Au galop nous avons parcouru des plaines. Des malheureux nous ont souri. C'était des anges de passage, c'était nos ombres qui demandaient à naître, et nous nous arrêtions un instant consternés de ne rien pouvoir faire pour elles. Le matin surtout quand nous voyions s'amasser et tourbillonner autour d'elles toutes les notes de musique des orchestres de la nuit.
Louise de Vilmorin Carnets, Gallimard 1970
Viens, bel ange, allons sur la terre
Pour nous étendre dans le lit,
De l'ombre qui tourne et pâlit
Buvons-en la nuit passagère.
Nous connaissons l'éternité
Toutes ses lois et ses coutumes,
Les limbes prises dans la brume
Et le soleil des vérités.
Dans ces provinces éternelles
L'ombre et l'ombrage ne sont pas
Compagnons de l'arbre et des pas :
Les bienheureux tant suppliés
Au bras des héros se promènent
Et les saintes en robe à traîne
Font des saluts aux oubliés.
Mais l'ombre aimée, ombre volage
Dont nos regards sont affamés,
L'ombre qu'on cherche pour s'aimer
N'aborde jamais nos parages.
Quand s'envole un voile léger
Du front de la vierge en prière,
Nulle de ses camérières
N'a d'ombre pour la protéger.
À midi descendons sur terre
Pour nous étendre dans le lit,
De l'ombre qui tourne et pâlit,
Buvons-en la nuit passagère.
Louise de Vilmorin L'Alphabet des Aveux Gallimard, 1954
Images : en haut, Site Flickr
au centre, Site Flickr
en bas, Steve Scott (Site Flickr)
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