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vendredi 4 mai 2012

La Danse de Salomé



"Erode : ... Ma questa sera sono triste. Dunque, danza per me. Danza per me, Salomè, te ne supplico. Se tu danzi per me potrai chiedermi tutto quello che vorrai, e io te lo donerò. Si, danza per me, Salomè, ed io ti donerò tutto ciò che mi chiederai, fosse anche la metà del mio regno."





Andavo un giorno da ragazzo nel Duomo di Prato, con altri miei compagni, a vedere danzare Salomè. O gentilezza di Filippo Lippi, quanto mi sei stata buona maestra nell’insegnarmi che la nudità è casta ! E non c’era nulla di strano, per noi ragazzi, seduti in silenzio negli stalli del coro, dietro l’altar maggiore, che Erode e Erodiade e i cortegiani e i paggi, seduti intorno alla lunga tavola lucente di candidi lini e scintillante di cristalli, e i servi con i vassoi delle vivande e le brocche del vino, guardassero con occhio tranquillo la giovane danzatrice, vestita di veli trasparenti che lasciavan nude allo sguardo le teneri carni e la peluria bionda e le ombre segrete. Che facevan di male Erode e Erodiade e i commensali e i servi ? Miravano quella giovinetta nuda, così pudica nel gesto del piede alzato, del viso lievemente piegato sulla spalla, i piccoli seni rosei e fermi sotto la trasparenza dei veli : e anche la testa di Giovanni, servita lessa nel vassoio d’argento, apriva gli occhi estatici, né v’era ombra di pudore offeso in quegli occhi, né desiderio né noia, ma solo il piacere che danno le cose belle e pure. 

Finché le campane, dall’alto del bel campanile di pietra grigia e di marmo verde di Figline, mandavano i loro gravi, profondi rintocchi, e l’onda sonora scompigliava i veli di Salomè, che nella penombra del coro ci appariva per un istante nuda fino all’inguine. Alle voci dei canonici, che ad uno ad uno uscivano dalla sacrestia per venire a cantare il vespro, andavamo a nasconderci, in fondo al coro, sotto la gran vetrata : i canonici si sedevano negli stalli, chiudevan gli occhi, e si mettevano a cantare a occhi chiusi, per non vedere Salomè. 

No, non chiudevano gli occhi : fingevano di chiuderli. Miravano Salomè tra le ciglia socchiuse, di sotto in su, e cantavano. Poiché gli occhi, in Italia, anche quelli dei preti, son fatti per guardare, e gli italiani hanno occhi bellissimi, avidi e vivi, che succhiano il miele che è nelle immagini, come fanno le api. Direi che gli italiani si nutrono con gli occhi : ed è forse per questa ragione che non muoiono di fame. Ma succhiano solo il miele, non il succo amaro, non il sangue e la carne che son dietro le immagini. Non penetrano nelle corolle, dentro le cose. Poiché il proprio degli italiani è veder soltanto quel che appare : l’immagine delle cose, non la sostanza. Sono, per questa ragione, impropri alla filosofia, e ad ogni specie d’introspezione. Il mondo segreto, l’interno, o meglio l’inferno delle cose, è sconosciuto agli italiani. Non che sia loro precluso : non lo vedono, e non lo vedono perché non ha per loro nessun interesso.

Curzio Malaparte  Benedetti italiani Vallecchi Ed. 1961

J’allais un jour, encore enfant, avec quelques camarades, au Dôme de Prato pour voir danser Salomé. Ô grâce de Filippo Lippi, quelle bonne leçon tu m’as donnée en m’apprenant que la nudité est chaste ! Pour nous, jeunes garçons assis en silence dans les stalles du chœur, derrière le maître-autel, il n’y avait rien d’étrange à ce que Hérode, Hérodiade, les courtisans, les pages, autour de la longue table luisante de lin blanc et scintillante de cristaux, et les serviteurs avec les plateaux chargés de mets et les jarres de vin, rien d’étrange à ce que tous regardent d’un œil tranquille la jeune danseuse vêtue de voiles transparents qui laissaient entrevoir les tendres chairs, le duvet blond, les ombres secrètes. Que faisaient là de mal Hérode, Hérodiade, les commensaux et les serviteurs ? Ils regardaient cette jeune fille nue, si pudique avec son pied levé, sa tête légèrement penchée en arrière, ses petits seins roses et fermes sous la transparence des voiles. La tête du Baptiste elle-même, servie sur un plat d’argent, ouvrait des yeux extasiés, et il n’y avait pas la moindre ombre de pudeur offensée dans ces yeux, aucun désir ni reproche, mais uniquement le plaisir que procure la contemplation des choses belles et pures.




Mais à un moment les cloches, du haut du beau campanile de pierre grise et de marbre vert de Figline, faisaient entendre leurs appels graves et profonds ; et l’onde sonore dérangeait les voiles de Salomé qui, dans la pénombre du chœur, nous apparaissait un instant nue jusqu’à l’aine. En entendant les voix des chanoines, qui l’un derrière l’autre sortaient de la sacristie pour venir chanter les vêpres, nous allions nous cacher au fond du chœur, sous le grand vitrail. Les chanoines s’asseyaient dans les stalles et se mettaient à chanter les yeux fermés pour ne pas voir Salomé.




Non, ils ne fermaient pas les yeux : ils faisaient semblant de les fermer. Ils admiraient Salomé par en dessous, à travers leurs cils baissés, et ils chantaient. Parce que les yeux, en Italie, y compris ceux des prêtres, sont faits pour regarder ; et les Italiens ont de très beaux yeux, avides et vifs, qui sucent le miel des images comme font les abeilles. On peut dire que les Italiens se nourrissent par les yeux : c’est sans doute pour cette raison qu’ils ne meurent jamais de faim. Mais ils ne sucent que le miel, pas le suc amer, ni le sang ni la chair qui sont derrière les images. Ils ne pénètrent pas les corolles, l’intérieur des choses. Parce que le propre des Italiens, c’est de ne voir que ce qui apparaît : l’image des choses, pas la substance. C’est pour cette raison qu’ils ne sont guère doués pour la philosophie, ni pour aucune sorte d’introspection. Le monde secret, l’intérieur, ou pour mieux dire l’enfer des choses, reste inconnu pour les Italiens. Ce n’est pas qu’il leur soit fermé, mais ils ne le voient pas ; et ils ne le voient pas parce qu’il n’a pour eux aucun intérêt.

(Traduction personnelle)


Images : Filippo Lippi, Le Festin d'Hérode (détails)  Cappella Maggiore, Duomo di Prato 



1 commentaire:

  1. Description assez proche, en fait, dans les sentiments de celle de Huysmans dans "A rebours"
    Comme Des Esseintes, nous rêvons tous un jour "à une thébaïde raffinée, à un désert confortable, à une arche immobile et tiède" où nous pourrions nous réfugier bien loin " de l'incessant déluge de la sottise humaine."

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