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lundi 27 janvier 2014

Il superstite (Le survivant)



Wahr spricht, wer Schatten spricht.






Since then, at an uncertain hour,
Dopo di allora, ad ora incerta,
Quella pena ritorna,
E se non trova chi lo ascolti
Gli brucia in petto il cuore.
Rivede i visi dei suoi compagni
Lividi nella prima luce,
Grigi di polvere di cemento,
Indistinti per nebbia,
Tinti di morte nei sonni inquieti :
A notte menano le mascelle
Sotto la mora greve dei sogni
Masticando una rapa che non c’è.
“Indietro, via di qui, gente sommersa,
Andate. Non ho soppiantato nessuno,
Non ho usurpato il pane di nessuno,
Nessuno è morto in vece mia. Nessuno.
Ritornate alla vostra nebbia.
Non è mia colpa se vivo e respiro
E mangio e bevo e dormo e vesto panni".

Primo Levi  Ad ora incerta  Garzanti Editore, 1990






Le survivant

Since then, at an uncertain hour,
Depuis lors, à une heure incertaine,
Cette peine revient,
Et s'il ne trouve pas quelqu'un qui l'écoute
Son cœur brûle dans sa poitrine.
Il revoit les visages de ses compagnons
Blêmes dans la lumière de l'aube,
Gris de poussière de ciment,
Perdus dans le brouillard,
Couleur de mort en leurs sommeils inquiets :
Pendant la nuit, ils remuent leurs mâchoires
Sous l'impérieuse injonction des songes
En mâchant un navet imaginaire.
"Arrière, sortez d'ici, les naufragés,
Allez-vous-en. Je n'ai supplanté personne,
Je n'ai volé le pain de personne,
Personne n'est mort à ma place. Personne.
Retournez à votre brouillard.
Je ne suis pas coupable de vivre et de respirer
De manger et de boire, de dormir et de m'habiller".

(Traduction personnelle)






Source des trois images : Site Flickr


Un extrait de l'ouvrage de Primo Levi : Les naufragés et les rescapés



(...)

3 commentaires:

  1. Si j'écris MERCI, ce sera un mot si petit pour contenir ma gratitude et toute la douleur encagée là-bas dans ces tombes de fumée, dans le silence de ceux qui en sont revenus, les "survivants"... effarés, brisés, à la mémoire trop lourde pour remonter à la gorge de la parole.
    Dans ce livre indispensable "Qui si je criais ... ?" (éd. Laurence Teper) Claude Mouchard évoque aussi Primo Levi :
    "Dans le chapitre de "Si c'est un homme" intitulé "Le chant d'Ulysse", Primo Levi se souvient d'avoir récité des vers de la "Divine Comédie". Et ces vers lui parlent soudain comme jamais :
    "C'est comme si moi aussi j'entendais ces paroles pour la première fois : comme une sonnerie de trompettes, comme la voix de Dieu. L'espace d'un instant, j'ai oublié qui je suis et où je suis."
    Et plus loin, dans le même livre, Primo Levi écrit :
    "Quand il pleut, on voudrait pouvoir pleurer..."
    MERCI, Emmanuel.

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    1. Les poèmes de Primo Levi ne sont pas la partie la plus connue de son œuvre, mais ils sont vraiment très beaux. Une traduction française est parue dans la collection Arcades, chez Gallimard ("À une heure incertaine", 1997). J'en publierai dans la semaine un deuxième, que j'aime beaucoup.

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  2. Saisissante, cette voix, venue de ce lointain ténébreux avant le grand impossible de dire...

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