Dans ce deuxième extrait du recueil de Bernardo Bertolucci, In cerca del mistero [En quête du mystère], c'est un poète de quinze ou seize ans qui se souvient de Leopardi : La Ginestra, bien sûr, mais aussi L'Infinito, avec cette "siepe" (haie) qui «de tout bord ou presque / dérobe aux yeux le lointain horizon». Ici, au contraire, la haie ne cache pas, mais protège, dans son lieu le plus doux, le plus accueillant. C'est déjà "le rêve d'une chose", pour reprendre l'expression pasolinienne, les collines de l’Émilie remplaçant ici les paysages du Frioul ; dans ce tableau bucolique, les perceptions se mêlent mystérieusement : la poudre d'or de la lumière du matin, le bourdonnement des abeilles et le parfum des genêts. On songe aussi en lisant le poème à Virgile et aux abeilles du Livre IV des Géorgiques [219 - 227] : «D'après ces signes et
suivant ces exemples, on a dit que les abeilles
avaient en elles une parcelle de la divine intelligence et des
émanations de l'empyrée ; car, selon
certains, Dieu se répandrait par toutes les terres, et les
espaces de la mer, et les profondeurs du ciel ; c'est de lui que
les troupeaux de petit et de gros bétail, les hommes,
toute la race des bêtes sauvages emprunteraient à leur
naissance les subtils éléments de la vie ; c'est
à lui que tous les êtres retourneraient et seraient rendus
après leur dissolution ; il n'y aurait point de place pour la
mort, mais, toujours vivants, ils s'envoleraient au nombre des
constellations et gagneraient les hauteurs du ciel.»
Fu qualcuno che me disse delle ginestre.
Se qualcuno passa per le colline
mi porti tutte le ginestre che il mattino
ha ricoperto d'oro, le più giovani
che abbiano ancora le api
e il loro ronzio tra i petali ; io porterò
con me questo sogno, in ogni paese
in ogni casa : « Ecco il mio sogno ! ».
Se dovessi andarmene per una strada
e le api non conoscessero il punto dolce
della siepe, riportate le ginestre alle colline
e le api.
Bernardo Bertolucci In cerco del mistero Gremese Editore, 1988 (Prima edizione : Longanesi, 1962)
Bernardo Bertolucci In cerco del mistero Gremese Editore, 1988 (Prima edizione : Longanesi, 1962)
Quelqu'un me parla des genêts.
Si quelqu'un passe par les collines
qu'il m'apporte tous les genêts que le matin
a recouverts d'or, les plus jeunes
qui abritent encore les abeilles
et leur bourdonnement dans les pétales ; j'emporterai
avec moi ce rêve, dans chaque village
dans chaque maison : « Voici mon rêve ! ».
Si je devais m'en aller sur une route
et que les abeilles ne connaissent pas l'endroit le plus doux
Si je devais m'en aller sur une route
et que les abeilles ne connaissent pas l'endroit le plus doux
de la haie, ramenez les genêts aux collines
et les abeilles.
(Traduction personnelle)
(Traduction personnelle)
Images : en haut, Emilio Poli (Site Flickr)
Comme on respire bien, ce matin, chez vous... Abeilles et genêts, collines bleues... Oui, il ne manque rien...
RépondreSupprimerlu grâce à vous les nouvelles de Curzio Malaparte. Très beau livre intimiste. Merci
RépondreSupprimerIl y a tant de générosité dans ces paroles de poète. L'abeille n'est-elle pas celle qui pose miel et mystère sur leurs lèvres d'or ? Douceur en ce soir de printemps... Puisse-t-elle couvrir notre monde de cette lumière...
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