wo du hinsiehst, Stein.
Laß das Grautier ein.

Trottendes Tier.
Trottendes Tier im Schnee, den die nackteste Hand streut.
Trottendes Tier vor dem Wort, das ins Schloß fiel.
Trottendes Tier, das den Schlaf aus der Hand frißt.

Glanz, der nicht trösten will, Glanz.
Die Toten – sie betteln noch, Franz.

Paul Celan



Paul Celan lit son poème Assisi


Assise

Nuit d'Ombrie.
Nuit d'Ombrie avec l'argent de la cloche et de la feuille d'olivier.
Nuit d'Ombrie avec la pierre portée jusqu'ici par toi.
Nuit d'Ombrie avec la pierre.

Muet, ce qui montait à la vie, muet.
Fais passer d'une cruche dans l'autre.

Cruche de terre.
Cruche de terre où la main du potier s'est greffée.
Cruche de terre que la main d'une ombre a pour toujours scellée.
Cruche de terre avec le sceau de l'ombre.

Pierre, où tu regardes, pierre.
Fais entrer le grison.

Bête traînarde.
Bête traînarde dans la neige que la main la plus nue épand.
Bête traînarde devant le mot qui s'est brusquement refermé.
Bête traînarde, qui vient manger le sommeil dans la main.

Splendeur qui n'arrive pas à consoler, splendeur.
Les morts — les morts mendient encore, François.

Traduction : Jean-Pierre Lefebvre

Note pour le dernier vers : François, bien sûr pour le saint d'Assise, mais il faut se souvenir que Franz était également le prénom du premier fils de Celan, mort le lendemain de sa naissance, le 8 octobre 1953.






Assisi

Notte umbra.
Notte umbra con l'argento di ulivo e di campana.
Notte umbra con la pietra che portasti fin qui.
Notte umbra con la pietra.

Muto ciò che pervenne alla vita, muto.
Travasa le urne.

Urna di terra,
Urna di terra, cui la mano del vasaio crebbe tenace.
Urna di terra, che la mano di un'ombra chiuse per sempre.
Urna di terra col sigillo dell'ombra.

Pietra, ovunque guardi, pietra.
Fa entrare l'asinello.

Trotterellante.
Trotterellante nella neve sparsa da nudissima mano.
Trotterellante davanti alla parola che si richiuse da sé.
Trotterellante asinello, che bruca il sonno dalla mano.

Splendore, che non sa confortare.
I morti implorano ancora, Francesco.

Traduzione : G. Bevilacqua

Note sur la traduction italienne : on remarquera que, pour le mot Krug, le traducteur italien choisit le terme urna [urne], beaucoup plus évocateur (et connoté) que le plus neutre (et plus exact littéralement) cruche préféré par le traducteur français.








Images : en haut, grazie a Alessandro Mari per questo splendido sguardo verso Assisi  (Site Flickr)

au centre, Daniele Pirolandi  (Site Flickr)

en bas, San Francesco d'Assisi  Sacro Speco, Subiaco (particolare)