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vendredi 24 juin 2016

Centomani






Centomani

Un détour de la route et ce Basento funèbre,
Dans ce pays stérile, âpre, où, sur des collines,
Au loin, s’étendent de noires forêts pourrissantes.
Sur les interminables plateaux, pas un seul arbre.
Des cirques, des vallées vastes, sans verdure,
Où stagnent, avec des reflets de plomb, des eaux infernales
Issues des crevasses des lointaines montagnes de bitume
Dressées dans les régions désertes, sans routes et sans villages,
Près d’un Lago Nero, où semble demeurer éternellement
Un sombre et angoissant crépuscule d’hiver.
Te voici, rude Lucanie, sans un sourire !
Replis stygiens de ces ravins, ces roseaux noirs,
Ces chemins tortueux ouverts à tous les vents ;
J’ai donc vécu, jadis, en Basilicate,
Puisque ces souvenirs me restent bien vivants.

Un détour de la route, et ce Basento funèbre.
(C’est la route de Tito à Potenza ;
Ce talus de cailloux, c’est la ligne où ahanent
Les lents et lourds et noirs express Naples-Tarente.)
Il y a une maison de paysan, en ruines,
Inhabitée ; sur un des murs on a écrit
En français, ces mots peut-être ironiques : Grand Hôtel.
La prairie, à l’entour, est pâle et grise.
On m’a dit que l’endroit était nommé Centomani.
J’y suis venu souvent, pendant l’hiver 1903.
C’est une partie de ma vie que j’ai passée là,
Oubliée, perdue à jamais…
Arbres, ruines, talus, roseaux du Basento,
Ô paysage neutre et à peine mélancolique,
Que n’eûtes-vous cent mains pour barrer la route
À l’homme que j’étais et que je ne serai plus ?

Valery Larbaud   Poésies d'A.O. Barnabooth





Centomani

La strada svolta, ed ecco questo Basento funebre,
Terra sterile, aspra, dove sulle colline
Lontano si distendono nere foreste putride.
Sugli altopiani immensi non c’è neppure un albero.
Circhi, vallate vaste, senza vegetazione,
Dove stagnano plumbee acque infernali uscite
Dai crepacci di monti lontani di bitume
Tra regioni deserte, senza strade o villaggi,
Vicino a un Lago Nero, dove sembra abitare
Un cupo ed angoscioso crepuscolo invernale.
Eccoti qui, Lucania, rude, senza un sorriso !
Stigi recessi delle forre, le canne nere,
E i tortuosi sentieri aperti a tutti i venti ;
Dunque, ho vissuto già in Basilicata,
Se i miei ricordi sono tanti vivi.

La strada svolta, ed ecco questo Basento funebre.
(E’ la strada di Tito per Potenza ;
La scarpata pietrosa è la linea in cui penano
Lenti, pesanti, neri treni Napoli-Taranto).
C’è una casa in rovina, casa di contadini
Disabitata; ma su di un muro, in francese,
Si legge, forse ironica, la scritta: Grand Hôtel.
I prati, tutt’intorno, sono pallidi e grigi.
Mi hanno detto che il posto si chiama Centomani.
Ci sono stato spesso, nell’inverno del 1903.
C’è un po’ della mia vita che ho trascorso laggiù,
Dimenticata, ormai, persa per sempre…
Piante, rovine, canne, scarpata del Basento,
Paesaggio neutro, appena malinconico,
Perché con cento mani non sbarraste la strada
All’uomo ch’ero e che non sarò più ?

Traduction : Valerio Magrelli






Un article de Valerio Magrelli sur le site du Giornale di filosofia : Dire e ridire. Larbaud vs Larbaud (cliquer au bas de la page pour accéder à l'article complet (en italien) au format PDF).



Images : en haut, Giuseppe Quattrone  (Site Flickr)

 en bas, Diego Buda  (Site Flickr)

au centre, Viajero Italico  (Site Flickr)

vendredi 4 juillet 2014

Addio al calcio (Adieu au football)




Dans son bel ouvrage Addio al calcio, Valerio Magrelli fait ses adieux au football, qu'il a beaucoup pratiqué, comme joueur amateur plus que comme spectateur dans les stades, en quatre-vingt-dix fragments qui correspondent aux quatre-vingt-dix minutes des deux mi-temps d'un match. Avec ferveur, ironie ou mélancolie, il évoque ce qui est en Italie beaucoup plus qu'un sport : une véritable passion nationale, à la fois exutoire, rite initiatique et obsession collective. Il dit aussi adieu à une certaine innocence de la jeunesse, faite d'enthousiasme et de fougue, de plaisir du jeu et de la dépense physique, avant que l'âge impose sa rigueur et ses limites. Je cite ici deux extraits : le premier correspond à la vingt-quatrième minute de la première mi-temps, le second à la trente-huitième minute de la deuxième mi-temps.

A proposito di vecchiaia. Ho continuato a giocare a calcio fin verso i quarant’anni. Da un certo punto in poi era diventato sempre più difficile mettere insieme una manciata di giocatori, ma l’incontro con il fratello di un mio amico cambiò tutto. Iniziai a giocare con una squadra di ragazzi molto simpatici e bravi. Troppo. Andò avanti per qualche partita, quando un giorno, anzi una sera, successe il fattaccio. Mi stavo muovendo piuttosto bene in campo, e feci addirittura una discesa gloriosa, fino al limite dell’area, quando il compagno che mi correva a fianco venne abbattuto e l’arbitro fischiò il fallo. Fu allora che capii. 

Se ero riuscito a tagliare la difesa come burro, a saltare terzini come in sogno, era perché tutti quanti si scansavano, anzi, letteralmente, mi evitavano. La loro gentilezza era squisita, sebbene piuttosto umiliante, e tutto mi fu chiaro quando un avversario mi si avvicinò per consegnarmi la palla. Stava esortandomi a battere la punizione, ma dandomi del lei. Del lei, in un campo di calcio ! Mi sentii amareggiato, e non potevo prendermela con nessuno. Avrei dovuto capirlo. Quella fu la mia ultima partita.

Valerio Magrelli  Addio al calcio  Einaudi, 2010




 À propos de vieillesse. J’ai continué de jouer au foot jusqu’à la quarantaine. À partir d’un certain moment, il était devenu de plus en plus difficile de réunir une poignée de joueurs, mais la rencontre avec le frère d’un de mes amis changea tout. Je commençai à jouer avec une équipe de garçons très sympathiques et très doués. Trop. Cela continua pendant quelques parties, mais un jour, ou plutôt un soir, l’incident eut lieu. Je me déplaçais plutôt bien sur le terrain et je fis même une incursion glorieuse, jusqu’à la limite de la surface de réparation, quand le camarade qui courait à mes côtés fut jeté au sol, et l’arbitre siffla la faute. Ce fut alors que je compris. 

Si j’avais réussi à enfoncer la défense comme du beurre, et à doubler des arrières comme dans un rêve, c’était parce que tous s’écartaient, ou plutôt, littéralement, m’évitaient. Leur gentillesse était exquise, quoique plutôt humiliante, et tout fut clair pour moi lorsqu’un adversaire s’approcha pour me remettre le ballon. Il m’exhortait à tirer le coup franc, mais en me vouvoyant. Un vouvoiement, sur un terrain de foot ! Je me sentis plein d’amertume, et ne pouvais m’en prendre à personne. J’aurais dû comprendre. Ce fut mon dernier match. 

Valerio Magrelli  Adieu au foot  Actes Sud, 2012 (Traduction : Marguerite Pozzoli, en collaboration avec René Corona)




Epopea dei palloni perduti. Sono le briciole di Pollicino che dovrei ritrovare per risalire il sentiero di casa. Quanti palloni ! E ovunque. Nei fiumi, innanzitutto, che appena toccata l’acqua, scappano via veloci. Nei laghi, più pacifici, ma non meno insidiosi. Qualcuno al mare, molti sopra gli alberi, incastrati sui rami più alti a formare un groviglio inestricabile, una specie di simbolo araldico. E quanti finiti bucati ! Quelli di plastica leggera, che volavano via alla prima brezza ("a vento", si diceva, guardando le inverosimili parabole tracciate quando li si colpiva con violenza), ma anche gli altri, via via divorati dai cespugli, dai vetri, dalle spine. In definitiva, non c’è pallone che non si sia perso o forato. E forse tutto questo vorrà dire qualcosa.

Valerio Magrelli  Addio al calcio  Einaudi, 2010

Epopée des ballons perdus. Ce sont les miettes du Petit Poucet que je devrais retrouver pour remonter le sentier vers la maison. Tant de ballons ! Et partout. Dans les rivières, avant tout : dès qu’ils ont touché l’eau, ils filent à toute vitesse. Dans les lacs, plus paisibles, mais non moins insidieux. Quelques-uns à la mer, beaucoup sur les arbres, coincés dans les branches les plus hautes pour former un écheveau inextricable, une espèce de symbole héraldique. Et tant de ballons percés ! Ceux en plastique léger, qui s’envolaient à la première brise ("au vent", disait-on, en regardant les invraisemblables paraboles qu’ils dessinaient lorsqu’on les frappait avec violence), mais aussi les autres, peu à peu dévorés par les buissons, les tessons de verre, les ronces. En définitive, il n’est pas de ballon qui ne se soit perdu ou percé. Et peut-être tout cela signifie-t-il quelque chose.

Valerio Magrelli  Adieu au foot  Actes Sud, 2012 (Traduction : Marguerite Pozzoli, en collaboration avec René Corona)






Images, de haut en bas :





mercredi 19 février 2014

Ecce Video





In memoriam E. H.

ritrovato nel suo appartamento
nove mesi dopo il decesso
seduto davanti alla tv




Morì fissando il suo Televisore
la sfera di cristallo del presente,
guardava il Niente e ne vedeva il cuore,
cercava il Cuore e non vedeva niente.

Chi sfidò il lezzo del buio malfermo
si accorse che veniva dall'Illeso,
non dal Morto, ma dal Morente Schermo,
non dal Corpo, bensì dal Video acceso.

Carogna divorata dagli insetti,
il Monitor frinisce e brilla breve
senza più palinsesti e albaparietti.

La Sua vita larvale svanì lieve
(goal, quiz, clip, news, spot, film, blob, flash, scoop, E.T.),
circonfusa di niente, effetto neve.

Valerio Magrelli Poesie (1980-1992) e altre poesie, ed Einaudi






En mémoire de E. H.
retrouvé dans son appartement
neuf mois après son décès
assis devant la télévision




Il est mort en fixant son Téléviseur
la boule de cristal du présent,
il regardait le Rien et en voyait le cœur,
il cherchait le Cœur et il ne voyait rien.

Qui chancelant brava la puanteur obscure
s'aperçut qu'elle émanait de l'Indemne,
non pas du Mort, mais du Mourant Ecran,
non pas du Corps, mais du Téléviseur allumé.

Charogne dévorée par les parasites,
l’Écran grésille et brille par instants

sans plus de programmes ni d'albaparietti.

Sa vie larvaire s'évanouit imperceptiblement
(goal, quiz, clip, news, spot, film, blob, flash, scoop, E.T.),
auréolée de néant, effet de neige.

(Traduction personnelle)







mercredi 4 septembre 2013

Alla memoria del suono (À la mémoire du son)




Avec son ouvrage Nel condominio di carne [Dans la résidence de chair], publié en 2003 en Italie et en 2012 en France (aux éditions Actes Sud), sous le titre très astucieux, mais peut-être trop énigmatique pour un éventuel lecteur, de Co[rps]–propriété, Valerio Magrelli propose non pas une autobiographie, mais une "autobiologie", une sorte de voyage à l’intérieur du corps, au plus près de la peau, du squelette, des organes, des vaisseaux, des fluides, des humeurs. C’est une sorte d’odyssée intérieure et minuscule, un voyage fantastique comme on a déjà pu en voir au cinéma, mais beaucoup plus intime et réflexif que spectaculaire. Le narrateur, en une succession de fragments de longueurs diverses (Magrelli est aussi un grand lecteur (et traducteur) de Barthes), observe au plus près le fonctionnement de ce corps familier et mystérieux, séma soma, corps-tombeau, corps-prison, mais aussi corps-refuge, corps-résidence, corps fuyant qui se métamorphose et échappe à son locataire, qui a parfois le sentiment de devenir un intrus. Magrelli ne propose pas de théorie, mais plutôt une série de tableaux vivants, « un récit de petites catastrophes, qui se sont jouées dans les espaces interstellaires de la chair ». Je cite ici le dix-huitième fragment du livre, réflexion sur le souffle et la voix, la parole et la chair, à travers l’exemple des reliques de saint Antoine de Padoue. 

La coda per raggiungere le teche procede lentamente. Bisogna aspettare che passi una comitiva di turisti tedeschi, e solo dopo si riesce a imboccare la scaletta che porta nel cuore della basilica. In realtà, questo non è l’unico altare fatto meta di pellegrinaggio. A giudicare dall’afflusso, anzi, non è nemmeno il più gettonato. (Come fosse un juke-box del desiderio, ma invece delle monetine, dolore spiccio). Nella navata di sinistra, ad esempio, una lunghissima fila aspetta di avvicinarsi all’arca del santo. Una cascata di ex voto, un vero e proprio baldacchino di lettere, fotografie e disegni, corona uno spazio carico di fervore. Ma è nella quinta cappella del deambulatorio, che si trova il vero centro dell’edificio : i reliquiari in cui si custodiscono alcuni resti di Antonio da Padova. 

Patrono degli ingressi e dei terremoti, dei matrimoni, dei ladri e degli oggetti smarriti, il santo ebbe per simboli un libro e un giglio. Qui giacciono alcuni resti del suo corpo, tra cui la lingua, racchiusa ed esibita in una sfarzosa architettura d’oro e vetro. Qualche anno fa, le cronache narrarono del suo sequestro a scopo di estorsione. (Come si fa a fuggire, nottetempo, con una lingua rubata, messa in tasca come fosse un accendino ? E il suo peso leggero, che correndo sobbalza. Non ne verrà alcun fuoco, da quella pietra focaia. Non ne verrà parola). Ora è tornata a posto, cupa pietra di sangue, per emanare la sua buia energia quasi fosse il nucleo atomico, la pasticca d’uranio di un santuario-sommergibile, torri e torrette come periscopi, cupole come oblò, per sette secoli di navigazione. 

Non una lingua qualsiasi, per quanto sacra, bensì la lingua del grande predicatore. Eppure, strano a dirsi, una reliquia tanto amata pare svanire davanti a quella che le sta vicino. È meno nota, meno impressionante, più astratta, astrusa, incongrua. Si tratta dell’apparato vocale del santo ricostruito nei suoi componenti essenziali. Bisogna immaginare una costellazione, un gruppo di ossicini e cartilagini messi sopra pinnacoli di cristallo. Ecco, in perfetto equilibrio spaziale, la riproduzione del suo sistema laringeo. Una galleria del vento dove non c’è più vento, non ci sarà mai più. Stiamo vedendo una voce, ossia guardando la sorgente da cui sgorgò il verbo di un sommo dottore della Chiesa. Un monumento alla memoria del suono. Ma è come osservare l’arco voltaico senza la sua scintilla, o un computer privo del suo programma. E forse il corpo vale proprio per questa sua temporenea capacità di "eseguire" l’individuo. Solo per poco. Mentre la voce, l’anima, è il software che lo accende.

Valerio Magrelli  Nel condominio di carne, Einaudi, 2003




La file pour arriver aux châsses avance lentement. Il faut attendre que passe tout un groupe de touristes allemands et seulement après, on peut s’engager dans le petit escalier conduisant au cœur de la basilique. A vrai dire, ce n’est pas le seul autel devenu but du pèlerinage. Si l’on en juge par l’afflux de visiteurs, au contraire, il n’est même pas le plus prisé. (Un peu comme un juke-box du désir, mais au lieu de glisser des pièces tout court, je glisse des pièces de douleur). Dans la nef de gauche, par exemple, une très longue file attend de s’approcher de l'arche du saint. Une cascade d’ex-voto, un véritable baldaquin de lettres, de photographies et de dessins couronne un espace chargé de ferveur. Mais c’est dans la cinquième chapelle du déambulatoire que se trouve le vrai centre de l’édifice : les reliquaires où sont conservés quelques restes de saint Antoine de Padoue. 

Patron des seuils et des tremblements de terre, des mariages, des voleurs et des objets perdus, le saint eut pour symboles un livre et un lys. Ici gisent  quelques restes de son corps, entre autres la langue, enfermée et exhibée dans une architecture fastueuse, d’or et de verre. Il y a quelques années, les rubriques des faits divers en rapportèrent l’enlèvement en vue d’une rançon. (Comment peut-on s’enfuir, au cœur de la nuit, avec une langue volée  glissée dans sa poche tel un briquet ? Et son poids si léger, qui en courant la fait tressauter. Elle ne produira aucune flamme, cette pierre à feu. Aucun mot). Désormais, elle a retrouvé sa place, sombre pierre de sang, pour dégager son énergie obscure comme si elle était le noyau atomique, la pastille d’uranium d’un sanctuaire-submersible, des tours et des tourelles en guise de périscopes, des coupoles en guise de hublots, durant sept siècles de navigation. 

Ce n’est pas une langue quelconque, encore que sacrée, c’est bel et bien la langue du grand prédicateur. Et pourtant, et cela paraît étrange à dire, cette relique si aimée semble disparaître à côté de sa voisine. Moins célèbre, moins impressionnante, plus abstraite, abstruse, incongrue. Il s’agit de l’appareil vocal du saint reconstruit dans ses composantes essentielles. Il faut imaginer une constellation, un groupe d’osselets et de cartilages posés sur des pinacles en cristal. Voici, en parfait équilibre spatial, la reproduction de son système laryngé. Un corridor du vent où il n’y a plus de vent, où il n’y en aura jamais plus. Nous voyons une voix, c'est-à-dire que nous regardons la source d’où jaillit le verbe d’un des plus grands docteurs de l’Eglise. Un monument à la mémoire du son. Mais c’est comme si l’on observait l’arc voltaïque sans son étincelle, ou un ordinateur dépourvu de programme. Et peut-être le corps vaut-il justement pour sa capacité temporaire d’ "exécuter" l’individu. Pour peu de temps seulement. Alors que la voix, l’âme, c’est le logiciel qui l’allume.

Valerio Magrelli  Co[rps]–propriété  Actes Sud, 2012 (Traduction : René Corona, avec la collaboration de Marguerite Pozzoli)






Images : en haut, Alessandro Turchi (L'OrbettoSant'Antonio da Padova predica ai pesci, olio su tela, Chiesa di Santa Teresa, Caprarola

en bas, Site Flickr 



mardi 16 avril 2013

Nella grotta (Dans la grotte)




Dans le très beau livre qu’il vient de faire paraître en Italie, Geologia di un padre [Géologie d'un père], Valerio Magrelli fait, en quatre-vingt-trois chapitres (le nombre d’années qu’il a vécues), le portrait d’un père, de son père Giacinto, comme s’il s’agissait d’une terre, d'un pays à la fois familier et inconnu. Ces chapitres sont aussi des fragments, à la manière de Roland Barthes, et on se souvient que Magrelli est également le traducteur italien du Journal de deuil [Dove lei non è]. On ne cesse de passer, avec une même acuité de regard excluant tout apitoiement, d’un temps à l’autre : de l’enfance de l’auteur à la vieillesse et à la maladie du père, devenu dépendant. Et à la fin du livre, dans un poème dédié à son père mort, l’auteur s’aperçoit qu’il retrouve de plus en plus en lui-même les gestes, les inflexions de voix du disparu : « Vieillesse – le Grand Mimétisme commence, / je ressemble toujours plus à mon père (…) Vieillesse – l’Invasion commence. / Je ne sais pas si je pourrai encore signer de mon nom. » Je cite ici deux chapitres du texte, le vingt-septième et le trentième, dans une traduction personnelle :

27.

Se non gli ho parlato abbastanza quando stava già male, è perché non avevo nulla da dirgli. Soltanto frasi vuote, parole d’ordine, un formulario standard : pura funzione fàtica. Prove microfono. Ci sei ? Mi senti ? Io ti sento. Mi chiami ? Chiamami, così ci sentiamo più tardi. (La storia dell’amico pittore, che aspettava dei quadri dal proprio gallerista. « Una volta che passi, te li do », si sentiva ripetere ogni tanto. Poi, un bel giorno, finì che passò veramente. E quello, al momento del commiato : « Allora chiamami, così, quando vieni, te li do ». Perché il moi amico tacque ? Eppure poteva dirlo : sono già qui ! Non lo fece. Continua ancora ad aspettare i suoi quadri). Per me era lo stesso, solo che non avevo nessun quadro da dargli. Però trovai due strade. 

In ospedale spesso vaneggiava, ma anche quando era in sé, benché conservasse une velata lucidità, non gli riusciva più di concentrarsi. Fu allora che mi accorsi di quanto amasse la musica. Non come un melomane, ma come un tossicodipendente (Novalis : « Ogni malattia è un problema musicale. Ogni cura è una soluzione musicale »). Io fischiettavo qualche melodia, e lui veniva dietro, topolino di Hamelin. Raramente ho capito così bene il senso di totale dipendenza in cui consiste l’ascolto. Viene da qui l’idea che Anfione e Orfeo muovano i sassi, quietino le fiere. 

Quasi mi vergognavo per la facilità di domatore con cui lo riducevo all’estasi, inducendo meccanicamente in lui un benessere incontenibile. Retrocesso a uno stato di ebetudine, il malato cantava a ogni minimo cenno, trasformato in strumento di piacere, del proprio piacere. Gli ultimi giorni di Kant, il filosofo a cui prende fuoco la parrucca, e la tremenda vergogna per la propria debilitazione. Ma qui stava mio padre, che rideva beato, e io che fischiettavo, legato alla melodia, probabilmente, più ancora di quanto non lo fosse lui. Chi guidava la danza ? Chi seguiva ? Eravamo una coppia roteante, lanciata dentro il vortice sonore.

Valerio Magrelli  Geologia di un padre  Einaudi editore, Torino, 2013




 27.

Si je ne lui ai pas parlé assez quand il était déjà malade, c’est parce que je n’avais rien à lui dire. Rien d’autre que des phrases vides, des mots de passe, un formulaire standard : pure fonction phatique. Essais de micro. Tu es là ? Tu m’entends ? Moi, je t’entends. Tu m’appelles ? Appelle-moi, comme ça, on en discutera. (L’histoire de l’ami peintre, qui attendait les tableaux que devait lui rendre son galeriste. « Quand tu passes me voir, je te les donne », lui disait-on de temps à autre. Puis, un beau jour, il finit par passer pour de bon. Et il s’entendit dire, tandis qu’il prenait congé : « Alors, tu m’appelles, comme ça, quand tu viens, je te les donne ». Pourquoi mon ami n’a-t-il rien dit ? Il pouvait pourtant lui répondre : je suis déjà ici ! Il ne le fit pas. Il attend toujours ses tableaux). Pour moi, c’était la même chose, mis à part le fait que je n’avais aucun tableau à lui donner. Toutefois, je trouvai deux voies. 

À l’hôpital, il délirait souvent, mais même quand il avait tous ses esprits, bien qu’il conserve une apparente lucidité, il n’arrivait plus à se concentrer. C’est alors que je m’aperçus à quel point il aimait la musique. Non pas comme un mélomane, mais comme un drogué (Novalis : « Toute maladie est un problème musical. Tout traitement est une solution musicale »). Je sifflais une mélodie, et il me suivait, comme une souris derrière le joueur de flûte de Hamelin. J’ai rarement compris aussi bien le sens de dépendance totale qui caractérise l’écoute. L’idée qu’Amphion et Orphée avaient le pouvoir d'animer les pierres et d'apaiser les bêtes sauvages vient de là. 

J’avais presque honte de la facilité de dompteur avec laquelle je le réduisais à l’extase, produisant mécaniquement en lui un irrépressible bien-être. Réduit à un état d’hébétude, le malade chantait au moindre signe, transformé en instrument de plaisir, de son propre plaisir. Les derniers jours de Kant, le philosophe dont la perruque prend feu, et la honte terrible que lui inspire sa propre décrépitude. Mais ici, il y avait mon père, qui riait béatement, et moi qui sifflotais, lié à la mélodie, probablement, plus encore qu’il ne l’était lui-même. Qui menait la danse ? Qui suivait ? Nous étions un couple tournoyant, propulsé à l’intérieur du tourbillon sonore. 

(Traduction personnelle)




 30.

Due strade alternative alla parola, dicevo. Se una era la musica, l’altra, invece, era il tatto. Tutto cominciò da una serie di suoi impellenti bisogni fisici che nessuno sapeva, poteva o voleva sbrigare. Avevo appena finito di tagliare le unghie a mia figlia bambina, ormai cresciuta, che dovetti iniziare con lui. La prima volta, un senso di rigetto addirittura minoico. Fare la toilette mortuaria al re, sia pure per introdurlo nel suo ipogeo, mi sembrò un gesto blasfemo, intollerabile. Poi compresi che si trattava piuttosto di una preghiera, di un culto pio e dimesso, un culto agrario. Se tacevamo, almeno lo toccavo, lo detergevo, gli toglievo via quell’aspetto forastico che sempre accompagna la degenza. Dimenticare l’odore dei bambini, unghie flessibili, polite e morbidissime. Qui legna secca, fascine invernali per il freddo che arriva. 

Valerio Magrelli  Geologia di un padre  Einaudi editore, Torino, 2013


 30.

Deux voies alternatives à la parole, disais-je. Si l’une était la musique, l’autre, en revanche, était le toucher. Tout commença de son côté par une série d’impérieux besoins physiques, dont personne ne savait, ne pouvait ou ne voulait s'occuper. J’avais à peine cessé de couper les ongles à ma fille, désormais assez grande, que je dus commencer avec lui. La première fois, j'éprouvai un sentiment de rejet que l’on pourrait qualifier de minoen. Faire la toilette mortuaire du roi, même si c’était pour le conduire dans son hypogée, me sembla un geste blasphématoire, intolérable. Puis je compris qu’il s’agissait plutôt d’une prière, d’un culte pieux et humble, un culte agraire. Certes, nous ne nous parlions pas, mais au moins je le touchais, je le détergeais, je le débarrassais de cet aspect rebutant qui accompagne toujours l'hospitalisation. Oublier l’odeur des enfants, les ongles souples, lisses et délicats. Dans ce cas-là, c’était du bois sec, des fagots hivernaux pour le froid qui vient. 

(Traduction personnelle)














Images : de haut en bas, (1) Site Flickr

(2) Enzo S.  (Site Flickr)

(3) Valerio  (Site Flickr)

(4) et (5)  Source

mardi 6 mars 2012

Parlano (Ils parlent)





«C'è intorno una tale quiete che quasi si può udire il tintinnare di un cucchiaino che cade in Finlandia

Joseph Brodsky Fuga da Bisanzio


Parlano


Ma perché sempre dietro la mia parete ?
Sempre dietro le voci, sempre
quando scende la notte iniziano
a parlare, latrano o addirittura credono
che sussurare sia meglio. (Mentre mi sento
questo filo d’aria fredda delle loro parole
che mi gela, che mi lega
e mi tormenta nel sonno).
Ai confini del circolo polare
una coppia piangeva nella sua stanza
oltre un muro trasparente, luminoso,
tenero come fosse la membrana di un timpano.
(Mentre io vibravo, cassa
armonica della loro storia). Fino a che a casa mia
hanno rifatto il tetto, le tubature,
la facciata, tutto, e battevano sempre
chiacchierando tra loro solo quando dormivo,
solo perché dormivo,
soltanto perché fossi cassa armonica
delle loro storie.

Valerio Magrelli Esercizi di tiptologia, Einaudi ed.







 

«Le calme environnant est tel qu'on pourrait presque entendre le tintement d'une cuillère à café tombant en Finlande


Joseph Brodsky Loin de Byzance



Ils parlent


Mais pourquoi toujours derrière ma cloison ?

Toujours derrière, les voix, toujours
quand la nuit tombe ils commencent
à parler, ils aboient ou alors ils croient
que cela soit mieux de susurrer. (Et moi je sens
le filet d’air froid de leurs paroles
qui me glace, qui me ligote
et me tourmente dans mon sommeil.)
Aux confins du cercle polaire
Un couple pleurait dans sa chambre
De l’autre côté d’un mur transparent, lumineux,
fin comme la membrane d’un tympan.
(Et moi je vibrais, caisse
de résonance de leur histoire). Pour finir, chez moi,
ils ont refait le toit, la tuyauterie,
la façade, tout, et toujours ils cognaient
en ne bavardant entre eux que lorsque je dormais,
seulement parce que je dormais,
juste pour que je sois la caisse de résonance
de toutes leurs histoires.
 
Traduction : Bernard Simeone


Pensieri affini



Valerio Magrelli sur le site Terres de femmes


Images : en haut, Jukka Vuokko (Site Flickr)


au centre, Marion Rusterholtz (Site Flickr)

lundi 12 avril 2010

Fibonacci


Osservo il panorama della fronte
nella sua piena nudità,
nel numero, lo stesso, che produce
la crescita dei rami,
la facciata leggera di una chiesa,
le spire della chiocciola,
le foglie.

Valerio Magrelli Poesie (1980-1992) Einaudi

Image : (Site Flickr) Turin, "Mole Antonelliana", avec la suite de Fibonacci

samedi 10 avril 2010

Giungla d'asfalto


Vagano nella notte
vasti gli autobus,
anime in pena,
scrigni di luce pallida,
tremanti, vuoti, utili
soltanto a chi è lontano,
avanti e indietro
sempre legati ad una linea
di dolore,
e lasciano salire ad ogni sosta
un sospiro
che sembra una preghiera.

Valerio Magrelli, Poesie (1980-1992), Disamori, Einaudi

Jungle d'asphalte

Les grands autobus
errent dans la nuit,
comme des âmes en peine,
écrins de pâle lumière,
tremblants, vides, utiles
seulement à qui est loin,
ils vont et viennent
sans cesse reliés à une ligne
de chagrin,
et à chaque arrêt ils laissent monter
un soupir
semblable à une prière.

(Traduction personnelle)

Image : Site Flickr

samedi 3 avril 2010

Alto mare di tristezza (Pleine mer de chagrin)




"Urt, sept heures, sur la promenade, en face de la boulangerie. Je suis allé sur la tombe de Roland. J'y ai déposé des roses roses que j'avais achetées à Orthez. Je ne crois pas, hélas, lui faire plaisir maintenant par ce geste, mais peut-être une ou deux fois, sait-on, vivant, a-t-il aimé l'idée qu'un lecteur, un étudiant, un ami, viendrait sur sa tombe, y porterait des fleurs. Je ne sais même pas quelles fleurs il aimait.
La tombe porte le nom de sa mère, Henriette Barthes, née Binger. Aucune autre inscription. (...) Du cimetière, par-dessus le mur, on aperçoit au midi quelques arbres dans les champs et une rangée de peupliers."


Renaud Camus Journal d'un voyage en France, P.O.L 1981


Le
Journal de deuil de Roland Barthes paraît ces jours-ci en Italie, sous le titre Dove lei non è (Là où elle n’est pas – on peut regretter au passage que l’on n’ait pas repris le titre français, plus sobre et plus exact). Je donne ici ma traduction de l’article écrit à cette occasion par Mario Fortunato (Il dolore di Barthes), et paru dans le numéro de L’Espresso daté du 31 mars 2010 :

"Dans les années de notre jeunesse, nous lisions ses Fragments d’un discours amoureux comme une Bible. Avec lui, nous découvrions la photographie (grâce à sa Chambre claire) et les simulacres trompeurs de la modernité (Mythologies). Barthes a été le dernier des maîtres à penser (en français dans le texte), philosophe et romancier presque malgré lui. Aujourd’hui, son éditeur italien Einaudi publie un texte qu’il a pensé et chéri, avant de disparaître brutalement en 1980, mais qu’il n’a pour ainsi dire jamais écrit : Dove lei non è (Là où elle n’est pas), édition établie par Nathalie Léger, admirable traduction de Valerio Magrelli.
En quel sens peut-on dire que Barthes n’a jamais écrit le livre que nous tenons entre nos mains ? Le 25 octobre 1977, la mère de Roland Barthes meurt. C’est une terrible épreuve, puisqu’elle représenta sans doute pour lui l’amour unique. Barthes commence à tenir un journal de son deuil, et cela pendant deux années : fatalité (ou peut-être pas), elles furent les dernières de sa vie. C’est aussi à ce moment-là qu’il écrit le texte sur la photographie, qui trouve en quelque sorte son origine dans ce deuil amoureux (quel est l’amoureux qui ne s’interroge pas sur l’impossible coïncidence entre le visage de l’aimé et son double photographique ?). Mais il n’a pas donné la forme d’un livre à ces ultimes fragments, parfois illuminés par l’éclair de la pure intelligence, parfois déchirants dans leur aspect pathétique et répétitif. Ils sont restés dans ses dossiers, peut-être considérés comme un matériau à remanier où à conserver simplement pour soi. Mais le livre est maintenant entre nos mains et, même avec une certaine impudeur, nous ne pouvons pas ne pas être reconnaissants de l’occasion qui nous est offerte de retrouver une fois encore le grain de la voix de ce maître adoré."




Quelques extraits :

4 novembre

Ce jour, vers 17 heures, tout est à peu près classé ; la solitude définitive est là, mate, n’ayant désormais d’autre terme que ma propre mort.
Boule dans la gorge. Mon désarroi s’active à faire une tasse de thé, un bout de lettre, à ranger un objet – comme si, chose horrible, je jouissais de l’appartement rangé, «à moi», mais cette jouissance colle à mon désespoir.
Tout ceci définit la déprise de tout travail.

4 novembre
Quest'oggi, verso le 17, tutto è più o meno classificato ; la solitudine definitiva è presente, opaco, senza ormai nessun altro termine che la mia propria morte.
Nodo in gola. Il mio sgomento si attiva preparando una tazza di té, abbozzando una lettera, sistemando un oggetto - come se, cosa orribile, godessi dell'appartamento sistemato, «tutto per me» ; ma questo godimento aderisce alla mia disperazione.
Tutto questo definisce il distacco da qualsiasi lavoro.

5 novembre
Après-midi triste. Brève course. Chez le pâtissier (futilité) j'achète un financier. Servant une cliente, la petite serveuse dit Voilà. C'était le mot que je disais en apportant quelque chose à maman quand je la soignais. Une fois, vers la fin, à demi inconsciente, elle répéta Voilà (Je suis là, mot que nous nous sommes dit l'un à l'autre toute la vie).
Ce mot de la serveuse me fait venir les larmes aux yeux. je pleure longtemps (rentré dans l'appartement insonore).
Ainsi puis-je cerner mon deuil.
Il n'est pas directement dans la solitude, l'empirique, etc. ; j'ai là une sorte d'aise, de maîtrise qui doit faire croire aux gens que j'ai moins de peine qu'ils n'auraient pensé. Il est là où se redéchire la relation d'amour, le «nous nous aimions». Point le plus brûlant au point le plus abstrait...

5 novembre
Pomeriggio triste. Breve giro di spese. In salsamenteria (futilità) compro una finanziera. Mentre serve una cliente, la piccola commessa dice : «Ecco qua!». Erano le parole che dicevo quando portavo qualcosa a mamma, mentre la curavo. Una volta, verso la fine, in uno stato di semi-incoscienza, lei mi fece eco ripetendo: «Ecco!» («Sono qui!», parole che ci siamo detti fra noi tutta la vita).
Queste parole della commessa mi fanno venire le lacrime agli occhi. Piango a lungo (tornato nell'appartamento insonorizzato).
Così posso circoscrivere il mio lutto.
Non lo si trova direttamente nella solitudine, nell'empirico, ecc.; c'è in tutto ciò una specie di agio, di padronanza che deve fare credere alla gente che io soffra meno di quanto non avrebbe pensato. Esso è piuttosto là dove torna a lacerarsi la relazione d'amore, il «noi ci amammo». Il punto più bruciante nel punto più astratto...





Paris 31 juillet 1978

J’habite mon chagrin et cela me rend heureux.
Tout m’est insupportable qui m’empêche d’habiter mon chagrin.

Parigi 31 luglio 1978
Abito la mia tristezza, e ciò mi rende felice.
Tutto ciò che mi impedisce di abitare la mia tristezza, mi è insopportabile.

Ma Morale
– Le courage de la discrétion
– Il est courageux de ne pas être courageux

La mia Morale
– Il coraggio della discrezione
– È coraggioso, non essere coraggiosi

4 novembre 1978
Ces notes de deuil se raréfient. Ensablement. Quoi, devenir inexorable, oubli ? («maladie» qui passe ?) Et pourtant...
Pleine mer de chagrin – quitté les rivages, rien en vue. L’écriture n’est plus possible.

4 novembre 1978
Queste note di lutto si rarefanno. Insabbiamento. Come ! inesorabile divenire, oblio ? («malattia» che passa ?) Eppure...
Alto mare di tristezza – lasciate le rive, nulla in vista. La scrittura non è più possibile.



Journal de deuil est paru aux éditions du Seuil en 2009.
La traduction italienne de Valerio Magrelli est parue aux éditions Einaudi.

lundi 12 octobre 2009

Rosebud



Non pretendo di dire la parola

che scoccata dal cuore traversi
le dodici scuri forate
fino a forare il cuore del pretendente.
Io traccio il mio bersaglio
intorno all'oggetto colpito,
io non colgo nel segno ma segno
ciò che colgo, baro,
scelgo il mio centro dopo il tiro
e come con un'arma difettosa
di cui conosco ormai
lo scarto, adesso
miro alla mira.

Valerio Magrelli Poesie (1980-1992) (Nature e venature, In giro), ed. Einaudi