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samedi 8 janvier 2011

Pensieri del tè

Deux fois par jour, de bon matin et l'après-midi, Guido Ceronetti boit quelques tasses de thé de Chine. Alors, la parole se régénère, l'esprit opère des associations nouvelles, «de nombreuses petites fenêtres s'ouvrent à nouveau, et les mots ont moins de peine à retrouver leur origine dans les espaces éloignés.» Voici quelques exemples de ces "pensées du thé" :




Anna, nome in declino... La ragione è forse nella sua eccessiva pregnanza, nei suoi significati che si oppongono alla necessità di adattarsi all'indurimento e all'insensibilità. Nelle lingue semitiche, tra arabo ed ebraico, è grazia, amore, aff
etto, donna, sposa, bell'aspetto, misericordia, compassione, pietà, muggito del cammello. In arabo (Kazimirski), hannanah è fruscio dell'arco quando parte la freccia e insieme – arco meliodioso – donna divorziata che parla con tenerezza dell'uomo con cui non vive più. Annetta, Annina, Annuska, Ania, Annette, Ann, Hanna, Ana, Anita. Inimmaginabile, con un nome simile, nomen-omen, l'inclemenza.


Anna, prénom en déclin... La raison en est peut-être dans son excessive prégnance, dans ses significations qui contrarient la nécessité de s'adapter à l'endurcissement et à l'insensibilité. Dans les langues sémitiques, arabe et hébreu, ce nom signifie grâce, amour, affection, femme, épouse, bel aspect, miséricorde, pitié, voix du chameau. En arabe (Kazimirski), hannanah est le bruissement de l'arc au départ de la flèche et aussi – arc mélodieux – la femme divorcée parlant avec tendresse de l'homme avec qui elle ne vit plus. Annetta, Anne, Annina, Annuska, Ania, Anette, Ann, Hanna, Ana, Anita. Inimaginable avec un tel nom, nomen est omen, un coeur inflexible.






L'adolescente che per un giorno intero contempla una rosa mentre guarda un montone su un prato, a Marrakèsh (Pierre Mac Orlan, «Hambourg» in Villes, Gallimard) senza mai annoiarsi, senza neppure immaginare che cosa è noia, smentisce Leopardi, il cui pastore il tedio assale se giace in riposo. Neppure lo Jeli verghiano sa cha cos'è la noia, vive la vita dell'universo, ha la sua rosa da contemplare mentre guarda i cavalli. Neanche la guardiana di montoni di Millet si annoia. La rottura col reale precipita nella noia. Un uomo che, alle nove di sera, dice : «mi voglio divertire» è già un malato incurabile, un essere in pericolo, pronto a commettere qualche crimine.

L'adolescent qui, pendant un jour entier, contemple une rose en gardant un mouton dans un pré, à Marrakech (Pierre Mac Orlan, «Hambourg», in Villes, Gallimard), sans jamais s'ennuyer ni même imaginer ce qu'est l'ennui, dément Leopardi, dont le berger est assailli par l'ennui quand il connaît le repos. Le Jeli de Verga ne sait pas non plus ce qu'est l'ennui, il vit la vie de l'univers, il a sa rose à contempler pendant qu'il garde les chevaux. Et la Bergère de Millet ne s'ennuie pas non plus. La rupture avec le réel précipite dans l'ennui. Un homme qui, à neuf heures du soir, dit : «Je veux aller m'amuser» est déjà un malade incurable, un être en danger, prêt à commettre quelque crime.





In casa mia, di primo mattino e di sera, quasi sempre c'è una candela accesa, non votiva, ma per rischiarare gli oggetti. A volte, manca la corrente. Allora è bello vedere, mentre le luci artificiali ammutoliscono, quel lume vero restare vivo, solitario, indifferente alle macchine dell'Energia, ai tonfi e alle sincopi dell'Ente Elettrico.

Chez moi, au petit matin et le soir, il y a presque toujours une bougie allumée, non votive, mais qui éclaire les objets. Parfois, le courant manque. C'est beau, alors, de voir, tandis que les lumières artificielles deviennent muettes, cette lumière vraie rester vivante, solitaire, indifférente aux machines de l'Énergie, aux chutes et aux syncopes de la Compagnie de l'Électricité.





Faust de Murnau. Faust disperato di non poter vincere la peste senza l'aiuto dei demoni è alta tragedia moderna. Vinciamo la peste ricorrendo al diavolo, che poi ci condurrà per le sue vie di assassinio e di distruzione (la peste vinta, strumento dell'inganno). Edipo vince andando in fondo alla verità e accecandosi. La sua tragedia avrà un termine, la nostra no.

Faust de Murnau. Faust, désespéré de ne pas pouvoir triompher de la peste sans l'aide des démons, est une haute tragédie moderne. Nous triomphons de la peste en recourant au diable, qui nous mènera ensuite sur les chemins du crime et de la perdition (la peste vaincue, instrument de la duperie). Œdipe triomphe en allant au bout de la vérité et en se crevant les yeux. Sa tragédie aura un terme, la nôtre, non.





La terra si è velata come Cesare alle Idi, per ricevere da noi ventitremila miliardi di pugnalate. Se qualcuno poi ne mostrasse dai Rostri la toga insanguinata, nessuno sarebbe scandalizzato : tutti erano congiurati.

La terre s'est voilée comme César aux Ides de mars, pour recevoir de nous vingt-trois milliards de coups de poignard. Si quelqu'un, ensuite, montrait des Rostres sa toge ensanglantée, personne ne serait scandalisé : tous étaient conjurés.


Non muori. Entri nella vita profonda della dimenticanza.


Tu ne meurs pas. Tu entres dans la vie profonde de l'oubli.


I corpi li unisce il piacere, le anime la pena.

Les corps sont unis par le plaisir, les âmes par la souffrance.


Scrivo dei libri, pensavo senza rallegrarmi, destinati esclusivamente a tavolini di suicidi, qualcuno volontario, i più involontari, suicidi per destino collettivo, per essersi trovati sul ponte che attraversava la valle d'ombra di questo secolo della morte.


J'écris des livres, pensais-je sans m'en réjouir, destinés exclusivement aux tables de chevet de candidats au suicide, quelques-uns volontaires, pour la plupart involontaires, suicidés par un destin collectif, pour s'être trouvés sur le pont qui traversait la vallée d'ombre de ce siècle de la mort.

Guido Ceronetti Pensieri del tè Adelphi ed. 1987

Traduction : André Maugé (Ce n'est pas l'homme qui boit le thé mais le thé qui boit l'homme Albin Michel, 1991)




Image (en bas) : Guido Ceronetti dessiné par Sante Prevarin (Site Flickr)

1 commentaire:

  1. http://www.youtube.com/watch?v=hgFL-EoF01E&feature=related
    tellement émouvant...

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