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mercredi 28 février 2018

In vano aspetterò (J'attendrai en vain)




Salvatore Adamo canta Cade la neve (Tombe la neige) (1964, testo e musica di S. Adamo)

Cade la neve
Tu non verrai questa sera
Cade la neve
Non ci vedremo lo so.

La città che dorme
Si copre di bianco
Intanto il mio cuore
Si veste di buio.

Questa sera non verrai
In vano aspetterò
Ma cade la neve
Lentamente dal cielo.

Cade la neve
Tu non verrai questa sera
Cade la neve
Non ci vedremo lo so.

Nella via deserta
Nemmeno una voce
Mi sento morire
Non mi sei vicino.

Questa sera non verrai
In vano aspetterò.

Ma cade la neve
Lentamente dal cielo.










Images : en haut, Jacopo Mariutti  (Site Flickr)

en bas, Denis Billi  (Site Flickr)


mardi 20 février 2018

... et reste le souvenir.




13 juillet 1959. — A la radio, la cinquième symphonie de Schubert que je ne puis entendre sans un peu de mélancolie, parce qu'elle me rappelle ma jeunesse et surtout un moment d'ivresse que j'ai eu sous le portique, côté Paris, de l'ancien Trocadéro, alors que j'avais moins de trente ans. Non pas la nuit, mais un matin, devant la ville que je voyais étendue à mes pieds dans tout l'éclat de la lumière d'avril. Je sentais ma force, la joie me gonflant le cœur, l'inexprimable beauté de la vie, de ce don prodigieux dont nous n'apprécions la valeur que par éclairs, la grâce d'exister alors que nous aurions pu ne pas être, la promesse de bonheur que nous font le ciel et la terre, à cet âge. Tout cela, je le retrouve dans cette musique, mais quoi, le vieux Trocadéro a disparu ignoblement. Reste la musique, et reste le souvenir.

Julien Green  Vers l'invisible, Journal 1958-1967  Editions Plon, 1967





samedi 17 février 2018

La Corse des solitudes





Un deuxième extrait de Vers l'invisible, le tome du Journal de Julien Green dans lequel il raconte son séjour en Corse au mois d'août 1958 :

Hier à Poggio d’Oletta. On traverse Oletta et on monte. On arrive à un village où il y a deux églises côte à côte, toutes deux du dix-huitième siècle, pauvres et belles. Nous sommes dans le premier des trois villages qui composent Poggio et il faudra grimper pour voir les deux autres. Une vue immense, de longues collines, des vallées inondées de lumière, avec des hameaux gris, blancs et roses dispersés çà et là. Nous montons encore pour atteindre le tout dernier village, Poggio-le-Haut. Il donne l’impression d’avoir mille ans et plus, avec ses maisons de pierres grises et noires et ses rues qui ont le roc pour pavé. Nous en suivons une qui serpente et se dirige simplement vers le ciel : tout au bout, en effet, il y a le ciel. J’en ai reçu une sorte de choc, mais tout m’a frappé dans ce village étrange et fascinant. En voyant ces rochers sortant de terre sous nos pieds, cette pierre usée et polie par les pas de milliers d’hommes et de femmes, j’ai essayé de voir les choses par les yeux des gans d’ici. De son enfance jusqu’à sa mort, l’habitant sait qu’il y a une roche de telle forme entre la dernière et l’avant-dernière maison. Rien ne bouge ici, rien n’est nouveau. La maison, c’est du rocher, c’est encore de la montagne. A Paris où tout change et se dérange et se défait, nous ne savons plus où nous sommes et le sol fuit sous nos pieds, mais à Poggio tout est immobile à jamais. Il doit y avoir chez les gens de ce village un sens de l’éternité dont ils ne se rendent pas compte. Combien d’entre eux ont jamais fait le voyage de Saint-Florent ? N’ai-je pas connu des Vénitiens qui n’avaient jamais quitté Venise ? En redescendant, nous nous arrêtons au second Poggio. C’est bien autre chose. Une rue étroite et fraîche, puis de petites places carrées qui se commandent les unes les autres comme les pièces d’un appartement. En s’y promenant, on a l’impression d’être chez quelqu’un qui est sorti. Personne. Dans une fenêtre, une colombe blanche sur le rebord de pierre, contre le grand fond noir de la salle vide. Les belles demeures sévères nous regardent. Pas un son. Un petit chat couleur de fumée joue sur les marches d’un perron. Un enfant de quatre ou cinq ans nous considère en silence. 





A l’église d’Oletta où j’entends la messe, le dimanche, les hommes se tiennent au fond, près de la porte, absolument immobiles. On ne les entend pas, mais ils sont là, un peu comme des arbres, ils ont cette dignité qu’ont les arbres. Ce sont sans doute les êtres les plus mystérieux que j’aie connus. On a l’impression que le village est sauvé en bloc, comme une seule personne. Partout une propreté sans défaut. Ce n’est ni le Midi de la France, ni l’Italie, ni l’Espagne, c’est la Corse des solitudes.

Julien Green  Vers l'invisible, Journal 1958-1967  Editions Plon, 1967







Images : (1) Simon Massicotte  (Site Flickr

(2) et (3) merci à Stéphane Lagarde  (Site Flickr)



mercredi 7 février 2018

Vers l'invisible




En août 1958, Julien Green séjourne en Corse, près d'Oletta, dans le canton du Nebbio (dans les parages du Cap Corse), et il consacre à ce séjour quelques entrées de son Journal de cette année-là, publiées en 1967 dans le volume Vers l'invisible (1958-1967). Je recopie ici quelques extraits significatifs de ces souvenirs de Corse, qui méritent certainement de figurer parmi les plus belles pages que l'Île a inspirées à un écrivain.

3 août. — A Oletta, en Corse, non loin de Saint-Florent. De nos fenêtres, nous voyons au loin, sur une colline, le village dominé par les deux tours de son église baroque. Le jardin est plein d'odeurs grisantes. Du matin au soir, la Corse vous promène sous le nez un bouquet de fleurs. Les habitants ne saluent et ne sourient que si on les salue d'abord, mais alors ils se montrent très cordiaux. Quant au paysage, que puis-je en dire ? Je me demande s'il n'est pas nécessaire de venir ici pour savoir à quel point la terre est belle. J'ai pourtant voyagé dans deux parties du monde et même dans trois... Sous les figuiers du jardin, il y a six colombes d'une blancheur qui fatigue la vue lorsqu'elle vont se promener au soleil pour se faire admirer. Elles sont si blanches que l'ombre de leurs plumes sur leurs plumes semble encore de la blancheur. Parfois elles s'envolent au-dessus de la vallée jusqu'au village, parcourant en une minute un espace que nous ne franchissons à pied qu'en une demi-heure, et vont se poser sur l'église.





Non loin d'ici, à Murato, dans une sauvage et magnifique campagne cernée de collines d'un vert qui fait songer à un velours usé, il y a une église très ancienne et d'une simplicité étonnante. Elle est toute blanche, rayée horizontalement de bandes vert-de-gris foncé. Des ornements en frise courent tout autour des murs, exposés au vent, au soleil. Le dessin est beau. On voit — c'est la frise qui m'a le plus frappé — un serpent énorme qui sort d'un arbre et tient dans sa gueule une pomme qu'il offre à Eve ; celle-ci, déjà, se cache d'une main. A l'intérieur de l'église, rien. Un autel de bois, mais des ornements d'une grande élégance sculptés dans les murs. Cette église si riche et si pauvre, si belle et si sévère, se dresse au soleil couchant, toute seule au milieu des collines dénudées, un peu comme une âme devant Dieu.






12 août. — Étendu sur mon lit, je vois le soleil se coucher dans mes vitres. Pourquoi cela m’attriste-t-il ? Je sais bien qu'il va falloir quitter la terre, ou plutôt m'enfouir dedans. La nuit dernière, sur la terrasse, je regardais avec émerveillement les étoiles aussi nombreuses et aussi brillantes que dans le ciel d'Afrique. J'ai beau essayer de me faire à cette idée qu'il faut s'en aller un jour, je serais consterné de mourir maintenant.

Julien Green  Vers l'invisible Journal 1958-1967, Librairie Plon, 1967






Images : tout en haut, Marcel Dormanns  (Site Flickr)

(2) Oletta, église Sant'Andria SourceWikiCommons

(3) Murato, église San Michele Source : Site Flickr

(4) Dan Hutt (Site Flickr)


(6)  Angela Massagni  (Site Flickr)

(7) Source : WikiCommons