[Adresse : Mademoiselle Louise de Vilmorin
Centuri
Cap Corse par Bastia
Corse]
Plus jamais de chambre pour nous,
Ni de baisers à perdre haleine
Et plus jamais de rendez-vous
Ni de saison, d'une heure à peine,
Où reposer à tes genoux.
Pourquoi le temps des souvenirs
Doit-il me causer tant de peine
Et pourquoi le temps du plaisir
M'apporte-t-il si lourdes chaînes
Que je ne puis les soutenir ?
Rivage, oh ! rivage où j'aimais
Aborder le bleu de ton ombre,
Rives de novembre ou de mai
Où l'amour faisait sa pénombre
Je ne vous verrai plus jamais.
Plus jamais. C’est dit. C'est fini.
Plus de pas unis, plus de nombre,
Plus de toit secret, plus de nid,
Plus de lèvres où fleurit et sombre
L'instant que l'amour a béni.
Quelle est cette nuit dans le jour ?
Quel est dans le bruit ce silence ?
Mon jour est parti pour toujours,
Ma voix ne charme que l'absence,
Tu ne me diras pas bonjour.
Tu ne diras pas, me voyant,
Que j'illustre les différences,
Tu ne diras pas, le croyant,
Que je suis ta bonne croyance
Et que mon cœur est clairvoyant.
Mon temps ne fut qu'une saison.
Adieu saison vite passée.
Ma langueur et ma déraison
Entre mes mains sont bien placées
Comme l'amour en sa maison.
Adieu plaisirs de ces matins
Où l'heure aux heures enlacée
Veillait un feu jamais éteint.
Adieu. Je ne suis pas lassée
De ce que je n'ai pas atteint.
Louise de Vilmorin L’Alphabet des Aveux Editions Gallimard 1954
On peut lire ici une traduction italienne de ce poème.
Images : en haut, Site Flickr
en bas, Vincentello (Site Flickr)
Ce magnifique poème donne une voix au chagrin silencieux....
RépondreSupprimerOh, Emmanuel, quelle émotion me vient à la lecture de ce poème et en regardant ces photos... Nous avons chacun notre mémoire et pourtant, souvent, nos routes se croisent. C'est un peu magique... Merci.
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