Lo Stivale [La Botte] est un recueil de textes écrits par Bruno Barilli (merveilleux écrivain, compositeur et critique musical) au fil de ses voyages en Italie (du Sud au Nord, de Procida à Milan) et parus à l'origine dans divers journaux, des années vingt aux années quarante du siècle précédent. Il s'agit du dernier ouvrage publié par Barilli, en 1952 (l'année de sa mort). C'est l'un des rares livres de Barilli qui a connu une réédition (en 2002), presque tous les autres sont aujourd'hui introuvables, si ce n'est chez les bouquinistes et sur les sites de vente de livres d'occasion... L'extrait que je cite ici a été publié pour la première fois dans le journal Il Popolo di Roma en 1940 :
La buona acustica non è che il corollario, la limpida conferma della bella architettura. Sono le stesse leggi di trasmissione, di ritmo, di equilibrio e d’elasticità : tutto parte, rimbalza, si moltiplica, si accorda, ritorna ; così anche il suono, come l’acqua, corre vivo, come la luce, echeggia sui marmi monumentali.
Per questa ragione Roma è la città più sonora
del Meditteraneo. Tutte le voci del mondo si concentrano là. È una conchiglia.
Il suono non muore mai, non si cheta, scroscia nei suoi meandri : fragore
ascoso, perpetuo. Un segreto detto presto o tardi vien fuori ; venature,
cavità, orifizi lo riconducono all’aria.
Sotto i tuoi piedi c’è il
dedalo : catacombe, cripte, labirinti — canali evacuati dalla storia —
Roma è costruita sul vuoto.
Innocuo e decrepito, laggiù, fra i pilastri di
tufo, s’aggira un terremoto rullando sul suo tamburo con una solerzia
commemorativa degna di far paura, ma non spaventa nessuno.
A mezzodì il colpo
di cannone si ripercuote e sfiata nell’azzurro, e i sette colli si danno la
voce.
Poi tre timbri, tre note fondamentali riprendono il discorso di
prima : la pietra, il bronzo, e l’acqua.
Più tardi il sole picchia sulla
cupola delle basiliche come il martello sull’incudine.
A Roma le ore del giorno
sono altrettanti capitoli di un romanzo : temporali, fontane, tumulti di
campane riempiono le piazze d’un armonia varia, trasparente e profonda. I
palazzi son dei veri "stradivari". Le arcane facciate fanno una curva corale
intorno agli obelischi. I portoni son tante bocche che vociano.
Clamorosa città
che non dà tregua ai timpani, dove piazza Navona è l’accordo perfetto. Acustica
fenomenale. Giuochi stupendi e liquidi ; la gran piazza agonale è un
serbatoio immenso. Pròvati a sussurrare contro il muro una parola, se corri
presto puoi raccorglierla nell’orecchio centro metri più in là.
(…)
In questo
multanime istrumento, solo il Tevere è tardo, silenzioso, torbido — e scava
nella campagna i suoi ghirigori che somigliano all’ "esse" di un violino.
La bonne acoustique n’est que le corollaire, la confirmation limpide de la belle architecture. Ce sont les mêmes lois de transmission, de rythme, d’équilibre et d’élasticité : tout part, rebondit, se multiplie, s’accorde, revient ; et ainsi le son, comme l’eau, suit son cours, comme la lumière, il retentit sur les marbres monumentaux. C’est la raison pour laquelle Rome est la ville la plus sonore de la Méditerranée. Toutes les voix du monde se concentrent ici. C’est un coquillage. Le son ne meurt jamais, il ne s’apaise pas, il gronde dans ses méandres : fracas dissimulé, perpétuel. Un secret confié finit toujours tôt ou tard par être révélé ; des veines, des cavités, des orifices le ramènent à l'air libre.
Sous tes pieds, il y a un
dédale : des catacombes, des cryptes, des labyrinthes — canaux évacués de
l’histoire — Rome est construite sur le vide.
Inoffensif et décrépit, là-bas,
entre les piliers de tuf, rôde un séisme qui fait rouler son tambour avec un
zèle commémoratif que l’on pourrait trouver impressionnant, mais qui n’effraie
plus personne.
À midi, le coup de canon se répercute et se perd dans l’azur, et
les sept collines se donnent le mot.
Puis trois timbres, trois notes
fondamentales reprennent le discours antérieur : la pierre, le bronze et
l’eau.
Plus tard, le soleil tape sur la coupole des basiliques comme le marteau
sur l’enclume.
À Rome, les heures du jour sont autant de chapitres d’un
roman : les orages, les fontaines, les tumultes des cloches emplissent les
places d’une harmonie variée, transparente et profonde. Les palais sont de
vrais Stradivarius. Les mystérieuses façades font une courbe chorale autour des
obélisques. Les portails sont autant de bouches qui hurlent.
Ville bruyante qui
n’accorde aucune trêve aux tympans, où place Navona est l’accord parfait. Une
acoustique phénoménale. Jeux splendides et liquides ; la grande place aux allures de stade est un immense réservoir. Essaie de susurrer un mot contre le
mur, si tu cours assez vite, tu peux le recueillir dans l’oreille cent
mètres plus loin.
(…)
Dans cet instrument aux âmes multiples, seul le Tibre est
lent, silencieux, trouble — et il creuse dans la campagne ses gribouillis qui
ressemblent au "S" d’un violon.
Images : en haut, Lee Howard (Site Flickr)
au centre, Eszter Hargittai (Site Flickr)
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