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lundi 16 septembre 2019

Une question d'épiderme




Je cite ici un nouvel extrait du recueil de souvenirs de Giancarlo Giannini, consacré au tournage difficile et douloureux du film de Valerio Zurlini La prima notte di quiete (La première nuit de tranquillité, en français, plus banalement, Le Professeur). Pour avoir plus de détails sur ce très beau film, on pourra se reporter à ce message publié sur ce blog il y a déjà quelques années.

Il y a un tournage où je me suis senti très mal à l’aise, c’est celui du film de Valerio Zurlini, La prima notte di quiete, dont l'acteur principal était Alain Delon. Je suggérai à Valerio une actrice que j’avais remarquée à Londres dans un documentaire sur une danseuse, qui passait en première partie d’un film étrange tiré de l’Ulysse de Joyce. Elle s’appelait Sonia Petrova, et elle était dotée d’une grâce et d’une expressivité merveilleuses. Mais entre Delon et Zurlini, il y avait beaucoup de frictions, ils ne réussissaient jamais à se mettre d’accord. La tension était palpable dans chaque scène. Delon voulait être toujours présent, et si on oubliait de le prévenir du tournage des scènes, même celles dans lesquelles il n’apparaissait pas, il s’énervait et devenait très agressif envers Zurlini. J’allais souvent dîner avec Valerio, et cela ne lui plaisait pas non plus : il se sentait exclu, comme si secrètement, une vaste conspiration avait été ourdie contre lui. 

Et pourtant, Valerio l’aimait beaucoup. Le personnage interprété par Delon dans le film était autobiographique, Zurlini éprouvait un plaisir assez morbide à l'habiller avec ses propres vêtements : son manteau poil de chameau, ses chemises, ses cravates, tout ce qu’il portait dans la vie réelle, y compris un chandail vert de cachemire que je lui avais offert ; l’idée de le lui voir endosser le rendait fou de joie. Le lien qui nous unissait tous les trois était ténu, mais constant. C’était presque un film dans le film ! Presque une histoire d’amour entre deux hommes, une valse-hésitation, un jeu sentimental fait d’une alternance continue de rapprochements et de petites vengeances dans lequel ils cherchaient à m’entraîner moi aussi. 




Valerio était désespéré. Les rapports difficiles sur le plateau s’ajoutaient à la crise conjugale qu’il était en train de vivre. Il s’était même mis à boire. Une fois, je trouvai dans sa voiture des amphétamines, les mêmes qui circulaient à l’époque parmi les étudiants, et je les jetai. Mais évidemment, cela ne suffit pas pour le faire décrocher, et ni les conversations ni les discussions n’eurent beaucoup d’effet. Il continua à prendre de la drogue, il ne pouvait plus s’en passer. Certains techniciens la lui procuraient sur le tournage, mais je ne sus jamais de qui il s’agissait. Cela me déplaisait beaucoup, j’étais mal à l’aise pour lui. Je cherchais à les rapprocher, à réactiver ce lien qui n’arrivait pas à se concrétiser, mais hélas, toutes mes tentatives étaient vaines. Ils se disputaient sans cesse, même pour des choses insignifiantes. Le tournage du film était difficile, très complexe, et j’étais désolé pour Valerio qu’il soit obligé de travailler dans une ambiance aussi tendue. Zurlini et Delon finirent par ne plus s’adresser la parole. Un jour, Valerio était très enthousiaste à l’idée de la scène qu’il devait tourner sur un ponton le lendemain matin à l’aube, vers quatre heures du matin, dans le brouillard. Delon devait être là, mais en fait il ne vint pas ; Valerio en fut très déçu, et j’étais toujours plus triste pour lui. Et le film s’acheva ainsi, sans qu’ils recommencent à se parler, sauf pour une phrase que Zurlini adressa à Delon avant son départ : « Tu as fait une excellente interprétation ». Delon répondit : « Et moi, j’espère que tu as fait une excellente mise en scène ». À sa sortie, le film eut un grand succès. 




Mon personnage me plaisait beaucoup et je m’impliquais le plus possible dans mon interprétation, cherchant à m’isoler quand je devais jouer, même si je ne me sentais pas directement concerné par tous les conflits qui se déroulaient sur le plateau. Mon rôle était celui d’un poète, un poète assez bizarre, un intellectuel ambigu, qui savait tout, voyait tout, connaissait les secrets, parlait peu, désespéré, solitaire. Il s’appelait Spider. Des années plus tard, je retrouvai Alain Delon, qui s’occupait de la version française du film. Je lui demandai enfin la raison de la tension qui régnait sur ce tournage terrible, et il me répondit froidement, avec détachement et cynisme : « Question d’épiderme ! » Le cinéma est aussi fait de ces stupides et inutiles incompréhensions. 

Giancarlo Giannini  Sono ancora un bambino (ma nessuno può sgridarmi)  Longanesi, 2014  (Traduction personnelle)








Spider : Perché la morte à la prima notte di quiete ?
Daniele : Perché finalmente si dorme senza sogni...

Spider : Pourquoi la mort est-elle la première nuit de tranquillité ?
Daniele : Parce que finalement, on peut dormir sans rêver...

samedi 15 juin 2019

Niente che sia d'oro resta (L'or n'est pas éternel)



Pour saluer Franco Zeffirelli (Florence, 12 février 1923 - Rome, 15 juin 2019)




 C. Thomas Howell dans Il Giovane Toscanini, de Franco Zeffirelli


"Il me semble que si j'étais cinéaste je ne choisirais pour tourner dans mes films que des êtres d'une beauté ou d'un attrait physique merveilleux : non pas seulement pour attirer le public, mais parce que c'est la fonction même de l'art, à mon avis, de pérenniser ou de solenniser ce qu'il y a de plus émouvant sur la terre, et qui sans lui se perdrait."

Renaud Camus Vaisseaux brûlés





C. Thomas Howell dit le poème de Robert Frost  Nothing gold can stay dans le film de Francis Coppola The Outsiders :




Nature's first green is gold,
Her hardest hue to hold.
Her early leaf 's a flower ;
But only so an hour.
Then leaf subsides to leaf.
So Eden sank to grief,
So dawn goes down to day.
Nothing gold can stay.

In Natura il primo verde è dorato,
E subito svanisce.
Il primo germoglio è un fiore ;
Ma dura solo un ora.
Poi a foglia segue foglia.
Come l'Eden affondò nel dolore,
Così oggi affonda l'Aurora.
Niente che sia d'oro resta.

Le premier vert de la nature est d'or,
Et aussitôt il disparaît.
Son premier bourgeon est une fleur ;
Qui ne vivra qu'une heure.
Puis la feuille succède à la feuille.
Comme l’Éden mourut dans la douleur,
L'aurore cède au jour cruel.
L'or n'est pas éternel.








Images extraites du film de Franco Zeffirelli  The young Toscanini

vendredi 19 avril 2019

Mes seules larmes (D'un pianto solo mio)



Sept villes se vantaient d'avoir cerné la Ville :
Auteuil voulait en faire un jardin potager ;
Grenelle en voulait faire un énorme verger ;
Bercy, des entrepôts ; Montmartre, un vaudeville.

Passy faillit en faire un immeuble servile,
Un caravansérail pour le noble étranger ;
Vaugirard, la Villette à ce peuple léger
Faisaient des abattoirs pour sa guerre civile.

Mais la dame a mangé les sept petites sœurs,
Elle a mis pour toujours la liberté de l'âme,
Et tous ces fourniments et tous ces fournisseurs,

Le négoce, l'amour, et la cendre, et la flamme,
Et tous ces boniments et tous ces bonisseurs,
Et les gouvernements gendres et successeurs

Sous le commandement des tours de Notre-Dame

Charles Péguy  Les Sept contre Paris






1

Mio fiume anche tu, Tevere fatale,
Ora che notte già turbata scorre ;
Ora che persistente
E come a stento erotto dalla pietra
Un gemito d'agnelli si propaga
Smarrito per le strade esterrefatte ;
Che di male l'attesa senza requie,
Il peggiore dei mali,
Che l'attesa di male imprevedibile
Intralcia animo e passi ;
Che singhiozzi infiniti, a lungo rantoli
Agghiacciano le case tane incerte ;
Ora che scorre notte già straziata,
Che ogni attimo spariscono di schianto
O temono l'offesa tanti segni
Giunti, quasi divine forme, a splendere
Per ascensione di millenni umani ;
Ora che già sconvolta scorre notte,
E quanto un uomo può patire imparo ;
Ora ora, mentre schiavo
Il mondo d'abissale pena soffoca;
Ora che insopportabile il tormento
Si sfrena tra i fratelli in ira a morte;
Ora che osano dire
Le mie blasfeme labbra :
« Cristo, pensoso palpito,
Perchè la Tua bontà
S'è tanto allontanata ? »

(...)

3

Cristo, pensoso palpito,
Astro incarnato nell'umane tenebre,
Fratello che t'immoli
Perennemente per riedificare
Umanamente l'uomo,
Santo, Santo che soffri,
Maestro e fratello e Dio che ci sai deboli,
Santo, Santo che soffri
Per liberare dalla morte i morti
E sorreggere noi infelici vivi,
D'un pianto solo mio non piango più,
Ecco, Ti chiamo, Santo,
Santo, Santo che soffri.

Giuseppe Ungaretti  Il Dolore (1937-1946)





1

Fleuve mien toi aussi, Tibre fatal,
Maintenant que la nuit passe déjà troublée ;
Maintenant qu'insistant,
Comme exsudé à grand'peine de la pierre,
Un bêlement d'agneaux se multiplie
Égaré dans les ruelles atterrées ;
Que l'attente sans fin du mal,
Le pire mal,
Que l'attente du mal imprévisible
Entrave l'esprit et les pas ;
Que des pleurs infinis, que de longs râles
Glacent chaque demeure, antre peu sûr ;
Maintenant que passe la nuit déjà meurtrie,
Qu'à tout instant sont réduits à néant
Ou risquent les outrages tant de signes
Conduits, presque divins, à resplendir
À travers l'ascension des millénaires ;
Maintenant que déjà démembrée la nuit passe
Et que j'apprends tout ce qu'un homme peut souffrir ;
Maintenant, maintenant, tandis que le monde asservi
Étouffe au gouffre de douleur ;
Maintenant que l'intolérable peine
Se déchaine entre frères en haine à mort ;
Maintenant que ma bouche
Se risque à blasphémer :
« Christ, pensive palpitation,
Pourquoi s'est-elle éloignée
Aussi loin, Ta bonté ? »

(...)

3

C'est dans Ton cœur une plaie,
La somme de la douleur
Que l'homme répand sur la terre ;
Ton cœur, foyer ardent
De l'amour qui n'est point vain.

Christ, pensive palpitation,
Astre incarné dans la ténèbre humaine,
Frère perpétuellement
Immolé pour que soit refait
L'homme plus humainement,
Saint, Saint, Saint douloureux,
Pour délivrer de la mort tous les morts
Et soutenir nous autres malheureux vivants,
Je ne pleure plus mes seuls pleurs,
Vois, je T'appelle, Saint,
Saint, Saint douloureux.

Traduction : Philippe Jaccottet









Images : Passion et Crucifixion, de Bernardino Luini (terminé en 1529) Eglise de Santa Maria degli Angeli, Lugano

Source : Site Flickr



 

Erbarme dich, mein Gott, 
Um meiner Zähren Willen ! 
Shaue hier, Herz und Auge 
Weint vor dir bitterlich. 
Erbarme dich, mein Gott ! 

Aie pitié, mon Dieu, 
à la vue de mes larmes ! 
Vois, mon cœur et mes yeux 
pleurent amèrement devant toi. 
Aie pitié, mon Dieu !

lundi 26 novembre 2018

L'addio (L'adieu)



Pour saluer Bernardo Bertolucci  (Parme, 16 mars 1941 - Rome, 26 novembre 2018)






Il fiume no, il fiume basta !
Bisogna dimenticarselo il fiume
Ci dicono di salutarlo
Ci ordinano di salutarlo
Verranno qui con delle macchine
Verranno qui con le loro draghe
Ci saranno degli uomini diversi
e il rumore dei motori
Chi ci penserà a tirarli su che non gelino i pioppi ?
Non resterà più niente
Non ci sarà più l’estate
Non ci sarà più l’inverno
Anche per te è finita
Fatti da parte
Tirati indietro, affonda la tua barca !
Si, parlo anche per te !
Non pescheremo più il luccio insieme
Non pescheremo neanche le carpe
E le anatre non passeranno
Non ritorneranno più dentro il mirino del mio fucile
Basta le folaghe, basta il volo delle oche selvatiche !
Amici miei, vedete :
Qui finisce la vita e comincia la sopravvivenza
Perciò, addio Stagno Lombardo !
Ciao, ciao fucile !
Ciao, fiume !
E ciao Puck !

(Monologue de Puck, dans le film de Bernardo Bertolucci Prima della Rivoluzione)




Le fleuve, non, c'est fini, le fleuve !
Le fleuve, il faut l’oublier
Ils nous disent de le saluer
Ils nous ordonnent de le saluer
Ils viendront ici avec leurs engins mécaniques
Il y aura des hommes différents et le fracas des moteurs
Qui prendra soin des peupliers pour qu’ils ne gèlent pas ?
Il ne restera plus rien
Il n’y aura plus d’été
Il n’y aura plus d’hiver
Pour toi aussi, c’est la fin
Laisse couler ta barque
Oui, c’est de toi aussi que je parle !
Nous ne pêcherons plus ensemble ni le brochet ni les carpes
Et les canards ne passeront plus
Ils ne reviendront plus dans le viseur de mon fusil
C’en est fini aussi des foulques et du vol des oies sauvages
Regardez, mes amis :
Ici s'achève la vie et commence la survie.
Alors, adieu, Étang de Lombardie !
Adieu, adieu fusil !
Et adieu, Puck !

(Traduction personnelle) 






Image (en bas) : Antonio Romei (Site Flickr)



mercredi 15 août 2018

La Madonna del Parto



"Tu se' colei che l'umana natura

nobilitasti sì, che' l suo fattore
non disdegnò di farsi sua fattura."

Dante Paradiso XXXIII, 4-6




Le gardien, qui a finalement consenti à nous ouvrir, ne quittera pas son siège un seul instant, surpris qu’on puisse encore admirer ce qui fait depuis longtemps son quotidien. Venir voir dans la cité des morts une Vierge de l’enfantement... Mais dans quel lieu serait-ce plus légitime ?

Lourdement aviné, il oscille à présent au bord du sommeil. Sur le mur de la chapelle, la Vierge enceinte forme avec lui un duo surréel, ou plutôt avec son indifférence qui nous paraît scandaleuse : les femmes des environs la supportent-elles, entre ces murs, quand elles viennent y conjurer les périls qui pourraient menacer leur grossesse ? Une conjuration si pressante qu’après-guerre la commune, sollicitée pour une exposition, refusa de prêter la fresque, de peur qu’il n’arrivât malheur en son absence.

Dans son impudeur, dans sa trivialité, cet homme encore jeune s’accorde mieux aux traits de la Vierge que nos regards. Aux abords de l’engendrement, de la genèse en un corps de femme, comment avouer autre chose qu’une opacité semblable au sommeil, une pose pétrifiée, celle qu’adopte un des soldats endormis de La Résurrection, à Borgo San Sepolcro ? Ce serait, soutient-on, un autoportrait. Se peut-il vraiment qu’une telle somnolence, une telle pesanteur à l’égard du monde, rappelle le visage qui fut celui de Piero della Francesca ? Quel ordre avons-nous donc interrompu, auquel ce gardien participe en s’abandonnant avec la désinvolture d’une longue familiarité.







Le manteau bleu de la Vierge s’entrouvre en une fente étroite, verticale, sur la ligne, impossible à situer mais de tous temps franchie, qui sépare le corps du désir du corps de l’enfantement. Deux anges semblables et charnels écartent les tentures de part et d’autre pour qu’à pleins regards nous la voyions, elle, une main sur la hanche, l’autre effleurant l’intime, ou le désignant, vertigineuse et placide.

Bernard Simeone Acqua fondata, éditions Verdier, 1997









dimanche 12 août 2018

Bertolucci, années soixante




Un extrait de la "petite autobiographie" que publie en Italie Adriana Asti (Un futuro infinito (Un futur infini), aux éditions Mondadori) ; elle évoque ici sa relation avec Bernardo Bertolucci et le rôle de Gina dans Prima della Rivoluzione, le deuxième film de Bertolucci (et son chef d'oeuvre, d'une fulgurante beauté) :

En 1963 Bernardo Bertolucci me proposa le rôle de l'héroïne de Prima della Rivoluzione, son deuxième film comme metteur en scène. Naturellement, j'acceptai, mais ce fut pour moi un psychodrame. Bernardo a capturé mon âme dans ce film : mon personnage me ressemblait trop. Et quand une chose te touche de façon aussi directe, cela peut devenir répugnant. Ce n'est qu'après l'avoir vu terminé que j'ai compris combien ce film était beau. 

Bernardo a été aussi mon compagnon pendant cinq ans. Je l'avais rencontré par l'intermédiaire de Pier Paolo [Pasolini]. Je le vis pour la première fois en 1962, quand il tournait La Commare secca, son premier film, sur un scénario de Pasolini. Avant lui, j’avais connu son père, le poète Attilio Bertolucci. Bernardo avait dix ans de moins que moi et c'était vraiment un jeune garçon : je me suis en quelque sorte spécialisée dans les hommes plus jeunes, les seuls avec lesquels j'ai réussi à avoir des relations durables. À cette époque, une telle différence d'âge était scandaleuse, mais par pour notre cercle d'amis qui dès le début nous apportèrent leur soutien. Nous étions les plus jeunes dans le groupe et tous, Pier Paolo, Moravia, Elsa Morante, Natalia Ginzburg, approuvaient chaleureusement notre union. Nous étions entourés d'affection.

Bernardo a toujours été le contraire de moi : dans son enfance, il n'a jamais été un enfant insignifiant et ignoré. Il a grandi dans la compréhension et l’harmonie familiale, ce qui a fait de lui un homme parfaitement libre : il n'a pas de doutes, il suit uniquement son inspiration. Il a commencé très jeune à écrire des poésies. Quand il a publié son recueil In cerca del mistero (En quête du mystère), il me l'a dédié.

Bernardo n'est pas quelqu'un de cynique. Il est direct comme peut l'être un poète. Comme son père Attilio. Il réalise ce qui lui passe par l'esprit, il ne juge pas et ne censure pas. C'est la faiblesse mais aussi la beauté de ses films. Mais la qualité qu'il avait dans sa jeunesse de ne jamais se censurer lui a parfois fait perdre sa perfection et sa grâce. Lui toutefois n'a jamais été guidé par autre chose que par la conviction de son absolue singularité.

Adriana Asti  Un futuro infinito, piccola autobiografia  Mondadori, 2017  (Traduction personnelle)











samedi 11 août 2018

Roma




Di quanti vanno bravando nella notte
Credendo per la forza li si tema,
Occhi aurei o argentati
Di quella pasta luminosa
Misto acrilico misto resina.
Svegliando in accelerazione
Centomila persone ad ogni colpo
Di tallone.

Franco Buffoni  Roma Guanda Ed. 2009


Combien s'en vont bravaches dans la nuit
En croyant que leur force les rend terrifiants,
Yeux dorés ou argentés
De cette texture lumineuse
Moitié acrylique moitié résine.
Et ils réveillent en accélérant
Cent mille personnes à chaque coup
De talon.

(Traduction personnelle)










Vidéo et images : séquence finale de Fellini Roma (1972)

jeudi 9 août 2018

Une Vie violente (Una Vita violenta)




Il y a tout juste un an sortait sur les écrans le film de Thierry de Peretti Une vie violente, désormais disponible en VOD et DVD. A cette occasion, je republie ici cet article de l'été dernier...

Une Vie violente, sorti le 9 août sur les écrans, est le deuxième long-métrage de Thierry de Peretti, après Les Apaches en 2013 ; cette fois-ci, il est encore question de la Corse (plus tout à fait la même toutefois : on est à Bastia et plus dans l’extrême-sud de l’île, comme dans le premier film) et de la violence, mais l’ambition est plus ample, comme le cadre de l’écran qui s’est élargi (Les Apaches était tourné en format 4/3). 
La dimension politique qui était à peine effleurée dans le premier film prend dans celui-ci une place prépondérante : le spectateur se retrouve plongé au cœur des années quatre-vingt dix, qui ont vu les différentes tendances (certains diront les différents clans) du mouvement nationaliste se déchirer et s’entretuer, avec parfois une limite bien difficile à discerner entre la revendication politique et le banditisme pur et simple. On retrouve d’ailleurs cette confusion dans la forme du film où les pistes sont souvent brouillées, le spectateur ayant parfois du mal à saisir les motivations des personnages, surtout s’il relâche un moment son attention, mais ce brouillage reflète surtout la perte de repères et la dérive des jeunes militants (et de leurs chefs) que l’on voit sur l’écran. 
Le titre est bien sûr emprunté à Pasolini, l’une des inspirations majeures du cinéma de Thierry de Peretti, comme l’on pouvait déjà s’en apercevoir à la vision des Apaches, mais cette parenté n’a rien de littéral, c’est plutôt dans l’esprit que l’on peut trouver des passerelles avec l’œuvre du maître italien, en particulier dans la confrontation entre une modernité aveuglante et déstabilisante et la persistance de repères archaïques très forts, issus d’une ruralité encore très présente en Corse.





Une vie violente est construit autour d'un long flash-back central, qui va nous permettre de suivre la trajectoire chaotique d’un jeune étudiant, Stéphane, issu de la bonne bourgeoisie bastiaise (sa mère est notaire, et elle l’a élevé seule), que l’on découvre d’abord à Paris en 2001, avant qu’il ne retourne en Corse pour assister aux funérailles de Christophe, l’un de ses plus proches amis, victime d’un attentat ; on va alors remonter quelques années en arrière, au moment où Stéphane, peu politisé, va accepter de cacher des armes pour aider un ami, ce qui va lui valoir d’être arrêté et de se retrouver en prison, où il va rencontrer un militant plus âgé, François, qui va devenir un mentor politique (il lui fait lire Frantz Fanon, et les théoriciens de la lutte contre le colonialisme, alors qu’il était au départ plutôt porté sur la littérature, on le voit par exemple plongé dans Les Démons de Dostoïevski) et peut-être aussi une sorte de père de substitution. 
Tous ces passages dans la prison peuvent évoquer le film de Jacques Audiard Un prophète, et on pourrait d’ailleurs penser aujourd’hui en les voyant à la question de la "radicalisation" qui est au cœur de la problématique du terrorisme djihadiste, mais les deux situations sont évidemment très différentes, et le rapprochement ne doit pas être poussé trop loin. En sortant de prison, il va donc suivre François dans le mouvement clandestin qu’il a créé avec son ami Marc-Antoine pour s’opposer à ce qu’il considère comme les dérives de ses anciens frères d’armes. Stéphane engage alors ses amis, originellement plutôt versés dans le petit banditisme, à les rejoindre, et très vite, on va assister à l’engrenage d’une violence de plus en plus déchaînée, sur le principe de la loi du talion. 
Le scénario du film est en prise directe avec les événements réels de cette époque : la création d’Armata Corsa par François Santoni et Jean-Michel Rossi, que l’on reconnaît facilement derrière les personnages de François et Marc-Antoine, les nuits bleues, l’impôt révolutionnaire, porte ouverte à la justification du racket et à la dérive vers le banditisme, les règlements de compte entre factions rivales, les collusions entre les nationalistes purs et durs et les représentants de l’État (c'est l’époque des fameux "accords de Matignon", et il y a une scène très drôle où l’on voit la femme du maire de Paris (l'inénarrable Xavière Tiberi dans la réalité) tenir à tout prix à se faire prendre en photo dans un grand restaurant parisien en compagnie du sulfureux chef nationaliste Marc-Antoine, envers qui elle multiplie les manifestations d’affection), l’assassinat de François lors d’une fête de mariage, comme ce fut le cas pour Santoni...




Tout cela est représenté, et pourtant Une Vie violente n’est pas seulement une chronique de cette époque et pas du tout un film "engagé" défendant une thèse ! C’est une œuvre beaucoup plus singulière et beaucoup plus universelle ; elle tire d’abord son originalité d’un filmage nerveux, toujours très près des corps des acteurs (alors que les scènes de violence sont filmées de beaucoup plus loin, évitant ainsi tout effet de complaisance), avec la plupart du temps des plans-séquences qui permettent aux acteurs d’exister formidablement sur l’écran en développant des scènes ou des conversations que l’on croirait improvisées tant elles paraissent vraies et spontanées. On parle en effet beaucoup dans ce film, et cette ivresse du verbe (à laquelle correspond l'ivresse des armes à feu et de la volonté de puissance qu'elles représentent) est une constante de la personnalité de ces militants corses qui ne s’aperçoivent même plus du gouffre qui se creuse entre leurs aspirations identitaires, leurs convictions idéologiques et la réalité de plus en plus sordide de leurs actions.




Stéphane, le héros (ou anti-héros) du film est d’ailleurs emblématique de ce décalage : il semble toujours à côté du réel auquel pourtant il participe ; les valeurs qui le font agir (l’amour de sa terre, le sens de l’amitié et d’une certaine fraternité dans la lutte) sont très ancrées en lui, mais il ne fait rien pour arrêter la spirale mortifère dans laquelle il s’est engagé, avec candeur et détermination tout à la fois. Tous les acteurs du film (pour la plupart des amateurs choisis sur castings) sont magnifiques, mais Jean Michelangeli, qui n’est pas non plus un acteur professionnel, se révèle particulièrement remarquable : il donne à ce personnage complexe une force intérieure et une grâce qui frappent le spectateur (j’ai pensé souvent en le voyant à Christian Patey, le "modèle" bressonien de L’Argent, le dernier film du maître : il y a entre eux une proximité physique, mais surtout le même détachement, la même capacité à être à la fois ailleurs et incroyablement présent dans le plan) ; ce qu'il fait est vraiment très fort !





Le film rejoint aussi l’universel par la façon dont tous les thèmes qu’il aborde sont traités : cette intrigue puisée dans la réalité parfois la plus triviale rejoint en fait la tragédie la plus archaïque, avec ces frères qui s’entretuent (on pense à Goodfellas, par exemple dans la scène du café où il est question d'une dette à rembourser, mais aussi aux affrontements fratricides de La Notte di San Lorenzo des Taviani), ces personnages sur lesquels pèse un fatum qui va les écraser et les détruire. Il y a même une évocation des Parques dans un hallucinant plan fixe de plusieurs minutes vers la fin du film, où la mère de Stéphane va se retrouver dans une tablée de femmes proches des ennemis de son fils, et dont elle espère obtenir la protection ; or, ces dernières, occupées à déchiqueter tranquillement des langoustes, vont multiplier les sarcasmes, les allusions, les moqueries, complètement insensibles à la détresse de celle qui est venue les implorer : elles la renvoient impitoyablement à la loi du sang et du destin, avec la même insensibilité et le même cynisme que mettaient leurs époux ou leurs amants à accomplir leurs règlements de comptes. 
On est loin ici de la Corse des cartes postales, et au cœur d’une vérité humaine qui glace le sang. Pourtant, et le paradoxe est beaucoup moins évident quand on a vu le film, Une Vie violente n’est pas un film sordide ou désespéré ; il y règne une jubilation et une grâce dans le filmage que l’on ne retrouve pas souvent aujourd’hui au cinéma. La vie y triomphe finalement, et la force de l’art, comme dans ce long travelling final où l’on suit Stéphane tandis qu'il arpente les rues de Bastia : on devine sous son tee-shirt la forme du gilet pare-balles qu’il porte, mais il paraît tranquille, presque serein ; il marche seul dans le soleil et plus rien ne semble compter pour lui que cette vérité ultime : là, maintenant, que ce soit pour quelques minutes encore ou pour l’éternité, il est vivant...





Les dernières lignes du roman de Pasolini, Una vita violenta

(Traduction personnelle : "Mais puisqu'il fallait mourir, il avait décidé que ce serait dans son lit : et dans les circonstances actuelles, on lui donna très facilement la permission de retourner à la maison. C'était une belle journée, très douce, vers la fin septembre, le soleil brillait dans un ciel immaculé, et les gens bavardaient ou chantaient dans les rues aux immeubles neufs.
Quand Tommaso se retrouva dans son petit lit, il lui sembla qu'il se sentait mieux. En fin de compte, l'heure de l'extrême-onction n'était pas encore venue ; depuis quelques heures la toux avait cessé, et il avait même réclamé à sa mère un peu de ce vin de Marsala que lui avait apporté Irène. Mais ensuite, avec la tombée de la nuit, il se sentit de plus en plus mal : il se remit à vomir du sang, il toussa, toussa sans pouvoir reprendre son souffle, et adieu Tommaso.")


La page Facebook du film

Un très bon article de blog sur le film (cliquez pour lire)







dimanche 15 juillet 2018

Enfin l'Italie !




Claude Michel Cluny a vingt-six ans quand il consigne dans son journal intime ces quelques notes laconiques mais vibrantes d’enthousiasme et de ferveur à propos de sa découverte de l'Italie, via la Corse. Elles ne seront publiées que près de cinquante ans plus tard, en 2002, dans le premier volume de son journal littéraire, Le Silence de Delphes (dix tomes déjà publiés aux éditions de la Différence) :

Juillet. [1956] – Avons embarqué à Marseille, des amis et moi, pour la Corse. Il fait si beau que j'abandonne ma cabine pour passer la nuit sur le pont, dans une chaise longue. Bastia. L'or des pierres. Et trois vieilles femmes séchant comme des aubergines sur les marches de l'église.

– L'ébauche d'un bateau sur son berceau : naissance de l'harmonie.

– J'embarque, seul, à Bastia pour Livourne : enfin l'Italie !




26 août, Arezzo. – Ce n'est pas « le rêve de Constantin » qui nous intéresse, c'est celui du peintre. L'art s'est libéré des lois qui ne sont pas les siennes. Notre passion va au génie des peintres, pas au monde qu'ils sont censés avoir eu (?) sous les yeux. Diderot juge Greuze par le sentiment, il ne l'apprécie que pour son rendu – le mot dans sa justesse est affreux – de l'anecdote.





7 septembre, Fiesole. – Une telle harmonie partout (sauf les hurlements de la radio dans les rues, les klaxons, les Vespas...), qu'on s'attend à voir les anges peigner leurs ailes entre les cyprès. Et combien de jeunes Toscans pourraient sortir de l’atelier de Cellini, ou de son lit !





Benozzo Gozzoli peignait le cortège des Rois mages à la lumière des bougies, comme Van Gogh peindra les étoiles. Mais comment La Tour travaillait-il ?




Sans date. – Parti de Florence la mort et la beauté dans l'âme. Milan, Musée de la Brera d'abord. La cathédrale, énorme vaisseau échoué sous une forêt d'agrès, de haubans gothiques ! Sur le toit, les Italiens, qui ne perdent jamais l'occasion de faire de l'argent, ne vendant pas des cierges mais du Coca-Cola ; c'est la buvette du ciel ?
Je repars pour Orly en Vickers Viscount. Nous avons un peu d'avance sur l'horaire et le commandant de bord nous offre un tour du massif du Mont Blanc spectaculaire.

Claude Michel Cluny  Le Silence de Delphes Journal littéraire 1948-1962  Editions de la Différence, 2002







Images : de haut en bas, (1) Site Flickr

(2) Yves Baril  (Site Flickr)


(4) Steven Brinkman  (Site Flickr)

(5) et (6) Site Flickr

(7) Andrea Tornabene  (Site Flickr)

(8) André Neto  (Site Flickr)




lundi 2 juillet 2018

Temps perdu à Rome




Un extrait de Deux ou trois vies qui sont les miennes, livre de souvenirs de Daniel Gélin publié en 1977, un volume trouvé (à très bas prix) chez un bouquiniste et qui m'a vraiment surpris par la qualité du style et la liberté de ton de l'auteur. On est très loin ici des mémoires formatés des acteurs, la plupart du temps écrits par quelqu'un d'autre ; on y entend la voix de Daniel Gélin et il nous raconte ses souvenirs avec une grande originalité et beaucoup de poésie. Je cite ici un très joli passage consacré à ses nombreux séjours romains, à une époque où le cinéma italien était au zénith (nous sommes dans les années cinquante du précédent siècle) et où les coproductions avec la France étaient nombreuses. Gélin sait restituer les atmosphères et il y a toujours dans ses souvenirs une pointe de mélancolie qui les rend encore plus forts et plus attachants, comme ces variations sur le temps perdu qui nous restitue la magie d'une époque révolue, d'une certaine douceur de vivre dont le célèbre film de Fellini nous montrera au début des années soixante l'envers cynique et décadent, avec le mordant et la cruauté d'un titre en forme d'antiphrase...

Temps perdu : la nuit à Rome. Sommeil refusé, repoussé, remis à l'aube tant de fois.
Durant l'été, dans cette ville, l'air même est une drogue et je n'arrive pas à oublier la Rome antique, et tout ce qu'elle peut évoquer de plaisirs cruels, de fêtes, d'orgies.
L'air de Rome en la belle saison charrie le pervers, la déraison ; il véhicule les nerfs vers les dérèglements.
Maintenant, l'Eglise qui y règne me choque, me blesse, me gêne par sa présence insistante, anachronique. Pour moi, Dieu n'est pas là. Les pharisiens seulement, avec leurs temples, leurs lois, leurs richesses.
Mais le Diable est en Rome à son aise. Un diable clair et tendre, enivrant, avec ses filles fées, femelles, fines dans la démarche, avec ses princes aventureux hâlés ou blêmes, semblant nés d'une brise.
Tant de souvenirs à Rome. Les nuits se mêlent, les aubes se confondent. Je les revois et les respire encore. Ciel rose, si tendre auprès de celui de Paris toujours bleuté d'ardoises en traînées.
A une époque, j'étais tous les soirs au cabaret la Cabala, tantôt avec Walter Chiari ou Dado Ruspoli, tendrement nous disputant des filles, tantôt avec Novella Parigini, dodue et tiède comme une gorge de colombe. Je dansais, vif et lent, très lent, puis la pénombre m'absorbait. Humphrey Bogart m'observait, semblait m'envier. Il me fascinait.
De cette Cabala, un dimanche, après une victoire du Real de Madrid bien arrosée, j'avais entraîné toute l'équipe et des amis fidèles dans une course rapide et folle en fiacre, à travers la nuit de Rome. Juché près du cocher dans le premier fiacre, je guidais, exhortais toute une cohorte caracolante, trépidante, vacillante et totalement follingue et heureuse.

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Avec Henri Vidal, enfantin et libre, je fréquentais un autre club où nos frasques sans gravité effrayaient tant le patron qu'il nous refusait l'accès de la salle et du bar ; mais indulgent, il nous recevait dans la cuisine, dans la vapeur des pâtes qu'on préparait à l'aube.

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Il y eut des soirées d'un style un peu différent où le temps était non seulement perdu, mais assassiné lentement.
Avec Dado Ruspoli, nous allions de cabarets en cabarets, soutenus par la présence rassurante d'une infirmière qui transportait précautionneusement sous sa cape la trousse où était logé, comme dans un nid, un matériel précieux, destiné à d'éventuels voyages vers des paradis que d'aucuns osent, sans savoir, qualifier d'artificiels.

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Il y eut aussi des soirées à Ostie, dans la villa de Walter Chiari, mon vieux copain et complice, qui recevait si bien. Orson Welles y venait souvent, vêtu d'un costume blanc à col stalinien ou maoïste (au choix !), massif et lent, au rire soudain, solitaire et gigantesque. A cette époque, la conscience de son génie lui donnait souvent un regard de fou. Malgré une certaine pose, je le trouvais fascinant. Il était avant tout le créateur de Citizen Kane, de La Dame de Shangaï, mais il était aussi un personnage hors série. Son arrivée à Rome, par exemple, fut assez spectaculaire. Il était venu en avion privé, avait tournoyé au-dessus de la ville et, ayant atterri, avait refusé tout contact avec les journalistes. Il s'était rendu directement à Saint-Pierre de Rome...
Avec lui, souvent, un peu partout, j'avais perdu mon temps, et je n'arrive pas à le regretter.

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A Rome toujours, des nuits entières à discuter avec Moravia chez Novella Parigini ou chez moi, via Mariano Fortuny. J'avais tourné un film d'après un livre de Moravia, La Romana [titre français : La Belle Romaine, 1954], et nous avions sympathisé. Il arrivait sans prévenir à n'importe quelle heure et s'asseyait aussitôt par terre, le dos appuyé au divan, un genou replié et l'autre jambe infirme allongée. IL adorait la présence des jeunes. J'étais frappé par sa profonde connaissance des femmes que l'on ressentait tout particulièrement à la lecture de La Romana, histoire d'une jeune prostituée amoureuse, récit touchant qu'il avait imaginé de conter à la première personne. Il pouvait discourir tard dans la nuit. Je l'écoutais, l'interrogeais sans me lasser.

Daniel Gélin  Deux ou trois vies qui sont les mienne Editions Julliard, 1977






Images : en haut et en bas, La Belle Romaine, de Luigi Zampa, avec Daniel Gélin et Gina Lollobrigida (1954)

(4) William Klein