Forse
un mattino andando in un'aria di vetro,
arida,rivolgendomi vedró compirsi il miracolo :
il nulla alle mie spalle, il vuoto dietro
di me, con un terrore di ubriaco.
arida,rivolgendomi vedró compirsi il miracolo :
il nulla alle mie spalle, il vuoto dietro
di me, con un terrore di ubriaco.
Poi come s'uno schermo, s'accamperanno di gitto
alberi case colli per l'inganno consueto.
Ma sarà troppo tardi ; ed io me n'andró zitto
tra gli uomini che non si voltano, col mio segreto.
alberi case colli per l'inganno consueto.
Ma sarà troppo tardi ; ed io me n'andró zitto
tra gli uomini che non si voltano, col mio segreto.
Eugenio Montale, Ossi di seppia, 1925
Peut-être
un matin allant dans l'air aride,
comme de verre, me retournant verrai-je s'accomplir le miracle :
le néant dans mon dos, derrière moi
le vide, avec la terreur de l'ivrogne.
comme de verre, me retournant verrai-je s'accomplir le miracle :
le néant dans mon dos, derrière moi
le vide, avec la terreur de l'ivrogne.
Puis, comme sur un écran, se camperont d'un jet
arbres, maisons, collines, pour l'habituel mirage.
Mais il sera trop tard, et je m'en irai coi
parmi les hommes qui ne se retournent pas, seul avec mon secret.
arbres, maisons, collines, pour l'habituel mirage.
Mais il sera trop tard, et je m'en irai coi
parmi les hommes qui ne se retournent pas, seul avec mon secret.
Traduction : Patrice Angelini (Os de seiche, Gallimard, 1966)
Images : en haut, Tiziano Vecellio Ritratto del cardinale Filippo Archinto, 1558, Philadelphia Museum
Ces photos sont mystérieuses, comme ce texte. je ne cherche pas à clarifier. Beauté. Méditation.
RépondreSupprimerJe reviens à ce poème et à ces deux créations photographiques. Des voiles effacent ou voilent. Une silhouette s'éloigne.
RépondreSupprimerLes deux strophes du poème nous font voyager dans deux mondes très différents. La première, affolante nous colle au néant, au vide, à un monde éboulé et maintenant désert, un monde de solitude.
La deuxième veut rassurer mais projette un monde trompeur, une illusion, une tentation (maison, arbres, collines...). Le poète s'en défend comme d'un mirage et passe.
L'énigme : son secret. Quel est-il ce secret ? Sa parole, son écriture ? Quel rapport avec l'os de seiche, calcaire,si léger, que l'on trouve sur les plages, seule mémoire du mollusque qui a jeté dans la mer son encre noire avant de mourir ?
Ce poète me paraît désespéré, pessimiste. A-t-il connu la guerre, le fascisme, la mort avant d'écrire ce recueil dont on pourrait dire : "une écriture à l'os" ?
Ce poème est très mystérieux, en effet, et on pourrait le commenter à l'infini, sans en épuiser le mystère... Dans la première strophe, le vide et le néant sont accueillis comme une révélation, une sorte d'épiphanie miraculeuse, qui délivre de "l'habituel mirage" : le poète en est bouleversé, saisi d'un enthousiasme libérateur, une sorte de vertige qui l'exalte et l'effraie, comme l'ivresse ("la terreur de l'ivrogne).
SupprimerDans la deuxième strophe, je ne perçois pas vraiment le côté rassurant que vous évoquez : c'est le retour, après la fulguration, à l'ordre naturel des choses ; on retrouve les illusions de la Caverne platonicienne, avec les illusions habituelles de la réalité (qui réapparaissent "comme sur un écran", et ici Montale se réfère sûrement à Platon , et aux ombres qui défilent sur la paroi de la Caverne). C'est la réalité banale et illusoire qu'acceptent "les hommes qui ne se retournent pas", autrement dit ceux qui se contentent des apparences rassurantes du quotidien. Le poète est ailleurs, il "voit", il sait bien qu'une autre réalité existe, ineffable et mystérieuse : il la conserve donc comme un secret, une révélation à la fois exaltante et angoissante, privilège du poète, mais aussi condamnation puisqu'elle le livre à la solitude, à l'incompréhension, à la marginalité (un peu comme "L'Albatros" de Baudelaire...).
L'angoisse qui sourd de ce poème est donc plutôt existentielle, ontologique, que sociale et politique : le poème date du début des années vingt, le fascisme n'en était qu'à ses premiers balbutiements, si je puis dire... On est plutôt ici du côté de Rimbaud (le Voyant) ou de Baudelaire (le dernier vers de "La Vie antérieure" : "Le secret douloureux qui me faisait languir.")
Le côté rassurant ? Non, au contraire puisqu'il ajoute : " pour l'habituel mirage". Oui des illusions... j'aime votre proposition. je le relis avec votre éclairage : merci.
SupprimerOui, pardon, vous disiez à propos de la deuxième strophe non pas qu'elle est rassurante, mais qu'elle "veut rassurer" ; en fait nos interprétations se rejoignent !
SupprimerC'est ce que j'ai pensé... et avec le commentaire de A. nous entrons dans le silence de cette "bouche close".
SupprimerQuel bel échange ! Joie de lire et de commenter sur ce blog, joie aussi de regarder et d'écouter.
A vrai dire la première image semble une toile, ce qui est précisé par la note en bas de page que je n'avais pas vue :
RépondreSupprimerTiziano Vecellio Ritratto del cardinale Filippo Archinto, 1558, Philadelphia Museum
Je pensais à un vrai voile, tiré partiellement devant ce portrait, mais non, il est peint. Magnifique.
Mais, Tiziano Vecellio c'est le TITIEN ! Ah, admirable.... Je ne connaissais pas cette toile. Ce cardinal est très proche de son autoportrait . Et ce voile, quel beau choix pour donner un écho à ce poème... Avec vous, on revient souvent sur l'ouvrage...
RépondreSupprimerOui, c'est bien le Titien, et le voile est bien sur la toile, pour montrer et cacher, révéler et dissimuler. Le visage s'offre à la curiosité du spectateur et en même temps, il se dérobe ; il semble presque se dissoudre, s'effacer, pour engager le regard à aller plus loin, au-delà des traits et du voile, vers le secret, "dans le secret", comme il est dit dans l’Évangile de Matthieu (VI, 5-6).
SupprimerUne amie , A., fidèle lectrice de ce blog, me prie d'insérer :
RépondreSupprimer"Le portrait de Titien (divisé en deux parties égales par le voile, une partie cachée, une partie plus visible.) La bague sur le siège (les apparences trompeuses que constituent richesse et pouvoir/ le livre derrière le voile: le savoir caché, difficilement accessible...) Mais il y a surtout un œil qui nous toise, nous obligeant à le regarder et à contempler son silence (la bouche close), à nous interroger sur nous-même et sur notre duplicité qui est aussi la sienne. Le secret est en chacun de nous..."
Merci à vous, Christiane, et à votre amie, de ces précisions fort intéressantes !
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