"Tu se' colei che l'umana natura
nobilitasti sì, che' l suo fattore
non disdegnò di farsi sua fattura."
Dante Paradiso XXXIII, 4-6
Le gardien, qui a finalement consenti à nous ouvrir, ne quittera pas son siège un seul instant, surpris qu’on puisse encore admirer ce qui fait depuis longtemps son quotidien. Venir voir dans la cité des morts une Vierge de l’enfantement... Mais dans quel lieu serait-ce plus légitime ?
Lourdement aviné, il oscille à présent au bord du sommeil. Sur le mur de la chapelle, la Vierge enceinte forme avec lui un duo surréel, ou plutôt avec son indifférence qui nous paraît scandaleuse : les femmes des environs la supportent-elles, entre ces murs, quand elles viennent y conjurer les périls qui pourraient menacer leur grossesse ? Une conjuration si pressante qu’après-guerre la commune, sollicitée pour une exposition, refusa de prêter la fresque, de peur qu’il n’arrivât malheur en son absence.
Dans son impudeur, dans sa trivialité, cet homme encore jeune s’accorde mieux aux traits de la Vierge que nos regards. Aux abords de l’engendrement, de la genèse en un corps de femme, comment avouer autre chose qu’une opacité semblable au sommeil, une pose pétrifiée, celle qu’adopte un des soldats endormis de La Résurrection, à Borgo San Sepolcro ? Ce serait, soutient-on, un autoportrait. Se peut-il vraiment qu’une telle somnolence, une telle pesanteur à l’égard du monde, rappelle le visage qui fut celui de Piero della Francesca ? Quel ordre avons-nous donc interrompu, auquel ce gardien participe en s’abandonnant avec la désinvolture d’une longue familiarité.
Le manteau bleu de la Vierge s’entrouvre en une fente étroite, verticale, sur la ligne, impossible à situer mais de tous temps franchie, qui sépare le corps du désir du corps de l’enfantement. Deux anges semblables et charnels écartent les tentures de part et d’autre pour qu’à pleins regards nous la voyions, elle, une main sur la hanche, l’autre effleurant l’intime, ou le désignant, vertigineuse et placide.
Bernard Simeone Acqua fondata, éditions Verdier, 1997
Lourdement aviné, il oscille à présent au bord du sommeil. Sur le mur de la chapelle, la Vierge enceinte forme avec lui un duo surréel, ou plutôt avec son indifférence qui nous paraît scandaleuse : les femmes des environs la supportent-elles, entre ces murs, quand elles viennent y conjurer les périls qui pourraient menacer leur grossesse ? Une conjuration si pressante qu’après-guerre la commune, sollicitée pour une exposition, refusa de prêter la fresque, de peur qu’il n’arrivât malheur en son absence.
Dans son impudeur, dans sa trivialité, cet homme encore jeune s’accorde mieux aux traits de la Vierge que nos regards. Aux abords de l’engendrement, de la genèse en un corps de femme, comment avouer autre chose qu’une opacité semblable au sommeil, une pose pétrifiée, celle qu’adopte un des soldats endormis de La Résurrection, à Borgo San Sepolcro ? Ce serait, soutient-on, un autoportrait. Se peut-il vraiment qu’une telle somnolence, une telle pesanteur à l’égard du monde, rappelle le visage qui fut celui de Piero della Francesca ? Quel ordre avons-nous donc interrompu, auquel ce gardien participe en s’abandonnant avec la désinvolture d’une longue familiarité.
Le manteau bleu de la Vierge s’entrouvre en une fente étroite, verticale, sur la ligne, impossible à situer mais de tous temps franchie, qui sépare le corps du désir du corps de l’enfantement. Deux anges semblables et charnels écartent les tentures de part et d’autre pour qu’à pleins regards nous la voyions, elle, une main sur la hanche, l’autre effleurant l’intime, ou le désignant, vertigineuse et placide.
Bernard Simeone Acqua fondata, éditions Verdier, 1997
http://finestagione.blogspot.com/2011/02/la-madonna-del-parto.html#comments
RépondreSupprimerUn petit cadeau pour vous et vos lecteurs....
Que de beauté ici et là-bas....
C'est complètement raté !!!
RépondreSupprimerje voulais vous mettre en ligne une très belle page de "Terres de Femmes", site d'Angèle Paoli, sur cette Madone, accessible par le lien : Piero della Francesca et c'est votre blog qui apparait : désolée....
http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2005/05/la_madonna_del_.html
RépondreSupprimerhttp://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2010/10/micha%C3%ABl-gl%C3%BCck-lenceinte.html
RépondreSupprimerEt ce livre si finement lu et partagé par Angèle Paoli...
Merci, Christiane ! J'ai repris les deux liens à la fin du message.
RépondreSupprimeroh, merci, Emmanuel, pour cette très belle note. Cela m'a aussi conduit à constater que cet ouvrage de Bernard Simeone n'était pas dans les rayonnages de ma bibliothèque. Je l'ai immédiatement commandé.
RépondreSupprimercù l'amicizia da u Capicorsu
Anghjula
"Acqua fondata" est vraiment un livre merveilleux ; je l'aime tellement qu'il faut que je me retienne pour ne pas le recopier entièrement ici...
RépondreSupprimerEffectivement, votre extrait donne envie de lire ce livre. Les photos sont également très belles.
RépondreSupprimerMerci pour cet article (et pour tous les autres)
RépondreSupprimerJ'ai rencontré " la Madone", il y a longtemps dans le petit village de Monterchi et son souvenir me hante toujours.