Il n’y a pas d’index aux buissons, pas d’annuaires des ponts de planches trouées, nul répertoire pour le silence d’une mare, dans le soir impatient d’arrière-automne (avril, c’est une autre mare). La seule carte qui vaille est notre soif trop profonde, que boire ni reboire ne savent pas apaiser, voir ni revoir étancher. Nous sommes seuls, dans notre amour des plis et des replis de la terre. Le plus local des érudits locaux n’a tout de même pas consacré de monographies de trois cents pages, ni de huit, à ces fourrés qui se souviennent de la nuit, vers deux heures de l’après-midi, à ces trois pierres qui furent un moulin, à ce raidillon sans pitié qui part encore sur la gauche, vers où, vers quoi, vers quelle vallée avec son ruisseau même, fille de celle-ci, petit cousin de cette eau ? Nous n’y arriverons jamais. Je n’en peux plus.
Arrête-toi, lui disent les souches pourrissantes, les poteaux télégraphiques hypocrites, prévenants. Repose-toi. Savoure cette mousse, cette heure, ces ajoncs, cette ombre qui s’allonge et qui touchera bientôt cette cascade minuscule. Que t’a fait cette crête, et ce qu’il y a derrière ? Que peut bien t’apporter ce bosquet, qu’on distingue à peine au-delà de ces collines ? Cette piste, qu’est-ce qu’elle pourra t’offrir de plus ?
Mais lui ne peut pas les entendre. Il les entend, mais il ne peut pas se rendre à leurs raisons. Il sait que ce qu’ils disent est juste. Il se dit les mêmes choses propres. Leurs paroles ne sont que l’une de ses voix, celle qui reste à garder le fort, tandis que les autres battent la campagne. Le raidillon les aspire.
Et derrière il y a une autre crête, on le savait ; ou bien une vue si vaste qu’elle n’étreint pas ce qu’elle embrasse, que ce ne peut pas être compté comme vu, encore moins comme connu, comme foulé n’en parlons même pas. Le vain travail n’est pas fait. Le vain travail n’est jamais fait. Nous n’aurons pas connu la terre. Encore une saison de passée. Ce que j’en ai vécu, je serai incapable de le dire.
Cette garenne, dit la voix. Cette combe. Cette trouée dans les branches. Cette pierre, au bord du champ, avec sa carte de lichen.
Il ne peut pas. Il ne peut pas...
Oh, il peut les aimer ! Il les aime, de toute l’impuissance de son amour. Il les aime, de toute cette exigence en lui, qui le contraint à les quitter. Il les aime au conditionnel. Combien il aurait pu les aimer, combien il les aurait aimés, si hélas cette autre pierre, cette autre crête, ce maquis, cette vallée au-delà, et cette trouée entre les branches...
Il reviendra. Il reviendra. Rien n’est jamais aimé, rien n’est jamais connu. La connaissance nous aveugle sur l’amour, mais surtout elle nous aveugle sur la connaissance. C’est dans le Magne qu’il aimera l’Aubrac, c’est en Xaintrie qu’il comprendra la Lomagne.
Quand je pense qu'on entend souvent contester — entre autres choses, entre autres choses — le talent littéraire de Renaud Camus ! Ces paragraphes que j'avais oubliés montrent avec évidence qu'il est un des plus grand écrivains français vivants, et l'on en trouverait tant d'autres dans l'œuvre immense. Que les jauges littéraires soient à ce point faussées en ce pays qu'on disait celui de la littérature est un cruel signe des temps. Finkielkraut, en 1987, achevait le texte de « La défaite de la pensée » par le face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie. On ne pourra pas prétendre n'avoir pas été prévenus. Mais qu'ont fait l'inquisiteur Sollers et son greffier Savigneau pour défendre la littérature, cette forme libre de la pensée ? La promotion de leur chapelle et d'assassins anathèmes idéologiques.
RépondreSupprimerUn bonheur, un sentiment d'éternité jusqu'à l'imperceptible amour, ce mal nommé. Tous ces possibles et tous ces impossibles dans ce texte passerelle... Être hébergés dans cette page pour la joie.
RépondreSupprimerBach relie et console.
Homme mouvant, insaisissable. Comment aller de l'un à l'autre sans s'y perdre ? "Je" est un autre... (contrepoids aux incompréhensions et aux transgressions).
Quel style mièvre, fade, affecté ! Quel mauvais pastiche du Gide des Nourritures terrestres (qui avait l'excuse de ses vingt-cinq ans) !
RépondreSupprimerQue de chichis, de préciosités vides, d'évasives banalités !
Quel sentiment d'"inutilité" de ces paragraphes (pour parler comme Renaud Matignon, qui évoquait un livre où "chaque mot est inutile"), de vanité extrême de ce langage narcissique, complaisamment enroulé sur lui-même, stérile et faussement élégant...
Ca vous rendrait homophobe, ce genre de prose ridicule.
"Ca vous rendrait homophobe, ce genre de prose ridicule."
SupprimerEt dans votre cas, on sent que vous n'auriez pas beaucoup à vous forcer !
Emmanuel,
RépondreSupprimerje suis saisie par la hargne de ce commentateur. Votre réponse est bien ciblée. Continuez de choisir librement ces textes, ces musiques et ces photos. Ce blog ouvert aux commentaires est une halte dans la fureur de ce monde, une invitation à la beauté, à la lecture, à la méditation.