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jeudi 28 février 2013

Abdicação (Abdication)




Abdicação

Toma-me, ó noite eterna, nos teus braços
E chama-me teu filho.
Eu sou um rei
que voluntariamente abandonei
O meu trono de sonhos e cansaços.

Minha espada, pesada a braços lassos,
Em mão viris e calmas entreguei;
E meu cetro e coroa — eu os deixei
Na antecâmara, feitos em pedaços

Minha cota de malha, tão inútil,
Minhas esporas de um tinir tão fútil,
Deixei-as pela fria escadaria.

Despi a realeza, corpo e alma,
E regressei à noite antiga e calma
Como a paisagem ao morrer do dia. 

Fernando Pessoa  Cancioneiro

 




Abdicazione

Prendimi fra le braccia, notte eterna,
e chiamami tuo figlio.
Io sono un re
che volontariamente ha abbandonato
il proprio trono di sogni e di stanchezze.

La spada mia, pesante in braccia stanche,
l'ho confidata a mani più virili e calme;
lo scettro e la corona li ho lasciati
nell'anticamera, rotti in mille pezzi.

La mia cotta di ferro, così inutile,
e gli speroni, dal futile tinnire,
li ho abbandonati sul gelido scalone.

La regalità ho smesso, anima e corpo,
per ritornare a notte antica e calma,
come il paesaggio, quando il giorno muore.

Traduzione : Maria José de Lancastre e Antonio Tabucchi


Abdication

Prends-moi dans tes bras, nuit éternelle,
et appelle-moi ton fils.
Je suis un roi
qui volontairement a abandonné
son trône de songes et de lassitudes.

Mon épée, trop lourde pour mes bras fatigués,
je l'ai confiée à des mains plus fortes et plus calmes ;
le sceptre et la couronne, je les ai laissés
dans l'antichambre, brisés en mille morceaux.

Ma cotte de mailles, si inutile,
et mes éperons au tintement futile,
je les ai abandonnés sur le froid escalier.

J'ai quitté la majesté, corps et âme,
pour retourner à la nuit antique et calme,
comme le paysage, quand meurt le jour.

(Traduction personnelle)






Images : en haut, Site Flickr

au centre, Miguel Angel Sanchez-Ballesteros  (Site Flickr)

en bas, Alessandra  (Site Flickr)


lundi 25 février 2013

Le Diable, probablement










Vendredi 5 juin, 10 : 17. « Qu'est-ce que tu fais ? me demande Flatters au téléphone.
– Oh, j'ai lu Borges, je me préparais à entendre le concerto pour violoncelle de Schnittke, mais j'ai entraperçu Marc Porel à la télévision, alors je regarde Big Guns, un vieux film de gangsters italien...
– Et voilà : le diable, ce vieux pro... »

Renaud Camus Le Château de Seix, Journal 1992, P.O.L, 1997













 


Source des vidéos : Site YouTube



vendredi 22 février 2013

L'Étranger




Ce ton fier qu'ils prennent, si souvent, pour vous informer qu'ils ne lisent «jamais de livres» ! Il peut très bien s'agir d'«intellectuels», d'ailleurs. Mais il est bien inutile, la plupart du temps, qu'ils nous préviennent. Nous aurions eu tôt fait de nous aviser par nous-mêmes de ce qu'ils nous révèlent avec tant de satisfaction : car entre les lecteurs de livres et le reste du monde, la différence est bien loin de se limiter à ce seul point, qui n'est en général que l'indice, ou peut-être la cause, de bien d'autres antinomies. La disparité, quoiqu'elle soit bel et bien culturelle, ne relève pas forcément d'une inégalité de culture, car on peut être très savant, de nos jours, sans jamais lire de livres, de livres «littéraires», en tout cas, disons pour simplifier de littérature. En revanche, fréquenter ou non la littérature, ce sont, pour ainsi dire, deux manières d'être au monde, et de le voir. Le sens n'a pas le même sens, dans les deux cas, ni surtout la même consistance. Et si la remarque est vraie pour les individus, elle l'est bien davantage à propos des sociétés. Pour la première fois depuis plusieurs siècles, nous ne vivons plus dans une civilisation littéraire, c'est-à-dire dont la référence essentielle, quant au langage, quant aux manières, quant aux valeurs, soit la littérature. Sans doute est-ce la raison pour laquelle ceux d'entre nous qui restent fidèles au livre se trouvent si mal à leur aise parmi leurs contemporains. La courtoisie, par exemple, avec l'abstraction qu'elle suppose, la médiateté de sens qu'elle implique, la conscience qu'elle exige du caractère de rôle dont se parent, dans les rapports qu'elle instaure, aussi bien le je que le vous, la courtoisie ne peut plus avoir cours, dans un monde que la littérature cesse d'enseigner ; les relations sociales y obéissent à d'autres codes, presque aussi complexes, à la vérité, mais qui ne sont pas perçus par leur usagers comme des codes : la sincérité, l'authenticité, le naturel, le «sympa». L'homme qui lit des livres ne peut que s'y sentir étranger

Renaud Camus  Esthétique de la solitude, Editions P.OL, 1990








Images : Renaud Camus  (Site Flickr)



samedi 16 février 2013

Mitografie del tramonto




Il tramonto è la festa dell'orizzonte. La linea delle colline mescola il suo azzurro – l'azzurro della lontananza – con il ventaglio dei colori. È un incendio.


La linea che unisce il mare con il cielo trema nell'attesa di accogliere il disco infuocato. Laggiù, dove la distesa degli ulivi scende verso il mare, la luce scoppia d'arancione.

Eppure, nel tripudio della luce, c'è l'annuncio dello spengimento. Da qui la malinconia che trascorre nella poesia del tramonto. Nel folto dei pensieri si fa largo il «disio», quella condizione dell'animo evocata da Dante ad apertura del canto ottavo del Purgatorio. Il tramonto è l'ora in cui l'esiliato è visitato dalla nostalgia. E in Dante l'esilio dalla terra si congiunge, modulando il ricordo e l'attesa, con l'esilio dalla patria celeste.

Nell'ora del tramonto la sospensione mostra il suo patto con il fuggitivo, con l'apparenza, con l'essere esposti all'imprevidibilità del cammino. «Temp'era già che l'aere s'annerava» : ma c'è ancora, nella valletta dei principi, il barlume che permette l'incontro e il riconoscimento delle anime gentili.

Antonio Prete Trattato della lontananza, ed. Bollatti Boringhieri, 2008






Mythographies du soleil couchant

Le coucher du soleil est la fête de l'horizon. La ligne des collines mêle son azur – l'azur de l'éloignement – à l'éventail des couleurs. C'est un embrasement.


La ligne qui unit la mer et le ciel tremble dans l'attente du disque de feu. Là bas, où l'étendue des oliviers descend vers la mer, la lumière orangée éclate.

Et pourtant, dans cette fête de la lumière réside aussi l'annonce de son extinction. C'est de là que vient la mélancolie, si présente dans la poésie du crépuscule. Au cœur des pensées s'impose le «désir», cette disposition de l'âme évoquée par Dante au début du huitième chant du Purgatoire. Le coucher du soleil est le moment où la nostalgie s'empare de l'exilé. Et chez Dante, l'exil de la terre, dans sa modulation du souvenir et de l'attente, rejoint l'exil de la patrie céleste.

Dans l'heure du crépuscule, la suspension manifeste son alliance avec la fugacité, avec l'apparence, avec l'exposition à l'imprévisibilité du chemin. «C'était le temps déjà où l'air s'obscurcissait» : mais il y a encore, dans la vallée des princes, la lueur qui permet aux âmes nobles de se rencontrer et de se reconnaître.

(Traduction personnelle)









Images : Renaud Camus (Source)





jeudi 14 février 2013

L'addio (3)





"
Le rose del volto già sono pallenti..."






L'addio è appropriato al melodramma. Nell'opera il momento dell'addio è spesso impetuoso, caldissimo, e dice in quell'oltrelingua che è la musica lo strazio della separazione, ma anche lo spaventoso stupore per la fine dell'amore, o per la fine della vita, che è la stessa cosa dell'amore. Il teatro delle passioni è sostanza dell'opera, fondamento della scrittura scenica e musicale. E la figura dell'addio, in questo teatro, ha raccolto spesso il grido del personaggio congiunto con l'impotenza dinanzi al disegno del destino. Un solo esempio, tra i tanti possibili, e bellissimi. Quando Violetta nella Traviata canta «Addio del passato bei sogni ridenti» la musica fa della voce, insieme tremante e forte, il tempo-spazio in cui le cose finite tornano, e tornano insieme col senso della loro sparizione. L'addio diventa il grido dolente e insieme impotente dinanzi all'irreversibilità del tempo, e nel suo impeto dolce, nella bellezza dell'onda melodica, quel grido sembra raccogliere quello che la lingua non può dire se non svilendo e impoverendo. Quel che è perduto e che sta per dissolversi è richiamato per un istante a una sua presenza e, nello stesso tempo, nominato con la carezza e l'abbraccio della lontananza già insinuatasi nei pensieri, nel corpo, nella voce. Il sogno dell'altrove che da quel momento unisce nel famoso duetto Violetta e Alfredo («Parigi, o caro noi lasceremo») ha già in sé l'ombra densa e irremediabile della fine : amore e morte sono, insieme, già nel cuore di ogni nota, di ogni vocale del canto.


Antonio Prete Trattato della Lontananza, ed. Bollati Boringhieri, 2008






L'adieu est approprié au mélodrame. À l'opéra, le moment de l'adieu est souvent impétueux, brûlant, et il dit dans cette outre-langue qu'est la musique le déchirement de la séparation, mais aussi la terrible stupeur devant la fin de l'amour, ou de la vie, qui est la même chose que l'amour. Le théâtre des passions est la substance même de l'opéra, le fondement de l'écriture scénique et musicale. Et la figure de l'adieu, dans ce théâtre, a souvent réuni le cri du personnage et son impuissance face aux menées du destin. Un seul exemple, parmi tant d'autres tous très beaux : quand Violetta dans la Traviata chante «Adieu, beaux rêves souriants du passé», la musique fait de la voix, à la fois tremblante et forte, le temps-espace dans lequel les choses du passé reviennent, et reviennent en même temps que le sens de leur disparition. L'adieu devient le cri douloureux et impuissant face à l'irréversibilité du temps, et dans son doux élan, dans la beauté du flot de la mélodie, ce cri semble exprimer ce que le langage ne peut pas dire sans l'avilir et l'appauvrir. Ce qui est perdu et qui va se dissoudre est ramené pour un instant à l'existence et, dans le même temps, nommé avec la caresse et l'étreinte de l'éloignement qui s'est déjà insinué dans les pensées, le corps, la voix. Le rêve de l'ailleurs qui à partir de ce moment-là unit Violetta et Alfredo dans leur célèbre duo («Nous quitterons Paris, ô mon bien-aimé») a déjà en lui l'ombre dense et irrémédiable de la fin : l'amour et la mort sont déjà, ensemble, dans le coeur de chaque note, dans chacune des voyelles du chant.

(Traduction personnelle)






 


Parigi, o caro noi lasceremo...

Image
: Site Flickr

Source de la video
: Site YouTube.

lundi 11 février 2013

Un incontro (Une rencontre)




Un nouvel extrait du Diario (Journal) de Piero Santi, où il est question d'une rencontre nocturne avec un "Lacombe Lucien" transalpin :

[10 DICEMBRE 1944 (DOMENICA)] Una sera, stavo seduto su una panchina di Piazza Santa Maria Novella aspettando l’ora di andare a letto. Ero solo e in un triste stato d’animo. Di fronte a me un gruppo di gente, indistinto nell’oscurità, attendeva gli ultimi tram. Ad un tratto qualcuno si stacca dal gruppo e siede accanto a me : riconosco, alla divisa, un milite della "Muti". Era molto giovane, il basco lasciava scoperta gran parte della testa, gli occhi erano incavati, come quelli di molti ragazzi fiorentini. Io stavo fumando, dietro a certi miei pensieri, quando ad un tratto sentii che l’altro mi guardava. Sentii il suo sguardo prima ancora di vederlo addosso a me : mi voltai appena e vidi il ragazzo guardarmi avidamente, con une sguardo che tentava di render serio e quasi duro mentre gli occhi, oltre quello, erano tenui, di una delicatezza femminile. Fra noi vi era tutto il silenzio della notte calda d’estate : ed ora cresceva quel silenzioso imbarazzo. Quando ad un tratto disse : «Sono rimasto senza sigarette, potete darmene una ?» E dopo un attimo di silenzio, come per un pensiero non tanto sopraggiunto quanto ripreso dopo una iniziale incertezza, aggiunse : «Ve la pago, naturalmente». 

Gli detti la cigaretta protestando di non volere i pochi centesimi, finché, convinto, il ragazzo cominciò a fumare. Sembrò aver necessità di parole e mi disse di esser fiorentino, di chiamarsi Silvano e di avere diciassette anni «non ancora compiuti». Io, che in certi casi non so usare la prudenza, quasi crudelmente gli chiesi : «Perché sei nella “Muti” ? Non hai genitori ?». «Sono solo – mi rispose aggressivamente – l’officina dove lavoravo è stata chiusa. Avevo fame». «E non avevi altra via d’uscita ?». «Avevo fame e non sapevo che fare. Una sera lessi un cartello : "Arruolatevi nell’Ettore Muti". Andai ad arruolarmi. Avevo i vestiti a pezzi». 

Io ero preso, ormai, dall’interesse verso di lui e solo più tardi pensai a ciò che era dietro a quelle parole : una triste debolezza morale ; e proprio per questo, ora, le riporto qui, quasi precise alle sue tanto mi risuonano nella memoria. Ma allora mi colpì la sua povera umanità di ragazzo : era lontano il basco che Silvano si era tolto mettendolo accanto a sé sulla panchina ; mi era vicino soltanto un fratello di carne. Gli dissi ad un tratto : «Perché non lasci il battaglione ? Perché non vai con i tuoi veri compagni, nei boschi ?» Ancora una volta fui imprudente, ma in quel momento non pensavo a prudenza o imprudenza, tanto mi sembravo chiaro che il ragazzo era semplicemente un ragazzo. Silvano mi guardò, rise un po’ volgarmente e disse : «Domani ci danno le divise nuove perché dobbiamo partire per il Nord. Io prendo le divise e mi nascondo in casa di un mio amico. Credete sia un fesso ? Nel Nord ci devono andare quei musi di coniglio degli ufficiali che ci dicon sempre che è bello morire. Io a morire non ci voglio andare. Intanto, fino a oggi ho riscosso lo stipendio e mi son divertito». 

Ho riportato questo episodio che può apparire insignificante e senza una conclusione, perché penso che lo stato d’animo di Silvano sia stato quello di altri giovani. Se avessi voluto fare un racconto di propaganda avrei dovuto riscattare Silvano e farlo andare alla macchia con i patriotti ; ma io ho semplicemente raccontato un fatto vero con un personaggio vero : Silvano non aveva nessuna voglia di andare alla macchia come non voleva andare a combattere per la repubblica fascista : voleva solo, egoisticamente, vivere ; perché nessuno gli aveva fatto mai capire, senza retorica, con crudezza, che cos’era il bene e che cos’era il male ; ed egli credeva che bisognasse sopratutto, salvare la propria vita. Obbediva, cieco, a quello istinto animale ; il resto era mistero. 

Riprenderò forse un altro giorno a parlare di quei mesi estivi e di altri personaggi ; ormai sono stanco ; non so più quello che ho scritto e se tutte queste parole avranno un senso.

Piero Santi  Diario (1943-1946)  Ed. Neri Pozza, Venezia, 1950







[10 DECEMBRE 1944 (DIMANCHE)] Un soir, j’étais assis sur un banc de la place Santa Maria Novella, en attendant l’heure d’aller me coucher. J’étais seul et triste. Devant moi, quelques personnes, à peine des silhouettes dans l’obscurité, attendaient les derniers tramways. Soudain, quelqu’un se détache du groupe et vient s’asseoir à côté de moi. Je reconnais à son uniforme un milicien de la brigade Ettore Muti. Il était très jeune, le béret laissait en grande partie sa tête découverte, les yeux étaient enfoncés, comme ceux de nombreux garçons florentins. Je fumais, perdu dans mes pensées, quand tout à coup, je m’aperçus que l’autre me regardait. Je sentis son regard avant de le voir fixé sur moi : je me retournai un peu et je vis le garçon me fixer avidement, d’un regard qu’il s’efforçait de rendre sérieux et presque dur, alors que les yeux étaient au fond tendres, d’une délicatesse féminine. Entre nous régnait tout le silence d’une chaude nuit d’été, et maintenant cet embarras silencieux grandissait. Tout à coup, il dit : «Je n’ai plus de cigarettes, vous pouvez m’en donner une ?» Et après un moment de silence, non pas pour compléter sa pensée, mais plutôt pour reprendre ce qu’il avait d’abord hésité à formuler, il ajouta : «Bien  sûr, je vous la paie.». 

Je lui donnai une cigarette en insistant pour la lui offrir, jusqu’à ce qu’il se laisse convaincre et commence à fumer. Il semblait avoir besoin de parler et il me dit qu’il était florentin, qu’il s’appelait Silvano et qu’il n’avait «pas encore» dix-sept ans. Moi qui dans bien des cas suis incapable de faire preuve de prudence, je lui demandai presque cruellement : «Pourquoi es-tu dans la "Muti" ? Tu n’as pas de parents ?» «Je suis seul, me répondit-il de façon agressive, l’usine où je travaillais a fermé. J’avais faim.» «Et tu n’avais pas d’autre solution ?» «J’avais faim et je ne savais pas quoi faire, un soir, j’ai vu sur une affiche : "Rejoignez la brigade Ettore Muti". Je me suis engagé. J’avais des habits tout déchirés.»

Désormais, son récit retenait toute mon attention, et ce n’est que plus tard que je réfléchis à ce qui se cachait derrière ces paroles : une triste faiblesse morale ; c’est la raison pour laquelle je les rapporte ici, presque mot pour mot tant elles résonnent encore dans ma mémoire. Mais sur le moment, je fus frappé par sa pauvre humanité de garçon : j’avais oublié le béret que Silvano avait enlevé et posé à côté de lui sur le banc ; je n’avais près de moi qu’un frère de sang. Je lui dis brusquement : «Pourquoi tu ne désertes pas ? Tu devrais plutôt rejoindre tes vrais camarades dans le maquis !» Je me montrai encore une fois imprudent, mais sur le moment, ces questions de prudence m’étaient étrangères, tant il me semblait évident que ce garçon n’était justement qu’un garçon. Silvano me regarda, il rit de façon un peu vulgaire et dit : «Demain, ils nous donnent des uniformes neufs parce que nous devons partir pour le Nord. Je prends les uniformes et je vais me cacher dans la maison d’un ami. Vous croyez que je suis bête ? Dans le Nord, ils n’ont qu’à y aller ces poules mouillées d’officiers qui nous disent tout le temps que c’est beau de mourir. Moi, je n’ai aucune envie de mourir. En attendant, jusqu’à aujourd’hui, j’ai touché ma solde et j’en ai bien profité !» 

J’ai rapporté cet épisode qui peut paraître insignifiant et peu concluant parce que je pense que l’état d’esprit de Silvano a été aussi celui d’autres jeunes gens. Si j’avais voulu faire un récit de propagande, j’aurais dû racheter Silvano en lui faisant rejoindre les patriotes dans le maquis ; mais j’ai simplement voulu raconter une histoire vraie avec un vrai personnage : Silvano n’avait aucune envie d’aller dans le maquis, comme il n’avait également aucune envie de se battre pour la république fasciste. Il voulait seulement vivre, égoïstement, parce que personne ne lui avait jamais appris, avec rigueur, sans aucune rhétorique, ce qu’était le bien et ce qu’était le mal ; pour lui, la seule chose qui comptait était de sauver sa peau. Il obéissait aveuglement à cet instinct animal : tout le reste était mystère. 

Je reparlerai peut-être une autre fois de ces mois d’été et d’autres personnages ; maintenant je suis fatigué ; je ne sais même plus ce que j’ai écrit et si tous ces mots peuvent avoir un sens. 

(Traduction personnelle









Images : en haut, Mark  (Site Flickr)

en bas, Dan  (Site Flickr)



vendredi 8 février 2013

Lungarno, Luglio 1944 (Au bord de l'Arno, Juillet 1944)



"Questa notte è senza speranza. Si è fatto tardi, non potrò leggere, non dormirò. Tutto mi pesa nel cervello. La mia vita è fatta eternamente di episodi. Non raggiungerò mai l'unità." 




... LUGLIO [1944]. – Oggi sono andato in San Frediano e girovagando per le vie di quel quartiere, mi cresceva nell’anima il senso di quelle case, il carattere di quegli abitanti. Il cinematografo Orfeo era chiuso : dinanzi al portone alcuni bambini giocavano a carte. Ricordo che un giorno, assai lontano, il cinema si vuotò : si videro i ragazzi e le poche donne presenti correr fuori e per alcuni minuti la pellicola continuò a snodarsi sola. Tutti correvano verso la spalletta dell’Arno. Si era diffusa la voce che tre ragazzi del quartiere erano annegati e la notizia era certamente vera se nel fiume, malgrado l’imminenza della sera, si agitavano molte barche. Ogni estate qualche ragazzo scompariva nel fiume, ma non era mai accaduto che tre insieme fossero travolti dalla corrente. 

Il giorno dipoi, passando dal Lungarno, vidi alcuni ragazzi stesi nudi sulla pescaia arida e nessuno osava sfiorare l’acqua ; dopo molto tempo uno di essi, improvvisamente, si alzò e avvicinandosi al limite dell’acqua, mise in essa un piede agitandolo e gettando quindi verso la pietra qualche schizzo che il calore assorbiva subito. I compagni lo guardavano, distesi sotto il sole, con le braccia dietro la testa : lo guardavano senza muoversi, con gli occhi aggrottati per il sole, e lo sguardo, tra le palpebre aggrinzite, teso verso di lui : quando lo videro alla fine, porre anche l’altro piede nell’acqua e poi avanzarsi lento, con cautela, quindi d’impeto e all’improvviso gettarsi dentro a nuotare contro corrente, spenta ogni esitazione, spezzato ogni indugio dell’anima, si sollevarono tutti insieme e, muti, quasi fossero oppressi fin nella voce dalla felicità di ritrovare finalmente l’acqua, il sole, il cielo e se stessi come prima, si gettarono confusamente nel fiume, dietro l’altro che, volgendosi ai compagni con i capelli intrisi in piccoli ricci neri sul volto, rideva pieno di gioia. 

Ma ora come quel tempo è lontano ! Il fiume è desolato sotto l’ardore celeste ; il cannone tuona sempre più forte ed ognuno di noi sta ad attendere con ansia un fatto che ci vincerà forzando il nostro spirito ad accogliere in pieno il furore degli avvenimenti. I ragazzi stessi sembrano scomparsi dalla città che un tempo dominavano con la loro presenza e con i loro atti.

Piero Santi  Diario (1943-1946) Ed. Neri Pozza, Venezia, 1950  






... JUILLET [1944]. – Aujourd’hui je suis allé à San Frediano et en flânant dans les rues de ce quartier, je sentais s'imposer en moi la présence de ces maisons, le caractère de ces habitants. Le cinéma Orfeo était fermé : devant le portail, des enfants jouaient aux cartes. Je me rappelle qu’un jour, déjà lointain, le cinéma se vida : les garçons et les rares femmes présentes se précipitèrent à l’extérieur et pendant quelques minutes, le film continua à se dérouler sans spectateur. Ils couraient tous vers le parapet sur l’Arno. La rumeur disait que trois garçons du quartier s’étaient noyés, et la nouvelle était certainement exacte puisque, malgré la tombée du jour, plusieurs barques s’agitaient sur le fleuve. Chaque été, des jeunes gens disparaissaient dans le fleuve, mais il n’était jamais arrivé que trois d’entre eux soient tous ensemble emportés par le courant

Le jour d’après, en passant sur les bords de l’Arno, je vis quelques garçons allongés nus sur la rive aride et personne n’osait effleurer l’eau ; après un bon moment, l’un d’eux se leva brusquement et s’avança jusqu’au bord de l’eau ; il y trempa un pied en l’agitant et en projetant sur la pierre quelques éclaboussures, aussitôt absorbées par la chaleur. Ses camarades le regardaient, étendus au soleil, les bras derrière la tête : ils l’observaient sans bouger, les sourcils froncés à cause du soleil, et le regard, entre les paupières plissées, tendu vers lui. Quand ils le virent enfin poser l’autre pied dans l’eau et avancer lentement, avec prudence, puis tout à coup plonger et se mettre à nager contre le courant, ils n’hésitèrent plus ; sans aucun atermoiement, ils se levèrent tous ensemble et, en silence, comme si le bonheur de retrouver enfin l’eau, le soleil, le ciel et eux-mêmes comme ils avaient toujours été, les avait rendus muets, ils se jetèrent confusément dans le fleuve, à la suite de leur camarade qui, en se retournant vers eux, avec les boucles de ses cheveux trempés collées sur le visage, laissait éclater un rire joyeux. 

Mais maintenant, ce temps-là est bien loin ! Le fleuve est désolé sous le ciel ardent ; le canon ne cesse de tonner, toujours plus fort, et chacun de nous attend avec anxiété le fait décisif qui nous forcera à prendre pleinement conscience de la fureur des événements. Les garçons eux-mêmes semblent avoir quitté la ville qu’ils dominaient autrefois par leur présence et par leurs actions. 

(Traduction personnelle








Images : en haut, Site Flickr

au centre, Site Flickr 

en bas, Andrea Fiorino  (Site Flickr)

lundi 4 février 2013

(Sipario) (Rideau)



Sept "tragédies en deux répliques" d'Achille Campanile :


VECCHIA GALANTERIA

Personaggi :

LA VECCHIA MARCHESA
IL VECCHIO DUCA

LA VECCHIA MARCHESA
Questo tramonto è bellissimo.

IL VECCHIO DUCA
Vi piace ? È vostro !

(Sipario)


 ANCIENNE GALANTERIE

Personnages :

LA VIEILLE MARQUISE
LE VIEUX DUC

LA VIEILLE MARQUISE
Ce coucher de soleil est magnifique.

LE VIEUX DUC
Il vous plaît ? Il est à vous !

(Rideau)



GRAZIELLA

Personaggi :

LAMARTINE che non parla
UN VISITATORE DI LAMARTINE
GRAZIELLA
UN'AMICA DI GRAZIELLA

La scena è divisa in due parti : a sinistra il salotto di Lamartine ; a destra la misera stanzetta in quel di Napoli, dove Graziella, che in seguito alle note vicende non ha trovato marito, trascorre una vita di zitella piuttosto discussa. L'azione si svolge dieci anni dopo il famoso amore. All'alzarsi del sipario, Lamartine riceve e Graziella parla con un'amica.

A Parigi :
IL VISITATORE DI LAMARTINE
entrando nel salotto del famoso poeta : Salutiamo l'immortale cantore di Graziella.

A Napoli :
L'AMICA DI GRAZIELLA
alludendo a Lamartine : E di quel mascalzone non hai saputo più niente ?

GRAZIELLA
Non s'è più fatto vivo.

(Sipario)


GRAZIELLA

Personnages : 

LAMARTINE, qui ne parle pas
UN VISITEUR DE LAMARTINE
GRAZIELLA
UNE AMIE DE GRAZIELLA

La scène est divisée en deux parties : à gauche, le salon de Lamartine ; à droite, une petite pièce dans un appartement à Naples, où Graziella, qui à la suite des événements que l'on sait n'a plus trouvé de mari, mène une vie de vieille fille en butte aux commérages. L'action se déroule dix ans après la fameuse liaison. Quand le rideau se lève, Lamartine reçoit un visiteur et Graziella parle avec une amie.

À Paris :
LE VISITEUR DE LAMARTINE
entrant dans le salon du célèbre poète : Je salue le chantre immortel de Graziella !

À Naples :
L'AMIE DE GRAZIELLA
en faisant allusion à Lamartine : Et tu n'as plus eu aucune nouvelle de ce vaurien ?

GRAZIELLA
Je ne l'ai plus jamais revu !

(Rideau)


LA FIDANZATA DEL CARABINIERE 

Personaggi :

LA RAGAZZA
IL CARABINIERE
IL PASSANTE

All'alzarsi del sipario, la Ragazza e il Carabiniere suo fidanzato passano in fretta.

IL PASSANTE
al Carabiniere : Arrestata ?

IL CARABINIERE
Che arrestata ? È la mia fidanzata.

LA RAGAZZA
piangendo : Sarà sempre così, per tutta la vita !

(Sipario)



LA FIANCÉE DU CARABINIER 

Personnages :

LA FIANCÉE
LE CARABINIER
LE PASSANT 

Quand le rideau s'ouvre, la Fiancée et le Carabinier passent rapidement dans la rue.

LE PASSANT 
au Carabinier : Vous l'avez arrêtée ?

LE CARABINIER
Mais pas du tout ! C'est ma fiancée.

LA FIANCÉE
en pleurant : Et dire que ce sera toujours comme ça, pour toute la vie !

(Rideau)



 IL POETA NELL'INTIMITÀ

Personaggi :

DANTE
LA MOGLIE DI DANTE


LA MOGLIE DI DANTE
Sono gelosa, terribilmente gelosa di Beatrice. La odio.

DANTE
Andiamo, non c'è mai stato nulla fra me e quella donna.

(Sipario)



LE POÈTE DANS L'INTIMITÉ

Personnages :


DANTE
LA FEMME DE DANTE

LA FEMME DE DANTE
Je suis jalouse, terriblement jalouse de Béatrice. Je la déteste.

DANTE
Allons, il n'y a jamais rien eu entre cette femme et moi.

(Rideau)



EDIPO A COLONO

Personaggi :


UNA SENTINELLA
UN MESSO


Di fronte alle mura della ferrigna Tebe. Il grande portone di bronzo è sprangato. Dietro, sui bastioni, la sentinella va avanti e dietro. Il messaggero, appena arrivato, bussa al portone.


UN MESSO
C'è Edipo ?

UNA SENTINELLA
No, è a Colono.

(Sipario)



ŒDIPE À COLONE

Personnages :


UNE SENTINELLE
UN MESSAGER


Devant les murs de Thèbes. Le grand portail de bronze est fermé. Derrière, sur les remparts, la sentinelle fait les cent pas. Le messager, à peine arrivé, frappe au portail.


LE MESSAGER
Œdipe est là ?

LA SENTINELLE
Non, il est à Colone.

(Rideau)



CATTIVO GIUOCO

Personaggi :

IL TEMPO
LA GIOVINEZZA
L'AMORE
LA VITA

All'alzarsi del sipario, IL TEMPO, LA GIOVINEZZA, L'AMORE e LA VITA giocano a bridge. Sono state distribuite le carte.

IL TEMPO
Passo.

LA GIOVINEZZA
Passo.

L'AMORE
Passo.

LA VITA
Passo

Buttano via le carte.

(Sipario)



MAUVAISE DONNE

Personnages :


LE TEMPS
LA JEUNESSE
L'AMOUR
LA VIE

Quand le rideau s'ouvre, LE TEMPS, LA JEUNESSE, L'AMOUR et LA VIE jouent au bridge. Les cartes ont été distribuées.

LE TEMPS
Je passe.

LA JEUNESSE
Je passe.

L'AMOUR
Je passe.

LA VIE
Je passe.

Ils jettent leurs cartes.

(Rideau)



DRAMMA INCONSISTENTE

Personaggi:


NESSUNO

La scena si svolge in nessun luogo.

NESSUNO

Tace

(Sipario)



DRAME INCONSISTANT

Personnages :

PERSONNE

La scène se passe nulle part.

PERSONNE

Il se tait.

(Rideau)

 

Extraits de Tragedie in due battute, d'Achille Campanile (BUR, Rizzoli ed.) (Traductions personnelles)






Image : en bas, Giuseppe Marzagalli  (Site Flickr)



dimanche 3 février 2013

The Passenger



"Da cosa stai scappando via ?" 




Maria Schneider
(27 mars 1952 – 3 février 2011)


"La sua morte è arrivata troppo presto, prima che io potessi riabbracciarla teneramente, dirle che mi sentivo legata a lei come il primo giorno, e almeno per una volta, chiederle scusa." (Bernardo Bertolucci) ["Elle est morte trop tôt, avant que j'aie pu l'embrasser à nouveau tendrement, lui dire que je me sentais proche d'elle comme au premier jour, et, pour une fois au moins, lui demander pardon."]













samedi 2 février 2013

La Vita scritta (La Vie écrite)




5 settembre [1946] (sera). – Talvolta, vorrei appuntare qui ogni particolare minimo della giornata non per un desiderio di documento, ma piuttosto perché penso che se potessi scrivere tutto, come in un film senza «tagli», ne verrebbe fuori un senso pieno delle ore equilibrate fra atti coscienti ed atti che forse soltanto in seguito, nel ricordo, diventano tali. Ma questo non è dato fare ad alcuno. Potrei farlo soltanto per due o per cinque minuti. Per esempio, sono tornato a casa cinque – o dieci ?– minuti orsono : ho aperto la porta piano tastando la chiave nell’oscurità delle scale per avvertire da qual parte la dovevo infilare : ricordo poi che, appena aperta la porta, con la mano sinistra – non so perché – mentre ero quasi già entrato, ho sfiorato il campanello posto fuori, in alto. Ho chiuso la porta, non ho acceso alcuna luce : il corridoio era oscuro ma tagliato, sulla parte sinistra, da una striscia sottile di luce, riflessa da una finestra della casa di fronte e dovuta al fatto che la porta donde veniva la luce era socchiusa. Sono andato in camera mia, voltando prima a sinistra, poi a destra, poi ancora a sinistra, poi ancora a destra. Ho acceso la luce trovando subito l’interruttore. In quel momento, non so per quale motivo interno od esterno, mi è sorta dentro l’idea che sto qui esponendo. Sono andato subito nell’ufficio, ho aperto  la cassetta dove ripongo questo quaderno. La chiave si è un poco inceppata mentre stavo richiudendo il cassetto. Ho premuto il bottone del calamaio (ho qui davanti un calamaio antiquato di porcellana bianca, rotondo), ho preso la penna ed ho cominciato a scrivere. La parola «sera» dopo la data, l’ho aggiunta durante lo scritto e precisamente appena scritto la parola «socchiusa». 

Ma ho forse con questo detto tutto ? Sono certo di aver dimenticato numerosissimi piccoli atti. E i gesti delle mani ? Del resto ho tralasciato, per non interrompere la narrazione, due fatti che hanno deciso, almeno fino ad ora, del mio stato d’animo : e cioè due chiamate dalle altre stanze (credevo che tutti fossero a letto e invece non era così) che mi hanno costretto ad interrompere (dopo la parola «campanello») ed un colpo di tosse che mi ha prodotto un forte dolore alle spalle, a sinistra, che mi fa soffrire. Anche per questo cesso di scrivere. Speriamo che scompaia presto il dolore. (Alzandomi e respirando con cautela, la punta alle spalle è già attutita).

Piero Santi   Diario (1943-1946)  Ed. Neri Pozza Venezia, 1950






5 septembre [1946] (soir). – Parfois, je voudrais noter ici le moindre petit détail de la journée, non pas dans un but documentaire, mais plutôt parce que je pense que si je pouvais tout écrire, comme dans un film sans «coupures», il en surgirait une pleine signification des heures, partagées entre des actes conscients et d’autres qui, peut-être seulement par la suite, dans le souvenir, deviennent tels. Mais personne ne peut vraiment faire cela. Je ne pourrais y parvenir que pour rendre compte de deux ou de cinq minutes. Par exemple, il y a cinq minutes que je suis rentré chez moi – peut-être même dix : j’ai ouvert la porte doucement en tâtant la clé dans l’obscurité des escaliers pour repérer le bon côté qui devait entrer dans la serrure : je me souviens aussi que, la porte à peine ouverte, avec la main gauche – je ne sais pas pourquoi – alors que je venais à peine d’entrer, j’ai effleuré la sonnette placée à l’extérieur, en hauteur. J’ai fermé la porte, je n’ai allumé aucune lumière : le couloir était sombre mais traversé, sur le côté gauche, par une mince bande de lumière, reflétée par une fenêtre de la maison d’en face et due au fait que la porte d’où venait la lumière était entrouverte. Je suis allé dans ma chambre, tournant d’abord à gauche, puis à droite, puis encore à gauche et encore à droite. J’ai allumé la lumière en trouvant tout de suite l’interrupteur. À ce moment-là, j’ignore pour quelle raison intérieure ou extérieure, est née en moi l’idée que j’expose ici. Je suis allé tout de suite dans le bureau, j’ai ouvert le tiroir où je range ce carnet. La clé s’est un peu coincée pendant que je refermais le tiroir. J’ai soulevé le couvercle de l’encrier (j’ai ici, devant moi, un vieil encrier rond en porcelaine blanche), j’ai pris la plume et j’ai commencé à écrire. Le mot «soir» juste après la date, je l’ai ajouté pendant que j’étais en train d’écrire, et plus précisément après le mot «entrouverte». 

Mais ai-je ainsi tout dit ? Je suis certain d’avoir oublié de très nombreuses petites actions. Et les gestes des mains ? D’ailleurs, j’ai négligé, pour ne pas interrompre la narration, deux faits qui ont déterminé, au moins jusqu’à ce moment, mon état d’esprit : je veux parler de deux appels venus des autres pièces (je croyais que tout le monde était déjà couché, mais ce n’était pas le cas) qui m’ont contraint à m’interrompre (après le mot «sonnette») et un accès de toux qui m’a causé une forte douleur aux épaules, du côté gauche, qui me fait souffrir. C’est aussi pour cette raison que j’arrête d’écrire. Espérons que la douleur disparaisse vite. (En me levant et en respirant avec prudence, l’élancement du côté des épaules s’est déjà atténué). 

(Traduction personnelle)








Images : en haut et en bas, Renaud Camus  (Site Flickr)

au centre, Site Flickr

vendredi 1 février 2013

Nostalgia del fiume (Nostalgie du fleuve)



« Stasera Mario, prima di lasciarmi, ha detto : "in fondo, non rimane che questo : siamo uomini tristi". »





12 luglio [1944]. – Sono le nove di sera (le otto, in verità, secondo l’ora solare). C’è, nel cielo, un color azzurro grigio che avvolge anche la mia camera, il tavolo, questo stesso quadernetto dove scrivo. Ho cenato in casa e subito dopo cena mi sono ritirato qui, sotto la finestra aperta agli ultimi chiarori. Sento nostalgia del fiume, tuttavia ; e se non fosse che tra un’ora vi è il coprifuoco andrei, come le altre sere, sui Lungarni. È questa l’ora in cui M. esce nel bruno delle strade, e col suo passo leggero si muove verso la spalletta. Stasera non troverà nessuno con cui parlare ; almeno non troverà me. Ma forse non sento neppur nostagia del fiume ; se mai di molte ore e di molti luoghi dove vorrei vivere e dove vissi. D’altra parte, sono in uno stato d’animo complesso dove han posto calma e inquietudine, tristezza e una certa esile gioia. Ma è anche probabile che questo sia lo stato d’animo, più che mio, dell’ora ; e sarà forse sufficiente che accenda la luce perché mi senta tutto diverso.

Piero Santi  Diario (1943-1946)  ed. Neri Pozza  Venezia, 1950


12 juillet [1944]. Il est neuf heures du soir (huit heures, à la vérité, selon l’heure solaire). Il y a dans le ciel une couleur gris-bleu qui enveloppe ma chambre, la table, jusqu’à ce petit carnet sur lequel j’écris. J’ai dîné à la maison et je me suis retiré ici, sous la fenêtre ouverte aux dernières lueurs. Toutefois, j’ai la nostalgie du fleuve ; et si le couvre-feu n’était pas dans une heure, j’irais, comme les autres soirs, sur les bords de l’Arno. C’est l’heure où M. sort dans le clair-obscur des rues, et de son pas léger se dirige vers le parapet. Ce soir, il ne trouvera personne avec qui parler ; ou du moins il ne me trouvera pas. Mais peut-être n’ai-je même pas la nostalgie du fleuve ; mais plutôt de nombreuses heures, et de nombreux endroits où je voudrais vivre et où j’ai déjà vécu. D’autre part, je suis dans un état d’esprit complexe où règnent à la fois le calme et l’inquiétude, la tristesse et une sorte de joie ténue. Mais il est également probable que cela ne soit pas mon état d’esprit personnel, plutôt celui du moment ; et il sera peut-être suffisant que j’allume la lumière pour me sentir complètement différent. 

(Traduction personnelle)






Images : en haut et en bas, Site Flickr