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mercredi 26 mars 2014

Una valle (Une vallée)




Un poème de Primo Levi, extrait du recueil  Ad ora incerta [À une heure incertaine] :

C'è una valle che io solo conosco.
Non ci si arriva facilmente,
Ci sono dirupi al suo ingresso,
Sterpi, guadi segreti ed acque rapide,
Ed i sentieri sono ridotti a tracce.
La maggior parte degli atlanti la ignorano :
La via d'accesso l'ho trovata da solo.
Ci ho messo anni
Sbagliando spesso, come avviene,
Ma non è stato tempo gettato.
Non so chi ci sia stato prima,
Uno o qualcuno o nessuno :
La questione non ha importanza.
Ci sono segni su lastre di roccia,
Alcuni belli, tutti misteriosi,
Certo qualcuno non di mano umana.
Verso il basso ci sono faggi e betulle,
In alto abeti e larici
Sempre più radi, tormentati dal vento
Che gli rapisce il polline a primavera
Quando si svegliano le prime marmotte. 
Più in alto ancora sono sette laghi
D'acqua incontaminata,
Limpidi, scuri, gelidi e profondi.
A questa quota le piante nostrane
Cessano, ma quasi sul valico
C'è un solo albero vigoroso,
Florido e sempre verde
A cui nessuno ha ancora dato nome :
È forse quello di cui parla la Genesi.
Dà fiori e frutti in tutte le stagioni,
Anche quando la neve gli grava i rami.
Non ha congeneri : feconda se stesso.
Il suo tronco reca vecchie ferite
Da cui stilla una resina
Amara e dolce, portatrice d'oblio.

29 ottobre 1984

Primo Levi   Ad ora incerta, Garzanti Editore, 1984





Il y a une vallée que je suis seul à connaître.
On n'y arrive pas facilement,
Des escarpements empêchent d'y entrer,
Des ronces, des gués cachés et des cascades,
Et il ne reste plus que les traces des sentiers.
Elle ne figure pas dans la plupart des cartes :
J'ai trouvé par moi-même la voie d'accès.
Il m'a fallu des années
En m'égarant souvent, bien sûr,
Mais cela n'a pas été du temps perdu.
J'ignore qui y vint le premier,
Un seul, quelques-uns ou personne :
La question est sans importance.
Il y a des signes sur des dalles de pierre,
Certains sont beaux, tous sont mystérieux,
Parfois, ils ne semblent pas tracés par la main de l'homme.
Vers le bas, il y a des bouleaux et des hêtres,
Dans les hauteurs, des sapins et des mélèzes
Toujours plus clairsemés, tourmentés par le vent
Qui vole leur pollen lorsque vient le printemps
et que les premières marmottes se réveillent.
Encore plus haut se trouvent sept lacs
Dont l'eau est d'une pureté parfaite,
Limpides, sombres, glacés et profonds.
À cette altitude, les plantes familières
Ne poussent plus, mais tout près du col
Il y a un arbre, solitaire et vigoureux,
Florissant et toujours vert
Auquel personne n'a encore donné un nom :
C'est peut-être celui dont parle la Genèse.
Il donne des fleurs et des fruits en toute saison,
Même quand la neige fait ployer ses branches.
Il est le seul de son espèce : il se féconde lui-même.
Son tronc porte d'anciennes blessures
D'où suinte une résine
Amère et douce, porteuse d'oubli.

29 octobre 1984

(Traduction personnelle)
 





Images : en haut, Site Flickr

au centre et en bas, Ed Oakley  (Site Flickr)






1 commentaire:

  1. "... D'où suinte une résine
    Amère et douce, porteuse d'oubli...."

    29 octobre 1984


    La fin de ce poème est imprévisible sauf quand on lit la signature...
    Beau rappel de Terres de Femmes où Angèle Paoli, comme vous, nous donne à connaitre la poésie italienne ( aussi par ses traductions personnelles).
    Vous avez des goûts culturels et littéraires, proches, souvent.
    Toutefois vous faites plus de références qu'elle au cinéma italien mais elle a besoin de temps pour d'autres travaux de plume. Enchantement dans les deux cas !

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