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lundi 20 février 2012

Sandro Penna, come un addio






"Animula vagula blandula,

Hospes comesque corporis,
Quae nunc abibis in loca,
Pallidula, rigida, nudula,
Nec, ut soles, dabis iocos..."

P. Aelius HADRIANUS, Imp.


Al telefono, nelle ore dell’alba e della notte, diceva dell’amico che una volta lo aveva posto fra i poeti più grandi affianco a Dylan Thomas, tornava a elencare i suoi mali, nominava il suo cane, ripeteva che sarebbe morto assai presto : aveva sentito la morte passare sulla città, soffermarsi sulla sua casa, e come Leopardi la chiamava, trattenendo il pianto, «dolcissima fanciulla».

Aveva ultimamente tradotto per un amico pittore i versi dell’imperatore Adriano, li aveva trascritti più volte lasciando i fogli sul mucchio delle carte e dei farmaci e delle immondizie :

Animula vagula, blandula
ospite e compagna del corpo,
che ora te ne andrai in luoghi
sì pallidi, sì gelidi, sì nudi
né come solevi darai giochi...

Aveva ritenuto intraducibile quel primo verso che, con soave sofferta pazienza, chiamava l’anima minima e spersa dell’uomo, così infinitamente e vanamente tesa alla felicità e alla salute, pure così vaga e imprendibile.

Fra gli altri suoi versi – nascosti nella stanza dove conservava i ritagli dei giornali, le fotografie mai sviluppate, le tele e i cartoni dipinti da Raffaele, i libri rari e quelli dedicati da Comisso, da Montale, da Saba, da Pasolini – v’era un distico facile e fermo e straziato come un addio. Forse lo aveva scritto per la tomba che voleva al cimitero di Prima Porta – non al Verano dove erano sepolti vicini il padre e la madre e Beniamino e Elda – da quando, in un mattino di sole, era passato di là e aveva visto, dietro i loculi e le cappelle, terre erbose e colline e greggi e il cielo azzurro disteso. Nei due versi diceva :

Nostalgia della vita in me riaffiora
e fa triste la tomba che mi onora.

Elio Pecora Sandro Penna, una cheta follia, ed. Frassinelli, 1984


Au téléphone, aux petites heures de l’aube et de la nuit, il parlait de l’ami qui autrefois l’avait placé parmi les plus grands poètes à côté de Dylan Thomas, il recommençait à énumérer ses maux, mentionnait son chien, répétait qu’il serait mort très bientôt : il avait senti la mort passer sur la ville, s’arrêter dans sa maison, et comme Léopardi, en retenant ses larmes, il l’appelait «la si douce enfant».

Il avait récemment traduit pour un ami peintre les vers de l’empereur Hadrien, il les avait recopiés plusieurs fois en abandonnant les feuillets sur le tas de papiers, de médicaments, de détritus :

Petite âme, âme tendre et flottante,
compagne de mon corps qui fut ton hôte,
tu vas descendre dans ces lieux
si pâles, si durs, si nus,
où tu devras renoncer aux jeux d’autrefois.

Il considérait comme intraduisible le premier vers qui, avec une patience douce et tourmentée, parlait de l’âme minuscule et égarée de l’homme, si infiniment et vainement en quête du bonheur et du salut, et pourtant si indistincte et inatteignable.

Parmi ses autres vers – cachés dans la pièce où il conservait les coupures de journaux, les photographies jamais développées, les toiles et les cartons peints par Raphaël, les livres rares et ceux que lui avaient dédicacés Comisso, Montale, Saba et Pasolini – se trouvait un distique simple, ferme et douloureux comme un adieu. Il l’avait peut-être écrit pour qu’il figure sur sa tombe au cimetière de Prima Porta – pas au Verano où étaient enterrés côte à côte son père et sa mère, Benjamin et Elda – se rappelant d’un matin de soleil où il était passé par là et avait vu, derrière les tombes et les chapelles, des prairies, des collines et des troupeaux, étendus sous un ciel d’azur. Ces deux vers disaient :

La nostalgie de la vie en moi réaffleure
et rend triste la tombe qui m’honore.

(Traduction personnelle)




SAMEDI 7 DÉCEMBRE La tombe de Sandro Penna, au cimetière de Prima Porta : c'est un petit losange de pissenlits qui forme une placette. Si l'on en croit son biographe, Elio Pecora, ce privilège a été accordé après beaucoup d'insistance auprès de l'Assessorato alla Cultura di Roma et le poète a dû attendre quatre ans dans ces loculi funèbres qui sont ici le lot commun.

Sur le coin du massif d'herbes pousse un rosier, au centre, une stèle qui porte le nom, les dates, une croix, d'un côté, de l'autre, ces deux vers magnifiques :

Nostalgia della vita in me riaffiora

e fa triste la tomba che mi onora.

Gérard Pesson Cran d'arrêt du beau temps, Journal 1991-1998 Van Dieren éditeur, 2004




La traduction française des vers d'Hadrien est de Marguerite Yourcenar.

Transcription des vers autographes de Sandro Penna :

"Traversare un paese … e lì vedere
cheti fanciulli ridestarsi a un soffio
di musica e danzare. S’allontana
forma o colore : un sogno. Viva resta
la dolce persuasione di una fitta
rete d’amore ad inquietare il mondo."




Tombe de Sandro Penna : Source de l'image

10 commentaires:

  1. J'ai souvent été troublée par les correspondances secrètes entre vos billets et ceux d'Angèle Paoli. Ici la mort et le soleil, la douleur et la douceur, la pierre... du seuil...
    http://terresdefemmes.blogs.com/

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    1. "Comme de longs échos qui de loin se confondent
      Dans une ténébreuse et profonde unité,
      Vaste comme la nuit et comme la clarté,
      Les parfums, les couleurs et les sons se répondent."

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  2. http://passouline.blog.lemonde.fr/
    Un très beau billet sur le blog de Pierre Assouline sur G. Caproni. Peut-être saurez-vous répondre à la question posée à la fin du billet ?
    amicalement
    "Les parfums, les couleurs et les sons se répondent"...

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    1. Merci pour ce lien fort intéressant, Christiane ! Contrairement à ce que dit Pierre Assouline, je pensais tout de même que Caproni était plus connu et apprécié en France, d'autant plus qu'une très large partie de son œuvre est traduite depuis longtemps. Je regrette également que Pierre Assouline ne cite pas René Char, dont Caproni fut un admirable traducteur...

      Concernant la question posée à la fin du billet, ce n'est pas tellement le point d'interrogation omis qui me semble le plus préoccupant ; c'est la traduction tout entière du poème qui est calamiteuse, avec des erreurs grossières : l'"ansia" (l'angoisse) qui devient "la peur", "pulito" (propre) traduit par "pur", "sfiorandoti la bocca" ("frôlant (ou "effleurant") ta bouche") qui devient l'horrible "écrasant ta bouche", et – plus anecdotique – la "loggia" que nous avons adoptée en français, et qui est ici une "loge"...

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  3. Emmanuel, puis-je mettre en lien votre blog -ou ce commentaire- chez P. Assouline pour que chacun puisse y lire votre réaction ?

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    1. Faites donc, chère Christiane, je n'y vois aucune objection !

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  4. Voilà, c'est fait mais là-bas, les commentaires c'est un monde... étrange. Néanmoins je trouve que ça vaut l'insertion de vos remarques, toujours fines.
    Comment auriez-vous traduit ce poème, Emmanuel ?

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  5. Un monde étrange, en effet ! Vous êtes très courageuse ; pour ma part, j'aurais vraiment peur de m'y risquer...

    Le poème est très difficile à traduire ; là aussi, je déclare forfait ! Finalement, M. Rueff a eu au moins le mérite d'essayer, même si le résultat ne me semble guère convaincant.

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  6. J'ai connu ce blog en 2008. Il y avait alors des commentaires passionnants... Et puis le billet est indépendant des commentaires et j'aime beaucoup ceux de Pierre Assouline. Martin Rueff, c'est pour moi l'édition de Cesare Pavese dans la Quarto Gallimard sa préface et ces très fines présentations des oeuvres qui y sont réunies. Une sacrée plume !

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