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samedi 10 décembre 2016

La giornata balorda




La giornata balorda (L'étrange journée, mais le film est sorti en France sous le titre C'est arrivé à Rome) (1960) est le cinquième et dernier film marqué par la collaboration de Mauro Bolognini avec Pasolini, qui en est le scénariste et le dialoguiste ; l'histoire s'inspire de deux nouvelles d'Alberto Moravia (qui a aussi participé à l'adaptation cinématographique) : Il Naso (Le Nez) et La Raccomandazione (La Recommandation). Le personnage central du film, Davide Saraceno, est un jeune homme désœuvré au caractère velléitaire, vivant dans l'un des immeubles surpeuplés de la banlieue romaine. Il vient d'avoir un enfant avec une jeune voisine qu'il refuse d'épouser et il continue passivement à vivre aux crochets de sa famille. On le suit pendant une journée, à la recherche d'expédients divers pour survivre ; il se rend chez son oncle qui doit le faire "recommander" auprès d'un avocat influent pour trouver un travail, mais ce dernier le mène en bateau en lui fixant des rendez-vous illusoires. Ballotté par les événements qu'il subit plus qu'il ne les affronte, il va rencontrer Marina, une jeune prostituée ; en la suivant, il se retrouve dans la maison d'un député qui vient de mourir, et Davide finira par voler la bague précieuse que le défunt porte au doigt (on retrouve un épisode assez semblable dans Le Decaméron de Pasolini, quelques années plus tard...). Il se trouvera ensuite embarqué dans un trafic d'huile d'olive frelatée, et le film se terminera par une boucle narrative, puisque Davide reviendra dans son appartement pour consigner à sa fiancée une partie de l'argent qu'il a pu rafler pendant la journée, tout en espérant utiliser le reste pour acheter un poste de commissionnaire. Le film s'achève d'ailleurs comme il a commencé, sur un long travelling arrière dans la cour de l'immeuble, avec le linge qui pend et les locataires devisant sur leurs balcons. Retour à la case départ, comme le destin du jeune homme qui fait du surplace, puisqu'il reste englué dans un désespoir existentiel qui le paralyse, empêchant toute révolte et toute prise de conscience libératrice. C'est évidemment déjà, sous une apparence plus lissée et une élégance formelle typique de Bolognini, le même fatalisme qui caractérise les premiers films de Pasolini : Accattone, Mamma Roma ; on se souvient des derniers mots d'Accattone juste avant de mourir : "Mo sto bene..." ("Maintenant, je me sens bien...")






La grande originalité du film naît justement de la rencontre entre le style très soigné de Bolognini, proche parfois d'un certain maniérisme, et l'univers beaucoup plus brutal de Pasolini. Davide ressemble beaucoup au personnage d'Accattone, que Pasolini s'apprête à tourner au moment où sort La giornata balorda, mais Bolognini choisit Jean Sorel pour l'interpréter, c'est-à-dire un jeune acteur français aux traits fins et à l'allure très sage, plutôt que Franco Citti, un jeune ouvrier issu des mêmes borgate que le film décrit... C'est ce décalage esthétique qui intrigue et séduit le spectateur dans ce film, comme dans La Notte brava (Les Garçons), tourné peu avant et qui forme avec La Giornata une sorte de diptyque. Il faut également souligner le fait que Bolognini fait lui-même derrière la caméra le cadrage de ses films, et il réussit à ne pas trahir l'univers de Pasolini tout en imposant sa manière personnelle de créer des images très belles et très fortes, dans un noir et blanc splendide, en évitant toutefois l'écueil du formalisme ; il parvient à une sorte de réalisme distancié (où les corps, surtout ceux des garçons, sont très érotisés, comme on le verra dans les captures d'écran ci-dessous), loin du néo-réalisme rossellinien (dont Pasolini va au contraire s'inspirer dans ses premiers films, avant de trouver une voie plus strictement personnelle), mais tout de même authentique et ne masquant rien du tragique de cet univers où règne le désespoir, social mais aussi existentiel. Pour éclairer cet aspect, je citerai cet extrait du dialogue entre Bolognini et Jean Gili, un des meilleurs connaisseurs du cinéma italien, et singulièrement de celui de Bolognini : 

"Jean Gili : Dans La notte brava et dans La giornata balorda apparaît très fortement le sentiment pasolinien du désespoir.

Mauro Bolognini : Je crois que ce sentiment était quelque chose de congénital pour Pasolini et moi. Cela nous rapprochait, c'était vraiment comme une colle qui nous liait l'un à l'autre.

J.G. : Ce désespoir est à la base de l'univers de Pasolini.

M.B. : Je crois que Pasolini est arrivé jusqu'au plus profond de son désespoir, un désespoir qu'en un certain sens je lui envie beaucoup."

(Entretien réalisé en décembre 1976, recueilli dans l'ouvrage Le cinéma italien, collection 10/18, 1978)










Captures d'écran : La Giornata balorda, de Mauro Bolognini, DVD A&R Productions, 2014




A lire aussi sur La Notte brava : La Nuit complice 

et sur le blog Mes couleurs du temps

dimanche 4 décembre 2016

Come neve al sole (Comme neige au soleil)




À propos de Giovani mariti, de Mauro Bolognini

Dans l’abondante filmographie de Mauro Bolognini, un réalisateur toujours sous-estimé, les cinq films qu’il a réalisés à partir de scénarios de Pier Paolo Pasolini (Marisa la civetta [titre français : Marisa la coquette], Giovani mariti [titre français : Les Jeunes maris], La notte brava [titre français : Les Garçons], La Giornata balorda [titre français : C’est arrivé à Rome], Il Bell’Antonio [d’après le roman de Brancati, titre français : Le Bel Antonio]) frappent aujourd’hui encore par leur audace et leur originalité. Au moment de leur sortie, ces films laissèrent souvent perplexes les spectateurs, mais aussi les collègues de Bolognini, comme il le raconte à Jean Gili à propos des Jeunes maris : 
« À cette époque, Pasolini ne faisait pas encore le scénariste. Les premières années, j’ai travaillé avec lui contre l’hostilité de tous, non seulement des producteurs mais aussi des amis. Les dialogues de Giovani mariti étaient insolites, peut-être littéraires, ils avaient quelque chose de particulier — je ne saurais même pas dire quoi, je n’ai pas vu le film depuis longtemps — ; quoi qu’il en soit ces dialogues étaient très différents du "ronron" habituel. Pasolini était différent et ses dialogues avaient un son très étrange. Je me souviens que lorsque l’on fit la première projection de Giovani mariti à Cinecittà, beaucoup de gens étaient venus, des acteurs, des actrices, des metteurs en scène importants : il y avait Antonioni, Fellini, d’autres encore. Normalement, pendant ces années, on invitait les amis et à la fin de la projection il y avait des applaudissements. Ce soir-là, le film terminé, il n’y eut aucun applaudissement ; personne ne sortait pour éviter de me rencontrer. Ils n’avaient pas le courage de me dire quelque chose, rien, c’était tragique. Moi, j’ai dû quitter le fond de la salle où je me tenais pour qu’ils se décident à sortir. Je crois que cet accueil était dû en partie à ces dialogues inhabituels. Des amis me prirent par le bras dans les allées de Cinecittà, par exemple Fellini qui me dit : « Mais pourquoi fais-tu ces choses-là ? ». Ce soir-là, ils m’ont beaucoup démoralisé. Cependant, je sentais que c’était ma collaboration avec Pasolini qui les ennuyait. Alors, j’ai tout de suite choisi de continuer à travailler avec Pier Paolo... » (entretien avec Jean Gili, in Le cinéma italien, 10 / 18, 1978). 






Quand on revoit aujourd’hui Giovani mariti, on comprend que ce qui a pu désarçonner les spectateurs ne concernait pas seulement les dialogues, leur aspect littéraire et poétique étant limité aux passages où intervient la voix off du narrateur (qui dit des choses comme : « Giorni della gioventù, si sciolgono come neve al sole. » [Jours de la jeunesse, ils fondent comme neige au soleil]) ; ce qui a pu surprendre vient aussi des situations, souvent très audacieuses, même si l’on reste toujours dans un non-dit prudent. Le film raconte l’adieu à la jeunesse — à leur vie de garçon, comme on a l’habitude de dire — d’un groupe de cinq jeunes hommes de la bourgeoisie provinciale (nous sommes à Lucques, merveilleusement filmée, souvent dans la brume et dans la nuit, magnifiée par le noir et blanc de la photographie d’Armando Nannuzzi). Le film est construit de façon cyclique, les scènes du début (la fête nocturne, le bain dans le fleuve) se répétant à la fin sur le mode du ratage et de la déception, comme si le charme de la jeunesse, de l’amitié et de la complicité masculine était à jamais rompu, remplacé par les contraintes de la vie adulte : le travail, le mariage, le conformisme social... 
Il est très frappant de constater la séparation radicale qu’opère ici Bolognini (et d’abord Pasolini, l’auteur du scénario) entre les sexes : les filles sont toujours strictement habillées et sur un perpétuel quant-à-soi, tandis que les corps des garçons sont souvent dévêtus et érotisés, à l’occasion de baignades dans le fleuve ou à la piscine, ou de douches après des parties de tennis. Bien sûr, ces garçons ne parlent entre eux que de drague et de conquêtes féminines, mais on a sans cesse l’impression qu'ils obéissent ainsi à une sorte d’impératif social, qu’ils s’empressent aussitôt de transgresser pour se retrouver entre eux, et que c’est à ce moment-là qu’ils sont pleinement heureux. Rien n’est dit ouvertement, mais l’image suggère beaucoup, et c’est sans doute aussi ce trouble et cette ambiguïté sexuelle qui ont dû gêner certains spectateurs, même si Bolognini feint de ne pas le voir dans son entretien (quinze ans plus tard) avec Gili. 




Je terminerai en reprenant un très joli témoignage de Bernadette Lafont, qui était présente sur le tournage de Giovani mariti, où elle accompagnait Gérard Blain (l’un des interprètes principaux du film) qu’elle venait d’épouser. Ce petit texte est extrait de l’ouvrage Bernadette Lafont, une vie de cinéma, un magnifique album réalisé par Bernard Bastide, et édité par une petite maison d’édition nîmoise, Atelier Baie ; j’en recommande vivement la lecture : 
« Le tournage a dû se caser en septembre ou octobre 1957, juste avant que ne commence celui du Beau Serge. Là-bas, j’ai rencontré des gens merveilleux, très raffinés : Mauro Bolognini bien sûr, mais aussi Piero Tosi, le costumier attitré de Visconti, Laura Betti, qui était alors la copine de Bolognini avant de s’attacher à Pasolini. Etant donné que Gérard tournait presque tous les jours, je m’embêtais pas mal. Puis un jour, quelqu’un de la production lui a dit : « Il y a un peu de figuration à faire. Ta femme est vraiment bien, il faut qu’elle fasse quelque chose ! » Gérard, qui ne voulait toujours pas que je fasse de cinéma, a fini par céder en disant que cela nous ferait un peu d’argent de poche. Autre avantage : on a fabriqué pour moi, sur mesure, une magnifique robe en velours noir que j’ai portée bien après le film. Quant à mon engagement, il se réduisit à deux ou trois jours, perdue au milieu de la foule des figurants. (...) Se trouver à Rome à l’époque de la dolce vita, c’était fascinant. Je faisais de longues marches autour du Colisée. Ce que j’aimais par-dessus tout, c’était les photos de films dans les vitrines, aux devantures des cinémas. Mon cœur chavirait à la vision de ces visages familiers, au point que j’avais envie de rentrer dans toutes les salles. Imitant les ragazze affranchies, je m’empressais de donner rendez-vous à de jeunes garçons dans les jardins publics. Je me rappelle notamment d’un petit jeune homme, passionné de cinéma, âgé de dix-sept ou dix-huit ans. Un jour, alors que l’on se promenait, il m’a pris la taille et m’a embrassé sur la bouche, ce qui nous a valus d’être hélés par un agent de police. Tout cela avait beau être d’une grande chasteté, les Italiens ne plaisantaient pas avec la morale. »





Il n'existe pas d'édition française de ce film, mais on peut se le procurer en DVD dans une édition italienne de très bonne qualité (sans sous-titres français).

jeudi 18 août 2016

Nuddu (Personne)




La chanson du générique de fin du film de Mauro Bolognini Un bellissimo novembre (1969) :

Nuddu (Franco Pisano - Ennio Morricone), chantée par Fausto Cigliano

L'autri nun hanu a viriri quannu ti vardu iu, 
l'autri nun hanu a sentiri comu batti u cori. 
Si fussi sempri niuru nuddu si n'addunassi, 
ma di stu ciatu tou iu sulu m'impazzisciu. 

Sulu, sulu nuiautri, tra e manu, ciatu a ciatu, 
e tu cu mia e nuddu ci hav'a stari... 
L'autri nun hanu a viriri quannu ti vardu iu, 
l'autri nun hanu a sentiri comu batti u cori...





Les autres ne doivent pas voir quand je te regarde,
les autres ne doivent pas entendre comment battent nos cœurs.
Quand je suis près de toi, que personne ne s'approche,
je veux être le seul à m'enivrer de ton souffle.

Tous les deux seuls, main dans la main, souffles mêlés,
toi seul près de moi et personne d'autre...
Les autres ne doivent pas voir quand je te regarde,
les autres ne doivent pas entendre comment battent nos cœurs...






dimanche 13 septembre 2015

En noir et blanc (In bianco e nero)




Franco Interlenghi est mort le dix septembre, à l'âge de 83 ans. Les passionnés du cinéma italien se souviennent bien sûr de son premier rôle, à quinze ans : dans le Sciuscià de Vittorio De Sica, il est Pasquale, l'un des jeunes cireurs de chaussures qui tentent de survivre dans la Rome de l’immédiat après-guerre (le film date de 1946, et le tournage est contemporain des événements que le film relate, comme c'était la règle à l'époque du néo-réalisme). L'acteur a souvent raconté les circonstances qui l'ont conduit à faire du cinéma : « C'était en juillet 1945, j'habitais à Rome, dans la via Palestro. Je jouais avec mes amis devant une villa anglaise qui plus tard, en 1948, fut détruite dans un attentat terroriste. Nous avions des jeux simples ; à l'époque, nous n'avions pas beaucoup de moyens à notre disposition : on s'amusait à se lancer un bout de bois. Dans mon immeuble habitait un homme qui travaillait dans le cinéma, c'était un homme âgé plutôt quelconque ; il se mit à la fenêtre de son appartement, sans doute agacé par nos cris, et nous dit : mais qu'est-ce que vous fichez ici ? Allez à via Po, il y a Vittorio De Sica qui cherche de jeunes garçons pour tourner un film. On y est allés, et il y avait une queue qui arrivait jusqu'à piazza Fiume. À l'époque, tout le monde avait faim, et le cinéma représentait une possibilité pour sortir de la misère ; tout le monde tentait sa chance, ne serait-ce que pour un rôle de figurant. J'arrivai finalement devant De Sica et il me demanda si je savais me battre. Je lui répondis que non. Il appela donc le suivant, et je fus très déçu. Je me remis dans la file, et me retrouvai de nouveau devant lui. Il me reposa la même question, et cette fois-ci, je répondis que j'avais l'habitude de me battre à coups de poings avec mon frère, avec mes amis, et même que je fréquentais une salle de boxe... De Sica demanda à ses assistants de prendre mes coordonnées, et c'est comme ça que tout a commencé ! »



Avec Rinaldo Smordoni, dans Sciuscià (1946)


Pour la plupart, ces jeunes gens choisis dans la rue ne feront pas carrière dans le cinéma et resteront les protagonistes d'un seul film (un peu comme les "modèles" bressoniens) ; il n'en ira pas de même pour Interlenghi qui enchaînera les films à la fin des années quarante et pendant toutes les années cinquante, avec les cinéastes les plus brillants de l'époque : en 1949, il tourne avec Blasetti (Fabiola) et l'année suivante, Luciano Emmer lui offre l'un de ses plus beaux rôles, dans un film peu connu en France, hélas, Domenica d'agosto (Dimanche d'août, un titre qui a pour nous des résonances modianesques). Comme son titre l'indique, le film est fidèle à l'unité de temps, puisqu'il raconte la journée du 7 août dans la Rome de l'après-guerre, où l'on va suivre les pérégrinations de plusieurs personnages qui se retrouvent tous à la plage  d'Ostie (le film est aussi connu parce qu'il offre un premier vrai rôle à Marcello Mastroianni, qui n'avait été jusque là que figurant). 



Avec Antonella Lualdi, dans Gli Innamorati (1955)


Interlenghi tournera aussi avec Luigi Zampa (Processo alla città), Mario Soldati (La Provinciale), Antonioni (I Vinti), Rossellini (Il Generale della Rovere et Viva l'Italia), et surtout Bolognini qui lui donne trois rôles marquants : dans Gli innamorati (Les Amoureux, titre prédestiné puisqu'il y joue avec Antonella Lualdi, qui deviendra son épouse pour soixante ans de vie commune !), Giovani Mariti (Jeunes maris) et La Notte brava (Les Garçons), ces deux derniers titres sur des scénarios de Pasolini). C'est dans ces mêmes années qu'il tourne avec Fellini I Vitelloni (en 1953) ; il interprète le rôle de Moraldo, sans doute le plus mémorable de sa carrière avec le Pasquale de Sciuscià. On remarquera qu'il n'a jamais tourné avec Visconti, mais que ce dernier l'a dirigé trois fois au théâtre, en particulier dans Mort d'un commis-voyageur, d'Arthur Miller (1949).



Avec Brigitte Bardot, dans En cas de malheur (1958)


Dans ces années glorieuses, la carrière de Franco Interlenghi a été aussi internationale, puisqu'on le retrouve notamment dans La comtesse aux pieds nus de Mankiewicz (1954), L'Adieu aux armes de Charles Vidor (1957), En cas de malheur (en italien La Ragazza del peccato), de Claude Autant-Lara, au côté de Brigitte Bardot (1958). Il faut malheureusement reconnaître que son étoile n'a plus été aussi brillante après ces miraculeuses années, mais il n'a jamais cessé de tourner (au cinéma et surtout à la télévision) ni de jouer au théâtre. Il a conservé en Italie une grande popularité, d'autant plus que c'était aussi dans la vie un homme très sympathique ; et tant qu'il y aura des amoureux du grand cinéma italien, ils se souviendront en pensant à lui combien les dimanches d'août étaient beaux, en noir et blanc...






Gli innamorati (Les Amoureux), de Mauro Bolognini (1955)

vendredi 5 juin 2015

La Nuit complice




Mylène Demongeot se souvient de sa participation, en 1959, au film de Mauro Bolognini La Notte brava (sur un scénario de Pasolini, le titre français — toujours aussi inspiré — est Les Garçons) :

« Mauro Bolognini me demande de participer, pour un sketch, trois jours de tournage, à son film Les Garçons. En vedettes, Laurent Terzieff et Jean-Claude Brialy côté hommes, Elsa Martinelli et Antonella Lualdi pour les dames... Chacun a son attaché de presse privé et n'a guère l'air d'aimer beaucoup l'autre, ce qui est assez folklorique à observer... Mon sketch est un duo avec Terzieff, et mon Dieu qu'il est beau dans ces années-là ! Le charme slave personnifié. Pour la première et unique fois de ma vie, je craque complètement pour mon partenaire avec qui, pour tout arranger, je n'ai qu'une longue scène de rencontre amoureuse !





Je craque, mais Bolognini a craqué, lui aussi... 
Ça l'excite de nous regarder nous étreindre, alors, le monstre, il nous fait recommencer les mêmes plans interminablement... Dix prises, quinze prises. Nous roulons sur le sol en nous embrassant voluptueusement, à bouche que veux-tu... Je n'en peux plus, je suis une femme fidèle et je m'en veux d'être aussi troublée ! 
Le soir, quand je rentre, je pleure et je vais dormir toute seule. Coste (1) n'est pas très content — je le comprends —, mais je refuse absolument qu'il vienne sur le plateau. Manquerait plus que ça ! C'est la première fois que ça m'arrive... 
Et le lendemain, on remet ça... Trois jours de supplice !





Quand je revois ce film en noir et blanc où, franchement, je suis merveilleusement photographiée, je me trouve vraiment belle et la sensualité qui se dégage de cette scène n'est pas bidon, non, non ! 
Il y aura, un soir, un dîner de fin de film. À Ostia, près de la plage, par une belle nuit étoilée. Alain Cuny est là avec nous, je ne sais pas pourquoi, et court après Terzieff, voulant absolument jouer au ballon avec lui sur la plage ! 
Nous essayons, Laurent et moi, de nous isoler un moment pour pouvoir discuter un peu et nous dire au revoir. Coste, lui, me cherche partout. On dirait un vaudeville... Tout le monde surveille tout le monde... Brialy se marre. 
Fin de l'épisode. 
À Paris, nous nous reverrons pour le doublage de notre scène en italien. La traduction, très mauvaise, ne correspond en rien à ce que nous avons dit... (Oui, oui, il y avait du texte tout de même !) Donc, nous décidons de retrouver sur nos mouvements de bouche notre vrai texte et nous y arrivons très bien. C'est plutôt amusant à faire. Je range mon premier trouble de femme mariée dans un tiroir bien fermé à clé, mais c'est, encore aujourd'hui, un très joli souvenir qui a conservé toute sa magie... Rien, rien, il ne s'est rien passé dont nous puissions être honteux. »

Mylène Demongeot   Tiroirs secrets   Éditions Le Pré aux Clercs, 2001

(1) Il s'agit du photographe Henri Coste, que Mylène Demongeot a épousé en 1958 (ils resteront mariés jusqu'en 1968).








jeudi 25 août 2011

Ascolta la canzone (Écoute la chanson)



Ascolta la canzone est l'adaptation italienne d'un poème de Verlaine mis en musique par Léo Ferré. Cette chanson, interprétée par Giorgio Gaber, accompagne le générique de fin du film de Mauro Bolognini Bubù (1971), libre adaptation du roman de Charles-Louis Philippe Bubu de Montparnasse, avec Ottavia Piccolo, Massimo Ranieri et Antonio Falsi :


Ascolta la canzone dolce,
se tu vorrai ti piacerà.
Vola leggera, lieve lieve :
come una brezza a primavera !

La voce sua tu conoscevi,
ora è un po' stanca e un po' velata,
voce che giunge desolata
da quel ricordo ormai svanito.

Ti parlerà, se vuoi, di me
e dell'amor che ho dato a te
e della vita che speravo
e dei bei sogni che sognavo.

La verità è una stella
che brilla da molto lontano,
ma sa parlare a chi l'ascolta
e la sua luce non tramonta.

Una canzone senza gloria,
fatta così di poche cose,
qualche ricordo, due o tre rose,
la verità negli occhi tuoi.

Ascolta questa mia canzone,
che si ripete all'infinito,
nel suo ingenuo e dolce invito
l'anima tua rallegrerà

Solo due note e svanirà
come un ricordo senza pena,
come una storia senza storia
Ascolta, ascolta la canzone.

Ascolta la canzone dolce,
se tu vorrai ti piacerà.
Vola leggera, lieve lieve :
come una brezza a primavera !







Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d'eau sur de la mousse !

La voix vous fut connue (et chère ?),
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée
Pourtant comme elle encore fière,

Et dans les longs plis de son voile,
Qui palpite aux brises d'automne,
Cache et montre au cœur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.

Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie
Rien ne reste, la mort venue.

Elle parle aussi de la gloire
D'être simple sans plus attendre.
Et de noces d'or et du tendre
Bonheur d'une paix sans victoire.

Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame.
Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste !

Elle est en peine et de passage,
L'âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire !...
Ecoutez la chanson bien sage.

Paul Verlaine Sagesse, XVI




"Maledetta la vita, maledetta la fame, maledetta la miseria !"



Source de la vidéo : Site YouTube

samedi 3 juillet 2010

La Notte brava



Laurent Terzieff (27 juin 1935 - 2 juillet 2010)




 
« Je veux te couvrir de roses ! »

 
 Extrait de La Notte brava, de Mauro Bolognini (1959, titre français : Les Garçons)

Source de la vidéo : Site YouTube