La nuit se passa pour moi dans un demi-rêve. Je ne m’éveillai tout à fait qu’au petit matin, quand je sentis crisser le gravier d’une allée sous les roues brusquement arrêtées. Je m’étirai en mettant pied à terre. Un frais brouillard baignait autour de moi quelques arbres, des tables et des bancs. Ambrucci, de l’autre côté, secouait une porte, frappait à des vitres. Il revint au bout d’un instant et m’annonça d’un ton joyeux :
— Gino va nous apporter du café.
Et tandis qu’un léger branle-bas donnait du fond de la maison fermée le premier signe du réveil, je m’orientai dans le jardin engourdi. En face de la bâtisse s’élevait à hauteur d’appui une balustrade en briques blanchâtres. Je m’en approchai, guidé par Ambrucci qui m’avait pris le bras comme pour me faire les honneurs de la propriété. C’était encore une sorte d’hôtellerie rustique, mais aménagée avec un soin raffiné. Je compris qu’Ambrucci renversait les rôles et me rendait à son tour les devoirs de l’hospitalité, quand il m’invita à me débarbouiller dans l’eau glacée dont un dauphin de marbre emplissait une vasque débordante. Lorsque nous fûmes séchés, m’accoudant à la balustrade, je me penchai machinalement vers le gouffre blanc et or qui s’étendait à nos pieds. Dans les déchirures du brouillard, je distinguai de lointaines ondulations du terrain, couvertes d’une végétation rousse et pelée. Sur la droite s’allongeait une série de maisons modernes aux arêtes vives, semblables à des morceaux de sucre. Les oiseaux se taisaient dans l’attente du soleil qui posait çà et là ses premières touches lumineuses.
Le nommé Gino ouvrit sa porte et nous cria que le café était prêt. Avant de lui obéir, je m’informai :
Le nommé Gino ouvrit sa porte et nous cria que le café était prêt. Avant de lui obéir, je m’informai :
— Mais où sommes-nous ?
— Sur le Monte Mario, répondit Ambrucci qui s’éloignait déjà.
— Et qu’est-ce que c'est que ce patelin qu’on aperçoit dans le fond ?
Il s’arrêta et, très grand seigneur, avec un geste de présentation, déclara :
— C’est Rome.
— C’est Rome.
Images : en haut, Fabrizio Magrini (Site Flickr)
au centre, Cristiano Marchese (Site Flickr)
en bas, Site Flickr
"...je me penchai machinalement vers le gouffre blanc et or qui s’étendait à nos pieds..."
RépondreSupprimerCe poudroiement d'or dans une aquarelle de W.Turner :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:J.M.W._Turner,_Rome_from_Monte_Mario,_1820,_watercolor.jpg
Merci pour ce livre d'Alexis Curvers
Comment avoir accès au premier billet "Tempo di Roma" (1) ?
RépondreSupprimerEn fait, c'est une erreur, j'étais persuadé que j'avais déjà intitulé un des billets de ce blog "Tempo di Roma", mais non, celui-ci est bien le premier !
SupprimerTrès beau le Turner "Rome depuis le Monte Mario" ; je crois bien l'avoir vu l'été dernier dans l'exposition aixoise sur "Turner et la couleur", mais je n'en suis pas sûr... Merci pour la référence que j'ai mise en lien dans le texte de Curvers.
Oh, il est superbe en pleine page dans le lien.
SupprimerLe (2) m'avait troublée, donc je cherchais le (1)...
Finalement, je n'avais pas rêvé, il y avait bien un premier Tempo di Roma !
SupprimerIl était centré sur les souvenirs de Nanni Moretti. Je n'avais pas fait le lien avec le roman d'Alexis Curvers, même si la belle ville de Rome est traversée sur sa vespa !
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