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mardi 10 janvier 2012

I marmi di San Michele (Les marbres de San Michele)




Un deuxième extrait du récit autobiographique de Guglielmo Petroni, Il nome delle parole (Le nom des mots). Nous sommes dans les années vingt, à Lucques, un jour de marché sur la place San Michele :

Mio fratello studiava con profitto, ripeteva bene tutto, aveva buoni voti. «Tu a scuola che ci vai a fare ? non sei proprio tagliato» mi si diceva ; poi un giorno nel mio ultimo anno di scuola mio padre decise : «Almeno il sabatao non ci vai, sei più utile al banco per aiutare.» Tutti i sabati, l’ultimo anno di scuola saltai le lezioni, andavo ad aiutare : «Almeno al banco servi a qualche cosa». Il banco era una bancarella che tutti i sabati si montava a piazza San Michele durante il mercato. Mi alzavo prestissimo e aiutavo a montare il banco, che era formato da un carretto a due ruote per trasportarlo sul posto, poi aiutavo a vendere le scarpe ai contadini : c’era vivacità e aria aperta. 

Quando riuscivamo a metterci in buona posizione si aveva davanti agi occhi la facciata di San Michele. Il suo sovrastare stendeva su di me una larga ombra protettiva ; perfino quando ero chino a infilare qualche scarpa a un cliente, per qualche attimo mi distraevo e storcevo il collo per guardare in su lo scorcio dei marmi bianchi e grigi. Il meraviglioso volto di quel grande oggetto antico emanava qualche cosa, un fluido che conteneva forse i segni della sua bellezza, forse il mistero della sua antichità. Mi stupivo che la gente intorno rimanesse indifferente, non si accorgesse nemmeno che quella splendida visione aveva una voce, chiamava. Quei ritmi di marmo erano una specie di universo nel quale potevo immedesimarmi a lungo, come se vi potessi leggere qualche cosa ; erano segni di un linguaggio che udivo benissimo, ma non ero in grado di comprendere. 

Poco dopo mezzogiorno l’animazione si affievoliva, i contadini andavano a mangiare, c’era una lunga pausa in cui anche i miei andavano a casa e mi lasciavano solo a guardia della merce. Appena si erano allontanati, m’infilavo in una delle grandi casse che servivano a trasportare le scarpe, socchiudevo il coperchio, in modo che restasse soltanto uno spiraglio entro il quale la facciata di San Michele rimanesse inquadrata in uno scorcio splendido. Iniziavo un viaggio staordinariamente colmo di idee veloci ; i particolari mi attraevano, ma si fondevano gli uni negli altri ; qualche cosa scendeva giù verso il pertugio della cassa, tutto per me, un colloquio degli occhi pareva mi rendesse il mondo sottrattomi fino allora, dagli altri, da me stesso, non so ; l’importante era che, qualsiasi peso, qualsiasi ferita fresca mi tormentasse, tutto spariva. Era come se i due binari che scindevano la mia esistenza si unissero in una breve marcia, non priva di trionfalità. Ma il repentino ritorno alle faccende del banco, ai pungoli dei miei, alle sciagure reali, o allucinate, era come se cancellassero tutto. 

A tredici anni fui tolto dalla scuola : «Sei più utile a bottega».

Guglielmo Petroni  Il nome delle parole  Sellerio editore, 2011





Mon frère étudiait avec profit, il retenait bien ses leçons, il avait de bonnes notes. On me disait : «Mais toi, qu’est ce que tu y fais, à l’école ? Ce n’est vraiment pas pour toi !» ; et puis un jour, à ma dernière année d’école, mon père décida : «Le samedi, tu n’iras pas en classe ; au moins, au marché, tu te rendras utile.» Pendant ma dernière année d'école, chaque samedi, je séchais les cours et j'allais aider : «Au moins, à l'étal, tu sers à quelque chose !». Tous les samedis, on dressait un étal sur le marché de la place San Michele. Je me levais très tôt et j’aidais à monter l’étal, sur un chariot à deux roues qui permettait de le transporter jusqu’à la place, puis j’aidais à vendre les chaussures aux paysans : il y avait de l’animation et du bon air. 

Quand on réussissait à avoir un bon emplacement, on se retrouvait juste en face de la façade de San Michele. Sa masse imposante étendait sur moi une grande ombre protectrice ; même quand j’étais accroupi pour faire essayer une paire de chaussures à un client, je cédais à la distraction et tordais le cou pour regarder, tout là-haut, le spectacle des marbres blancs et gris. Quelque chose se dégageait de la présence de ce monument ancien, une sorte de fluide qui renfermait les marques de sa beauté, ou peut-être le mystère des siècles qu’il avait traversés. Je m’étonnai de l’indifférence des badauds, qui ne semblaient même pas s’apercevoir que cette vision splendide avait une voix, et qu’elle cherchait à nous parler. Ces étendues de marbre devenaient un univers dans lequel je pouvais me perdre longuement, comme si je pouvais y lire quelque chose ; c’étaient les mots d’une langue que j’entendais très bien, mais que je n’étais pas capable de comprendre. 

Peu après midi, l’animation faiblissait, les paysans allaient manger, il y avait une longue pause pendant laquelle mes parents retournaient à la maison et me laissaient seul pour surveiller la marchandise. Dès qu’ils s’étaient éloignés, je me glissais dans l’une des grandes caisses qui nous servaient à transporter les chaussures, je laissais le couvercle entrouvert de façon à ce qu’il ne reste qu’un interstice dans lequel la façade de San Michele s’inscrivait, offrant une vue splendide. Je commençais un extraordinaire voyage, rempli d’impressions fulgurantes ; les détails m’attiraient, mais finissaient tous par se confondre ; quelque chose descendait jusqu'à l’ouverture de la caisse, pour moi seul, et ce qui s’offrait à mes yeux me restituait le monde dont jusqu’alors j’avais été privé, par ma faute ou celle des autres, je l’ignore ; l’important était que je voyais aussitôt disparaître tous les tracas, toutes les blessures qui me faisaient souffrir. C’était comme si les deux voies qui séparaient mon existence s’étaient réunies, en une brève marche, presque triomphale. Mais le brusque retour aux affaires du marché, aux remontrances de mes parents, aux malheurs réels ou imaginaires, finissait par tout effacer. 

À treize ans, on me fit quitter l’école : «Tu seras plus utile à la boutique !» 

(Traduction personnelle)








Images : en haut et au centre, Jim Barton (Site Flickr)

en bas, Ary (Site Flickr)




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