Je cite ici un autre extrait de l'ouvrage de Giovanni Comisso Mio sodalizio con De Pisis (Mon amitié avec De Pisis). Il y est question de l'un de mes tableaux favoris, Portrait d'Allegro :
Quando fu di ritorno a Milano andai a trovarlo. Abitava sempre all'albergo Vittoria e mi fece vedere un grande quadro fatto a Rimini, il ritratto di Allegro, un ragazzo dagli occhi verdi che aveva conosciuto sulla spiaggia. Era con me Massimo Bontempelli e al vederlo disse che quel quadro apparteneva a un nuovo classicismo. Io pure ne fui estremamente colpito, De Pisis aveva scritto con il pennello sullo sfondo, giocando sul nome del ragazzo : Allegri non allegro, una volta tanto giocandosi con orgoglio, nel raffrontarlo a un Correggio. Mentre tante altre volte con umiltà scriveva, quando vi era qualche lontano avvicinamento : «Omaggio a Tosi» o ad altri suoi pittori amici. Lo comperai subito ed egli mi pregò di lasciarglielo per una sua mostra che si doveva fare nella Galleria Barbaroux.
L'Allegro è uno dei quadri più singolari di De Pisis, è un ritratto di un ragazzo, a mezzo busto nudo, abbronzato e arrossato dal sole estivo di Rimini ed à per sfondo la parete dello studio cinerea con un altro quadro di De Pisis appeso. Mentre lo sfondo è pacato e unitario, il ritratto è brusco e composto di macchie di rosso sul cartone bruno lasciato scoperto. Chi lo vede per la prima volta non riesce a fondere i colori di questo corpo estivo e li considera quasi urtanti. Ma come per gli altri quadri, anche per questo, dopo che sia diventato familiare, lo si accetta armonioso e come una nostra conquista, come una decifrazione nostra di un linguaggio nuovo. Dopo qualche tempo che lo ebbi nella mia casa, indotto il mio sguardo a cercare di adattarsi a quel contrasto tra il rosso e il bruno, che è forte specie nel volto, mi avvenne di vedere, in Venezia, uno di quei ragazzi friulani che dal loro paese montano vi scendono a fare i salumai. Nel suo volto vi era naturale lo stesso contrasto, tra il rosso acceso della guancia e il bianco femmineo dall'orecchio al colle. Era un rosso di sangue giovanissimo purissimo, e un bianco materno e latteo. Da quell'incontro venne come assolto l'iniziale urtante contrasto dei due colori nel quadro di De Pisis e il mio sguardo si era educato, non adattato. Anche questa esperienza mi confermava il valore della sua pittura. Essa non dà tutto per risolto, per dimostrato, per attuato fino alla stanchezza, alla sazietà, alla noia, ma costringe chi possiede un quadro di De Pisis a una elaborazione, a una lettura continua e progressiva, in modo da legarlo con una partecipazione che lo conferma in essa. È questa l'essenza suprema dell'opera d'arte in genere. Ed è per questo che chi à un De Pisis difficilmente se ne separa, staccarsi è come mutilare se stesso.
Giovanni Comisso Mio sodalizio con De Pisis Ed. Neri Pozza, 2010
Quand il revint à Milan, je lui rendis visite. Il se trouvait toujours à l'hôtel Vittoria et il me montra un grand tableau qu'il avait fait à Rimini, le portrait d'Allegro, un garçon aux yeux verts qu'il avait rencontré sur la plage. Massimo Bontempelli m'accompagnait, et en découvrant ce tableau, il dit qu'il relevait d'une nouvelle approche du classicisme. Il me fit aussi une très forte impression ; De Pisis avait écrit au pinceau sur le fond, en jouant sur le nom du garçon, Allegri non allegro (Allegri pas allègre), n'hésitant pas pour une fois à faire preuve d'un certain orgueil, en faisant un rapprochement avec Le Corrège. Alors que tant d'autres fois, il avait écrit avec humilité, quand l'une de ses toiles rappelait vaguement la manière d'un autre artiste : «Hommage à Tosi», ou à d'autres amis peintres. J'achetai aussitôt ce tableau, et De Pisis me pria de le lui laisser pour une exposition qui devait avoir lieu à la Galerie Barbaroux.
L'Allegro est un des tableaux les plus singuliers de De Pisis, c'est le portrait d'un garçon, torse nu, bronzé et rougi par le soleil estival de Rimini ; le fond représente le mur cendreux de l'atelier, où est suspendu un autre tableau de De Pisis. Alors que le fond est paisible et uni, le portrait est brusque et composé de taches rouges sur le carton brun laissé à découvert. Quand on le découvre pour la première fois, on a du mal à percevoir la fusion de toutes les couleurs de ce corps estival, et on les trouve même presque dissonantes. Mais quand il nous est devenu familier, ce tableau, comme tous les autres, se révèle harmonieux, comme si notre regard l'avait conquis, par le déchiffrement d'un nouveau langage. Je l'installai chez moi, et après quelques jours, ayant cherché à adapter mon regard à ce contraste entre le rouge et le brun, particulièrement marqué sur le visage, il m'arriva de rencontrer à Venise l'un de ces garçons frioulans descendus de leur village de montagne pour travailler comme charcutiers. Sur son visage, il y avait au naturel ce même contraste, entre le rouge vif de la joue et le blanc féminin depuis l'oreille jusqu'au cou. C'était le rouge du sang très pur d'un très jeune homme, et un blanc maternel et laiteux. Cette rencontre effaça aussitôt ma première impression d'une dissonance entre les deux couleurs dans le tableau de De Pisis ; mon regard s'était éduqué, et non pas adapté. Cette expérience fut également pour moi une confirmation supplémentaire de la valeur de sa peinture. Celle-ci ne se donne pas comme un ensemble résolu, démontré, accompli jusqu'à la lassitude, la satiété, l'ennui ; au contraire, elle oblige celui qui possède un tableau de De Pisis à un travail d'élaboration, à une lecture continue et progressive qui finit par créer un lien indissoluble avec une œuvre devenue partie de lui-même. Et c'est bien cela, l'essence suprême de toute œuvre d'art. C'est la raison pour laquelle le possesseur d'un tableau de De Pisis a beaucoup de mal à s'en séparer ; s'en détacher, c'est comme se mutiler soi-même.
(Traduction personnelle)
(Traduction personnelle)
Images : en haut, Filippo De Pisis Ritratto di Allegro, 1940
en bas, merci à Jacques, auteur du blog Rimini a giorni dispari
Ce portrait est émouvant. On dirait que le peintre, ému, n'ose toucher ce corps, qu'il l'effleure de petites touches légères. Le fond bleuté est d'une irréelle lumière. Il y a du désir charnel dans cette façon de ne pas peser sur le geste qui va vers la toile. Oui, très belle peinture, esquisse d'étreinte arrêtée... Pudeur.
RépondreSupprimerMerci!
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