"Il vento... È rimasto il vento.
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Il vento e nient'altro. Un vento
spopolato. Quel vento,
là dove agostinianamente
più non cade tempo."
G.C. Dopo la notizia
Jeudi 27 février 1986 : le poète ligure Giorgio Caproni, traducteur de René Char, rencontre pour la première fois dans sa maison de l'Isle-sur-Sorgue le poète qu'il admire depuis si longtemps. Parmi ceux qui accompagnent Caproni dans cette visite se trouvent Bernard Simeone et Philippe Renard, traducteurs français de Caproni, et l'acteur Philippe Morier-Genoud qui prendra à cette occasion plusieurs photographies. C'est l'une d'elles, où l'on peut voir les deux poètes cueillir une pomme de pin dans le jardin de Char, qui inspira à Caproni le poème Le feu et la cendre. Il nous reste deux témoignages de cette visite : celui de Bernard Simeone, publié dans Acqua fondata (éditions Verdier, 1997), et celui de Philippe Morier-Genoud, que l'on pourra lire en suivant l'un des liens placés à la fin de ce message. Voici un extrait du très beau texte de Bernard Simeone, intitulé «Occasion d'un poème» :
«Mais si j'écarte le poème de Caproni, et fais retour à la photo que Philippe Morier-Genoud prit dans l'allée des Busclats – son agrandissement est à portée de main, près de la table de travail –, ce sont d'abord des regards : celui, frontal et taurin, de Char sous la casquette amarante, une flamme assurément, et celui, de côté, perdu en lui-même, de Caproni, portant casquette grise. L'un massif dans le froid, l'autre frigorifié, mains jointes, avec au doigt un anneau en forme de serpent, mais dont la personne évoque, plus que la cendre, le noyau. De la sorte, ils sont profondément eux-mêmes, du moins tels qu'on les devine à la source, ou dans l'écho, de leurs livres. L'un traduit par l'autre qui, ce faisant, reste fidèle à son propre mystère, deux forces qui s'attirent et se compénètrent puis retournent séparément à l'énigme, deux «alliés substantiels» qui, sur une photo, ne font que se côtoyer tant la rencontre advint entre les textes.»
Il fuoco e la cenere
Quel giorno colsi una pigna
nell'orto di Char.
Una pigna compatta e viva
come una sua poesia.
Non scorderò quel suo
berretto rosso. Il mio
era grigio. (Il fuoco
e la cenere ?). Non scorderò
quel suo volto solare.
Il grosso cane nero
che ci stava a guardare.
Non scorderò la fortuna
d'averlo sentito parlare.
Giorgio Caproni Res amissa (1991)
Le feu et la cendre
Ce jour-là, je cueillis une pomme de pin
dans le jardin de Char.
Une pomme compacte et vive
comme un de ses poèmes.
Je n'oublierai pas sa
casquette rouge. La mienne
était grise. (Le feu
et la cendre ?). Je n'oublierai pas
son visage solaire.
Le gros chien noir
qui restait là, à nous regarder.
Je n'oublierai pas la chance
de l'avoir entendu parler.
Traduction : Bernard Simeone

Les photos de la visite, par Ph. Morier-Genoud (fichier pdf).
D'autres photos ici (fichier pdf).
Image : en bas, La Sorgue, Site Flickr