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jeudi 16 juin 2016

Jardin de Boboli





"Dirò altresì, non per migliore chiarezza ma per scolpire meglio con un'immagine la positura, che se in questa terra la collina vi tiene il posto della signora, e quasi sempre signora vera, principessa, la pianura vi tiene quello della serva, della cameriera o ancella ; e che il più benevolo e cortese dei passanti ha per lei quella cordialità di concessione che si usa verso la donna che ci apre la porta allorquando si va per visitare la sua padrona ; o nel più fortunato dei casi della dama di compagnia che mantiene il proprio rango con dignità e compostezza senza permettersi di giudicare, esternando ammirazione bonaria e socchiudendo appena gli occhi o storcendo un po' la bocca alla molta polvere che per colpa dell'altra è costretta a inghiottire dalla mattina alla sera, e alla motriglia che tale scorribanda le produce davanti a casa inzaccherandone l'uscio fino in cima ; e qualche volta infine, della mendicante supplice ai suoi piedi.

Riporterò alcuni nomi di queste colline riuscendo essi, meglio delle parole, a dimostrarsi tale evidenza : Bellosguardo, e notate che molte ve ne sono dove lo sguardo è ancor più bello, Il Gelsomino, Giramonte, Il Poggio Imperiale, Torre del Giallo, San Gersolè, Settignano, Fiesole, Vincigliata e Castel di Poggio, Montebeni, Il Poggio delle Tortore, Montiloro, L'Apparita e L'Incontro, Monte Asinario, Il Giogo, Monte Morello... Sentite invece i nomi della pianura : Rifredi, Le Caldine, Le Panche, Peretola, Legnata, Soffiano, Petriòlo, Brozzi, Campi, Quarto, Quinto, Sesto... anche la fantasia pedestre si spegne, sembrano gli evirati dell'immaginazione."


Aldo Palazzeschi   Sorelle Materassi  Ed. Mondadori






De Florence, il est souhaitable – ne serait-ce que pour se laver l'esprit de tant de chefs-d'œuvre assemblés en si peu d'espace – de s'éloigner vers les collines en grimpant jusqu'à San Miniato – bien verte, bien blanche, bien romane, bien mignonne – ou en progressant par les terrasses du jardin de Boboli. Ah ! les collines... c'est presque décourageant, elles semblent mises là pour composer le plus harmonieux tableau du monde. On souhaiterait un vague désordre, au moins une discordance. Avec leurs maisons semées au milieu du feuillage, leurs cyprès (seuls arbres que je reconnais à coup sûr), leurs pentes douces, elles ont l'air de dire : ici tout va de soi, moins on se force et plus c'est beau. Aussi je ne m'acharnerai pas à les célébrer, les collines, il y faudrait un art très subtil, celui d'un Aldo Palazzeschi qui, au début des Soeurs Materassi, arrive à restituer leur présence. Voilà un livre à la mesure de ce paysage : faussement simple comme l'âme de ces pauvres sœurs, vieilles brodeuses, qui s'éprennent à la folie de leur charmant neveu dont la beauté physique, qu'elles contempleront en vain, les conduira à leur perte. Un livre superbe, allant de soi lui aussi et dont l'ironie allège et accuse le drame. On me dit que Palazzeschi subit, depuis sa mort, une éclipse en Italie. Les meilleurs font le vide.




Dans le jardin de Boboli, soucieux d'anecdote, je cherche la vasque où Teresa Stich-Randall, alors à l'aube de sa carrière, a plongé après avoir chanté un air d'Obéron. À elle, je demeurerai éternellement redevable. Au festival d'Aix-en-Provence, vers la fin des années cinquante, ses interprétations de Donna Anna et de Pamina me révélèrent un Mozart limpide, épuré comme un dessin à la plume. Je la revois dans la nuit de la cour de l'Archevêché, je revois les décors de Cassandre, de Jean-Denis Malclès : quelques heures de ma jeunesse que je suis certain de ne pas embellir.

Des jeunes, j'en croise beaucoup par ici. La plupart vont s'asseoir sur les pelouses du Belvédère tout en haut. Filles et garçons – blue-jeans, chemises claires – bavardent ou lisent, pas Aldo Palazzeschi, des livres de classe et des BD. Quelques-uns écoutent de la musique branchée à leurs oreilles, pas du Mozart. Ils ne se distinguent pas des jeunes de partout, sympathiques, éphémères, un de perdu, dix de retrouvés. Dans ce paysage pourtant, à cause des collines, ils paraissent inaltérables.

Christian Giudicelli
  Quartiers d'Italie Editions du Rocher, 1993







Images : en haut, Site Flickr

an centre, Manuel Palomino Ajorna (Site Flickr)

en bas, Alessio Mariottini (Site Flickr)

jeudi 21 janvier 2016

Edmonde




Ce blog prend en ce début d’année des allures de bulletin nécrologique, mais j’aimais beaucoup Edmonde Charles-Roux et je voulais saluer sa mémoire. Sa vie a été extraordinaire, dès son enfance passée dans plusieurs pays d’Europe (principalement les pays de l'Est et l'Italie), au gré des postes de son père ambassadeur. À vingt ans, pendant la guerre, elle devient infirmière volontaire dans la Légion et résistante ; elle sera blessée, recevra la Croix de guerre et était très fière de son titre de Caporal d’honneur de la Légion étrangère. 

En 1954, elle devient rédactrice en chef de Vogue, et dix ans plus tard, elle écrit son premier roman Oublier Palerme, qui recevra le prix Goncourt. L’Italie a toujours été très présente dans sa vie et dans son œuvre, et en particulier la Sicile : celle de la mafia dans Oublier Palerme et, quelques années plus tard, celle du duc Fulco di Verdura, le cousin de l’auteur du Guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, dont elle adapte les souvenirs dans Une enfance sicilienne. Edmonde était à l’aise dans tous les milieux : parmi les soldats de la Légion, sur la Canebière et les quais du Vieux-Port de Marseille (on se souvient qu’elle fut l’épouse de Gaston Defferre, auquel elle a consacré un ouvrage illustré, L’Homme de Marseille), dans les salons du Château Pastré ou chez Drouant avec ses collègues de l’Académie Goncourt, dont elle fut la présidente. Elle connaissait mille anecdotes sur Chanel (elle a été sa biographe dans L’Irrégulière), Isabelle Eberhardt (qu’elle raconte dans les mille pages de sa biographie Isabelle du désert), Elsa et Aragon, Derain, Violette Leduc, Jean Genet, l'étonnante comtesse Pastré, mécène du festival d’Aix-en-Provence (Edmonde a participé à sa fondation au côté de Gabriel Dussurget), Louise de Vilmorin, Malraux, Morand, Orson Welles, Mitterrand, Saint-Laurent et tant d’autres... 

Je cite ici deux extraits d’un beau portrait qu’a fait d’elle son ami et collègue de l’Académie Goncourt François Nourissier dans son ouvrage de souvenirs À défaut de génie

« Il arrive à Edmonde d’être noire, inquiète, inquiétante. Tout son visage se plisse alors en étoile autour de l’entre-deux-yeux. Son regard devient absent et froid. J’ai peur d’elle dans ces instants-là, et des coups qu’elle peut porter. Peut-être l’amitié ne doit-elle pas éliminer tout danger de la relation qu’elle nourrit : elle s’affadirait, à devenir tout à fait inoffensive. Ce masque de toutes les méfiances et menaces, c’est souvent l’âge qui nous le sculpte. Aux femmes surtout. Tout se passe comme si, voyant ses traits s’installer dans cette expression nouvelle, chacun s’employait à la justifier de l’intérieur. Edmonde a échappé à cette fatalité parce que sa vraie nature la pousse à rire et à séduire. À rire pour séduire. Il faut l’avoir vue arriver, en Provence où elle est le mieux elle-même, à un dîner. Son œil brille du plaisir qu’elle se promet de la soirée, mais dans le même temps il voit tout, il a tout vu. Le cyprès crépu, le gravier tueur de chaussures. Edmonde est la grâce même, et la curiosité, et la mémoire : épisodes familiaux et professionnels n’ont pas de secret pour elle. Elle boit un doigt d’alcool. Mais déjà elle prépare son terrain, savoure l’histoire qu’elle va conter. Un écho d’accent nuance sa voix, pimente le récit qui commence. Commence-t-il ? Non, Edmonde attend encore, guette l’attention et ne se décide qu’à coup sûr à débobiner le fil de la conversation. Elle se sait le charme même et en use. Elle pourrait avoir appris autrefois dans le salon bleu de Verrières ce savoir-faire, ce savoir-dire. Elle y a ajouté de la candeur. Elle n’a pas l’air de vouloir briller, elle est naturelle. J’ai observé Louise de Vilmorin dans ses entreprises ; il y avait dans son art un peu trop de tout : originalité, accent, trouvailles, tournures presque paysannes, c’est-à-dire très château, les doses étaient toujours forcées. En elle, l’âpreté tournait au pathétique. Edmonde, au contraire, desserre les doigts, garde la main légère. Quand elle s’installe dans la royauté éphémère d’un soir d’été, elle est irrésistible. (...)




Lodens à mantelet, gilets autrichiens, requimpette rouge : Edmonde se donne de plus en plus volontiers l’élégance un peu forestière d’une comtesse austro-hongroise. Elle est, à d’autres heures, fidèle aux tailleurs des dernières années Chanel, qu’elle porte, sans le dire, comme des reliques. Elle est opiniâtre, dure à la fatigue, respectueuse des usages qu’elle transgresse ou qu’elle a, autrefois, transgressés. Rien de plus étranger à Edmonde que le fameux incipit de La Fêlure [de Francis Scott Fitzgerald] : "Bien entendu, toute vie est un processus de démolition." Sa vie à elle me paraît avoir été une construction constante, acharnée. Il est rare — on le sait à nos âges — que les vies bonifient. Elles s’appauvrissent, se dessèchent. On doit en détourner ses regards. Rien de tel chez Edmonde : elle n’a jamais cessé, changeant parfois ses prises, son itinéraire, de poursuivre l’ascension entreprise. Elle reprend souffle aux replats, fait de l’œil son chemin, prépare sa voie avec une prudence extrême, puis, l’instant venu, s’élance. Sa vigilance ne se relâche jamais. Si elle commet une erreur de parcours ou de jugement, ce ne sera jamais par négligence. Elle est avisée : elle peut être imprudente. Installée au sommet d’une réussite multiforme, singulière, elle n’en demeure pas moins vulnérable, traversée de doutes. Toute de détermination et de force, elle reste fragile. Subversive, mais fragile. »

François Nourissier   À défaut de génie,  Gallimard, 2000








jeudi 30 janvier 2014

Ce corps de boue (Questo corpo di fango)




"Alla mattina, quando mi alzo, fuori c'è poca luce, e spesso una nuvola copre il fiume. Accade che io le faccia delle domande e lei risponde. Possibile che una nuvola sappia del mondo più di quanto ne so io ?"

M.A.



"Non so perché ma ho sentito per qualche attimo una vicinanza tra Cézanne et Michelangelo [Antonioni], perché questa montagna così religiosa li può riunire. Questa montagna che di sera si può incendiare, può diventare rossa, bianca, può restare sopra di noi, davanti a noi come un sogno. E io sento che nella risposta che dà la ragazza nella storia del film, c'è qualche cosa vicino al biancore di questa Sainte-Victoire."

"Questa città [Aix-en-Provence], con questo sgocciolio, mi è piaciuto molto, mi è piaciuto per il suo colore e per questo senso musicale che ti sta attorno alle orecchie, per dei discorsi che forse non puoi capire subito. Sono parole che stanno attorno a un mistero. Anche le fontane sono parole che non si capisce, mi sembra che siamo molto vicino a questo colloquio di questi due ragazzi. E quando ci sarà la sorpresa finale, di quello che vuole fare la ragazza, secondo me si capirà anche la musica delle fontane, che cosa volevano dire..."

(Commenti di Tonino Guerra)






Au début des années quatre-vingt, Michelangelo Antonioni publie Quel bowling sul Tevere, un curieux livre qui réunit des souvenirs, des récits de rêves, des fragments de journal, des ébauches de scénarios. Dix ans plus tard, Antonioni reprendra quelques unes de ces histoires dans Par delà les nuages et dans le film collectif Eros. C'est par exemple le cas de Ce corps de boue (le titre est emprunté à Thérèse d'Avila), qui deviendra le dernier épisode (et le plus réussi) de Par delà les nuages. Il se déroule à Aix-en-Provence, qui n'a jamais été aussi bien filmée, avec cette façon fluide et gracieuse d'accompagner les deux personnages (Vincent Pérez et Irène Jacob) dans leur promenade nocturne, qui est aussi l'adieu de la jeune fille à la vie "mondaine"... La scène de l'église a été tournée à Saint-Jean-de-Malte, tout près du musée Granet et de l'hôtel Cardinal que l'on voit à plusieurs reprises dans le film, et en particulier dans le très beau travelling final. Le texte que je cite ici est extrait de la première édition française de Quel bowling sul Tevere, publiée chez Jean-Claude Lattès en 1985 sous le titre Rien que des mensonges (et dans une traduction un peu négligée...). Une nouvelle édition est parue en 2004 aux éditions Images modernes, avec une reprise du titre original (Ce bowling sur le Tibre).

Nuit de Noël. Une nuit pluvieuse et odorante. Odorant n’est pas un adjectif cinématographique, mais je suis convaincu que le cinéma peut réussir à donner aussi cette sensation. Ce jour-là, le soleil s’était couché derrière des nuages à l’air inoffensif apparus au loin. Il s’était mis à pleuvoir peu après ; une pluie oblique, frappant les murs. On sentait une odeur de plâtre et d’asphalte mouillés.

Un homme descend les escaliers d’un immeuble cossu, traverse le hall d’entrée, ouvre la porte. Il ne sort pas. Il regarde la rue et le ciel. Il est jeune, il a un peu plus de trente ans. Il a aimé la journée vivante et stimulante qui est en train de se terminer. Fitzgerald aurait dit : une journée pleine de télégrammes imaginaires. Les pas qui résonnent derrière lui sont importants eux aussi. Il se retourne. C’est une jeune fille qui, en souriant, demande à passer. Il s’efface. La jeune fille sort et se met à marcher sur le trottoir. Elle porte un imperméable qui ne la moule pas ; peut-être est-elle bien faite. Elle marche à grandes enjambées. Elle s’éloigne sans bruit, comme dans un film muet. Au moment où elle passait devant lui, le jeune homme avait essayé de saisir son regard, mais sans succès. On ne peut pas dire qu’elle ait évité de le regarder, ses yeux regardaient simplement ailleurs.



Avec le même naturel, elle accepte qu’il la rattrape. Elle ne presse pas le pas, elle n’a pas l’air agacée. Même pas lorsque, s’étant mis à ses côtés, l’homme lui adresse la parole. Si elle le trouvait importun, un coup d’œil suffirait à le lui faire comprendre. Mais il n’y a pas de coup d’œil. C’est même là ce qui est curieux, elle ne le regarde jamais. Elle n’a pas besoin d’être rassurée par son visage. Ce n’est pas de sécurité qu’a besoin cette étrange jeune fille. Elle semble être envahie par une tranquillité qui touche à l’indifférence, par un calme qui se répand autour d’elle, dans la rue. L’homme ne s’occupe plus de la pluie ni des odeurs. Il y a entre eux un dialogue tout aussi paisible, avec cette question : « Où allez-vous ? » La réponse est : « À la messe. – Quelle heure est-il ? – Presque minuit. On se dépêche ? » dit-elle. Comme s’il était naturel que l’homme l’accompagnât à l’église.



Il n’y a pas beaucoup de monde à l’église mais les gens qui y sont la remplissent d’une animation inhabituelle. Ils bavardent en attendant que la messe commence ; ils rient, ils se saluent de loin entre les enfants qui courent, les vieilles qui ronchonnent et les allées et venues de jeunes gens bronzés qui reviennent du ski. La bande son est un brouhaha étouffé avec quelques notes aiguës qui feraient sursauter l’aiguille de l’enregistreur.

La jeune fille se place à l’écart, sur un banc vide. D’un coup d’œil rapide et d’un geste de la main, elle a fait comprendre à son compagnon qu’elle préfère rester seule et elle s’agenouille. Elle restera ainsi pendant toute la messe.

L’homme n’est pas pratiquant. Ni même très croyant. Il observe cette silhouette penchée dans l’attitude de la prière, immobile, et il attend qu’elle bouge, se retourne. N’importe quel signe d’intérêt à son égard lui ferait un grand plaisir. Mais le signe ne vient pas. Le jeune homme renonce à l’attendre. Pour se distraire, il observe autour de lui les gens, le prêtre qui officie, les pavements prétentieux et en mauvais état, les voix d’un chœur sans modulation. Puis, soudain, il y a un silence. Cela ne lui a jamais semblé naturel de baisser les yeux pendant l’élévation. L’hostie et le calice ne sont-ils pas exposés à l’adoration des fidèles ? Alors pourquoi ne pas les regarder ? Pourtant, maintenant, ce ne sont pas ces objets qui attirent son attention, mais la jeune fille qui est toujours là, immobile. Elle lui semble encore plus immobile. Indéchiffrable. Comme si elle était vide. Un imperméable vide, le corps ayant été jeté. Ce corps de boue, dit sainte Thérèse. Elle retient peut-être son souffle. Si longtemps ? Il essaie de l’imiter. Trente secondes, une minute, une minute et demie. Il n’y arrive pas. Elle est morte.

Mais le spectacle qu’elle offre, absorbée dans sa longue prostration, l’a touché. Il sent que son sang commence à battre dans ses veines. Cela lui est arrivé à d’autres reprises, face à des jeune filles qui étaient un peu droguées : c’était le même désir de s’unir à elles, de s’identifier à elles, tout en éprouvant dans l’étreinte une étrange conscience de sa propre existence. Une sorte de béatitude sans passion, mais très intense.

L’évocation de ces moments l’a distrait et la jeune fille a disparu. Le banc est vide. Le jeune homme se lève et sort de l’église. Il règne une grande animation, les gens sont tous dehors ; ils sont pressés, ils ont envie de manger, il est inutile de chercher la jeune fille parmi eux. Une angoisse désolée lui étreint le cœur. L’avoir laissée échapper ainsi est idiot, il s’en mordrait les doigts. Il ne connaît même pas son nom. Mais il sait où elle habite. Il part en courant. Il l’aperçoit au moment où elle tourne derrière le coin d’une maison. Pour la seconde fois de la soirée, il la rattrape et elle rit. Elle a les yeux brillants, comme si elle avait fumé.
– Je rentre à la maison, dit-elle.
Elle marche droite, lentement. Le jeune homme se sent heureux à ses côtés. Si quelqu’un lui disait que cette jeune fille n’est faite pour les bras d’aucun homme, il lui rirait au nez.



Le chemin du retour est très court. La porte est tout de suite là. La jeune fille lève son regard et finalement le regarde droit dans les yeux. Maintenant seulement il se rend compte de ses traits bien marqués, sensuels. Il lui semble n’avoir jamais éprouvé un désir aussi intense pour aucune femme, mais c’est un désir différent qui a quelque chose de tendre et de respectueux. « C’est ridicule », pense-t-il. Cependant, et il n’y peut rien, il y a une hésitation dans sa voix quand il dit :
– Je peux te voir demain ?
Elle continue à rire pendant les quelques secondes de silence qui précèdent sa réponse. Et c’est d’une voix dénuée d’émotion qu’elle dit :
– Demain, j’entre au couvent.

Quel magnifique début de film ! Mais pour moi, c’est un film qui finit ici.


Michelangelo Antonioni  Rien que des mensonges  Éditions Jean-Claude Lattès, 1985 (traduction : Sibylle Zavriew)







Images : église Saint-Jean-de-Malte : Scott Desmond (Site Flickr)

en bas : Fred Burdy (Site Flickr)

Photos de tournage à Aix-en-Provence : Wim Wenders

lundi 3 juin 2013

Una voce poco fa...




Dans un livre de souvenirs qui paraît ces jours-ci aux éditions Buchet-Chastel, Un monde habité par le chant, Teresa Berganza raconte avec beaucoup de verve sa belle et longue carrière de mezzo-soprano commencée à Aix en 1957, dans la cour de l'Archevêché où elle a été une mémorable Dorabella au côté de la Fiordiligi de l'autre Teresa, Stich-Randall, dans le Cosi fan tutte de Mozart, sous la direction de Hans Rosbaud et le regard émerveillé de Gabriel Dussurget (il en reste fort heureusement des enregistrements). 
Au cours de cet entretien avec Olivier Bellamy, il est bien sûr question de ses compositeurs de prédilection, Mozart et Rossini surtout, mais aussi Bizet avec Carmen, l'un des rôles qu'elle a le plus chanté (non sans quelque dommage pour sa voix...), et marqué à jamais. Berganza a aussi été une pionnière dans la redécouverte du répertoire baroque, à propos duquel elle regrette qu'il soit trop souvent chanté aujourd'hui avec une voix «fixe, blanche et plate». Elle rappelle également qu'elle fut l'une des premières cantatrices à donner dans des maisons d'opéra des récitals de lieder, de mélodies ou d'airs populaires espagnols, tirés des fameuses zarzuelas. Elle est particulièrement fière de ses interprétations de Brahms et Schumann (L'Amour et la vie d'une femme), ou des Enfantines de Moussorgski, qu'elle a merveilleusement chantées sans parler un mot de russe... 
On retrouve aussi au fil des chapitres de nombreuses anecdotes ou remarques qui composent une véritable physiologie du chant, précise (parfois jusqu'à la trivialité), instructive, mais aussi très drôle et très enjouée. Avec la franchise et le franc-parler que lui permettent son caractère bien trempé, et sans doute également son âge, qu'elle ne cache pas (quatre-vingts ans), elle raconte ses collaborations avec les plus grands chefs d'orchestre du siècle dernier, qui l'ont pratiquement tous dirigée (le récit de sa rencontre avec Karajan est particulièrement savoureux), et ses relations avec ses collègues chanteurs (la liste est bien sûr très prestigieuse : Callas, Stich-Randall, Sutherland, Schwarzkopf, Della Casa, Price (Margaret), Freni, Ricciarelli, Alva, Kraus, Vickers, Domingo, Fischer-Dieskau, Christoff, Gobbi, Prey, Van Dam, Raimondi ; il n'y manque finalement que sa compatriote Caballé, dont le nom n'est pas cité une seule fois dans tout le livre...). 
Pour donner une idée du ton spontané et frondeur de ces entretiens, je citerai ici quelques extraits du chapitre consacré aux metteurs en scène (en espérant que Berganza n'ait pas l'idée de se rendre cet été à Aix-en-Provence pour y voir le Don Giovanni que met en scène Dmitri Tcherniakov...) :

« Quand on voit du vrai théâtre, on se sent plus riche. L'opéra a souffert de conventions idiotes. Combien de fois avons-nous vu la soprano toucher ses yeux en chantant «Pleurez, mes yeux» ou le ténor chanter «Mon cœur» la main sur le cœur ! Et ces duettos bécassons où le ténor prend systématiquement la soprano par l'épaule. Dans Carmen, Luis Lima terminait l'air de la Fleur le dos au public et la salle était électrisée.

Par réaction à une fausse tradition, à des mises en scène de patronage, un nouveau courant est venu d’Allemagne et s’est malheureusement répandu en Europe. Des Traviata à bicyclette, une Tosca en bikini, des Mozart «dépoussiérés» ont envahi la scène. Pour se faire un nom, des metteurs en scène ont calqué leurs obsessions sexuelles sur des chefs-d’œuvre. 

On nous a menti en prétendant qu’il fallait intéresser les jeunes à l’opéra. Mais les jeunes ne sont pas si bêtes. Ils veulent la vérité du théâtre. Or Fidelio dans un camp de concentration ou Don Carlos dans un bordel ou une pissotière, ce n’est pas la vérité. C’est la mode. Et les critiques se sont faits piéger : ils ont écrit des pages entières pour décrire la mise en scène, la discuter, l'expliquer en terminant leur article sur trois lignes pour dire que le chef d’orchestre n’était pas mal, que la soprano avait des aigus comme ci ou la basse des graves comme ça. 

Ces metteurs en scène, on devrait les mettre en prison. Vous trouvez que j’exagère ? Que se passerait-il si l’on barbouillait un Tintoret ou si l’on recouvrait Notre-Dame de graffitis ? Dénaturer un chef-d’œuvre est un crime. Que ces metteurs en scène s’occupent d’art contemporain, qu’ils fassent leurs propres installations, leurs propres créations, mais qu’ils cessent de polluer l’histoire de l’art. Rabaisser Mozart à une simple histoire de coucherie, c’est de la profanation. Quelquefois, ces tristes sires, ces faux intellectuels, ces faux artistes ne se contentent pas de travestir la Joconde en Che Guevara, ils changent la musique! Je me souviens d’un Così fan tutte à Madrid où l’on avait remplacé le chœur Bella vita militar par l’Internationale. Comment le chef d’orchestre a-t-il pu tolérer cela ? Je suis sorti en colère, après l’entracte, en hurlant que c’était «una mierda». La presse espagnole a relaté l’incident sans prendre parti. Comment un critique peut-il avoir aussi peu d’exigence ? Maria Callas aurait-elle toléré cela ? Non, elle aurait dévoré le théâtre tout cru !




[...] À Clermont-Ferrand, j’ai préparé les chanteurs en vue d’un Don Giovanni mais je suis entré en conflit avec le metteur en scène. Il avait eu l’idée «géniale» de transformer Donna Elvira en nymphomane. Dans l’air du Catalogue, apprenant toutes les conquêtes de l’homme qu’elle épousait, elle se traînait par terre en se touchant les seins et le sexe. Mais comment peut-on avoir des idées aussi stupides ! Elvire est une grande dame de Castille de la plus haute noblesse qui part retrouver son mari à Séville parce qu’elle est amoureuse, abandonnée et désespérée ! Vous imaginez-vous ce que cela représente pour une aristocrate de son rang de traverser toute l'Espagne par les chemins chaotiques de l'époque, dans la poussière et à la merci des brigands ? C'est un acte de courage et d'amour incroyable. Elvire est une femme passionnée. Et on en fait une chienne en chaleur ! Quelle drôle de vision de la femme ! Ont-ils si peur des femmes tous ces metteurs en scène obsédés par le sexe et probablement frustrés ? Qu’ils aillent assouvir leurs fantasmes dans les lupanars et qu’ils laissent  Mozart en paix ! »

Teresa Berganza (avec Olivier Bellamy) Un monde habité par le chant  Éditions Buchet-Chastel, 2013







Duérmete, niño, duerme, 
Duerme, mi alma, 
Duérmete, lucerito 
De la mañana. 
Nanita, nana, 
Nanita, nana. 
Duérmete, lucerito
 De la mañana.

lundi 15 avril 2013

mercredi 19 septembre 2012

La leçon de la Sainte-Victoire




"Lorsque sur le premier haut plateau je me retournai pour voir la montagne, ses flancs, de nouveau, étincelaient comme une fête (il y avait même un endroit qui brillait comme s'il y avait là une veine de marbre) ; au coup d’œil suivant, cette lueur, loin en bas dans une forêt de pins, semblait, à travers les pointes des arbres, une robe de mariée accrochée là. Continuant mon chemin, je lançai une pomme qui se mit à tourner dans l'air, reliant mon sentier à la forêt et au rocher." 

Peter Handke La leçon de la Sainte-Victoire, Gallimard, 1985







Paul Cézanne, l'uomo che voleva diventare una montagna

A me le montagne non piacciono (troppo ripide, così stupidamente vicine al cielo), ma sentite qua. Da Aix, dove era tornato a morire, lui ne vedeva una, la Sainte-Victoire, così attraente che nei colori dell'anima – il bianco, il violetto, il grigio nuvoloso – la ritrasse almeno sessanta volte, come se volesse diventare lei. Andate e vedrete : ne restano dappertutto, due a Zurigo, una a Cardiff, una a Basilea e un'altra (la stessa) a Philadelphia. Fatto sta che in questa laboriosa prodezza moltiplicò le energie e gli anni che gli restavano, ma forse non ce n'era bisogno. Forse non sapeva che undici secoli prima il taoista Li-Po, morto cadendo dalla barca mentre, ubriaco di vino, tentava di afferrare la luna sul lago Chang Jiang, fra le sue mille e cento poesie in verso regolato ci aveva lasciato questa : «Sediamo insieme, la montagna e io, finché rimane solo la montagna.»

Eugenio Baroncelli  Falene, 237 vite quasi perfette  Ed. Sellerio, 2012








 Paul Cézanne, l'homme qui voulait devenir une montagne

 Pour ma part, je n'aime pas les montagnes (trop escarpées, si sottement proches du ciel), mais écoutez plutôt. Depuis Aix, où il était revenu pour y mourir, il en voyait une, la Sainte-Victoire, si attirante que dans les couleurs de l'âme – le blanc, le violet, le gris des nuages – il la peignit au moins soixante fois, comme s'il voulait devenir cette montagne. Allez-y voir : il y en a partout, deux à Zurich, une à Cardiff, une à Bâle et une autre (la même) à Philadelphie. Par cette laborieuse prouesse, il parvint à multiplier ses forces et les années qu'il lui restait à vivre, mais peut-être n'était-ce pas nécessaire. Il ignorait peut-être qu'onze siècles plus tôt, le taoïste Li-Po, mort en tombant d'une barque tandis que, ivre de vin, il tentait d'attraper la lune sur le lac Chang Jiang, parmi ses mille cent poèmes en vers réguliers nous avait laissé celui-ci :

«Nous sommes assis ensemble, 
La montagne et moi, 
Jusqu'à ce que, seule, la montagne demeure

(Traduction personnelle)








Images : en haut, photographie de la Sainte-Victoire par Jacqueline Poggi  (Site Flickr)

au centre, Paul Cézanne  Mont Sainte-Victoire, 1885-1887

en bas, Paul Cézanne  La Montagne Sainte-Victoire vue des Lauves, 1901-1906




dimanche 17 avril 2011

L'Invitation



"Leporello, le premier, désigne les Masques à Don Juan. Don Juan ordonne de les inviter. Ces deux phrases chantées représentent les basses ornementées du thème. Les Masques répondent en trio ; ils chantent l'air du Menuet même – sur quoi ils prononcent ces stupéfiantes paroles : «À son visage et à sa voix le traître se reconnaît». À ce moment, Leporello appelle : Zi, zi ! Signore maschere !, et les Masques poussent Ottavio à répondre. Leporello reprend de manière plus pressante et grave, avec une légère hâte. Don Ottavio dit : «Que demandez-vous ?», enfin Leporello formule tout au long l'invitation : Al ballo, se vi piace, v'invita il mio Signor. À son tour, Ottavio remercie, Leporello assure pour terminer que l'amico (son maître) sera généreux d'amour envers les dames.


La précision du mécanisme est grande. C'est pourquoi il convient peut-être de remarquer que Mozart indique une seule fois de piquer les quatre croches au violon : dans la première exposition de l'élément II, et à l'instant de l'invitation proprement dite : Al ballo, se vi piace... Faut-il voir là un point extrême de subtilité, ou s'agirait-il d'un caprice de l'écriture ? Encore une fois tout ce phénomène se déroule comme un mouvement d'horlogerie, et il est indispensable de noter la précision du détail pour saisir le fond des choses.

On invite les Masques – donc des inconnus, et qui garderont le droit de l'être. L'invitation se fait sur un mode accentué de cérémonie, l'on aurait presque envie de dire un mode rituel. Il est évident que la petite musique lointaine est à cette heure le «masque» même, et que derrière le masque se trouve – la Mort. Le chant de Leporello, trop lourd pour le Menuet suave, et ponctué par le dessin obstiné du cor ; son épaisseur rythmée qui devient à la fois chaude et lugubre ; l'obstination fatale de tout l'agencement, – ceci signifie que l'on invite à entrer dans la fête, dans la maison de Don Juan, dans Don Juan, le trio noir des victimes, la némésis – appelée par la mort du Commandeur – c'est-à-dire enfin la puissance étrangère à l'éros, la Mort.

D'où le mouvement exact comme celui du pendule, d'autre part la perfection formelle. Il est vrai que par la beauté, cette coulée brillante de la mort dans la matière vive correspond aussi à une censure, la censure contre la mort ; cependant on voit, en-dessous, percer la force brute qui va détruire."

Pierre-Jean Jouve Le Don Juan de Mozart








«ANDIAM, COMPAGNE BELLE...»

Don Giovanni, I, 3

Les lampes de la nuit passée, dans le feuillage,
Brûlent-elles encor, et dans quel pays ?
C'est le soir, où l'arbre s'aggrave, sur la porte.
L'étoile a précédé le frêle feu mortel.

Andiam, compagne belle
, astres, demeures,

Rivière plus brillante avec le soir.
J'entends tomber sur vous, qu'une musique emporte,
L'écume où bat le cœur introuvable des morts.

Yves Bonnefoy Pierre écrite Editions Gallimard






«ANDIAM, COMPAGNE BELLE...»

Don Giovanni
, I,3


I lumi della trascorsa notte, nel fogliame,
Ardono ancora, e in quel paese ?
È sera, quando l'albero, sulla porta, si aggrava.
La stella ha preceduto la fragile fiamma mortale.

Andiam, compagne belle, astri, dimore,
Fiume più scintillante nella sera.
Sento cader su voi, travolti in una musica,
La schiuma ove batte il cuore introvabile dei morti.

Traduzione
: Diane Grange Fiori








Images
: en haut, Don Giovanni (Joseph Losey)

au centre : Site Flickr

Source de la vidéo : Site YouTube

dimanche 19 décembre 2010

L'apaisement du retour



Pour saluer Jacqueline de Romilly






Certes, j’envie les jeunes. Mais ils n’ont pas tous les privilèges ; et ils seront surpris un jour – comme je l’ai été, je l’avoue – de découvrir l’amas de richesses qui a mûri secrètement et qui ne se révèle qu’au seuil de la vieillesse.

Cette intensité des perceptions va peut-être avec la pensée de la mort. Je n’y pense pas tant et n’aurais pas eu cette idée. Mais je remarque divers livres récents, où un personnage, apprenant qu’il est condamné, découvre alors, dans la sérénité, les beautés ou le sens de la vie. Serait-ce donc seulement que l’on oublie de vivre quand on croit avoir, pour cela, du temps ? Serait-ce que l’on n’apprécie bien que ce que l’on sent prêt à bientôt vous échapper ?

Toujours est-il que l’intensité de bien des sentiments croît avec l’âge. Je n’ai parlé que de paysages et de promenades et je cherche sans doute à justifier des enthousiasmes que d’aucuns jugeront excessifs. Mais je pourrais le dire aussi pour la beauté des textes, pour les poèmes, pour la musique. Je pourrais même le dire – que l’on me croie au non – pour les rapports avec les êtres. Je suis beaucoup plus capable à présent d’aimer et de donner sans réserve, plus capable aussi de m’enchanter à voir réagir ceux que j’aime, avec leur vitalité, ou leur talent, ou leur douceur, exactement comme je m’enchante de mes promenades provençales. La venue de l’âge ne vous rend pas indifférent, mais totalement disponible – ce qui peut être tout le contraire.

Cela explique sans doute cet amour accru pour ce que déjà l’on aimait : disponible veut dire aussi réceptif. Mais cela explique surtout ce que j’éprouve ce soir, seule sur ma terrasse, en face des images très douces que je m’étonne toujours de retrouver. Sainte-Victoire est redevenue une silhouette lointaine, petite, hors d’atteinte. Or cette remise en perspective s’accompagne d’une plénitude et d’une tranquillité parfaites. C’est l’apaisement du retour, après tant de départs avides, et la douceur d’un temps vide après tant de désirs.

Le mot « poignant » est un beau mot : il va avec les joies, quand elles se mêlent au sentiment toujours tragique du temps qui s’enfuit ; il va aussi avec l’acceptation, la reconnaissance, la pitié. Il convient à la grâce douce et bouleversante de Mozart, à des regards échangés, à des silences partagés. La beauté de ce jour qui va bientôt s’éteindre est, ce soir, poignante.

Jacqueline de Romilly Sur les chemins de Sainte-Victoire Julliard, 1987





ὣς εἰπὼν ἀλόχοιο φίλης ἐν χερσὶν ἔθηκε

παῖδ᾽ ἑόν· ἣ δ᾽ ἄρα μιν κηώδεϊ δέξατο κόλπωι
δακρυόεν γελάσασα· πόσις δ᾽ ἐλέησε νοήσας,


Image : en haut, Site Flickr

lundi 2 août 2010

Furore !



« Crude furie degl'orridi abissi
aspergetemi d'atro veleno !
Crolli il mondo e'l sole s'eclissi
a quest'ira, che spira il mio seno ! »


Serse, atto III, scena XI G.F. Händel (testo di N. Minato e S. Stampiglio)

Joyce DiDonato, au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, le 27 juillet 2009.



mardi 6 juillet 2010

Questo è il fin...



Atlante aixois sortant de la représentation de Don Giovanni, hier soir, au Théâtre de l'Archevêché.

À titre de consolation, voici une leçon de chant mozartien : Luigi Alva dans le rôle de Don Ottavio, en 1960, dans la même ville et le même théâtre (erano altri tempi...).






ll mio tesoro intanto
Andate a consolar,
E del bel ciglio il pianto
Cercate di asciugar.

Ditele che i suoi torti
A vendicar io vado,
Che sol di stragi e morti
Nunzio vogl’io tornar.

(Da Ponte - Mozart, Don Giovanni, Acte II, scène X)

Allez, pendant ce temps,
Consoler celle que j'aime
Et de ses beaux yeux cherchez
À sécher les larmes.

Dites-lui que je vais
Venger les torts qu'elle a subis
Et que je ne veux revenir
Que pour annoncer des massacres et des morts.


«Ce soir, 21 juillet [1958], je tourne le bouton de la radio. Ô merveille ! Je plonge d'un seul coup dans le Don Juan d'Aix. La terrible joie du débauché traverse la nuit orageuse et déferle dans cette chambre de Seine-et-Oise. Je n'irai pas dormir avant d'avoir reçu la visite du Commandeur. Ce sont les marches de mon escalier qui vont retentir dans un instant sous les semelles de pierre. Il vient toujours dans toute vie.»


François Mauriac, Bloc-notes 1958-1960


Source de la vidéo : Site YouTube

Image : Site Flickr