Per un altro Vincenzo
Und aus der meinen und aus der deinen
werden Gestalten der Stille steigen,
die sich leise entgegenweinen...
R.M. Rilke Dir zur Feier
« Ils ont atteint Arezzo peu avant midi, quand les églises sont calmes et fraîches sous le jour violent. Ils sont montés dans la ville haute, jusqu'à cette massive église paysanne où Piero della Francesca a peint l'Histoire de la Vraie Croix. (...) Vincent et Angela s'arrêtent au bord du chœur. Éblouis par le soleil inondant la verrière, ils devinent à peine les surfaces peintes. Vincent retarde l'instant où sa main pressera l'interrupteur des éclairages. Englouties par l'ombre, les fresques existent hors du regard, hiératiques, intemporelles, résorbées dans un espace qui leur est propre et où nul ne peut désormais les atteindre. (...)
An centre du mur est peinte la fresque sublime. Trois lacunes la marquent, étroites, verticales, dont on ne perçoit plus l'écorchure, devenue elle-même forme et couleur. La Reine de Saba rend visite à Salomon. Draperies impalpables sur d'abstraits corps de femmes. Parfaite harmonie d'une scène que toute émotion a désertée. Le groupe des suivantes s'inscrit dans la plénitude du cercle, son rythme immuable est celui du cérémonial. Si peu de vie sépare leurs lignes épurées de celles des arbres et des colonnes. Figures humaines aux contours si précis que leur individualité s'estompe, formes qui par trop de définition se trouvent diluées. Les yeux mi-clos sur leurs regards absents, elles esquissent d'improbables sourires, énigmes posées sur l'espace ignoré, musique à peine pressentie. Êtres inconnus d'eux-mêmes, hermétiques aux autres, mais formant un groupe que l'indicible cimente.
Entre une tête asexuée – jeune page ou servante – et la courbe infinie d'un autre cou, émerge un visage sans corps, un visage plus frémissant, les yeux largement ouverts, inondé d'espérance. Sur celui-là aussi se lit le mystère, mais que la fragilité humanise. Sans doute n'a-t-il pas la pureté hautaine de ceux qui l'entourent, sans doute devine-t-on sur lui, avec la tendresse si forte, une muette angoisse qui en est la mesure, mais à sa manière, plus humble, plus accessible, il indique le même chemin. Ce visage-là peut tout accueillir, il n'a pas besoin de certitude. »
An centre du mur est peinte la fresque sublime. Trois lacunes la marquent, étroites, verticales, dont on ne perçoit plus l'écorchure, devenue elle-même forme et couleur. La Reine de Saba rend visite à Salomon. Draperies impalpables sur d'abstraits corps de femmes. Parfaite harmonie d'une scène que toute émotion a désertée. Le groupe des suivantes s'inscrit dans la plénitude du cercle, son rythme immuable est celui du cérémonial. Si peu de vie sépare leurs lignes épurées de celles des arbres et des colonnes. Figures humaines aux contours si précis que leur individualité s'estompe, formes qui par trop de définition se trouvent diluées. Les yeux mi-clos sur leurs regards absents, elles esquissent d'improbables sourires, énigmes posées sur l'espace ignoré, musique à peine pressentie. Êtres inconnus d'eux-mêmes, hermétiques aux autres, mais formant un groupe que l'indicible cimente.
Entre une tête asexuée – jeune page ou servante – et la courbe infinie d'un autre cou, émerge un visage sans corps, un visage plus frémissant, les yeux largement ouverts, inondé d'espérance. Sur celui-là aussi se lit le mystère, mais que la fragilité humanise. Sans doute n'a-t-il pas la pureté hautaine de ceux qui l'entourent, sans doute devine-t-on sur lui, avec la tendresse si forte, une muette angoisse qui en est la mesure, mais à sa manière, plus humble, plus accessible, il indique le même chemin. Ce visage-là peut tout accueillir, il n'a pas besoin de certitude. »
Bernard Simeone Figures de silence Editions Jean Honoré, Lyon, 1983
Ah! Mais quel plaisir de lire ceci.
RépondreSupprimerEn effet, ce petit visage à contre-courant est étonnant: il tranche, discrètement d'abord, avec l'intense et froide solennité des grandes dames pour ensuite s'insinuer dans l'esprit.
Et soudain on voit le "bruit" que fait le cheval sur la gauche. Point d'entourage bridé pendant les cérémonies!
Ma préférence va au feuillage des arbres.
Merci, Diane, j'aime beaucoup votre commentaire.
RépondreSupprimerUne autre figure du silence : ce film que je viens de voir :
RépondreSupprimerhttp://www.critikat.com/Le-Quattro-Volte.html
de Michelangelo Frammartino (2010)
ça se passe en Calabre dans une absence totale de dialogues. Images, sons magnifiques. Et ces bêtes... si proches...
Christiane : merci de cette référence ; une amie m'a déjà parlé avec beaucoup d'enthousiasme de ce film et j'ai très envie de le voir.
RépondreSupprimerLe quattro volte,très beau film...
RépondreSupprimerPiero tu es fameux
RépondreSupprimerMerci pour lui : je suis sûr que ce compliment lui ira droit au cœur !
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