Un extrait de Marsiho, le magnifique livre qu'André Suarès a consacré à sa ville natale :
Au Vieux Port, il n’est pierre, il n’est voile de barque, il n’est toile aux mâts d’un yacht, ni tente contre un mur, ni coquillage à l’étal, qui n’ait le rire et le rêve de l’ivresse. On n’est ivre de vivre que pour rire et rêver. On ne rêve que pour s’enivrer de vivre. Assis enfin sur le quai de Rive Neuve, je regarde la montagne chaude, où le clocher des Acoules, ce cactus, pique le ciel rose.
Ardeurs présentes, souvenirs, nues ou voilées, les douces apparitions
m’environnent. Elles tremblent, elles sourient, pétales d’une pluie que la
fleur du ciel effeuille sur ma vie : pour me combler ou pour
m’ensevelir ? Mainte et mainte peine, maints délires, et quelles formes
exquises de l’amour et de la gloire. La gloire, ce vain mirage ; l’amour,
cette coupe de sang où notre cœur se mire.
Tas de poissons sur la planche qui
ruisselle, tous les bijoux de la mer, tous les émaux, toutes les Golcondes que
recèlent les petites vagues heureuses, quand le soleil se couche, ou que la
lune lance du ciel sa passerelle sur l’étendue marine : là, devant ces
joyaux qui frémissent encore, on saisit que le merveilleux étincellement de la
mer et son intarissable prisme sont faits de ces vivantes merveilles.
Que les
blêmes citrons sont crus et froids au milieu des petits sexes orangés, que les
moules de Canet entr’ouvrent dans leurs valves de laque bleue ou noire :
ils sont acides à l’œil et tentants comme un séduisant danger, les joues vertes
de passion, et le petit ventre dur, innocent et pâmé de Juliette à treize ans.
Aime Juliette, le front brûlant, les mains glacées, à Marseille ou à Venise, si
non à Vérone.
André Suarès Marsiho Réédition : Jeanne Laffitte, 2009
Edmonde Charles-Roux et Philippe Caubère parlent de Marsiho (et aussi de Marseille).
Images : en haut, Site Flickr
au centre, Jeanne Menj (Site Flickr)
en bas, Daniel Mauro (Site Flickr)
Joie à lire ces mots, à regarder ces photos. Il y a tant de vie en cette page. comme cela fait du bien !
RépondreSupprimerAh les étals des poissonniers sur les marchés des villes maritimes : un bonheur des sens.
Merci, Christiane !
SupprimerVotre blog est un enchantement, l'amoureux de l'Italie et de la beauté que je suis, vous en remercie. Je vous invite à découvrir mon blog : www.mescouleursdutemps.blogspot.com.
RépondreSupprimerMerci beaucoup de votre passage, et pour l'adresse de votre très beau blog !
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