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lundi 1 mars 2010

Brancaleone Cugusi da Romana




Le peintre Brancaleone Cugusi est né en Sardaigne, à Romana en 1903. Il est mort à Milan d’une maladie pulmonaire, à trente-neuf ans, en 1942. Son œuvre est restée longtemps dans l’ombre jusqu’à ce que le critique d’art Vittorio Sgarbi se prenne de passion pour elle voici quelques années. Sgarbi a consacré un ouvrage à l’œuvre de Cugusi et a organisé plusieurs importantes expositions, dont la plus complète a eu lieu à Cagliari en 2004.




L’enthousiasme de Sgarbi l’a même conduit à rebaptiser le peintre, devenu Brancaleone da Romana, dans la grande lignée des maîtres italiens connus avant tout par leurs prénoms (Raffaele, Michelangelo) ou le lieu auquel ils sont liés (Leonardo da Vinci, Antonello da Messina, Caravaggio)... Dans son dernier ouvrage, L’Italia delle meraviglie, dont j’ai déjà cité ici deux extraits, Sgarbi revient sur la passion que lui inspire ce peintre ; on trouvera peut-être son enthousiasme excessif, mais on ne peut pas nier qu’il soit aussi extrêmement communicatif :

«En quoi Brancaleone est-il proche de Caravage ? Il est conscient du fait qu’un peintre moderne du vingtième siècle – même si, comme lui, il tend au réalisme – ne peut pas faire abstraction de la photographie. Ses œuvres les plus belles, bien qu’elles soient pleinement des peintures, sont issues des photographies qu’il a prises, et à partir desquelles il a travaillé. Alors, quel est donc le défaut de la photographie par rapport à la peinture, à l’œuvre accomplie? Les photographies – on s’en aperçoit lorsque l’on regarde des photos de famille, ou de soi-même enfant – vieillissent : on les regarde et on constate qu’elles appartiennent à une autre époque. Même les plus belles restent liées au moment où elles ont été prises, parce que la photographie est inséparable de la mort. La photographie arrête le temps et restitue l’atmosphère d’une époque : les années cinquante, soixante, etc... Mais quand on regarde un tableau de Monet, on ne pense pas aux dernières décennies du dix-neuvième siècle : on voit un tableau qui appartient au présent. La peinture représente la vie, et par conséquent, celui qui la regarde a devant lui une personne d'aujourd'hui, même si le tableau date du seizième siècle ; en revanche, lorsque l’on regarde une photographie des années trente, la personne représentée appartient aux années trente.

Là où Caravage avait fait de la photographie alors même que cette dernière n’existait pas, Brancaleone transporte la photographie dans la peinture : il tue la photographie et fait renaître la vie dans l’art. C’est là un des aspects de l’œuvre de Brancaleone. Un autre aspect, qui renvoie à une grande intuition moderne, est de faire de l’environnement un miroir. Les personnages de ses tableaux vivent dans un espace traversé de lumières et d’ombres, souvent même très géométriques, comme si l’auteur appartenait au quinzième siècle, comme si le grand peintre Piero della Francesca constituait pour lui une sorte d’archétype géométrique. Piero della Francesca peint des espaces d’une profonde géométrie, mais personne ne s’était aperçu de la formidable re-création de l’espace chez Piero della Francesca avant l’importante monographie que lui a consacré Roberto Longhi. Le livre a été publié en 1927, date à laquelle Brancaleone a vingt-quatre ans. Il lit cet ouvrage comme s’il s’agissait d’un livre d’actualité et il parvient à rivaliser avec la représentation de l’espace de Piero della Francesca.

On peut donc dire que ce peintre de Romana a l’ambition de représenter à la fois, par une intuition conceptuelle, l’espace de Piero et les corps de Caravage. La force de Brancaleone est de sanctifier le quotidien, de sacraliser la vie de tous les jours, de transformer en héros des gens de la rue, d’être fort sans avoir recours aux symboles ; sa qualité première est d’être capable d’exprimer la grandeur des humbles, de représenter les anonymes, les jeunes hommes, comme s’il s’agissait de personnages historiques.» (L'Italia delle meraviglie, pages 244-246, ed. Bompiani, traduction personnelle)
 

 Giovane assorto (1940-1941)


Sgarbi n’aborde pas dans cet extrait un autre aspect de l’œuvre de Brancaleone : la sensibilité homosexuelle qui s’y exprime ; en effet, on ne peut pas ne pas remarquer que nombre de ses modèles sont des jeunes hommes, et, comme le souligne Sgarbi dans un autre texte, se manifestent – peut-être de façon inconsciente – à travers ces modèles «des pensées secrètes, des troubles, des inclinations contenues ou refoulées». On remarquera d’ailleurs que deux tableaux de Brancaleone, Pensieri tristi (Tristes pensées) et Giovane assorto (Jeune homme pensif) ont fait partie de l’exposition très discutée «Art et Homosexualité» (Florence, Palazzina Reale, octobre 2007-janvier 2008).


Sur la couverture de ce livre : Pensieri tristi (détail)

 

On peut voir à Romana, la ville natale de Brancaleone, des peintures murales (Murales) inspirées de ses œuvres :








On peut lire ici un compte rendu de l'exposition de Cagliari


Source des images : en haut, Brancaleone da Romana, Le Cucitrici

Murales Romana : Roberto Biddau (Site Flickr) et Site Gente di Sardegna

2 commentaires:

  1. Buongiorno,
    Mi presento: Cyril. Lavoro per Seriousguide, una collezione di guide di viaggio in francese.
    Il principio: Seriousguide si appoggia su dei racconti di viaggio pubblicato sul nostro piattaforma www.seriousguide.fr .
    Prepariamo una guida su Roma attualmente. Anche i contenuti interessanti provenienti di altri blogs. Questo è così come abbiamo preselezionati il brancaleone cui parlavate con entusiasmo nel vostro blog e che abbiamo mandato uno dei nostri corrispondenti per provarlo sul posto!
    Se decidiamo di conservare questa attività per la nostra guida Rome, ameremmo potere citarvi come essendo la nostra sorgente di notizia. Io tuo a precisarvi che in nessun caso non andiamo a riprendere il vostro racconto, auguriamo potere citarvi unicamente come una delle nostre sorgenti.
    Potete darvimi il vostro accordo per maglio al seguente indirizzo: cyril.anne@seriousguide.fr
    Cordialmente, Cyril per Seriousguide, spiacente per il mio italiano,)

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  2. Cher monsieur, comme vous avez peut être pu le constater en lisant mon message sur le blog, j'écris moi aussi en français. Vous pouvez bien sûr citer mon blog, mais ma source concernant Brancaleone Cugusi est surtout l'ouvrage de Vittorio Sgarbi "L'Italia delle meraviglie" dont je n'ai fait que traduire un extrait. Bien cordialement.

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