Hors l'été, période de l'année où la torpeur nous écrase dans un corps pesant et où, de plus, les caravanes de touristes défilent même par les sentiers reculés, toutes les saisons me paraissent propices à l'exaltation du fantassin.
Il ira, l'hiver, au cœur d'un plateau désolé, s'exposer aux rafales cinglantes de la bise qui fouetteront ses joues jusqu'au sang. Il suivra, au printemps, n'importe quelle vallée au climat tempéré, aux cultures variées (vigne, fraise, arbres fruitiers...) qui lui donneront un avant-goût du midi. Partout ailleurs, il succombera aux charmes de l'automne.
Car la promenade, si elle doit rendre léger le badaud, ne se pratique pas à la légère mais nécessite, au contraire, une claire conscience de ses tenants et aboutissants qui en font, bien appliqués, un luxe.
Il convient, avant le départ, de se renseigner auprès de la météorologie sur l'état du ciel : souhaitons-nous marcher sous le soleil ou sous les nuages ? Il faut aussi, avec soin, préparer un bagage correct, point trop lourd de façon à ce qu'il ne nous encombre pas mais suffisamment complet pour parer à d'éventuels désagréments. Il est prudent, enfin, de s'observer soi-même avec acuité, de ne pas se tromper sur notre état d'esprit lequel conditionne le regard que nous porterons sur notre chemin et ses attraits. En ce qui concerne l'itinéraire, un guide maniable aiguillera notre attention vers telle ou telle curiosité que nos yeux seuls n'auraient pas distinguée...
Ainsi pourvus, nous deviendrons peu à peu capables de cette contemplation dont Schopenhauer dit qu'elle est un des moyens favorisant la suspension du vouloir-vivre et donc, de la douleur et de l'ennui.
Je crois, en effet, que la promenade dispose à une sérénité intérieure particulière née de l'abandon des préoccupations inessentielles. Correctement pensée, elle apporte la « belle humeur », ce moment délicieux où nous avons le sentiment d'enfin coïncider avec nous-mêmes dans la pleine conscience de notre bonheur.
La promenade est un exercice spirituel, une ascèse.
Rémi Villedecaze De la promenade Editions du Bon Albert, 1997
Images : merci à Denis Trente-Huittessan pour ses belles photographies (Site Flickr)
Oui, marcher paisiblement, tantôt regardant le paysage, les êtres rencontrés, tantôt plongé dans ses pensées avec sérénité. C'est un échange paisible et naturel entre notre corps, notre souffle et la lumière, le vent; les bruits de la nature, les odeurs de la terre (surtout quand la pluie approche), des bêtes ou celles de la ville. C'est un temps aussi pour retrouver ce que nous avons perdu et qu'une courbe du paysage nous rend soudain présent. C'est un grand silence intérieur, tellement paisible, une disponibilité. Parfois une halte pour recevoir beauté et lumière. Une promenade familière est un rendez-vous avec le bonheur.
RépondreSupprimerCe texte que vous nous offrez ne laisse pas indifférent. Il nous remet dans le sens de nos marches.
Les mots aussi montent comme des bulles en nous. Une mienne amie écrivait sur de petits carnets en marchant, s'arrêtait pour prendre en photo une fleur, un arbre, une lumière.
Je pense aussi à ceux qui ne goûtent pas ce bonheur pour des raisons d'épuisement, de maladie, de handicap. Alors lectures et photographies, toiles, musiques ont le poids de l'aile d'un papillon.
Enfin, partager une promenade en silence avec un vrai ami, ça c'est le bonheur !
Il faut aussi y ajouter les odeurs. Ici, je ne manque jamais de passer à côté de l'usine aux longues cheminées où l'on torréfie le cacao. Remonter les allées du marché est aussi une expérience olfactive sans commune mesure avec l'Europe. Cela doit être, je pense, la seule et dernière chose qui me rappelle l'Afrique de mon enfance.
RépondreSupprimerEncore merci pour votre blog qui reste un point d'exclamation sur la feuille blanche de ma journée.
Ah oui, Julius : les marchés, le café ou le cacao qu'on torréfie, le soupirail d'une boulangerie (juste près du four)... bonheur !
SupprimerMerci à vous.
RépondreSupprimerVous aimez le Gers ??? Où la promenade peut être délicieuse !!!
RépondreSupprimerBel article qui pousse à prendre son bâton...
Je note le titre !
Belles photos de Denis Trente H...
Merci de votre visite. Votre blog est lui aussi une belle invitation à la promenade !
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