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jeudi 14 avril 2011

Giorgio Morandi



Bologna, 18 giugno 1964. Muore vecchio nella sua casa di via Fondazza, a quattro passi dal cinema rannuvolato dalle Nazionali in cui io correvo a sognare marinando le lezioni di storia greca. Anche lui, da ragazzo, ha fatto un sogno : fare di questa umile bottiglia o di quella vecchia lucerna un mistero eloquente. A quel tempo, chino sulla sponda del biliardo o sul davanzale della casa tutta ombre, dal fumo delle sigarette si lasciava avvolgere senza un lamento, come il fachiro dalle spire gentili del suo boa. Soffiava il fumo all’insù, socchiudendo appena i suoi lunghi occhi di zingaro. Stava dal lato non dipinto delle tele, nel buio dove spuntano i miracoli.

Eugenio Baroncelli Mosche d'inverno Ed. Sellerio, 2010



Bologne, 18 juin 1964. Il meurt âgé dans sa maison de via Fondazza, tout près du cinéma assombri par les fumées des cigarettes où j’allais rêvasser en séchant les cours d’histoire grecque. Lui aussi a fait un rêve quand il était enfant : transformer cette humble bouteille ou cette vieille lampe à huile en éloquent mystère. En ce temps-là, penché sur une table de billard ou appuyé au rebord de la fenêtre dans sa maison pleine d’ombres, il se laissait envelopper par la fumée des cigarettes sans une plainte, comme le fakir par les anneaux délicats de son boa. Il soufflait la fumée vers le haut, en entrouvrant à peine ses grands yeux de bohémien. Il se tenait du côté de la toile qui n’était pas peint, dans le noir d’où surgissent les miracles.

(Traduction personnelle)




Images : Chiara Borghesi et Serena MignaniImago Orbis (Site Flickr)

3 commentaires:

  1. Quelle page émouvante.... Morandi... Ces mots sont délicats et subtils comme ses toiles qui transfigurent ces pauvres objets si mal regardés en présences vibrantes, énigmatiques. Comme il a fallu qu'il s'efface pour leur laisser ainsi toute la place... Et cette lumière, cette ombre blanche à peine esquissée... Juste après, il y a le rien. Il a posé ces objets sur ce rien, tout à leur présence. C'est presque cistercien, on entend le bruissement d'une âme...

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