Racconti con figure (Récits avec images) est l'un des derniers livres d'Antonio Tabucchi ; il y a réuni un ensemble de textes inspirés par des images : peintures, aquarelles, estampes, dessins, photographies... Le passage ci-dessous est extrait du texte intitulé Gli eredi ringraziano (Les héritiers remercient), merveilleuses variations sur le Testament de l'artiste portugaise Maria Helena Vieira da Silva. Ici, Tabucchi illustre le passage suivant du Testamento : "[Eu lego aos meus amigos ] Um terra de sombra natural para aceitar melhor a melancolia negra" ([Je lègue à mes amis] Une terre d'ombre naturelle pour mieux accepter la mélancolie noire) :
Il vecchio Maestro pulì i pennelli e li infilò nel vaso da sakè come se fossero un mazzo di fiori. Prese il foglio di carta di riso ancora umido e con due spilli lo appuntò sul telaio della finestra aperta, come se fosse una tenda. Il paesaggio non cambiò, si sovrappose soltanto a quello naturale : in primo piano il fascio dei bambù nel giardino, poi i fianchi della collina, la valle con i salici, sul fondo il piccolo lago e nel cielo la bruma autunnale che esalava dalla terra e dall'acqua. Anche il colore era lo stesso, solo un po' più scuro, come se la notte fosse più imminente : une terra d'ombra naturale che variava secondo la quantità d'acqua nella quale aveva stemperato il colore. Ma il paesaggio dipinto aveva qualcosa che il paesaggio naturale non aveva : un'enorme cavalletta dalle elitre trasparenti attraverso la quale si vedevano i bambù, la collina, la valle, il lago, la bruma nel cielo. La serva si affacciò per dirgli che il tè era pronto e l'acqua per il bagno si stava per raffredando. Il vecchio Maestro si tolse il kimono e lo piegò sulla stuoia, accese la lampada votiva ai suoi morti e rimase nudo davanti al suo acquerello, a guardarlo. Poi prese il pennello da inchiostro e in alto a destra, dove il colore di terra d'ombra era più chiaro, scrisse :
sera d'autunno
la malinconia nera
ha preso forma d'insetto
Le vieux Maître nettoya les pinceaux et les plaça dans le pot à saké comme s'il s'agissait d'un bouquet de fleurs. Il prit la feuille de papier de riz encore humide et avec deux épingles il la fixa sur le châssis de la fenêtre ouverte, comme s'il s'agissait d'un rideau. Le paysage ne changea pas, il se superposa seulement à l'autre, naturel : au premier plan, le faisceau des bambous dans le jardin, puis les flancs de la colline, la vallée avec les saules, sur le fond le petit lac et dans le ciel la brume automnale qui montait de la terre et de l'eau. La couleur aussi était la même, seulement un peu plus sombre, comme si la nuit était sur le point de tomber : une terre d'ombre naturelle qui variait en fonction de la quantité d'eau qu'il avait utilisée pour délayer les couleurs. Mais le paysage peint avait quelque chose qui n'existait pas dans le paysage naturel : une énorme sauterelle aux élytres transparents à travers laquelle on voyait les bambous, la colline, la vallée, le lac, la brume dans le ciel. La servante apparut pour lui dire que le thé était prêt et que l'eau du bain était en train de refroidir. Le vieux Maître ôta son kimono et le plia sur la natte, il alluma la lampe votive des morts et, nu devant son aquarelle, il la regarda. Puis il trempa un pinceau dans l'encre et en haut à droite, là ou la couleur de terre d'ombre était plus claire, il écrivit :
soir d'automne
la mélancolie noire
a pris la forme d'un insecte.
Images : en haut, Takeshi Kimura (Site Flickr)
au centre, Adam Gulkis (Site Flickr)
en bas (1) Emm Nagase (Site Flickr)
(2) Antoine Mocquet (Site Flickr)
Quelle intuition....
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