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vendredi 30 mars 2018

Quando corpus morietur



In memoriam Claudio Abbado et Lucia Valentini-Terrani





Guido Mazzoni (1450–1518) est un peintre et sculpteur spécialisé dans la réalisation des Compianti [Lamentations], ces compositions de statues polychromes grandeur nature en terre cuite représentant les personnages dont les textes sacrés mentionnent la présence autour du Christ mort. Le plus célèbre et le plus beau des Compianti est sans doute celui de Niccolò dell’Arca, que l’on peut voir à Bologne, dans l’église de Santa Maria della Vita. Guido Mazzoni en réalisa six : à Busseto (1476-77), à Modène (1477-79), à Crémone (il a malheureusement été perdu), à Ferrare (1483-85), à Venise (1485-89, il n’en reste que des fragments, conservés à Padoue), à Naples (1492, pour l’église de Monte Oliveto). 




Le Compianto de Busseto auquel est consacré ce message se trouve dans l’église Santa Maria ; c’est le premier que Mazzoni a réalisé, en 1476-77. Je reprends ici la description qu’en fait Giovanni Reale dans l’ouvrage Il Pianto della statua [Les Pleurs de la statue], écrit en collaboration avec Elisabetta Sgarbi et publié en 2008 aux éditions Bompiani : 

« Les personnages réunis autour du Christ mort suivent l’ordre traditionnel : le premier (sur la gauche) est Joseph d’Arimathée, suivi de Saint Jean l’Évangéliste, Marie Salomé, la Madone, Marie de Cléophas, Marie-Madeleine et Nicodème. 
Joseph d’Arimathée et Nicodème (qui ont peut-être les traits des commanditaires de l’œuvre) encadrent le groupe, comme les deux bords d’un cadre. Joseph tient à la main les clous, tandis que Nicodème a un marteau dans la main droite et une paire de tenailles enfilée dans sa ceinture. 
Tous les personnages expriment leur douleur, qui devient donc une "douleur chorale", même si elle reste plutôt mesurée. Les expressions sont uniformes, avec une certaine accentuation chez Marie de Cléophas, et surtout chez Marie-Madeleine, comme nous le verrons. 
Dans ce premier Compianto de Mazzoni, la douleur s’exprime déjà non seulement par le cri et les pleurs, mais aussi par les positions particulières des corps et les mouvements des bras et des mains. Bien avant la psychologie moderne, les artistes avaient depuis longtemps compris que notre corps possède un langage précis, avec lequel il manifeste des sentiments et les exprime d’une façon qui peut-être très forte. 




On remarquera en particulier que chez la Madone, c’est toute la personne qui parle. Elle est agenouillée, les mains serrées avec les doigts entrelacés ; sa tête est penchée et son regard désolé est fixé sur son fils. Le cri, même s’il est contenu, le corps ainsi représenté et les mains jointes expriment très bien la douleur de la mère, avec un réalisme puissant et délicat.






La douleur est aussi parlante chez Marie-Madeleine ; elle passe par le cri, plus accentué que chez les autres personnages, mais aussi par le corps, légèrement penché, et par le mouvement des bras et des mains. Dans la bouche ouverte pour le cri, Mazzoni met en évidence la langue. Toutefois, l’expression de la douleur de la femme n’accède pas à une dimension expressionniste, comme c’est le cas chez Niccolò dell’Arca ; il demeure ici purement réaliste, et attaché à la grammaire et à la syntaxe classiques de la "juste mesure".






On remarquera aussi le cri de douleur exprimé par le personnage de Marie de Cléophas et le mouvement des mains qui cherchent à se cramponner à son vêtement comme pour prévenir une chute.




Il faut enfin noter l’impact émotionnel suscité par la présence des larmes sur les visages de Marie-Madeleine, de Marie de Cléophas et de la Madone. »









Sur le même thème, on peut lire dans ce blog :

Le Jour des pleurs (sur les Compianti de Guido Mazzoni à Modène et Bologne)

Les Larmes de la statue (sur le Compianto de Niccolò dell'Arca à Bologne)


Images : en haut, deuxième image,  Site Flickr




"Stabat mater dolorosa Juxta crucem lacrimosa dum pendebat Filius."

"Quando corpus morietur, fac ut animae donetur, Paradisi gloria."

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