Un extrait du chant VII de Mireille, de Frédéric Mistral : la farandole des moissonneurs autour du feu de la Saint-Jean. On lira d'abord le texte provençal, puis la traduction en français dont Mistral est également l'auteur, et enfin la traduction italienne de Diego Valeri.
(...)
Souto lou vènt-terrau que bramo,
Banejè dóu mouloun de ramo
Uno longo lengo de flamo.
Au tour, li meissounié, de joio trefouli,
Emé si tèsto fièro e libro
Se revessant dins l’èr que vibro,
Tóuti, d’un meme saut picant la terro ensèn,
Fasien deja la farandoulo.
La grand flamado, que gingoulo
Au revoulun que la ventoulo,
Empuravo à si front de rebat trelusènt.
Li belugo, à remoulinado,
Mounton i nivo, alerounado.
Au crussimen di trounc toumbant dins lou brasas
Se mesclo e ris la musiqueto
Dóu flahutet, revertigueto
Coume un sausin dins li branqueto...
Sant Jan, la terro aprens treloulis, quand passas !
La regalido petejavo ;
Lou tambourin vounvoune avo,
Grèu e countinuous, comme lou chafaret
De la mar founso, quand afloco
Pasiblamen contro li roco.
Li lamo foro di badoco
E brandussado en l’èr, li dansaire mouret,
Tres fes, à gràndis abrivado,
Fan dins li flamo la Bravado,
E tout en trepassant lou rouge cremadou,
D’un rèst d’aiet trasien li veno
Au recaliéu; e, li man pleno
De trescalan e de verbeno,
Que fasien benesi dins lou fiò purgadou :
« Sant Jan ! Sant Jan ! Sant Jan ! » cridavon.
Tóuti li colo esbrihaudavon,
Coume s’avié plóugu d’estello dins l’oumbrun !
Enterin la rounflado folo
Empourtavo l’encèns di colo
Emé di fiò la rougeirolo
Vers lou Sant, emplana dins lou blu calabrun.
Frederic Mistral Mirèio, pouèmo prouvençau
(...)
Sous le mistral qui mugit,
Pareille à une corne, s’éleva
du monceau de ramée
Une longue langue de flammes.
Alentour, les moissonneurs, fous
de joie,
Avec leurs têtes fières et libres
Se renversant dans l’air vibrant,
Tous, d’un même saut
frappant la terre ensemble,
Faisaient déjà la farandole.
La grande flamme, qui glapit
Sous
la bourrasque qui l’agite,
Attisait sur leurs fronts des reflets éclatants.
Les étincelles, à tourbillons,
Montent aux nues, furibondes.
Au craquement des
troncs tombant dans le brasier
Se mêle et rit la petite musique
Du galoubet, folâtre
Comme un friquet dans les rameaux...
Saint Jean, la terre enceinte tressaille, quand vous
passez !
Le feu joyeux pétillait ;
Le tambourin bourdonnait,
Grave et continu, comme le
murmure
De la mer profonde, quand elle bat
Paisiblement contre les roches.
Les lames
hors des fourreaux
Et brandies dans les airs, les danseurs bruns,
Trois fois, avec de grands élans,
Font dans les flammes la Bravade.
Et tout en
franchissant le rouge foyer,
D’une tresse d’aulx ils jetaient les gousses
Dans la braise ; et,
les mains pleines
De mille-pertuis et de verveine,
Qu’ils faisaient bénir dans le feu
purificateur :
« Saint Jean ! Saint Jean ! Saint Jean ! » s’écriaient-ils.
Toutes les collines étincelaient,
Comme s’il avait plu des étoiles dans l’ombre!
Cependant la rafale folle
Emportait
l’encens des collines
Et la rouge lueur des feux
Vers le Saint, planant dans le bleu crépuscule.
Frédéric Mistral Mireille, poème provençal
(...)
E mentre ei se n'andava, sul morir del giorno,
ecco levarsi un corno di fiamma dal cumulo dei rami,
e lingueggiare sotto la sferza del maestrale mugghiante.
Attorno, i mietitori, pazzi d'allegria,
rovesciando le teste libere e fiere
nell'aria vibrante,
tutti picchiando a un tempo il piede in terra,
facevano già la farandola.
La gran fiammata, che strideva
agitata dai rèfoli,
accedeva riflessi luminosi su le loro fronti.
Le scintille, in furioso mulinello,
montano alle nuvole.
Allo schianto dei tronchi che cadono nel braciere,
si mesce e ride la musichetta
del clarino, capricciosa
come un passero sui rami...
Quando tu passi, San Giovanni, la terra incinta trasale !
Il falò sfavillava ;
il tamburino rullava,
grave e continuo,come il mormorio
del mare profondo quando fiotta
pacatamente contro le roccie.
Tratte le lame dalle guaine,
e brandite in alto, i bruni danzatori
tre volte, con gran salti,
fanno tra le fiamme la Bravata.
E, scavalcando il rosso forno,
gettavano nella bragia, via via,
gli spicchi d'una resta d'aglio ;
e con le mani piene d'iperici e verbene,
che facean benedire dal fuoco purificatore,
« San Giovanni ! » — gridavano — « San Giovanni ! San Giovanni ! » —
Tutte le colline scintillavano intorno,
come se fossero piovute delle stelle nell'ombra !
E le folli sbuffate del maestrale
portavanol'incenso delle colline
e il rossore dei fuochi,
verso il Santo, librato alto lassù, nel crepuscolo turchino.
Federico Mistral Mirella Unione Tipografico - Edizione Torinese, 1950 (Traduzione : Diego Valeri)
(...)
E mentre ei se n'andava, sul morir del giorno,
ecco levarsi un corno di fiamma dal cumulo dei rami,
e lingueggiare sotto la sferza del maestrale mugghiante.
Attorno, i mietitori, pazzi d'allegria,
rovesciando le teste libere e fiere
nell'aria vibrante,
tutti picchiando a un tempo il piede in terra,
facevano già la farandola.
La gran fiammata, che strideva
agitata dai rèfoli,
accedeva riflessi luminosi su le loro fronti.
Le scintille, in furioso mulinello,
montano alle nuvole.
Allo schianto dei tronchi che cadono nel braciere,
si mesce e ride la musichetta
del clarino, capricciosa
come un passero sui rami...
Quando tu passi, San Giovanni, la terra incinta trasale !
Il falò sfavillava ;
il tamburino rullava,
grave e continuo,come il mormorio
del mare profondo quando fiotta
pacatamente contro le roccie.
Tratte le lame dalle guaine,
e brandite in alto, i bruni danzatori
tre volte, con gran salti,
fanno tra le fiamme la Bravata.
E, scavalcando il rosso forno,
gettavano nella bragia, via via,
gli spicchi d'una resta d'aglio ;
e con le mani piene d'iperici e verbene,
che facean benedire dal fuoco purificatore,
« San Giovanni ! » — gridavano — « San Giovanni ! San Giovanni ! » —
Tutte le colline scintillavano intorno,
come se fossero piovute delle stelle nell'ombra !
E le folli sbuffate del maestrale
portavanol'incenso delle colline
e il rossore dei fuochi,
verso il Santo, librato alto lassù, nel crepuscolo turchino.
Federico Mistral Mirella Unione Tipografico - Edizione Torinese, 1950 (Traduzione : Diego Valeri)
Images : (1) Christophe Hugot (Site Flickr)
(2) Frédéric Bisson (Site Flickr)
(3) Py All (Site Flickr)
(4) Sébastien (Site Flickr)
(5) Irène Saraiva (Site Flickr)
Belle mémoire que ce poème de Frédéric Mistral et ô combien belles photos de ces feux un peu surnaturels. Ce culte du feu qui nous vient de la nuit des temps associé en cette fête au solstice d'été a tant de significations. Fête qui réunit, fête de la fertilité, de l'amour, de la bénédiction qui éloigne les maléfices, il est aussi une porte, un passage entre lumière et ombre. Le solstice d'hiver marque le caractère ascendant du cycle de l'année (l'hiver conduit à la lumière, car les nuits vont raccourcir) ; le solstice d'été en ouvre la phase descendante (L'été conduit à des nuits plus longues, à l'obscurcissement). Ils éveillaient en moi malgré sa beauté, ces gerbes d'étincelles montant dans le ciel noir, sa chaleur et la joie des villageois, une sorte d'appréhension. Je pense la trouver dans cette musique de Verdi que je n'ai pas encore écoutée.
RépondreSupprimerLe chœur de Verdi (extrait d'"Otello") s'intitule "Feu de joie" : "Feu de joie ! La joyeuse flamme / chasse la nuit de son éclat, / vacille, étincelle, crépite, flamboie, / éclatant incendie qui envahit le cœur. (...) Feu de joie très vite brille ! / très vite passe, feu d'amour ! / Il resplendit, s'obscurcit, palpite, oscille . / En un dernier vacillement, il étincelle et meurt."
SupprimerMerci pour la traduction, Emmanuel. (Mais à la fin, il meurt...)
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