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samedi 16 mai 2015

La potenza del riso (La puissance du rire)




Le réalisateur Mario Monicelli, l'un des grands maîtres de la fameuse "comédie à l'italienne", aurait eu aujourd'hui cent ans. À cette occasion, je cite ici quelques extraits d'une conversation qu'il a eue en 2008 avec le critique Goffredo Fofi, autour du thème de la mort et du comique. On se souvient que Monicelli est mort le 29 novembre 2010, à l'âge de quatre-vingt-quinze ans, en se jetant de la fenêtre de sa chambre au cinquième étage de l'hôpital San Giovanni de Rome, où il se trouvait pour un cancer en phase terminale :

« La morte è fonte sublime di comicità. Innesca dinamiche familiari e personali che possono prendere qualsiasi direzione. Sfuggendo alle logiche della normalità. Rovesciando rapporti ed equilibri. Suscitando clamorose rivelazioni. Aprendo il capo a soluzioni di umor nero dalle sfumature grottesche o persino blasfeme. La presenza stessa della morte, con l’obbligo sociale del cordoglio, genera le soluzioni più impensate. E il riso assume talvolta forme isteriche, liberatorie, difensive. Accompagnato a rivalse, improvvise confessioni, liti furibonde. La morte è comica. Non ha quasi nulla di eroico. E quando lo sembra, spesso rivela un equivoco come in fondo era la fucilazione di Sordi e Gassman nella Grande guerra.

Anzi, il più delle volte la morte ti coglie sempre nel momento meno opportuno. Dalla veglia funebre al funerale, con tutto quello che può accadere durante l’interramento, la morte fornisce materia comica straordinaria. (...)

C’è una frase che ho trovato e copiato dai Pensieri di Leopardi, per l’esattezza è il numero 78, una frase che condivido e che ho cercato, qualche volta forse riuscendovi, di mettere in pratica nei miei film che considero riusciti: "Grande tra gli uomini e di grande terrore è la potenza del riso : contro il quale nessuno nella sua coscienza trova sé munito da ogni parte. Chi ha coraggio di ridere, è padrone del mondo, poco altrimenti di chi è preparato a morire". »




« La mort est une merveilleuse source de comique. Elle entraîne des réactions familiales ou personnelles qui peuvent prendre toutes les directions possibles, échappant à toutes les logiques de la normalité et bouleversant les rapports et les équilibres. Elle ouvre la voie à toutes les potentialités d'humour noir, aux nuances grotesques ou même blasphématoires. La présence même de la mort, avec l'obligation sociale du deuil, génère les situations les plus inattendues, et le rire prend des formes parfois hystériques, libératrices, défensives. Il peut s'accompagner de revanches, de confessions inattendues, de furieuses disputes. La mort est comique ; elle n'a presque rien d'héroïque, et quand elle en a l'apparence, c'est souvent à cause d'un malentendu, comme dans le cas de l'exécution de Sordi et Gassman, dans La Grande Guerre.





On peut même dire que la plupart du temps, la mort nous saisit au moment le moins opportun. De la veillée funèbre jusqu'aux funérailles, avec tout ce qui peut se passer pendant l'enterrement, la mort peut fournir une matière comique extraordinaire. (...)



L’Éloge funèbre, extrait du film Les Nouveaux Monstres, sketch réalisé par Ettore Scola


Il y a une phrase que j'ai trouvée et recopiée dans les Pensées de Leopardi, il s'agit plus exactement de la pensée n. 78 ; c'est une pensée que je partage et que j'ai cherché, parfois même avec succès, à mettre en pratique dans mes films que je considère comme réussis : "Grande et terrible est chez les hommes la puissance du rire : contre elle, nul dans sa conscience ne peut se prémunir. L'homme qui a le courage de rire est le maître du monde, presque autant que celui qui est préparé à mourir." »

(Traduction personnelle)






11 commentaires:

  1. La mort n'est jamais comique.
    Les réactions des hommes, par contre, sont tellement imprévisibles face à ce séisme. Le rire peut effectivement en faire partie, comme un trop plein d'émotions qui ferait crever les non-dits du chagrin et regarder avec détachement et humour glacial les travers des rites sociaux qui accompagnent les obsèques.

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  2. La mort, de fait, n'est jamais drôle. Même l'exécution d'un criminel mille fois reconnu coupable n'est jamais une chose ni drôle, ni heureuse, ni juste. Mais elle est le signe de la vie, la source du rire et de toute culture comme mémoire et résistance. Elle est la tragédie dont personne ne peut faire l'espérance qet ue tous font pourtant. Nous sommes tous absents à notre propre mort.
    Merci pour tous vos articles toujours soignés et intelligent qui m'apprennent tant de chose que j'ignorais. Tant qu'à vivre autant savoir un peu.

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  3. Christiane et Cléanthe : merci de vos commentaires ; je manque de temps en ce moment pour y répondre, mais je les lis toujours avec beaucoup d'intérêt.

    Le fond du propos de Monicelli est bien illustré ici par l'extrait des "Nouveaux monstres", où l'éloge funèbre du comique Formichella se transforme progressivement en spectacle de cabaret et en grande farandole autour de sa tombe...

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    2. De quel billet s'agit-il ? Il se peut simplement que j'ai republié ce billet à une autre date, car il est vraiment très rare (en fait, je crois que cela ne m'est jamais arrivé) que je supprime définitivement un billet...

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    4. Mais ce message n'a pas du tout été supprimé : vous pouvez le retrouver ici !

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    6. Lisant le très beau livre d'Alain Veinstein Les Ravisseurs (Grasset), à propos de Louis-rené des Forêts, il écrit ces lignes qui font lien avec les propos de Monicelli :
      "Disparaître, peut-être, dans un éclat de rire. Il y a dans la plupart des livres de Louis-rené des Forêts un rire latent et parfois manifeste. ÉCRIRE ne se termine-t-il pas par RIRE ? A la fin du post-scriptum de ce bref récit qu'est La mort au Lido (Fata Morgana, 1987), la question est posée : "Mais qui sait, mais qui dira où se situe la frontière entre gravité et frivolité ?" Il est vrai que les accès d'hilarité peuvent prendre une couleur plutôt sombre. Inversement, lecteur de Georges Bataille, Louis-René des Forêts n'ignore pas que la contestation tragique peut se dissoudre dans l'enjouement du rire." (...)
      Certes, la parole gardait son calme, mais si elle ne s'était pas retenue, "elle aurait éclaté en un rire irrévérencieux". Le rire peut sauver l'esprit qui s'affronte au néant. "Plus fort que la peine, lit-on dans Ostinato, ce rire subit qui explose au visage dans la dissolution des larmes."

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  5. 11h08... 16h41... 17h28...
    Je commence à comprendre mon erreur ! quand on arrive dans les archives du blog au mois et à l'année désirés, il faut naviguer avec les flèches pour tomber sur le billet recherché.
    Donc j'ai retrouvé avec joie la trace Des "Carnets de Marche" d'Angèle Paoli, livre pour lequel vous aviez ouvert des liens découvrant ses paysages et présenté sa traversée comme celle d'une marcheuse énigmatique. Depuis elle a offert (récemment) une nouvelle marche la conduisant du labyrinthe de "la" minotaure jusqu'aux rives incertaines de l'écriture. "Les feuillets de la minotaure" (éd. Corlevour).

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