"Chi non legge, a 70 anni avrà vissuto una sola vita : la propria. Chi legge avrà vissuto 5000 anni : c'era quando Caino uccise Abele, quando Renzo sposò Lucia, quando Leopardi ammirava l'infinito... perché la lettura è un'immortalità all'indietro."
"Ceux qui ne lisent pas n'auront à 70 ans vécu qu'une seule vie : la leur. Ceux qui lisent auront vécu 5000 ans : ils étaient là quand Caïn a tué Abel, quand Renzo a épousé Lucia, quand Leopardi admirait l'infini... parce que la lecture est une immortalité à rebours."
Umberto Eco
L'hommage d'Emanuele à son grand-père Umberto Eco : « Cher grand-père, je voulais faire une liste de toutes les choses que nous avons faites ensemble pendant ces quinze années, puisque tu aimais beaucoup les listes ; mais cette liste-là aurait été trop longue et je n'aurais jamais eu le temps de la lire en entier. Toutefois, comme tu le sais très bien, on m'a souvent demandé quel effet ça faisait d'avoir un grand-père comme toi, et moi, pris de court, je n'ai jamais su répondre de façon satisfaisante à cette question. Je dois pourtant admettre que depuis que tu nous a quittés, j'ai commencé à y réfléchir. Depuis ma petite enfance, j'ai apprécié ton affection, ta générosité, mais surtout ta sagesse ; puis, en grandissant, j'ai profité de ton intelligence, de tes connaissances et de ton sens de l'humour jamais pris en défaut. Je veux te remercier pour toutes les histoires que tu m'as racontées, pour les mots croisés que nous avons faits ensemble, pour les livres que tu m'as offerts, pour la musique que tu m'as fait écouter, et pour tous les voyages que nous avons faits tous les deux, pour tout ce que tu m'as transmis et que moi, à mon tour, je dois transmettre à mon frère Pietro et à ma cousine Anita. Et donc, en revenant à la question que l'on m'a si souvent posée, je peux répondre que le fait de t'avoir comme grand-père m'a rempli de fierté. »
Une chanson de Remo Anzovino et Giuliano Sangiorgi, dédiée à P.P. Pasolini :
L'ALBA DEI TRAM
Case e periferia
fumo che non va via
copre ogni voglia che ho
di rialzarmi e andar giù.
Facce in attesa di un tram
lunghe
quanto la notte che ormai
non c’è più
son donne appese a finestre
le ombre che guardano in su,
l’alba è qui già da un po’
ma dove sei tu.
Là dove si sta
liberi di non aver paura,
di dir la verità,
di vivere la vita.
E tra queste strade bianche
un uomo, con parole stanche,
ammira, come fosse d’oro,
quest’alba che sa di nuovo.
Là dove si sta
liberi di non aver paura
di vivere la vita.
Come si fa,
liberi di non aver paura
di dir la verità,
di far la verità
per vivere la vita.
Di dir la verità
per vivere la vita.
Des maisons et une banlieue
de la fumée qui ne se dissipe pas
et recouvre chacune de mes envies
de me relever et de redescendre.
Des visages qui attendent un tram
longs
comme la nuit qui désormais
a disparu
ce sont des femmes accoudées à des fenêtres
ces ombres qui regardent en haut,
il y a un moment que l'aube s'est levé
mais toi, ou es tu ?
Là où l'on est libre de ne pas avoir peur
de dire la vérité,
de vivre sa vie.
Et dans ces rues blanches
un homme, avec des mots las,
admire, comme si c'était de l'or,
cette aube qui paraît nouvelle.
Là où l'on est
libre de ne pas avoir peur
de vivre sa vie.
Comme si c'était possible,
libres de ne pas avoir peur
de dire la vérité,
de faire la vérité
pour vivre sa vie.
De dire la vérité
pour vivre sa vie.
On entend cette chanson dans le générique d'un des plus beaux documentaires que l'on ait consacrés à Pasolini : Pasolini, maestro corsaro, d'Emanuela Audisio. On peut le voir sur le site du journal La Repubblica, pour quelques jours encore. Cliquez ici.
Ce texte, écrit par Pasolini lors du tournage de Mamma Roma (1962), a été publié dans Mamma Roma, di Pier Paolo Pasolini, éditions Rizzoli, 1962. Je cite ici la traduction qu'en a faite Stefano Bevacqua dans le numéro hors série des Cahiers du cinéma consacré à Pasolini (Pasolini cinéaste, avril 1981).
« Mon goût cinématographique n'est pas d'origine cinématographique, mais pictural. Les images, les champs visuels que j'ai dans la tête, ce sont les fresques de Masaccio, de Giotto – les peintres que j'aime le plus, avec certains maniéristes (comme, par exemple, Pontormo). Je n'arrive pas à concevoir des images, des paysages, des compositions de figures, en dehors de ma passion fondamentale pour cette peinture du Trecento, qui place l'homme au centre de toute perspective. Quand mes images, donc, sont en mouvement, elles sont en mouvement un peu comme si l'objectif se déplaçait devant un tableau : je conçois toujours le fond comme le fond d'un tableau, comme un décor, c'est pour cela que je l'attaque toujours de front. Et les figures se déplacent sur cette toile de fond de façon symétrique, à chaque fois que c'est possible : gros plan contre gros plan, panoramique-aller contre panoramique-retour, rythmes réguliers (ternaires, si possible) des plans, etc. Il n'y a presque jamais de montage gros plans / plans généraux.
Je cherche la plasticité, avant tout la plasticité de l'image, en suivant la voie jamais oubliée de Masaccio : son fier clair-obscur, son blanc et noir – ou bien, si vous voulez, en suivant la voie des Primitifs, en un curieux mélange de finesse et de grossièreté. Je ne peux pas être impressionniste. Ce que j'aime, c'est le fond, pas le paysage. On ne peut pas concevoir un retable avec les figures en mouvement. Je déteste le fait que les figures se déplacent. Et donc, aucun de mes cadrages ne peut commencer par le "champ", c'est à dire le paysage vide. Le personnage, même tout petit, sera toujours là. Tout petit pour un instant seulement, car je crie aussitôt au fidèle Delli Colli de mettre le "soixante-quinze", et ainsi j'arrive sur la figure : un visage en détail. Et derrière, le fond : le fond, pas le paysage. »
Naples. Je l'avais mal visitée, la première fois, en 1949. Je l'ai, cette fois-ci, parcourue de fond en comble, en autocar ou à pied : Pouzzoles et la Salfatare, les champs phlégréens, le Pausilippe (où j'aimerais bien pouvoir louer une des élégantes pent-houses), les étages supérieurs du Vomero et toute la zone intermédiaire entre le Vomero et le port, la «vraie» Naples, celle de Giuseppe Marotta, un superbe pullulement de vie. C'est ainsi que devait être, à Rome, le quartier de Suburre, les insulae insalubres, humides, odorantes, les myriades d'enfants, les matrones hurleuses, les filles qui roulent des hanches, les garçons qui les épient, l'œil sombre, une main sur l'aine ; misère pavoisée de linges séchant sur des cordes tendues, au-dessus de la rue, d'une fenêtre à l'autre, les éternelles lessives des pauvres ; un peuple qui ne parle pas, qui crie, à tue-tête, de haut en bas, de bas en haut, dans tous les sens, de l'aube à deux heures du matin, sans arrêt ; fortissimo vocal traversant les siècles, avec la mimique et la gesticulation appropriées, quasi rituelles, comme dans le théâtre antique ou les nô japonais – il y a le geste du défi, celui de la revendication, celui de la colère, du doute, du désir, du contentement, de la connivence, fixés par une immémoriale dramaturgie de la vie quotidienne ; et l'homme qui ne sait pas faire ces gestes est perdu, comme un sourd-muet qui n'aurait pas appris le langage des mains ; chaque foyer ouvert à deux battants, comme un théâtre ; et la pièce aux cent actes divers se passe dans une seule pièce-à-vivre, où l'on mange, où l'on dort, où l'on fait des enfants, où l'on meurt et on l'on prie, car il y a l'autel à la Madone et à saint Janvier, l'autel des dieux lares, où brûle une lampe ; dans chacun de ces foyers, une vieille femme impotente, assise tout le jour, la grand-mère, la matriarche, sur quoi les derniers-nés grimpent comme des crabes roses sur un rocher ; par un invraisemblable miracle de labeur toujours recommencé, de patience et de fierté, ces foyers, qui pourraient être sordides, sont propres : passants, vous pouvez regarder chez nous, tout est net, chaque chose est à sa place, nous sommes des gens bien. Et, par bonheur, le soleil pénètre quelquefois dans ces rues étroites, fait resplendir les innombrables draps de lit, brassières, torchons, soutien-gorges, caleçons, culottes, serviettes, nappes du petit autel, avive la belle lèpre jaune des façades, dore les fruits des étalages et les visages des enfants.
Alberto Cavallari (1927-1998) est un des plus célèbres journalistes italiens ; il a été notamment directeur du Corriere della sera et éditorialiste pour La Repubblica pendant les dernières années de sa vie. Il a surtout écrit des livres politiques, souvent liés à l'actualité, à l’exception d’un court récit (moins d’une centaine de pages) La fuga di Tolstoj, paru en 1986 chez Einaudi et réédité en 2013 aux éditions Skira (il est édité en France chez Christian Bourgois en 1989 : La fuite de Tolstoï). Dans cet ouvrage bref mais dense et prenant, Cavallari raconte la fuite de Léon Tolstoï qui, à 82 ans, dans la nuit du 27 au 28 octobre 1910, quitte sa demeure de Iasnaïa Poliana en se demandant où il pourrait aller pour être vraiment loin. Cavallari reconstitue avec minutie, grâce aux nombreux témoignages dont on peut disposer et en citant abondamment le journal intime et les lettres de Tolstoï, ces quatre jours de fuite, jusqu’au 31 octobre, quand Tolstoï s’arrête à la gare d’Astapovo où il mourra des suites d’une pneumonie, une semaine plus tard, le 7 novembre 1910.
Dans son récit, Cavallari ne consacre que quelques lignes à la longue agonie de Tolstoï ; ce qui l’intéresse est le thème de la fuite : fuite de la présence oppressante de sa femme Sofia et de leurs incessantes querelles, mais fuite aussi des habitudes, de la vieillesse et de la mort. L’écrivain célèbre, adulé, idolâtré même, refuse in extremis de coïncider avec sa propre statue ; dans un ultime (et un peu dérisoire) sursaut de révolte et de liberté, il cherche à retrouver son être propre et son humanité. Ce qui intéresse Cavallari, comme il le dit dans l’introduction de l’ouvrage, c’est non pas la façon dont Tolstoï est mort, mais la façon dont il a fui, à l'apogée de sa carrière d’écrivain et au soir de sa vie d’homme. La lecture de ce récit m’a aussi souvent rappelé – par le thème évoqué, les circonstances et les personnages n’ayant évidemment aucun rapport entre eux – le dernier roman de Renaud Camus, Loin, dont il a déjà été question ici.
Voici quelques extraits de ce très beau livre (dans tous les cas, il s’agit d’une traduction personnelle) :
«Mentre la carrozza si allontanava da Jasnaja Poljana la notte era ancora scura. C’era umidità, fango. Poi nei villaggi cominciarono a vedersi timide luci, si accendevano le stufe, il cielo si fece mattutino e grigio, dai comignoli salivano lentamente colonne di fumo. Mentre uscivano da uno dei villaggi si slegarono le redini di un cavallo, dovettero fermarsi, intanto dalle isbe cominciavano ad uscire i mugiki. Quando furono finalmente sulla strada, Tolstoj domandò : «Dove si potrebbe andare per essere lontani ?» Dusàn propose di recarsi in Bessarabia, da un operaio di Mosca che conosceva, Gurasov, che viveva là con la famiglia e lavorava la terra. Ma Tolstoj non rispose nulla. Durante i sei chilometri che separono Jasnaja Poljana dalla stazione ferroviaria di Jàsenki-Scokino, sulla linea Mosca-Kursk, Tolstoj restò muto. Il fango della strada era compatto, la carrozza correva verso la ferrovia più veloce, e intorno a questo vecchio che fuggiva da casa come fanno i ragazzi s’intrecciavano due temi centrali della sua vita di scrittore. La carrozza aveva sempre significato tarantass che corrono verso il sud, verso mete felici, come il Caucaso o Sebastopoli. La ferrovia era stata simbolo invece di viaggi drammatici, che covano oscuri drammi, come nel treno della Sonata a Kreutzer dove si racconta un delitto. Si capiva che la sua fuga mescolava entrambe le cose : il sogno di andare verso il sud, verso la giovinezza perduta, e il destino di trascinarsi dietro in un treno qualsiasi, raggiunto alla stazioncina della steppa, la Sonata a Kreutzer che stava vivendo, la tragedia dell’odio-amore coniugale che lo faceva fuggire senza sapere dove. Probabilmente avvertiva d’aver cominciato una fuga senza fine, e per questo taceva cupo, il pastrano col cappuccio che l’avvolgeva, il berretto calcato fino agli occhi, la grande barba bianca che gli cadeva sul petto.»
«Pendant que la voiture s’éloignait de Iasnaïa Poliana, il faisait encore nuit noire. Il y avait de l’humidité, de la boue. Puis on commença à apercevoir quelques lumières timides dans les villages, le ciel du petit matin vira au gris, des cheminées s’élevèrent lentement des colonnes de fumée. Alors qu’ils sortaient de l’un des villages, les rênes de l’un des chevaux se détachèrent, il leur fallut s’arrêter ; pendant ce temps, les moujiks commençaient à sortir des isbas. Quand ils furent à nouveau sur la route, Tolstoï demanda : «Où pourrait-on aller pour être vraiment loin ?» Dusan suggéra que l’on aille en Bessarabie, chez un ouvrier moscovite de sa connaissance, Gurasov, qui y vivait avec sa famille et travaillait la terre. Mais Tolstoï ne répondit rien. Pendant les six kilomètres qui séparent Iasnaïa Poliana de la gare de Iasenki-Scokino, sur la ligne Moscou-Kursk, Tolstoï resta muet. La boue sur la route était compacte, la voiture roulait plus rapidement en direction de la voie ferrée, et autour de ce vieil homme qui fuyait son foyer comme le font parfois les jeunes gens s’entrecroisaient deux thèmes centraux dans sa vie d’écrivain. La voiture avait toujours coïncidé avec des tarantass qui courent vers le sud, vers d’heureuses destinations, comme le Caucase ou Sébastopol. La voie ferrée était au contraire le symbole de voyages tragiques, à l’origine de sombres drames, comme le train de La Sonate à Kreutzer, où l’on raconte un crime. On comprenait que dans sa fuite deux choses se mêlaient : le rêve d’aller vers le sud, vers la jeunesse perdue, et la fatalité d’emporter avec soi dans un train quelconque, pris à la petite gare de la steppe, sa Sonate à Kreuzer personnelle, la tragédie d’amour et de haine conjugale qui le poussait à fuir il ne savait où. Il était probablement conscient de s’être lancé dans une fuite sans issue, et c’est pour cela qu’il était sombre et muet, emmitouflé dans son pardessus à capuche, la toque baissée jusqu’aux yeux, la grande barbe blanche qui lui tombait sur la poitrine.»
Ce deuxième extrait se situe quelques heures plus tard, dans le train qui conduit Tolstoï vers sa première destination : l’ermitage d’Optino.
«Stare nel vento sulla piattaforma del treno gli piaceva. Il treno non correva veloce, il vento veniva dalla pianura più che dalla corsa, c’era un gelo lieve. Intorno correva il paesaggio che conosceva bene, che aveva percorso persino a piedi, la luce del giorno era grigia ma coloriva lontane betulle, olmi, dove volavano i corvi. Così, gli piaceva questo vento che gli ridava la sensazione di fuggire davvero, come quando cavalcava «Délire», di correre lontana nella campagna, chissà dove nel mondo, chissà dove nella natura che amava. Ritrovò anzi nel vento il gusto della fuga che qualche ora prima era stato impetuoso, e poi s’era fatto incerto, favorevole a una fuga limitata. Non sapeva infatti dove fuggire, lo aveva spaventato essere fuggito, aveva scelto una fuga che lo portava vicino e non lontano. Ma forse perché nessuno posto lo interessava, adesso lo interessava correre via tra gli alberi, nel vento, oltre i fiumi, ovunque vi fossero boschi, cieli, orizzonti, solitudini. Probabilmente solo in questo vento si sentì felice come quando, dopo la cavalcata, viveva l’illusione di non essere vecchio. Non si mosse dalla piattaforma per tre quarti d’ora.»
«Il aimait rester dans le vent sur la plate-forme du train. Le train n’allait pas vite, le vent venait de la plaine plus que de la course, il faisait tout juste froid. Autour de lui défilait le paysage qu’il connaissait bien, qu’il avait même parcouru à pied, la lumière du jour était grise mais elle colorait au loin les bouleaux, les ormes, là où volaient les corbeaux. Oui, il aimait ce vent qui lui redonnait la sensation de fuir vraiment, comme quand il chevauchait «Délire», de courir très loin dans la campagne, n’importe où dans le monde, dans la nature qu’il aimait. Il retrouva même dans le vent le goût de la fugue qui, quelques heures auparavant, avait été si impérieux, puis s’était atténué, dans le sens d’une fuite plus limitée. En fait, il ne savait pas où fuir, il était effrayé de s’être enfui, il avait finalement fait le choix d’une fuite qui ne le conduirait pas trop loin. Mais peut-être parce qu’aucun endroit ne l’intéressait vraiment, il désirait maintenant courir au milieu des arbres, dans le vent, par delà les fleuves, partout où il y avait des bois, des ciels, des horizons, des solitudes. Ce n’est probablement que dans ce vent qu’il s’est senti heureux, comme quand, après ses chevauchées, il avait l’illusion de ne pas être vieux. Pendant trois quarts d’heure, il ne bougea pas de la plate-forme.»
Ce troisième extrait se situe à la fin de l’ouvrage, il résume les sept dernières journées de la vie de Tolstoï, à la gare d’Astapovo.
«Giorni e notti erano treni che passavano, carrozze a cavalli che iniziavano la corsa dove i treni si fermavano, il tempo era solo un paesaggio in movimento, alberi, cieli, neve, campi, che correvano via. Soltanto l’interessava la continuazione della sua fuga, ormai diventata diversa, non più solo allontanamento furtivo e precipitoso dagli altri e da se stessi, ma viaggio senza fine, corsa libera nel mondo, avventura di Ulisse che non cessa, che nessuno vorrebbe cessata malgrado la vecchiaia e la morte.
Per sette giorni delirò, si svegliò, spedì telegrammi, diede ordini, si commosse, svenne, riprese conoscenza, delirò ancora, soffrì ciò che si soffre morendo. Ma fino all’ultimo sentì nella stanza della sua stazione il ticchettio del telegrafo, il rumore secco degli scambi, il passaggio dei treni in corsa verso il sud, ora nella luce invernale del giorno, ora nel nevischio della notte. In un telegramma scrisse : "Proseguiamo". Più volte mormorò questa frase : "Andrò in qualche posto, che nessuno me lo impedisca, lasciatemi in pace". Una notte, improvvisamente, si sollevò sul letto. "Scappare, – disse, – bisogna scappare"».
«Tous les jours et toutes les nuits, des trains passaient, des voitures à chevaux qui prenaient le relais là où les trains s’arrêtaient, le temps n’était qu’un paysage en mouvement : arbres, ciels, neige, champs, emportés dans la même course. La seule chose qui l'intéressait était la poursuite de sa fuite, désormais différente dans sa forme : il ne s’agissait plus d’un éloignement furtif et précipité des autres et de soi-même, mais d’un voyage sans fin, une course libre dans le monde, l’aventure perpétuelle d’Ulysse, que l’on ne voudrait jamais voir s’interrompre, malgré la vieillesse et la mort.
Pendant sept jours, il délira, se réveilla, expédia des télégrammes, donna des ordres, il céda à l’émotion, s’évanouit, reprit connaissance, délira de nouveau, souffrit ce que l’on souffre quand on va mourir. Mais jusqu’à la fin, il entendit dans la chambre de la gare le cliquetis du télégraphe, le bruit sec des changements de voie, le passage des trains en route vers le sud, dans la lumière hivernale du jour ou dans le grésil nocturne. Il écrivit dans un télégramme : "Continuons !". Il murmura plusieurs fois cette phrase : "J’irai quelque part, que personne ne m’en empêche, laissez-moi en paix !". Brusquement, une nuit, il se dressa sur son lit : "Fuir, dit-il, il faut fuir !"»
La fuite de Tolstoï vient d'être réédité chez Christian Bourgois, dans la collection Titres (traduction de Jean-Paul Manganaro et Camille Dumoulié). L'édition italienne est hélas, indisponible en librairie ; elle n'est pour l'instant pas rééditée.
"Einsam steigt er dahin, in die Berge des Ur-Leids.
Und nicht einmal sein Schritt klingt aus dem tonlosen Los."
"Solo, inizia a salire i monti del primigenio dolore. E neppure il suo passo, per la sorte muta, risuona."
Ad illustrare
quale impresa disperata fosse une fuga, ma non solo a questo scopo, ricorderò
qui l’impresa di Mala Zimetbaum ; vorrei infatti che ne rimanesse memoria.
L’evasione di Mala dal Lager femminile di Auschwitz-Birkenau è stata narrata da
più persone, ma i particolari concordano. Mala era una giovane ebrea polacca
che era stata catturata in Belgio e che parlava correntemente molte lingue,
perciò a Birkenau fungeva da interprete e da portaordini, e come tale godeva di
una certa libertà di spostamento. Era generosa e coraggiosa ; aveva aiutato
molte compagne, ed era amata di tutte. Nell’estate del 1944 decise di evadere
con Edek, un prigioniero politico polacco. Non volevano soltanto riconquistarsi
la libertà : intendevano documentare al mondo il massacro quotidiano di
Birkenau. Riuscirono a corrompere una SS ed a procurarsi due uniformi. Uscirono
travestiti e giunsero fino al confine slovacco ; qui vennero fermati dai
doganieri, che sospettarono di trovarsi davanti a due disertori e li
consegnarono alla polizia. Vennero immediatamente riconosciuti e riportati a
Birkenau. Edek venne impiccato subito, ma non volle attendere che, secondo
l’accanito ceremoniale del luogo, venisse letta la sentenza : infilò il capo
nel cappio scorsoio e si lasciò cadere dallo sgabello.
Anche Mala aveva
risoluto di morire la sua propria morte. Mentre in una cella attendeva di
essere interrogata, una compagna poté avvicinarla e le chiese «Come va, Mala ?»
Rispose : «A me va sempre bene.» Era riuscita a nascondersi addosso una lametta
da rasoio. Ai piedi della forca si recise l’arteria di un polso. L’SS che
fungeva da boia cercò di strapparle la lama, e Mala, davanti a tutte le donne
del campo, gli sbatté sul viso la mano insanguinata. Subito accorsero altri
militi, inferociti : una prigioniera, un’ebrea, una donna, aveva osato sfidarli
! La calpestarono a morte ; spirò, per sua fortuna, sul carro che la portava al
crematorio.
Primo LeviI sommersi e i salvati Ed. Einaudi, 1986
Pour montrer à quel point toute évasion constituait une entreprise
désespérée, mais pas seulement pour cette raison, je rappellerai ici l’aventure
de Mala Zimetbaum ; je voudrais en effet qu’on en conserve la mémoire.
L’évasion de Mala du camp de femmes d’Auschwitz-Birkenau a été racontée par
plusieurs personnes, mais tous les détails concordent. Mala était une jeune
juive polonaise qui avait été arrêtée en Belgique et qui parlait couramment
plusieurs langues ; c’est la raison pour laquelle elle exerçait les
fonctions d’interprète et de messagère, et bénéficiait pour cette raison d’une
certaine liberté de déplacement. Elle était généreuse et courageuse ; elle
avait aidé de nombreuses camarades, et toutes l’aimaient. Pendant l’été 1944,
elle décida de s’évader avec Edek, un prisonnier politique polonais. Ils ne
voulaient pas uniquement retrouver leur liberté : ils avaient l’intention
d’informer le monde sur le massacre quotidien qui avait lieu à Birkenau. Ils
réussirent à corrompre un SS et à se procurer deux uniformes. Ils sortirent du camp
grâce à leurs déguisements et parvinrent jusqu’à la frontière slovaque ; là,
ils furent arrêtés par des douaniers, qui, convaincus d’avoir affaire à deux
déserteurs, les livrèrent à la police. Ils furent aussitôt reconnus et
ramenés à Birkenau. Edek fut pendu sur le champ, mais il ne voulut pas attendre
qu’on lui lise la sentence, comme le prévoyait l’impitoyable cérémonial du lieu
: il passa la tête dans le nœud coulant et repoussa l'escabeau.
Mala avait elle aussi résolu de mourir de sa propre mort. Alors
qu’elle attendait d’être interrogée dans une cellule, l’une de ses camarades
put l’approcher et lui demanda : «Comment vas-tu, Mala ?» Elle lui
répondit : «Moi, je vais toujours bien.» Elle avait réussi à cacher sur
elle une lame de rasoir. Au pied de la potence, elle se trancha l’artère du poignet.
Le SS qui faisait office de bourreau tenta de lui arracher la lame, et Mala,
devant toutes les femmes du camp, le frappa au visage avec sa main
ensanglantée. D’autres gardes accoururent aussitôt, furieux : une détenue,
une juive, une femme avait osé les défier ! Ils la rouèrent de
coups ; par chance, elle mourut sur le chariot qui la conduisait au four
crématoire.
Primo LeviLes naufragés et les rescapés (Traduction personnelle)
Traduction française de l'exergue (R M Rilke, Dixième élégie de Duino) : "Seul il s'éloigne vers les monts de la Douleur première. / Et son pas même, dans le sort insonore, n'est plus ouï." (Traduction de Philippe Jaccottet)
Ce blog prend en ce début d’année des allures de bulletin nécrologique, mais j’aimais beaucoup Edmonde Charles-Roux et je voulais saluer sa mémoire. Sa vie a été extraordinaire, dès son enfance passée dans plusieurs pays d’Europe (principalement les pays de l'Est et l'Italie), au gré des postes de son père ambassadeur. À vingt ans, pendant la guerre, elle devient infirmière volontaire dans la Légion et résistante ; elle sera blessée, recevra la Croix de guerre et était très fière de son titre de Caporal d’honneur de la Légion étrangère.
En 1954, elle devient rédactrice en chef de Vogue, et dix ans plus tard, elle écrit son premier roman Oublier Palerme, qui recevra le prix Goncourt. L’Italie a toujours été très présente dans sa vie et dans son œuvre, et en particulier la Sicile : celle de la mafia dans Oublier Palerme et, quelques années plus tard, celle du duc Fulco di Verdura, le cousin de l’auteur du Guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, dont elle adapte les souvenirs dans Une enfance sicilienne. Edmonde était à l’aise dans tous les milieux : parmi les soldats de la Légion, sur la Canebière et les quais du Vieux-Port de Marseille (on se souvient qu’elle fut l’épouse de Gaston Defferre, auquel elle a consacré un ouvrage illustré, L’Homme de Marseille), dans les salons du Château Pastré ou chez Drouant avec ses collègues de l’Académie Goncourt, dont elle fut la présidente. Elle connaissait mille anecdotes sur Chanel (elle a été sa biographe dans L’Irrégulière), Isabelle Eberhardt (qu’elle raconte dans les mille pages de sa biographie Isabelle du désert), Elsa et Aragon, Derain, Violette Leduc, Jean Genet, l'étonnante comtesse Pastré, mécène du festival d’Aix-en-Provence (Edmonde a participé à sa fondation au côté de Gabriel Dussurget), Louise de Vilmorin, Malraux, Morand, Orson Welles, Mitterrand, Saint-Laurent et tant d’autres...
Je cite ici deux extraits d’un beau portrait qu’a fait d’elle son ami et collègue de l’Académie Goncourt François Nourissier dans son ouvrage de souvenirs À défaut de génie :
« Il arrive à Edmonde d’être noire, inquiète, inquiétante. Tout son visage se plisse alors en étoile autour de l’entre-deux-yeux. Son regard devient absent et froid. J’ai peur d’elle dans ces instants-là, et des coups qu’elle peut porter. Peut-être l’amitié ne doit-elle pas éliminer tout danger de la relation qu’elle nourrit : elle s’affadirait, à devenir tout à fait inoffensive. Ce masque de toutes les méfiances et menaces, c’est souvent l’âge qui nous le sculpte. Aux femmes surtout. Tout se passe comme si, voyant ses traits s’installer dans cette expression nouvelle, chacun s’employait à la justifier de l’intérieur. Edmonde a échappé à cette fatalité parce que sa vraie nature la pousse à rire et à séduire. À rire pour séduire. Il faut l’avoir vue arriver, en Provence où elle est le mieux elle-même, à un dîner. Son œil brille du plaisir qu’elle se promet de la soirée, mais dans le même temps il voit tout, il a tout vu. Le cyprès crépu, le gravier tueur de chaussures. Edmonde est la grâce même, et la curiosité, et la mémoire : épisodes familiaux et professionnels n’ont pas de secret pour elle. Elle boit un doigt d’alcool. Mais déjà elle prépare son terrain, savoure l’histoire qu’elle va conter. Un écho d’accent nuance sa voix, pimente le récit qui commence. Commence-t-il ? Non, Edmonde attend encore, guette l’attention et ne se décide qu’à coup sûr à débobiner le fil de la conversation. Elle se sait le charme même et en use. Elle pourrait avoir appris autrefois dans le salon bleu de Verrières ce savoir-faire, ce savoir-dire. Elle y a ajouté de la candeur. Elle n’a pas l’air de vouloir briller, elle est naturelle. J’ai observé Louise de Vilmorin dans ses entreprises ; il y avait dans son art un peu trop de tout : originalité, accent, trouvailles, tournures presque paysannes, c’est-à-dire très château, les doses étaient toujours forcées. En elle, l’âpreté tournait au pathétique. Edmonde, au contraire, desserre les doigts, garde la main légère. Quand elle s’installe dans la royauté éphémère d’un soir d’été, elle est irrésistible. (...)
Lodens à mantelet, gilets autrichiens, requimpette rouge : Edmonde se donne de plus en plus volontiers l’élégance un peu forestière d’une comtesse austro-hongroise. Elle est, à d’autres heures, fidèle aux tailleurs des dernières années Chanel, qu’elle porte, sans le dire, comme des reliques. Elle est opiniâtre, dure à la fatigue, respectueuse des usages qu’elle transgresse ou qu’elle a, autrefois, transgressés. Rien de plus étranger à Edmonde que le fameux incipit de La Fêlure [de Francis Scott Fitzgerald] : "Bien entendu, toute vie est un processus de démolition." Sa vie à elle me paraît avoir été une construction constante, acharnée. Il est rare — on le sait à nos âges — que les vies bonifient. Elles s’appauvrissent, se dessèchent. On doit en détourner ses regards. Rien de tel chez Edmonde : elle n’a jamais cessé, changeant parfois ses prises, son itinéraire, de poursuivre l’ascension entreprise. Elle reprend souffle aux replats, fait de l’œil son chemin, prépare sa voie avec une prudence extrême, puis, l’instant venu, s’élance. Sa vigilance ne se relâche jamais. Si elle commet une erreur de parcours ou de jugement, ce ne sera jamais par négligence. Elle est avisée : elle peut être imprudente. Installée au sommet d’une réussite multiforme, singulière, elle n’en demeure pas moins vulnérable, traversée de doutes. Toute de détermination et de force, elle reste fragile. Subversive, mais fragile. »
François NourissierÀ défaut de génie, Gallimard, 2000
Je ne sais pas si le quartier de Londres que je préfère n'est pas Earl's Court, où j'ai tant de souvenirs. Pris un verre, au soleil, à Gordon Place, l'endroit où j'aimerais habiter : cet étroit cul-de-sac, bordé de petites maisons, devant lesquelles les jardinets disparaissent sous les glycines, les cytises, les clématites. Vraiment le lieu le plus intime de Londres. Je crois qu'y habitent Peter Brook et Kathleen Coburn, la grande spécialiste de Coleridge. Tant dans Kensington High Street que dans King's Road, d'innombrables boutiques se sont ouvertes, supplantant antiquaires et libraires, sur le même modèle que celles de Carnaby Street ! On y vend à souhait jeans délavés, colliers et flacons de patchouli, bottes et chaussures argentées, bleu pétrole, rouge brique, à talons très hauts, chemises cintrées made in India. Les garçons portent des boucles d'oreilles. L'idole est David Bowie, dont certaines chansons m'obsèdent : Lady grinning soul, Time, Soul love. Cette transformation des boutiques est bien regrettable.
Bernard Delvaille Journal 1963-1977 La Table Ronde, 2001
Écarlates dans le sorbet napolitain du soir les réverbères balaient les pivoines trop lourdes Soudain une robe obsolète tourne au ruisseau qui fleure le curry Botté de requin blanc émerge David Bowie qui chante Lady grinning soul
Bernard DelvailleFaits divers (in Oeuvre poétique, La Table Ronde, 2006)
Le livre d’Antonio Prete, Trenta gradi all’ombra(Trente degrés à l’ombre) est composé de trente «mouvements narratifs» de longueur variable ; il s’agit de variations philosophiques, scientifiques ou poétiques sur un même thème : l’ombre. On y évoque, entre autre, l’origine de la peinture (Il disegno), le mythe platonicien de la Caverne, la peur atavique de perdre son ombre (Favola d’ombra), le rôle de l’ombre dans les éclipses lunaires ou solaires (Eclisse a Porto Badisco), la légende d’Amour et Psyché, celle d’Orphée et Eurydice. On y voit aussi, à la manière de certains dialogues léopardiens, l’ombre deviser avec la lumière... Le passage que l’on va lire ici est extrait de l’épilogue de l’ouvrage :
In un paese di luce è dall’ombra che si scorge il mondo. Dall’ombra si vedono guizzare le faville di luce nella chioma degli ulivi. Dall’ombra si osserva il cielo che lungo il giorno svaria di profondità e di umore e dialoga con il mare in una lingua di lampi e di riflessi.
(...)
Per anni il senso della quiete, della saggezza nella quiete, mi veniva da un vecchio contadino che nell’ombra fumava la sua pipa appoggiato al tronco di un alto pino solitario : intorno ai bagliori del meriggio. Sapevo che dalla crudeltà del mondo anche in lui erano venute molte ferite. Ma quella sospensione, per un poco era in accordo con il canto degli uccelli che esplodeva nella chioma dell’albero.
Osservare il mare, le sue scaglie di luce e le gradazioni del suo verde e del suo blu, dall’ombra di un cespuglio, dove la macchia di lentisco e di mirto è più folta ma già cede alla sabbia delle dune : di qua il profumo di una terra aspra e pietrosa, di là il suono dello sconfinato, il rumore della lontananza. Lu rusciu ti lu mare, il suono del mare, è voce che poi ti accompagna. Anche nell’atonia, o nel deserto del sentire.
Su un porticciolo la luce del giorno si ritrae, indugiando sulle alberature, e lasciando che il popolo delle ombre conquisti la riva, il molo, gli scafi, la superficie dell’acqua : via via che l’oscuro sale a impastare l’aria e aspegnere i fuochi, il passaggio della luce nella zona d’ombra del già stato inaugura la forma del ricordo, della presenza nel ricordo. Una presenza dolce nel cuore della sera.
In un paese di luce è dall’ombra che si scorge il mondo.
Antonio PreteTrenta gradi all'ombra, ed. nottetempo, 2004
Dans un pays de lumière, c’est à partir de l’ombre que l’on découvre le monde. Depuis l’ombre, on voit les étincelles de lumière jouer dans le feuillage des oliviers. Depuis l’ombre, on voit le ciel changer d’humeur et de profondeur au fil de la journée, et dialoguer avec la mer dans une langue faite d’éclats et de reflets.
(...)
Pendant des années, l’exemple de la quiétude, de la sagesse dans la quiétude, me venait d’un vieux paysan qui à l’ombre fumait sa pipe, appuyé au tronc d’un grand pin solitaire : tout autour, les lueurs du soleil de midi. Je savais qu'en lui aussi, la cruauté du monde avait été la cause de nombreuses blessures. Mais cette suspension, l’espace d’un instant, était en accord avec le chant éclatant des oiseaux dans le feuillage de l’arbre.
Observer la mer, ses éclats de lumière et les nuances de vert et d’azur, depuis l’ombre d’un buisson, où le maquis de lentisque et de myrte est plus dru mais cède déjà devant le sable des dunes : d’un côté, le parfum d’une terre âpre et pierreuse ; de l’autre, le son de l’immensité, le bruit du lointain. Le murmure de la mer, le bruit de la mer, c’est une voix qui ne cesse de t’accompagner. Même dans l’atonie, ou le désert des sens.
Sur un petit port, la lumière du jour se retire, s’attardant sur les mâts, et laissant le peuple des ombres conquérir le rivage, la jetée, les barques, la surface de l’eau : au fur et à mesure que l’ombre gagne, pétrissant l’air et éteignant les feux, le passage de la lumière dans la zone d’ombre de ce qui a déjà été inaugure la forme du souvenir, de la présence dans le souvenir. Une douce présence au cœur du soir.
Dans un pays de lumière, c’est à partir de l’ombre que l’on découvre le monde.