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samedi 26 novembre 2016

Juste avant la nuit (Antes que anochezca)




Chers amis, l'état de plus en précaire de ma santé et la terrible dépression qui s'empare de moi à l'idée que je ne pourrais plus écrire et lutter pour la liberté de Cuba me conduisent à mettre fin à mes jours. (...) Je vous laisse en héritage toutes mes craintes, mais aussi l'espoir que Cuba sera bientôt libre. Je suis heureux d'avoir pu contribuer, même de façon modeste, à l'avènement de cette liberté. Je mets volontairement fin à mes jours parce que je ne peux plus travailler. Personne dans mon entourage n'est responsable de cette décision. Le seul responsable, c'est Fidel Castro. Les souffrances de l'exil, la douleur du déracinement, la solitude et les maladies contractées en exil, je n'en aurais pas souffert si j'avais pu continuer à vivre librement dans mon pays. J'exhorte le peuple cubain, sur l'île ou en exil, à continuer à lutter pour la liberté. Ce n'est pas un message de défaite, mais de lutte et d'espoir. Cuba sera libre. Moi, je le suis déjà.

(dernière lettre de Reinaldo Arenas, écrivain et poète cubain, peu avant sa mort, le 7 décembre 1990 à New York)






Autoepitafio 

Mal poeta enamorado de la luna, 
no tuvo más fortuna que el espanto ;
y fue suficiente pues como no era un santo 
sabía que la vida es riesgo o abstinencia, 
que toda gran ambición es gran demencia 
y que el más sordido horror tiene su encanto. 

Vivió para vivir que es ver la muerte 
como algo cotidiano a la que apostamos 
un cuerpo espléndido o toda nuestra suerte. 
Supo que lo mejor es aquello que dejamos 
— precisamente porque nos marchamos. 
Todo lo cotidiano resulta aborrecible, 
sólo hay un lugar para vivir, el imposible. 
Conoció la prisión, el ostracismo, el exilio, 
las múltiples ofensas típicas de la vileza humana ; 
pero siempre lo escoltí cierto estoicismo 
que le ayudó a caminar por cuerdas tensas 
o a disfrutar del esplendor de la mañana. 
Y cuando ya se bamboleaba surgía una ventana 
por la cual se lanzaba al infinito. 

No quiso ceremonia, discurso, duelo o grito, 
ni un túmulo de arena donde reposase el esqueleto 
(ni después de muerto quiso vivir quieto). 
Ordenó que sus cenizas fueran lanzadas al mar 
donde habrán de fluir constantemente. 
No ha perdido la costumbre de soñar : 
espera que en sus aguas se zambulla algún adolescente. 

Reinaldo Arenas, Nueva York, 1989




Autoepitaffio 

Cattivo poeta innamorato della luna, 
non ebbe più fortuna che lo spavento ; 
e fu sufficiente perché dato non era un santo 
sapeva che la vita è rischio o astinenza 
che ogni gran ambizione è gran demenza 
e che il più sordido orrore ha il suo incantesimo. 

Visse per vivere che è vedere la morte 
come qualcosa di quotidiano sulla quale scommettiamo 
un corpo splendido o tutta la nostra fortuna. 
Seppe che la cosa migliore è quella che lasciamo 
— precisamente perché andiamo via. 
Tutto il quotidiano risulta odioso, 
c' è solo un posto per vivere, l'impossibile. 
Conobbe la prigione, l'ostracismo, l'esilio, 
le multiple offese tipiche della viltà umana ; 
però sempre lo scortò un certo stoicismo 
che l'aiutò a camminare attraverso gli archi tesi 
o a godere dello splendore della mattina. 
E quando ormai tentennava sorgeva una finestra 
per la quale si lanciava nell'infinito. 

Non volle cerimonia, discorso, dolore o grido, 
né un tumulo di sabbia dove riposasse lo scheletro, 
(nemmeno dopo morto volle vivere tranquillo). 
Ordinò che le sue ceneri fossero lanciate al mare 
là dove fluiranno costantemente. 
Non ha perso l'abitudine di sognare : 
aspetta che nelle sue acque si tuffi qualche adolescente. 

Reinaldo Arenas, New York, 1989





Autoépitaphe

Mauvais poète amoureux de la lune,
il n'eut d'autre fortune que l'effroi ;
et ce fut suffisant puisque, n'étant pas un saint,
il savait que la vie est risque ou abstinence,
que toute ambition démesurée est une folie
et que la plus sordide horreur a son charme.

Il a vécu pour vivre, c'est-à-dire pour voir la mort
comme une chose quotidienne sur laquelle nous parions
un corps splendide ou notre destin tout entier.
Il a su que le meilleur est ce que nous laissons
— précisément parce que nous partons.
Le quotidien tout entier est odieux,
il n'y a qu'un seul endroit vivable : l'impossible.
Il a connu la prison, l'ostracisme, l'exil,
les multiples offenses qu'inflige la lâcheté humaine ;
mais il ne s'est jamais départi d'un certain stoïcisme
qui l'a aidé à marcher en équilibre sur la corde tendue
ou à goûter la splendeur de l'aurore.
Et quand il lui arrivait de vaciller, toujours surgissait une fenêtre
par laquelle il s'élançait vers l'infini.

Il n'a voulu ni cérémonie, ni discours, pas de douleur et pas de plainte,
aucune terre pour y ensevelir ses os,
(même après sa mort, la tranquillité lui faisait horreur).
Il a ordonné que ses cendres soient jetées à la mer,
livrées pour l'éternité au tumulte des flots.
Il n'a pas perdu l'habitude de rêver :
il espère que dans ces eaux quelques adolescents viennent plonger.

Reinaldo Arenas, New York, 1989 (Traduction personnelle)






Images : en haut, Site Flickr 

au centre, Site Flickr

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