Je cite ici un deuxième extrait de l'ouvrage de Francesco M. Cataluccio L'ambaradan delle quisquiglie (Le grand bazar des bagatelles). Il s'agit de l'article Vento (Vent).
Le vent a été ma berceuse : non pas les impétueux courants d’air qui soufflaient depuis les Apennins sur Florence, en s’engouffrant derrière le Monte Ceceri, depuis lequel Leonard de Vinci jetait l’un de ses malheureux serviteurs, après l’avoir pourvu d’inefficaces ailes artificielles (le vent le soulevait avant de le précipiter au sol, où il s’écrasait comme un Icare déplumé) ; pas ce vent-là donc, mais celui d’une petite poésie, Who has seen the wind ? (1862), de la préraphaélite Christina Rossetti (1830-1894), que ma mère me récitait en anglais, comme s’il s’agissait d’une comptine, pour m’aider à m’endormir : « Qui a vu le vent ? / ni moi ni toi ; / mais quand les feuilles tremblent / c’est le vent qui les traverse. / Qui a vu le vent ? / ni toi ni moi ; / mais quand les arbres courbent la tête / c’est le vent qui passe ».
Cette drôle de question devint aussi le titre d’une chanson de Yoko Ono, proposée sur la face B du disque 45 tours Instant Karma ! (1970) de
John Lennon. Yoko Ono, artiste toujours animée d’un esprit de rébellion contre
l’orthodoxie, au nom du désir d’expression de soi et de liberté spirituelle,
avait crée au début des années soixante à New York le mouvement Fluxus, dédié à
l’expérimentation musicale, poétique et artistique. Et dès cette époque, le
vent était présent dans son art, comme le démontre l’œuvre Painting for the
wind (1961).
Le vent est produit par un ensemble de mouvements de convection
(verticaux) et d’adduction (horizontaux) des masses d’air dans l’atmosphère.
L’intensité du vent augmente en moyenne avec l’altitude, en raison de la
diminution du frottement contre la surface du globe et de l’absence d’obstacles
physiques (végétation, édifices, reliefs et montagnes).
Aujourd’hui, on dirait
que le vent souffle moins. Selon une recherche conduite par Robert Vautard, la
vitesse des masses d’air, calculée au niveau du sol, a diminué de dix pour cent
au cours des trente dernières années. « L’origine principale de la
diminution de la force des vents réside dans le développement d’une luxuriante
végétation. Une plus grande quantité de végétaux augmente la rugosité d’un
terrain qui va par là même absorber une partie de l’énergie du vent, en le
ralentissant. »
C’est une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui, partout où
cela est possible, disposent d’immenses éoliennes qui transforment notre
paysage en une sorte de gigantesque aéroport. Véritables joyaux de la
technologie, ces perchoirs à hélices captent l’énergie du vent et la
transforment, de façon propre et silencieuse, en énergie électrique (mais leurs
détracteurs soutiennent qu’il en faudrait des milliers pour égaler la
productivité d’une centrale électrique traditionnelle). Ces modernes moulins à
vent rendent un peu mélancoliques si on les compare à ceux du passé, qui
semblaient plus complices du vent et permettaient à certains, comme Don
Quichotte, de les confondre avec des créatures fantastiques. Le vent est
folie. Dans la Terre de Feu, le vent souffle constamment tout au long de
l’année : dans les rares moments où il se calme, les gens deviennent fous.
Francesco M. Cataluccio L'ambaradan delle quisquiglie Sellerio editore Palermo, 2012 (Traduction personnelle)
au centre et en bas Yoko Ono Painting for the wind (1961) Copyright Yoko Ono
"Who has seen the wind?
Neither I nor you.
But when the leaves hang trembling,
The wind is passing through.
Who has seen the wind?
Neither you nor I.
But when the trees bow down their heads,
The wind is passing by."
Un jour, j'ai essayé de dessiner le vent... c'étaiten herbes et feuillages échevelés, vêtements transformés en voiles claquant au vent. Mais de vent... impossible. Dans les gravures d'Hiroshige le vent est somptueusement ressenti, exprimé. Très douce méditation en ce livre de M.Cataluccio...
RépondreSupprimerOui, c'est exactement ce que dit le poème de Christina Rossetti :
Supprimer"Qui a vu le vent ?
Ni moi ni toi.
Mais quand les feuilles frémissent,
C'est que le vent les traverse.
Qui a vu le vent ?
Ni toi ni moi.
Mais quand les arbres courbent la tête,
C'est que le vent souffle."