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samedi 7 octobre 2017

Demeures d'autre part




Crépuscule 

L’heure viendra... l’heure vient... elle est venue 
Où je serai l’étrangère en ma maison
Où j’aurai sous le front une ombre inconnue 
Qui cache ma raison aux autres raisons. 

Ils diront que j’ai perdu ma lumière 
Parce que je vois ce que nul œil n’atteint : 
La lueur d’avant mon aube la première 
Et d’après mon soir le dernier qui s’éteint. 

Ils diront que j’ai perdu ma présence 
Parce qu’attentive aux présages épars 
Qui m’appellent de derrière ma naissance, 
J’entends s’ouvrir les demeures d’autre part. 

Ils diront que ma bouche devient folle 
Et que les mots n’y savent plus ce qu’ils font 
Parce qu’au bord du jour pâle, mes paroles 
Sortent d’un silence insolite et profond. 

Ils diront que je retombe au bas âge 
Qui n’a pas encore appris la vérité 
Des ans clairs et leur sagesse de passage, 
Parce que je retourne à l’Éternité. 

Marie Noël  Chants d’arrière-saison (Ed. Christian de Bartillat)








Images : en haut, Frederic Da Vitoria  (Site Flickr)

en bas, (1) Nicolas M  (Site Flickr)

(2) Jean-Jacques Cordier  (Site Flickr



3 commentaires:

  1. Ah, vous connaissez... Vous m'épatez ! Je l'ai découverte par un ouvrage, une sorte de biographie écrite par Benoît Lobet : "Mon Dieu, je ne Vous aime pas !" (Stock). C'est un religieux espiègle qui me l'avait offert.
    J'ai adoré ! Il y cite des textes d'elle. Tenez, celui-ci est mon préféré :
    "Mon Dieu, je ne vous aime pas, je ne Ie désire même pas, je m'ennuie avec vous
    Peut-être même que je ne crois pas en vous.
    Mais regardez-moi en passant.
    Abritez-vous un moment dans mon âme, mettez-la en ordre d'un souffle,
    sans en avoir I'air, sans rien me dire.
    Si vous avez envie que je croie en vous, apportez-moi la foi.
    Si vous avez envie que je vous aime, apportez-moi l,amour.
    Moi, je n'en ai pas et je n'y peux rien.
    Je vous donne ce que j,ai : ma faiblesse, ma douleur.
    Et cette tendresse qui me tourmente et que vous voyez bien...
    Et ce désespoir... Et cette honte affolée...
    Mon mal, rien que mon mal...
    C'est tout !"
    J'ai offert ce livre à une adorable vieille amie, très catho, sans faille. Je ne sais si elle l'a lu car le titre l'effrayait. Et ^pourtant cette femme anticonformiste est extraordinaire dans ses intuitions.
    Ah, je suis contente du cadeau de ce jour. Merci !

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    1. Attention, n'oubliez pas de citer le vers après "Mon mal, rien que mon mal... C'est tout ! Et mon espérance !". Je crois que le titre de ce poème est "Prière d'un pauvre"...

      Et quand Jacqueline du Pré joue du violoncelle, nous aussi pouvons entendre s'ouvrir les demeures d'autre part...

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    2. Oui, je sais... je n'ai pas pu aller jusqu'à ce mot là. Un peu comme dans le théâtre de Beckett : en attendant Godot...
      J'ai écouté ce violoncelle et j'ai lu ce beau poème que vous nous offrez. Je reste sur le seuil. Tout ça, cette beauté-là, c'est peut-être un hologramme, mémoire d'une absence...
      Mais l'attente... plus importante que le renoncement...

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