Funesto spirito
Che accendi e turbi amore,
Affine io torni senza requie all’alto
Con impazienza le apparenze muti,
E già, prima ch’io giunga a qualche meta,
Non ancora deluso
M’avvinci ad altro sogno.
Uguale a un mare che irrequieto e blando
Da lungi porga e celi
Un’isola fatale,
Con varietà d’inganni
Accompagni chi non dispera, a morte.
Giuseppe Ungaretti Vita d'un uomo Sentimento del tempo
Sirènes
Pensée funeste,
Toi qui embrases et qui troubles l'amour
Afin que je me tourne inlassablement vers le haut,
Tu modifies, impatiemment, les apparences
Et, avant même que je touche au but
Et me détrompe,
À d'autres songes déjà tu m'enchaînes.
Semblable à cette mer inquiète et flatteuse
Qui offre et cache au loin
L'île fatale,
Multipliant les leurres,
Tu mènes qui encore espère
À la mort.
(Traduction : Philippe Jaccottet)
Images : en haut, Alessio (Site Flickr)
au centre, Jacqueline Poggi (Site Flickr)
en bas, Wiki Commons
Quelle écriture ! je lis (lie) tant de non-dit dans ce poème... Il est là juste au bord de ce qui allait céder et reste, énigmatique,et silencieux avec son coeur en charpie. Cette nuit, ce poème m'est revenu... Parfois, ainsi, les mots s'ouvrent, longtemps après qu'ils aient disparu, entre veille et sommeil. Songes...
RépondreSupprimerC'est en effet un poème énigmatique. A propos du "funesto spirito", voilà ce que disait Ungaretti : "il s'agit de l'inspiration, qui est toujours ambiguë, source à la fois de stimulation et de vérité illusoire ; c'est la muse qui se montre sous la forme d'une sirène, et "l'île fatale" est justement celle des Sirènes qu'Ulysse rencontre dans son voyage."
RépondreSupprimerJe ne suis pas convaincu par la façon dont Jaccottet traduit le troisième vers ; "all'alto" n'est pas "vers le haut", mais plutôt "vers la haute mer", celle vers laquelle le poète retourne sans cesse, au risque de s'y perdre. Et la muse, le "funesto spirito" peut aussi ressembler à Circé, avec ses multiples maléfices...
La "muse" sirène a aussi rencontré Lampedusa.
RépondreSupprimerIl suffit de lire les magnifiques dernières pages du "Professeur et la sirène".
"Ricorda, quando sarai stanco, quando non ne potrai proprio più, non avrai che da sporgerti sul mare e chiamarmi : io sarò sempre lì e la tua sete di sonno sarà saziata."
RépondreSupprimerDans la traduction de Louis Bonalumi :
RépondreSupprimer"L'humeur de Lighea elle-même passait de la ferveur aux tendresses du gris. Elle se taisait plus souvent, restait des heures étendue sur un rocher à regarder l'horizon désormais mouvant Elle s'éloignait peu : "Je ne veux pas te quitter encore ; si j'allais au large à présent mes compagnons me retiendraient. Les entends-tu ? Ils m'appellent. Parfois je croyais vraiment déceler une note différente, plus basse, dans le concert strident des mouettes, entrevoir de fulgurantes chevelures entre deux récifs (...)
En contrebas la mer s'ouvrit, la première vague s'avança couronnée de blancheurs. " Adieu Sasà; tu n'oublieras pas." La masse d'eau se brisait sur l'écueil : Lighea se jeta dans le jaillissement irisé ; je ne la vis pas retomber ; elle semble se défaire dans l'écume."
Oui, un roman envoûtant de Giuseppe Tomasi Lampedusa. Sacrées sirènes ...
Je retrouve avec grand plaisir votre blog après une petite absence. Les commentaires sont aussi intéressants que vos textes. J'ai du retard à rattraper!
RépondreSupprimerMerci beaucoup, chère Arlette !
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