Translate

samedi 1 septembre 2012

Una lama di luce (Une lame de lumière)




La dix-neuvième enquête du Commissaire Montalbano, Una lama di luce (Une lame de lumière), vient de paraître aux éditions Sellerio, et c’est toujours un grand plaisir de retrouver la langue étonnante de Camilleri, cet italien sicilianisé (à moins que ce ne soit l’inverse) qu’il a inventé et qui, allié à un grand art de la narration, d’autant plus efficace qu’il n’est jamais ostentatoire, fait toute la force et l’originalité de son œuvre. Cela pose évidemment le problème de la traduction, car il n’est jamais simple de retrouver dans une autre langue la musique si particulière de Camilleri, en évitant les deux écueils principaux : aplatir ou banaliser le style en ayant recours à un niveau de langue standard, ou verser dans le pittoresque en recherchant à tout prix des équivalences lexicales ou en abusant des particularismes dialectaux. La solution est évidemment bien difficile à trouver, et il faut de toute façon se résigner à une perte importante dans la sonorité et le rythme de la phrase. 

L’extrait que je cite ici se situe à peu près au milieu de l’ouvrage et l’on y trouve une partie de l’explication du titre de cette nouvelle enquête de Montalbano. Dans cette éblouissante, aveuglante lame de lumière qui frappe ici le Commissaire, il y a aussi la clé du mystère et la vérité ultime de cette histoire, mais on comprendra que, sur ce point, je n’en dise pas davantage... 

Al momento di nesciri di casa vinni pigliato da un dubbio. E se i dù tunisini l’avivano per caso viduto ‘n tilevisioni e l’arraconoscivano come il commissario Montalbano ? Le probabilità erano scarse, ma c’erano. Ma come faciva a stracangiarisi la facci tempo cinco minuti e senza aviri ‘n casa nenti che potiva serviri ? 
Addubbò con un paro d’occhiali da soli che gli cummigliavano mezza facci, con un cappidrazzo da spaventapassari che gli arrivava all’occhi, con un enormi fazzolettoni russo che si ‘nfilò torno torno al collo facenno ‘n modo che si isasse fino a sutta al naso e s’arraccomannò a Dio. 
Attrovò a Intelisano al bivio, puntuali. Quello lo taliò tanticchia ammaravigliato ma non fici dimmane. 
A un certo momento, a mezzo di ‘na trazzera però bastevolmenti percorribili, la machina d’Intelisano si firmò e Montalbano, che gli annava appresso, fici l’istisso. «Ora dovemo annare a pedi. Chiuisse la machina». 
A mano manca c’era un viottolo per carretti. Lo pigliaro. 
«Da ccà in poi il tirreno è mio». 
Caminaro per ‘na vintina di minuti ‘n mezzo alla terra arata di frisco. Montalbano ‘nni sintiva il sciauro trasirigli dalle nasche, la terra adura di bono quanto il mari. 
Po’ passaro vicino a ‘na staddra ‘muratura con delle vestie dintra che aviva allato a un capannoni ‘n mitallo, chiuttosto granni. La parti superiori era ‘na speci di fienili. 
Per un attimo, mentri che Montalbano taliava, ‘na lama di luci fortissima si partì dal fienili e lo pigliò nell’occhi. A malgrado dell’occhiali, ‘stintivamenti li chiuì e quanno li raprì la luci non c’era cchiù. Dovitti livarisi l’occhiali e asciucarisi l’occhi che gli lacrimiavano. Forsi si era trattato di un pezzo di vitro che aviva riflittuto un raggio di soli.

Andrea Camilleri  Una lama di luce  Sellerio Ed. 2012 

 




Au moment où il sortait de la maison, un doute le saisit. Et si par hasard les deux Tunisiens l’avaient déjà vu à la télévision et le reconnaissaient comme le commissaire Montalbano ? Les probabilités étaient minces, mais elles existaient. Mais comment pouvait-il camoufler son visage en cinq minutes alors qu’il ne disposait de rien dans la maison qui aurait pu lui servir ? 
Il s’affubla d’une paire de lunettes de soleil qui lui cachaient la moitié du visage, d’un vieux chapeau d’épouvantail qui lui descendait jusqu’aux yeux, d’un grand foulard rouge qu’il enroula autour de son cou en le faisant remonter jusque sous son nez, et il se recommanda à Dieu.
Ponctuel, Intelisano l’attendait à la bifurcation. Il le regarda avec étonnement, mais ne posa aucune question. 
À un moment, au milieu d’un chemin de terre assez carrossable, la voiture d’Intelisano s’arrêta et Montalbano, qui suivait derrière, fit de même. «Maintenant, il faut continuer à pied. Garez la voiture.» 
Sur la gauche, il y avait un chemin muletier. Ils l’empruntèrent. 
«À partir d’ici, le terrain m'appartient.» 
Ils marchèrent pendant une vingtaine de minutes dans la terre fraîchement labourée. Montalbano respirait profondément cette odeur, la terre sent aussi bon que la mer. 
Ils arrivèrent près d’une étable en pierre où se trouvaient des bêtes ; juste à côté, il y avait un hangar en tôles, assez grand. La partie supérieure était une sorte de grange. 
L’espace d’un instant, tandis que Montalbano observait les lieux, une lame de lumière très forte partit de la grange et l’aveugla. Malgré ses lunettes, il ferma instinctivement les yeux et quand il les rouvrit, la lumière avait disparu. Il dut ôter ses lunettes pour essuyer ses yeux qui s’étaient remplis de larmes. C’était peut-être un morceau de verre qui avait reflété un rayon de soleil.

(Traduction personnelle) 








Images : en haut, Site Flickr

au centre, Graziano Marletta  (Site Flickr)

en bas, Carlo Columba  (Site Flickr)

3 commentaires:

  1. Une lame de lumière... Cette phrase et la si mystérieuse première photo. Réminiscence...
    Je pense à L'étranger de Camus :"La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante...."

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Très intéressant rapprochement, Christiane ! Je profite de l'occasion pour citer ce passage dans la très belle traduction italienne d'Alberto Zevi ("Lo straniero", Ed. Bompiani) :

      “E questa volta, senza alzarsi, l’arabo ha estratto il coltello e me l’ha presentato nel sole. La luce ha balenato sull’acciaio e fu come una lunga lama scintillante che mi colpisse alla fronte. In quello stesso momento, il sudore delle mie sopracciglia è colato di colpo giù dalle palpebre e le ha ricoperte di un velo tiepido e denso. Non sentivo più altro che il risuonar del sole sulla mia fronte e, indistintamente, la sciabola sfolgorante sprizzata dal coltello che mi era sempre di fronte. Quella spada ardente mi corrodeva le ciglia e frugava nei miei occhi doloranti. È allora che tutto ha vacillato. Dal mare è rimontato un soffio denso e bruciante. Mi è parso che il cielo si aprisse in tutta la sua larghezza per lasciar piovere fuoco. Tutta la mia persona si è tesa e ho contratto la mano sulla rivoltella. Il grilletto ha ceduto, ho toccato il ventre liscio dell’impugnatura ed è là, in quel rumore secco e insieme assordante, che tutto è cominciato. Mi sono scrollato via il sudore e il sole. Ho capito che avevo distrutto l’equilibrio del giorno, lo straordinario silenzio di una spiaggia dove ero stato felice. Allora ho sparato quattro volte su un corpo inerte dove i proiettili si insaccavano senza lasciare traccia. E furono come quattro colpi secchi che battevo sulla porta della sventura”.

      Supprimer
    2. Vous ricochez comme les galets plats sur l'eau. Passionnant ces échanges bilingues !

      Supprimer