"Poi ci sarebbe stata la scena ultima, quella degli addii. Già la vedevo. Eravamo scesi tutti in gruppo giù per le scale buie, come un greggio oppresso. Giunti nel portico, qualcuno (forse io) era andato avanti, a socchiudere il portone di strada, ed ora, per l'ultima volta, prima di separarci, si rinnovavano da parte di tutti, me compreso, i buonanotte, gli auguri, le strette di mano, gli abbracci, i baci sulle gote. Senonché, improvvisamente, dal portone rimasto mezzo aperto, là, contro il nero della notte, ecco irrompere dentro il portico una raffica di vento. È vento d'uragano, e viene dalla notte. Piomba nel portico, lo attaversa, oltrepassa fischiando i cancelli che separano il portico dal giardino, e intanto ha disperso a forza chi ancora voleva trattenersi, ha zittito di botto, col suo urlo selvaggio, chi ancora indugiava a parlare. Voci esili, gridi sottili, subito sopraffatti. Soffiatti via, tutti : come foglie leggere, come pezzi di carta, come capelli di una chioma incanutita dagli anni e dal terrore..."
Giorgio Bassani Il Giardino dei Finzi-Contini
"Et puis il y aurait eu la dernière scène, celle des adieux. Je la voyais déjà. Nous étions descendus tous ensemble par le sombre escalier, comme un troupeau opprimé. Arrivés sous le porche, quelqu'un (peut-être moi) était allé entrouvrir le portail donnant sur la rue, et maintenant, pour la dernière fois, avant de nous séparer, nous échangions tous, moi compris, les bonne nuit, les vœux, les poignées de main, les embrassades, les baisers sur les joues. Mais brusquement, par le portail demeuré entrouvert, là, contre le noir de la nuit, voici que s'engouffre dans le porche une rafale de vent. C'est un vent d'ouragan, et il vient de la nuit. Il s'abat dans le porche, le traverse, dépasse en sifflant les grilles qui séparent le porche du jardin, et ce faisant il a dispersé de force ceux qui voulaient encore s'attarder, il a réduit au silence, avec son hurlement sauvage, ceux qui continuaient à parler. Des voix grêles, des cris fluets, aussitôt écrasés. Emportés par le vent, tous, comme des feuilles légères, des morceaux de papier, des cheveux blanchis par les ans et par la terreur..."
Giorgio Bassani Le Jardin des Finzi-Contini
E quando nel giro del ballo oscuro che ci rimorchia,
dimenticate ombre nostalgiche a fingere la vita,
spirito della notte ci riavrai, dopo le ultime risa,
i baci sulle guance, gli auguri, gli addii sulla porta ;
e là dalla soglia a scroscio, irrompendo, un vento crudele
disperderà le fioche e esili voci come capelli
incanutiti, nel vuoto portico, di tra i cancelli,
cieco soffiando sulle deboli fiamme delle candele :
forse torneremo di sopra, in sala, seduti qua attorno al solito
tavolo, sotto la lampada, commensali distratti,
fermi, le labbra sigillate, pallidi di contro ai pallidi
ritratti dei nostri morti, morti anche noi, ma soli.
Giorgio Bassani Storie dei poveri amanti Ed. Mondadori
Et quand dans le tourbillon du bal obscur qui nous emporte,
ombres nostalgiques oubliées simulant la vie,
nous reviendrons à toi, esprit de la nuit, après les derniers rires,
les baisers sur les joues, les vœux, les adieux sur la porte ;
et là, sur le seuil, en cascade déferlante, un vent cruel
éparpillera les voix ténues et frêles comme des cheveux
blanchis, sous le porche vide, entre les grilles,
soufflant à l'aveugle sur les faibles flammes des bougies :
peut-être remonterons-nous dans la salle, assis autour de la même
table, sous la lampe, commensaux distraits,
immobiles, les lèvres scellées, pâles face aux pâles
images de nos morts, morts nous aussi, mais seuls.
(Traduction personnelle)
Du "jardin", j'ai noté ce très beau poème d'Emily Dickinson lu par Micol, qui , je crois, donne une parfaite idée des personnages et de l'atmosphère du livre. Atmosphère d'ailleurs magnifiquement rendue, elle aussi dans le film de V De Sica.
RépondreSupprimer"Je suis morte pour la beauté, mais à peine étais-je installée dans la tombe, qu'un qui était mort pour la vérité fut couché dans une niche adjacente.
Il demanda doucement pourquoi j'avais péri?
-Pour la beauté, répondis-je
-Et moi pour la vérité, les deux ne font qu'un; nous sommes frères, dit-il.
Et de la sorte, tels des parents se rencontrant la nuit, nous parlâmes d'une niche à l'autre, jusqu'à ce que la mousse ait atteint nos lèvres et recouvert nos noms.
Et n'oublions pas le post-scriptum de Micòl à la suite du poème : "Alas, poor Emily ! Voilà bien le genre de compensation sur lequel l'abject célibat féminin est contraint de miser !"
RépondreSupprimerÉmouvante mémoire d'un départ, d'une séparation ultime après tout ce vivre ensemble... Pessah bien sûr et la belle table préparée pour le repas de Seder. Les morts aussi et la mémoire qui ronge comme le vent, la nuit...
RépondreSupprimerOui, et j'aime beaucoup la façon dont l’œuvre poétique de Bassani (très belle et trop méconnue) nourrit son œuvre romanesque, comme dans ce poème écrit en 1945, et dont on retrouve un écho bouleversant près de vingt ans plus tard, dans "Le Jardin des Finzi-Contini".
SupprimerÉmotion à fouler ce sentier sur lequel nous avions déjà fait route ensemble. Mais ce soir j'écoute la cantate qui apaise le vent dévastateur de la mort. Juste un endormissement qui berce nos absents dans les étoiles... Je regarde ces photos une à une sentant toutes ces présences qui ont donné et reçu de l'amour. Emmanuel, n'est-ce pas la seule chose que le vent n'emporte pas tout ce miracle de tendresse, cet amour bien plus fort que la mort ? J'aime votre mémoire...
RépondreSupprimerLa poésie s'invite même dans le récit dès que "s'engouffre la rafale de vent" : le texte s'envole. J'aime aussi beaucoup "comme un troupeau opprimé".
RépondreSupprimerAvez-vous lu la nouvelle "EDickinson RépliLuxe" de Joyce Carol Oates?
29 mars 2011 ! Il y a déjà si longtemps que nous conversons?
Merci beaucoup, chers amis, pour votre attention bienveillante et votre fidélité, je ne me lasse jamais de lire vos commentaires toujours si éclairés !
SupprimerJulius, je note votre suggestion de lecture, je n'ai malheureusement rien lu de Joyce Carol Oates (ma passion pour les auteurs italiens me fait passer à côté de beaucoup d'autres, car le temps me manque, hélas...).