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vendredi 27 avril 2018

Nella penombra (Dans la pénombre)




L'origine di penombra è paene ombra, quasi ombra, fusione di Yang e di Yin in cui sembra prevalere Yin, su cui nell'usarlo non si riflette : la maggior parte delle parole sono adoperate avventatamente. Nel parlato la penombra è quasi scomparsa, perché non è tollerata dal linguaggio tecnico e perché è cessata la figura ambiguamente colorata, il punto di ambiente in cui la collocavamo. Si dice "l'ombra della morte" (umbra mortis – tzalmàwet) senza vederla : invece è nata come visione e nel salmo 23 è una valle, un luogo che si percorre, con Qualcuno o soli. È bello "vita umbratile", il punto di ambiente è la penombra. Certe vite sono state tutte nel segno della penombra (Kavafis, la mia forse, il mese di Elùl, la Virgo). Shabbàt e giorno di Ramadàn cessano nello sfumare in penombra della luce diurna, il tragico greco e raciniano non conoscono penombre. La linea d'ombra di The Shadow Line è un impalpabile istante di penombra, la casa giapponese tradizionale su cui ci ha illuminati Junichiro Tanizaki è tutta in penombra, la poesia virgiliana (anche l'epica) è poesia di penombra, e il transito degli etruschi sulla terra, e il teatro di Cechov e... Senza penombra non c'è il riposo, che è tutto in quel cerchio, non c'è neppure ascolto, di voci o musica... Nel pizzicato del violino e della chitarra si può udire la penombra singhiozzare, senza molestia, come se parlasse. 

Guido Ceronetti  La pazienza dell'arrostito  Adelphi Edizioni, 1990 






L'origine de pénombre est paene umbra, presque ombre, fusion du Yang et du Yin où semble prévaloir le Yin, et l'on n'y réfléchit pas quand on l'utilise : la plupart des mots sont employés étourdiment. Dans le parler la pénombre a quasiment disparu, parce qu'elle n'est pas tolérée par le langage technique, qu'a disparu la figure ambigument colorée, le point d'atmosphère où nous la placions. On dit "l'ombre de la mort" (umbra mortis — tzalmàwet) sans la voir ; pourtant, elle est née comme une vision et dans le psaume 23 c'est une vallée, un lieu que l'on parcourt, avec Quelqu'un ou seul. C'est beau une "vie ombragée", le point d'atmosphère est la pénombre. Certaines vies ont été entièrement placées sous le signe de la pénombre (Cavafis, la mienne peut-être, le mois d'Eloul, la Virgo). Shabatt et jour du Ramadan finissent quand la lumière du jour s'estompe dans la pénombre, le tragique grec et racinien ne connaissent pas de pénombres. La ligne d'ombre de The Shadow Line est un impalpable instant de pénombre, la maison japonaise traditionnelle sur laquelle Junichiro Tanizaki nous a éclairés est tout entière dans la pénombre, la poésie de Virgile (même l'épique) est une poésie de pénombre, et le passage des Étrusques sur la terre, et le théâtre de Tchekhov et... Sans pénombre, il n'y a pas de repos, qui est tout dans ce cercle, pas même l'écoute de la voix ou de la musique... Dans le pizzicato du violon et de la guitare on peut entendre la pénombre sangloter, sans désagrément, comme si elle parlait.

Guido Ceronetti  La patience du brûlé  Éditions Albin Michel, 1995  (Traduction : Diane Ménard)   






Images : en haut et en bas, Nicolas Droz  (Site Flickr

au centre, Site Flickr



mercredi 27 septembre 2017

La mort vit à Staglieno




Staglieno ! Staglieno ! (1) Nécropole sans fin, paradis du nécrophile mental, jardin académique de l'animiste athée ! Staglieno, port enseveli, souterrain au flanc de la cité portuaire !

(...)

Ces portes de marbre, closes ou entrebâillées, près desquelles le défunt attend, hésitant, à la fois intrigué et atterré – ou bien est conduit à bout de bras par des anges aussi robustes que les infirmiers d'un vieil hospice d'aliénés – appartiennent à ce fantastique macabre qui est ici l'un des motifs les plus mystérieux... Crevasses sur le gouffre, ouvertures sur le précipice, vous m'attirez mortellement... Si vous n'étiez pas de marbre, je vous écarterais doucement, tenté de regarder... Dans la galerie supérieure le monument le plus morbide est certainement celui de Raffaele Pienovi, 1879, par l'inégalable sculpteur Villa. Une jeune fille, plus curieuse que désespérée (probablement la fille de Pienovi), soulève doucement le linceul, froissé avec élégance, couvrant jusqu'à la tête le cher défunt, qui repose sur deux élégants oreillers de malade.

Mais que voit Mlle Pienovi ? Le mari d'Emma Bovary éprouva une curiosité semblable dans la chambre mortuaire devant le blanc linceul de sa femme : «Lentement, du bout des doigts, en palpitant, il releva son voile. Mais il poussa un cri d'horreur...» Dans un roman on raconte ce qui se passe après : un cri, puis la suite de l'histoire. Mais la fixité de ce groupe de marbre qui suspend le temps, immense, clôt irrésistiblement le mystère. Le groupe étant situé un peu en hauteur, le visiteur ne peut voir ce qui se trouve sous le linceul... Serait-il possible qu'il n'y ait rien ? J'étais seul... Je suis monté et j'ai regardé... Je n'ai pas crié. Je ne dirai pas ce que j'ai vu.

(1) Staglieno est le cimetière monumental de Gênes.

Guido Ceronetti   Albergo Italia
  (traduction : Jean-Paul Guibbert) Editions Phébus.








Images : en haut et en bas (1), Jacqueline Poggi  (Site Flickr

en bas (2) Alejandro Held  (Site Flickr



samedi 7 novembre 2015

Tigre ! Tigre !




"...into the heart of an immense darkness."







The Tyger

Tyger ! Tyger ! burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Could frame thy fearful symmetry ?

In what distant deeps or skies
Burnt the fire of thine eyes ?
On what wings dare he aspire ?
What the hand dare sieze the fire ?

And what shoulder, & what art.
Could twist the sinews of thy heart ?
And when thy heart began to beat,
What dread hand ? & what dread feet ?

What the hammer ? what the chain ?
In what furnace was thy brain ?
What the anvil ? what dread grasp
Dare its deadly terrors clasp ?

When the stars threw down their spears,
And watered heaven with their tears,
Did he smile his work to see ?
Did he who made the Lamb make thee ?

Tyger ! Tyger ! burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Dare frame thy fearful symmetry ?

William Blake, Songs of Experience





La Tigre

Tigre, tigre, oh bagliore
Nella notte, incendio che sei lume
Delle foreste, quale
Occhio o mano immortale
La simmetria della tua figura
Plasmò tutta paura ?

In quali abissi o cieli lontani
Si arroventò il fuoco dei tuoi occhi ?
Di quali ali ardisce avere il volo ?
Manipolano il tuo fuoco quali mani ?

E quale braccio artista, del tuo cuore
Torse le nervature ? Di Chi era
L’ inesorata mano che lo estrasse
Dal profondo braciere palpitante ?
Quali piedi tremendi misurarono
Il tuo scheletro orripilante ?

Chi fu il tuo maglio ? Chi la catena ?
Quale altoforno colò la tua mente ?
Chi fu l’incudine, chi la stretta dura
Che di abbrancarvi non ebbe timore,
Micidiali terrori ?

Quando le picche furono scagliate
Giù dal cielo irrorato
Dai pianti delle stelle, il Forgiatore
Guardando la sua opera – sorrise ?
Fece l’agnello e te un solo Creatore ?

Tigre, tigre, oh bagliore
Nella notte, incendio che sei lume
Delle foreste, quale
Occhio o mano immortale
La simmetria della tua figura
Plasmò tutta paura ?

Traduzione : Guido Ceronetti, Trafitture di tenerezza, ed. Einaudi






Le Tigre

Tigre, tigre, brûlant éclair
Dans les forêts de la nuit ;
Quel œil, quelle main immortelle
A pu ordonner ta terrifiante symétrie ?

Dans quelles profondeurs lointaines, dans quels cieux
Brûlait le feu de tes yeux ?
Sur quelles ailes ose-t-il se dresser ?
Quelle main osa saisir ce feu ?

Et quelle épaule et quel art
Put tordre les muscles de ton cœur ?
Et quand ton cœur commença à battre,
Quelle terrible main, quels terribles pieds ?

Quel fut le marteau, quelle fut la chaîne ?
Dans quelle fournaise était ta cervelle ?
Quelle fut l'enclume ? Quel terrible pouvoir
Osa en étouffer les mortelles terreurs ?

Quand les étoiles jetèrent leurs lances
Et abreuvèrent le ciel de leurs armes,
Sourit-il en contemplant son œuvre ?
Celui qui créa l'agneau te créa-t-il ?

Tigre, tigre, brûlant éclair
Dans les forêts de la nuit,
Quel œil, quelle immortelle main
Osa ordonner ta terrifiante symétrie ?

Traduction : Marie-Louise et Philippe Soupault 



Images : (1)  Site Flickr

(2)  Devesh Jagatram  (Site Flickr)




mercredi 22 mai 2013

Ali (Ailes)



"Coraggio, il meglio è passato..."






Quelques aphorismes de Guido Ceronetti, extraits de l'anthologie La fragilità del pensare, Biblioteca Universale Rizzoli, 2000 (Traductions personnelles) :


Ali  (Ailes)

Le ali cadranno ma la loro traccia nell'aria resterà.

Les ailes tomberont, mais leur trace dans l'air restera.


Farfalle  (Papillons)

È inutile che cerchi. Le farfalle non abitano più qui.

Il est inutile de les chercher. Les papillons ne vivent plus ici.


Silenzio  (Silence)

La Bellezza di Dio è il Silenzio.

La Beauté de Dieu, c'est le Silence.


Messia  (Messie)

Il Messia non viene.
«Ma perché dovrebbe venire ?»
«Non lo so.»

Le Messie ne vient pas.
«Mais pourquoi devrait-il venir ?»
«Je ne sais pas.»




Erba  (Herbe)

I fili d'erba sono angeli senz'ali

Les brins d'herbe sont des anges sans ailes.


Occhi  (Yeux

Morire, per gli occhi, non è spegnersi : è assetati di lacrime restare asciutti.

Mourir, pour les yeux, ce n'est pas s'éteindre : c'est, assoiffés de larmes, rester 
secs.


Paesaggio  (Paysage)

Il paesaggio è una beatitudine che non conosceremo più, è qualcuno molto caro che all'improvviso ha avuto un sospiro ed è stato portato via tra i morti, e ancora c'è il suo nome sulla porta, le stanze vuote.

Le paysage est un bonheur que nous ne connaîtrons plus, c'est quelqu'un de très cher qui soudain s'est senti mal et a rejoint le royaume des morts, mais il y a encore son nom sur la porte de sa maison vide.




Peggio  (Pire)

Temevamo il peggio.
È venuto.

Nous craignions le pire.
Il est arrivé.


Strage  (Massacre)

Per assistere a una strage basta affacciarsi un momento.

Pour assister à un massacre, il suffit de se mettre un moment à la fenêtre.


Miseria  (Misère

Dal catalogo senza fine delle miserie, come escludere la prima e fondamentale, la miseria di essere nati ?

De la liste interminable des misères, comment exclure la première, et fondamentale, la misère d'être nés ?


 Eiger

Delicate guide invisibili, portatemi sull'Eiger.

Délicats guides invisibles, conduisez-moi sur l'Eiger.






Images : en haut, Piero della Francesca Le Songe de Constantin (détail), Arezzo, Eglise San Francesco

au centre, (1) Virginia Barnabè (Site Flickr)

(2) Paolo Margari  (Site Flickr)

en bas, Christoph Hurni (Site Flickr)

jeudi 6 septembre 2012

Éloge de Millet






J’avais vu dans la salle Chauchard du Louvre, où il a été exposé depuis le début du siècle, L'Angélus de Jean-François Millet. J’imaginais une toile de grandes dimensions : elle ne dépasse pas, à vue d’œil, quelque 80 centimètres sur 70. Je ne sais où la voyait Van Gogh, qui en parle dès ses premières lettres à Théo, mais je comprends la vibration immédiate de ses cordes de grand nerveux habité par Pan lorsqu’il fut traversé par le mystère angélique de cette peinture oubliée. 

L’Angélus, pour moi aussi, est inoubliable. Et son pouvoir contagieux sur Van Gogh a une explication très simple : c’est une peinture spirituelle comme peu, et elle tombe sur Vincent, vase spirituel, encore tout imprégné du feu chrétien et biblique de Zundert, à un moment certainement prédestiné. On ne peut réellement connaître Van Gogh si on n’aime pas Millet. Parce que la vie et la peinture du cadet sont un voyage libérateur à travers de terribles épreuves dont il fut le témoin convulsé et radieux – un voyage où Millet, avec Rembrandt, a le rôle d’un Virgile dantesque qui conduit en haut. La démesure de Rembrandt, comparée à Millet, ne compte pas dans l’élection que fait Van Gogh : ils sont, l’un et l’autre, des spirituels, des protecteurs et inspirateurs invisibles. 






Le tableau a été, il l’est encore, reproduit sur tous les calendriers, dans tous les alphabets ; sa reproduction chromolithographique ne manqua jamais dans les cuisines de campagne, et cependant, comme une Lettre volée, d’être devenu aussitôt banale décoration figurative, l’a soustrait à l’attention, et L'Angélus, aujourd’hui, est un inconnu célèbre. Je le décris donc : deux paysans pauvres et pieux sont en prière au milieu d’une plaine sans fin. L’homme tient son chapeau à la main, avec l’embarras ancien du paysan en présence du seigneur. La femme a les mains jointes. Une fourche est plantée dans le sol. C’est un champ de pommes de terre. Le couple a arraché des pommes de terre tout le jour. D’une distance infinie vient un son de cloche, «comme si le jour pleurait sa mort». Le soleil d’été s’éloigne de la campagne, déjà à demi envahie par les ombres, tandis que le ciel est encore clair. Le moment liturgique, en suspendant l’effort des hommes, relie les êtres vivants à un Créateur qui répond en les bénissant, même si, peut-être, il ne détournera pas le mal que les ténèbres apporteront. Mais l’homme et la femme, dans leur solitude, savent qu’ils ne seront pas abandonnés : leur recueillement est l’expression du psaume silencieux, de la louange muette de la glèbe, des pommes de terre de Dieu.






Un poème de l’existence humaine en terre d’Occident, un point d’équilibre cosmique entre le monde d’en haut et le monde intermédiaire, sublunaire, dans la prière qui fond l’homme et sa compagne avec les champs et la nutrition. Il est curieux que cet artiste, ami de la terre qui nourrit et allaite, au prix de la peine, ait le nom d’une céréale.

Guido Ceronetti  La Tombe d'Auvers-sur-Oise (in Une poignée d'apparences, Albin Michel, 1988. Traduction : André Maugé)


 

mercredi 28 décembre 2011

Autostrada (Autoroute)




L'Autostrada rende malato il viaggio, malato d'impotenza, perché annulla, in tanto correre, il senso del movimento che può essere dato soltanto dal cambiamento. Ecco è notte : facciamo cento, poi altri cento, poi cento ancora chilometri, e siamo sempre nello stesso posto : rettilineo, segnalazioni, curva di uscita, spazio ristrettissimo per urinare, sgranchirsi, guardare il nulla, l'Autogrill fiammeggiante nel buio, luce di forgia, con le pompe, i cessi sintetici, il panino, la coca. Davanti a noi, e dietro, grandi rettili preistorici su ruote gonfi di oscuri veleni, che ogni tanto cadono sul fianco, si squarciano e sprigionano nuvole di peste. Nelle soste, vedi degli esseri muoversi come in guerra, in un documentario cinematografico muto. Il rombo continuo delle corsie sostituisce tutte le voci possibili, gli scambi. I camionisti non parlano, i bambini sono addestrati a questo gioco disciplinato, le donne sono uomini taciturni, gli uomini fumano e dicono «prendi qualcosa ?» o «bene, partiamo».

L'autostrada non è pericolosa perché ci siano i pericoli a tutti noti, è pericolosa perché eccessivamente sicura, perché rassicura. L'impressione pericolosissima di Natura interamente controllata dagli uomini, sottomessa docilmente alla loro volontà, profondo baratro, cattura anche me, stanotte.

Guido Ceronetti La pazienza dell'arrostito Ed. Adelphi, 1990





L'Autoroute rend le voyage malade, malade d'impuissance, parce que la vitesse à laquelle on roule anéantit le sens du mouvement, qui ne peut être perçu que par le changement. Voilà, c'est la nuit : nous faisons cent, puis cent autres, et encore cent kilomètres, et nous sommes toujours au même endroit : ligne droite, signaux, bretelle de sortie, un tout petit espace pour uriner, se dégourdir les jambes, regarder nulle part, l'Autogrill flamboyant dans le noir, une lueur de forge, et les pompes, les toilettes chimiques, le sandwich, la bouteille de Coca. Devant nous, et derrière, il y a de grands reptiles préhistoriques sur des roues gonflées de poisons obscurs, qui parfois s'affaissent, se déchirent en dégageant des nuées pestilentielles. À l'arrêt, on voit des gens se déplacer comme en temps de guerre ; on se croirait dans un film documentaire muet. Le vrombissement incessant de la circulation se substitue aux sons de toutes les voix, à tous les échanges. Les camionneurs ne parlent pas, les enfants sont entraînés à ce jeu discipliné, les femmes sont des hommes taciturnes, les hommes fument et disent «tu prends quelque chose ?» ou bien «allez, on y va !».

L'autoroute n'est pas dangereuse en raison des périls bien connus de tous, elle est dangereuse parce qu'elle est excessivement sûre, parce qu'elle est rassurante. L'impression très dangereuse d'une Nature entièrement contrôlée par les hommes, soumise docilement à leur volonté, abîme sans fond, me saisit moi aussi, cette nuit.

(Traduction personnelle)






Images : en haut, Site Flickr

au centre, Luca Cerini (Site Flickr)

en bas, Site Flickr



samedi 8 janvier 2011

Pensieri del tè

Deux fois par jour, de bon matin et l'après-midi, Guido Ceronetti boit quelques tasses de thé de Chine. Alors, la parole se régénère, l'esprit opère des associations nouvelles, «de nombreuses petites fenêtres s'ouvrent à nouveau, et les mots ont moins de peine à retrouver leur origine dans les espaces éloignés.» Voici quelques exemples de ces "pensées du thé" :




Anna, nome in declino... La ragione è forse nella sua eccessiva pregnanza, nei suoi significati che si oppongono alla necessità di adattarsi all'indurimento e all'insensibilità. Nelle lingue semitiche, tra arabo ed ebraico, è grazia, amore, aff
etto, donna, sposa, bell'aspetto, misericordia, compassione, pietà, muggito del cammello. In arabo (Kazimirski), hannanah è fruscio dell'arco quando parte la freccia e insieme – arco meliodioso – donna divorziata che parla con tenerezza dell'uomo con cui non vive più. Annetta, Annina, Annuska, Ania, Annette, Ann, Hanna, Ana, Anita. Inimmaginabile, con un nome simile, nomen-omen, l'inclemenza.


Anna, prénom en déclin... La raison en est peut-être dans son excessive prégnance, dans ses significations qui contrarient la nécessité de s'adapter à l'endurcissement et à l'insensibilité. Dans les langues sémitiques, arabe et hébreu, ce nom signifie grâce, amour, affection, femme, épouse, bel aspect, miséricorde, pitié, voix du chameau. En arabe (Kazimirski), hannanah est le bruissement de l'arc au départ de la flèche et aussi – arc mélodieux – la femme divorcée parlant avec tendresse de l'homme avec qui elle ne vit plus. Annetta, Anne, Annina, Annuska, Ania, Anette, Ann, Hanna, Ana, Anita. Inimaginable avec un tel nom, nomen est omen, un coeur inflexible.






L'adolescente che per un giorno intero contempla una rosa mentre guarda un montone su un prato, a Marrakèsh (Pierre Mac Orlan, «Hambourg» in Villes, Gallimard) senza mai annoiarsi, senza neppure immaginare che cosa è noia, smentisce Leopardi, il cui pastore il tedio assale se giace in riposo. Neppure lo Jeli verghiano sa cha cos'è la noia, vive la vita dell'universo, ha la sua rosa da contemplare mentre guarda i cavalli. Neanche la guardiana di montoni di Millet si annoia. La rottura col reale precipita nella noia. Un uomo che, alle nove di sera, dice : «mi voglio divertire» è già un malato incurabile, un essere in pericolo, pronto a commettere qualche crimine.

L'adolescent qui, pendant un jour entier, contemple une rose en gardant un mouton dans un pré, à Marrakech (Pierre Mac Orlan, «Hambourg», in Villes, Gallimard), sans jamais s'ennuyer ni même imaginer ce qu'est l'ennui, dément Leopardi, dont le berger est assailli par l'ennui quand il connaît le repos. Le Jeli de Verga ne sait pas non plus ce qu'est l'ennui, il vit la vie de l'univers, il a sa rose à contempler pendant qu'il garde les chevaux. Et la Bergère de Millet ne s'ennuie pas non plus. La rupture avec le réel précipite dans l'ennui. Un homme qui, à neuf heures du soir, dit : «Je veux aller m'amuser» est déjà un malade incurable, un être en danger, prêt à commettre quelque crime.





In casa mia, di primo mattino e di sera, quasi sempre c'è una candela accesa, non votiva, ma per rischiarare gli oggetti. A volte, manca la corrente. Allora è bello vedere, mentre le luci artificiali ammutoliscono, quel lume vero restare vivo, solitario, indifferente alle macchine dell'Energia, ai tonfi e alle sincopi dell'Ente Elettrico.

Chez moi, au petit matin et le soir, il y a presque toujours une bougie allumée, non votive, mais qui éclaire les objets. Parfois, le courant manque. C'est beau, alors, de voir, tandis que les lumières artificielles deviennent muettes, cette lumière vraie rester vivante, solitaire, indifférente aux machines de l'Énergie, aux chutes et aux syncopes de la Compagnie de l'Électricité.





Faust de Murnau. Faust disperato di non poter vincere la peste senza l'aiuto dei demoni è alta tragedia moderna. Vinciamo la peste ricorrendo al diavolo, che poi ci condurrà per le sue vie di assassinio e di distruzione (la peste vinta, strumento dell'inganno). Edipo vince andando in fondo alla verità e accecandosi. La sua tragedia avrà un termine, la nostra no.

Faust de Murnau. Faust, désespéré de ne pas pouvoir triompher de la peste sans l'aide des démons, est une haute tragédie moderne. Nous triomphons de la peste en recourant au diable, qui nous mènera ensuite sur les chemins du crime et de la perdition (la peste vaincue, instrument de la duperie). Œdipe triomphe en allant au bout de la vérité et en se crevant les yeux. Sa tragédie aura un terme, la nôtre, non.





La terra si è velata come Cesare alle Idi, per ricevere da noi ventitremila miliardi di pugnalate. Se qualcuno poi ne mostrasse dai Rostri la toga insanguinata, nessuno sarebbe scandalizzato : tutti erano congiurati.

La terre s'est voilée comme César aux Ides de mars, pour recevoir de nous vingt-trois milliards de coups de poignard. Si quelqu'un, ensuite, montrait des Rostres sa toge ensanglantée, personne ne serait scandalisé : tous étaient conjurés.


Non muori. Entri nella vita profonda della dimenticanza.


Tu ne meurs pas. Tu entres dans la vie profonde de l'oubli.


I corpi li unisce il piacere, le anime la pena.

Les corps sont unis par le plaisir, les âmes par la souffrance.


Scrivo dei libri, pensavo senza rallegrarmi, destinati esclusivamente a tavolini di suicidi, qualcuno volontario, i più involontari, suicidi per destino collettivo, per essersi trovati sul ponte che attraversava la valle d'ombra di questo secolo della morte.


J'écris des livres, pensais-je sans m'en réjouir, destinés exclusivement aux tables de chevet de candidats au suicide, quelques-uns volontaires, pour la plupart involontaires, suicidés par un destin collectif, pour s'être trouvés sur le pont qui traversait la vallée d'ombre de ce siècle de la mort.

Guido Ceronetti Pensieri del tè Adelphi ed. 1987

Traduction : André Maugé (Ce n'est pas l'homme qui boit le thé mais le thé qui boit l'homme Albin Michel, 1991)




Image (en bas) : Guido Ceronetti dessiné par Sante Prevarin (Site Flickr)

samedi 20 novembre 2010

La Mummia di Grottarossa (La Momie de Grottarossa)


À la dame qui demande des histoires gaies...





Lode a te, che così presto morta
Il tuo abisso agli amanti non hai dato ;
Ma quanta gioia per chi t'ama ancora
Osso spiumato, nudità oscura
Nel bel rottame scrutare il punto
Da cui l'uccello dell'anima è partito.

Un male gracile eri, uno di pingue
Carne saresti stata. Una che è viva
Col sorriso che hai perso a noi lo porta.

Lode a te, bambina morta,
Senza portato d'uomo, sacra morta,
Pubere tra le bende diventata.

Guido Ceronetti Compassioni e disperazioni, ed. Einaudi, 1987





Louée sois-tu, toi qui si tôt morte

N'as pas livré ton abîme aux amants ;
Mais quelle joie pour qui t'aime encore
Os déplumé, nudité obscure
De scruter dans le beau débris l'endroit
D'où l'oiseau de l'âme s'est envolé.

Tu étais un mal chétif, tu serais devenu
Un mal bien en chair. Une autre vivante
Avec le sourire que tu as perdu nous l'apporte.

Louée sois-tu, fillette morte,
Sur qui l'homme n'a pas pesé, morte sacrée,
Devenue pubère entre les bandelettes.

(Traduction personnelle)

Images : en haut, Site Flickr

en bas, Poupée de la momie de Grottarossa (Wiki Commons)

Un article (en français) sur la momie de Grottarossa

Un reportage télévisé (en italien) sur la momie de Grottarossa












mardi 18 mai 2010

Le fragole di Terracina


A Terracina, furono le ultime fragole della mia vita, perché erano vere fragole ; ce le portava la padrona della casa ogni mattina, in grande quantità. Era il 1976 : una crepa nell'anima, una nascita non carnale, una morte, e quelle fragole. Questo è nuovo, di questa fine di secolo, dire le ultime fragole, le ultime vere, le ultime non avvelenate, non radioattive. È nata così una nuova popolazione di ricordi ; questo, per me, è legato a Terracina, e senza le fragole il ricordo di terracina sarebbe molto meno vivo, adesso. A riffleterci, sono ricordi di condannato a vita : fu quella l'ultima volta che... Dopo le fragole, le muraglie, le porte blindate...

Guido Ceronetti Pensieri del tè Adelphi ed.

A Terracina, il y eut les dernières fraises de ma vie, parce que c'étaient de vraies fraises ; la propriétaire de la maison nous les apportait chaque matin, en grande quantité. C'était en 1976 : une crevasse dans l'âme, une naissance non charnelle, une mort, et ces fraises. C'est une chose nouvelle, de cette fin de siècle, que de dire : les dernières fraises, les dernières vraies, les dernières pas empoisonnées, pas radioactives. C'est ainsi qu'est née une population nouvelle de souvenirs ; celui-ci, pour moi, est lié à Terracina, et sans les fraises le souvenir de Terracina serait, maintenant, beaucoup moins vif. A y réfléchir un peu, ce sont des souvenirs de condamné à vie : ce fut la dernière fois que... Après les fraises, les murailles, les portes blindées...

(Traduction : André Maugé)

Pensieri del tè
est paru chez Albin Michel en 1991 sous le titre : Ce n'est pas l'homme qui boit le thé mais le thé qui boit l'homme.

L'Abbandonata



Dalla crudele lama di una corta
Lettera scritta in fretta nella via
Solitaria dove si è perso
Lo sguardo che la scrisse,
La testa di un anima fu troncata.
Osso ai cani dell'ombra
occhi di carta bruciata
Vive e non è più viva
L'Abbandonata.

Guido Ceronetti Raccolta di vecchie cartoline


L'Abandonnée

Par la cruelle lame d'une courte
Lettre vite écrite dans la rue
Solitaire où s'est perdu
Le regard qui l'écrivit,
La tête d'une âme fut tranchée.
Un os aux chiens de l'ombre
Des yeux de papier brûlé
Elle vit et elle n'est plus vivante
L'Abandonnée.

(Traduction personnelle)

Image : (attribué à) S. Botticelli La Derelitta (1495)

lundi 26 avril 2010

Herméneutique du jogging


Cedere a un colpo di sonno in una biblioteca è una gran vergogna. Mi capita sempre più spesso. Ci vado sempre meno e ci resto poco, perché la testa non mi caschi sui libri. (Se si tratta di dizionari, resto più sveglio). Ormai imparo quasi tutto per strada. La lettura fatta in autobus è quella che mi profitta di più. Nei giardini pubblici sto a guardare quelli che fanno jogging.

Guido Ceronetti Pensieri del tè Adelphi ed.


Céder à un accès de sommeil dans une bibliothèque est vraiment honteux. Cela m'arrive de plus en plus souvent. J'y vais de moins en moins et j'y reste peu de temps, pour éviter que ma tête ne retombe sur les livres. (S'il s'agit de dictionnaires, je reste plus éveillé). Maintenant, c'est dans la rue que j'apprends presque tout. La lecture faite dans les autobus est pour moi la plus profitable. Dans les jardins publics, je passe du temps à regarder ceux qui font du jogging.


Image : Site Flickr

dimanche 25 avril 2010

Foglie




Le foglie stanno volando via dal mondo e sopra c'erano dei messaggi e degli enigmi che non abbiamo decifrato. Anche le mani : lette poco, troppo poco ; anche le rughe, i lobi... Non abbiamo letto che dei libri.

Guido Ceronetti Pensieri del tè Adelphi ed.


Les feuilles s'envolent loin du monde, porteuses de messages et d'énigmes que nous n'avons pas déchiffrées. Les mains aussi : peu, trop peu lues ; et aussi les rides, les lobes... Nous n'avons lu que des livres.

Image : Site Flickr

mercredi 10 février 2010

Ibant obscuri




Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
perque domos Ditis vacuas et inania regna :
quale per incertam lunam sub luce maligna
est iter in silvis, ubi caelum condidit umbra
Iuppiter, et rebus nox abstulit atra colorem.
Vestibulum ante ipsum primis in faucibus Orci
Luctus et ultrices posuerunt cubilia Curae ;
pallentesque habitant Morbi tristisque Senectus
et Metus et malesuada Fames ac turpis Egestas,
terribiles visu formae, Letumque Laborque ;
Tum consanguineus Leti Sopor et mala mentis
Gaudia mortiferumque adverso in limine Bellum,
ferreique Eumenidum thalami et Discordia demens
vipereum crinem vittis innexa cruentis.

Virgile Enéide, VI, 268 - 281

Era l'andare, dalla notte solinga
Avvilupati di oscurità
Per gli antri vacui, le smateriate
Dominazioni, a Dite. Similmente
Va il viaggiatore per luoghi silvestri
Dove stenta velato un raggio scarno
Di luna quando la divina ombra
Abbia sepolto il mondo e i suoi colori
Nel nulla della caligine notturna.
Là, sull'entrata dove le sue gole
Orco spalanca ebbero dimora
I Lutti, le Vendette smaniose,
I giallognoli Morbi, la Vecchiaia turpe,
I Terrori. E con loro la Fame
Che atrocità persuade, la Privazione abbietta,
La Morte e l'Agonia facce tremende,
Il Sonno quasi già Morte, il Godimento
Che stravolge la mente hanno la tana.
La ferrea stanza posero le Erine
E la Guerra che irradia morte
Sul varco opposto ; da sanguinose
Bende stretti i serpenti della chioma
La Discordia delira

Traduction : Guido Ceronetti (Trafitture di tenerezza, ed. Einaudi)





Ils allaient obscurs sous la nuit solitaire parmi l'ombre, à travers les palais vides de Dis et son royaume d'apparences ; ainsi par une lune incertaine, sous une clarté douteuse, on chemine dans les bois quand Jupiter a enfoui le ciel dans l'ombre et que la nuit noire a décoloré les choses. Avant la cour elle-même, dans les premiers passages de l'Orcus, les Deuils et les Soucis vengeurs ont installé leur lit ; les pâles Maladies y habitent et la triste Vieillesse, et la Peur, et la Faim, mauvaise conseillère, et l'affreuse Misère, larves terribles à voir, et le Trépas et la Peine ; puis le Sommeil frère du trépas et les Mauvaises Joies de l'âme, la Guerre qui tue l'homme, en face sur le seuil, et les loges de fer des Euménides, la Discorde en délire, sa chevelure de vipères nouée de bandeaux sanglants.

Traduction : Jacques Perret (Enéide, édition Folio)

Images : en haut : J.M.W. Turner, Le lac d'Averne, Enée et la sibylle de Cumes (Yale Center for British Art)

en bas : Jean-Paul Marcheschi, Dante et Virgile, Fonds Marcheschi, Château de Plieux

lundi 8 février 2010

Ignoto il mare


Guido Ceronetti, traducteur de Machado :

XII


¡Ojos que a luz se abrieron
un día para, después,
ciegos tornar a la tierra,
hartos de mirar sin ver!


XV


Cantad conmigo en coro: Saber, nada sabemos,
de arcano mar vinimos, a ignota mar iremos...
Y entre los dos misterios está el enigma grave;
tres arcas cierra una desconocida llave.
La luz nada ilumina y el sabio nada enseña.
¿Qué dice la palabra? ¿Qué el agua de la peña?

Antonio Machado Proverbios y Cantares


XII


Occhi che un dì si aprirono
Alla luce per poi tornare
Alla terra oscurati
Senza nulla aver visto
Nel loro ingordo guardare.


XV


In coro con me cantate :
Sapere, nulla sapiamo.
Arcano, il mare da cui veniamo.
Ignoto il mare in cui finiremo.
Posto tra i due misteri
È il grave enigma : tre
Casse che chiuse una perduta chiave.
La luce nulla illumina,
Il sapiente nulla insegna.
La parola dice qualcosa ?
L'acqua, alla pietra, dice qualcosa ?

Traductions extraites de Trafitture di tenerezza, ed. Einaudi

Image : Site Flickr