Mi sono svegliato come sempre alle sei, dopo un'ora che tenevo del tutto gli occhi chiusi. La caffetteria era già aperta, non lo sapevo, ma è per turisti che partono presto per le escursioni. Mangio qualcosa, mi scivola il coltello e mi impiastro di marmellata di fichi e, leccandomi le dita per tutto il tragitto, vado in spiaggia a vedere sorgere il sole. Eccola là, la sfera strafottente attraversata da una barchetta nera. Sembra dapprima una mongolfiera a rallentatore, per via del riflesso sull'acqua che schiaccia la rotondità della palla, e poi un salvadanaio di terracotta. Un monito a mettere via la vita, e capitalizzarla per quando ce ne sarà poca – avvertimento stupido: chi risparmia vita adesso non solo non avrà di più dopo ma avrà sempre meno a misura che aumenterà il risparmio. Certi tesori si guadagnano solo disperdendoli. E così eccolo lì, il dio luce, che viene da queste parti ogni mattina, puntuale a modo suo, metodico nel non lasciar stare niente : tutto deve muoversi al suo arrivo e tutto deve respirare a occhi aperti, spinto a vivere per attrazione verso la morte, che vuole chiudere il ciclo alla svelta e chi s'è visto s'è visto, gli altri no.
Piccioni rosso-crema sulla rena fra i rifiuti di plastica, un tronco imponente di palma fra i flutti calmi ; corridore in lontananza. L'acqua è tiepida, un inno a se stesse l'andare e venire delle onde basse. E ecco, s'è levato, i secchi sono stati di nuovo distribuiti.
Aldo Busi Sodomie in corpo 11 (Oscar Mondadori)
Je me suis réveillé comme toujours à six heures, après avoir gardé les yeux complètement fermés pendant une heure. La cafétéria était déjà ouverte, je ne le savais pas, mais c’est pour les touristes qui partent tôt en excursion. Je mange quelque chose, mon couteau glisse et je me tartine de confiture de figues et, en me léchant les doigts pendant tout le trajet, je vais sur la plage voir le soleil se lever. Et la voilà, la sphère qui se fout de tout, traversée par une barque noire. On dirait d’abord une montgolfière à ralentisseur, à cause du reflet sur l’eau qui écrase la rotondité de la boule, et ensuite une tirelire de terre cuite. Un avertissement à mettre la vie de côté et à la capitaliser pour le jour où il n’en restera plus beaucoup – avertissement stupide : qui épargne sa vie non seulement n’en aura pas plus après mais en aura toujours moins à mesure que son épargne augmentera. Certains trésors ne se gagnent qu’en les dilapidant. Et le voilà donc, le dieu lumière, qui vient dans ces contrées tous les matins, ponctuel à sa manière, méthodique dans sa façon de ne jamais rien laisser de côté : tout doit se mouvoir à son arrivée et tout doit respirer les yeux ouverts, poussé à vivre par attraction vers la mort, laquelle veut clore le cycle en vitesse, et qui est vu est pris, les autres non.
Pigeons rouge-crème sur le sable parmi les détritus de plastique, un tronc de palmier imposant au milieu des flots calmes ; quelqu’un qui court au loin. L’eau est tiède, le va-et-vient des vagues basses est comme un hymne à elles-mêmes. Et voilà, il s’est levé ; une nouvelle fois, les seaux ont été distribués.
Aldo Busi Sodomie en corps onze Presses de la Renaissance, 1991 (Traduction (légèrement revue) : Françoise Brun)
Les trois photographies ont été prises à Sousse, en Tunisie, le lieu où est situé le passage que je cite. Elles proviennent du site Flickr.
Il est bizarre ce texte, Emmanuel. Jamais vu vivre un lever de soleil d'une manière si morbide. Il pense à autre chose, à brûler sa vie, à la mort. Et ce pigeon sur ces "détritus de plastique" me fait penser à la plage où Pasolini a trouvé la mort. Même le soleil "se fout de tout" ! "Vivre par attraction vers la mort"...
RépondreSupprimerExpérience de garçon de bar sur cette plage ? (touristes... seaux...).
J'ai relu la page 1 que je ne connaissais pas. Je trouve bouleversant et simple ce texte de dessaisissement sur la vieillesse.
est-il vivant ? La vidéo date de 1988. N'a-t-il écrit que 5 ans comme il le dit à T.Ardisson ?
Oui, je trouve aussi très mystérieuse cette dernière phrase sur "les seaux" , qu'a-t-il voulu dire ?
SupprimerAldo Busi est très célèbre en Italie, beaucoup plus pour ses nombreuses apparitions télévisées, toujours très pittoresques, que pour ses livres, très originaux et surtout inventifs sur le plan de la langue. Il est très difficile à traduire, ce qui explique sans doute le peu d'ouvrages disponibles en français (trois livres seulement, alors qu'il en a écrit une bonne trentaine).
Une journée à penser à votre remarque, entre deux activités. Ces seaux, ça ne m'étonne pas vraiment. Outil de travail pour qui nettoie. Si vous avez le livre vous devez en savoir plus que moi lisant ce fragment. Ce texte semble réunir des notes prises au fil de la vie, évoquant un réveil matinal difficile, suivi d'une précipitation, d'un trajet (?) et, après la pause méditative sur la plage, se terminant (ici) par une distribution des seaux.( Plusieurs donc en ont reçus). C'est l'heure où partout (bars et restaurants de plage) on lave à grande eau...
RépondreSupprimerMais au-delà de ce réveil rituel et difficile, il y a ce face à face avec le soleil, drôle de partenaire... ce dieu terrible annonciateur de l'éphémère et de la mort. Un "créancier" comme celui du théâtre de Strindberg ? Il veut profiter de cette vie, me semble-t-il, dans la passion qui consume (titre du livre...). Rien à regretter de ce qui aura été vécu, tout à regretter de ce qui ne l'aura pas été. Comme un jeu diabolique. Rien n'est ici apaisé de la mer, du sable, du pigeon et surtout pas lui. Une plage comme une arène pour quelque minotaure perdu, éperdu...
Dans l'entretien avec T.Ardison, il fait preuve de charme (beau garçon au sourire enjôleur et à l'ironie fine) auquel l’intervieweur ne semble pas insensible mais c'est de littérature dont il veut parler.
Peut-être, le soleil distribue-t-il des "autorisations" de vivre.
RépondreSupprimerAmusant que l'auteur soit venu à Sousse ( la ville où je vis pour le moment)
Ici, il n'y a que le rituel du lever du soleil qui soit immuable. Pourtant, l'auteur de ce fort joli texte a oublié (consciemment ou pas) le son. A cette heure, ce sont les sourates qui dominent. Et, ensuite, c'est bien à partir de ce rituel que les choses se mettent en route.
Palimpseste, Julius ?
RépondreSupprimerOui, je pense.
SupprimerL'interprétation de Christiane est pertinente, mais je pense qu'il doit y avoir là-dessous quelque métaphore, comme le dit Julius (le soleil qui distribue des "autorisations" de vivre). Pour le son, je ne sais pas trop, tout cela doit se passer vers le début des années 80, la présence des sourates était-elle alors plus discrète ?
RépondreSupprimerEn tout cas, j'aime beaucoup les dernières lignes du livre, qui plaident pour le mystère :
"Ô maniaques des origines des choses, cherchez donc à comprendre
si la mer rebondit depuis l'extrémité du monde histoire de le déchirer un peu avant de l'abandonner
ou si elle perd la tête à être fouettée à certaines heures par la lune
ou si c'est le soleil sec avide de vagues et de vie qui la fait bondir aux étoiles :
mais à moi, qui que tu sois, ô cause des péripéties entre Dieu et la terre, ne te dévoile jamais."
Les sourates sont nées avec la lune et le soleil. Ce texte de fin ressemble beaucoup à un verset. Dans les dernières lignes, Il est bien question des relations entre Dieu et les éléments.
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