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mardi 17 février 2015

Carpe diem...




Cueille ce triste jour d’hiver sur la mer grise, 
D’un gris doux, la terre est bleue et le ciel bas 
Semble tout à la fois désespéré et tendre ; 
Et vois la salle de la petite auberge 
Si gaie et si bruyante en été, les dimanches, 
Et où nous sommes seuls aujourd’hui, venus 
De Naples, non pour voir Baïes et l’entrée des Enfers, 
Mais pour nous souvenir mélancoliquement. 

Cueille ce triste jour d’hiver sur la mer grise, 
Mon amie, ô ma bonne amie, ma camarade ! 
Je crois qu’il est pareil au jour 
Où Horace composa l’ode à Leuconoé
C’était aussi l’hiver, alors, comme l’hiver 
Qui maintenant brise sur les rochers adverses la mer 
Tyrrhénienne, un jour où l’on voudrait 
Écarter le souci et faire d’humbles besognes, 
Être sage au milieu de la nature grave, 
Et parler lentement en regardant la mer...




Cueille ce triste jour d’hiver sur la mer grise... 
Te souviens-tu de Marienlyst ? (Oh, sur quel rivage, 
Et en quelle saison sommes-nous ? je ne sais.) 
On y va d’Elseneur, en été, sur des pelouses 
Pâles ; il y a le tombeau d’Hamlet et un hôtel 
Éclairé à l’électricité, avec tout le confort moderne. 
C’était l’été du Nord, lumineux, doux voilé. 
Souviens-toi : on voyait la côte suédoise, en face, 
Bleue, comme ce profil lointain de l’Italie. 
Oh ! aimes-tu ce jour autant que moi je l’aime ? 

Cueille ce triste jour d’hiver sur la mer grise... 
Oh ! que n’ai-je passé ma vie à Elseneur ! 
Le petit port danois est tranquille, près de la gare, 
Comme le port définitif des existences. 
Vivre danoisement dans la douceur danoise 
De cette ville où est un château avec des dômes en bronze 
Vert-de-grisés ; vivre dans l’innocence, oui, 
De n’importe quelle petite ville, quelque part, 
Où tout le monde serait pensif et silencieux, 
Et où l’on attendrait paisiblement la mort.




Cueille ce triste jour d’hiver sur la mer grise, 
Et laisse-moi cacher mes yeux dans tes mains fraîches ; 
J’ai besoin de douceur et de paix, ô ma sœur. 
Sois mon jeune héros, ma Pallas protectrice, 
Sois mon certain refuge et ma petite ville ; 
Ce soir, mi Socorro, je suis une humble femme 
Qui ne sait plus qu’être inquiète et être aimée.

Valery Larbaud  Poésies de A.O. Barnabooth






Cogli questo triste giorno d’inverno sul mare grigio,
di un grigio dolce, la terra è azzurra e il cielo basso
sembra ad un tempo disperato e tenero ;
guarda la sala della locanda
così allegra e chiassosa nelle domeniche d’estate,
dove oggi siamo soli, venuti
da Napoli, non per vedere Baia e l’entrata degli Inferi,
ma per abbandonarci ai ricordi, malinconicamente.

Cogli questo triste giorno d’inverno sul mare grigio,
amica mia, o mia buona amica, mia compagna !
Credo sia simile al giorno
in cui Orazio compose l’ode per Leuconoe.
Era inverno allora come l’inverno
che oggi frange sugli scogli avversi
il Tirreno, un giorno in cui si vorrebbe
dimenticare ogni cura e rivolgersi a umili lavori,
esser buono in mezzo alla natura austera
e parlare lentamente guardando il mare…

Cogli questo triste giorno d’inverno sul mare grigio…
Ti ricordi di Marienlyst ? (Oh, su quale riva,
in quale stagione siamo ? Non saprei).
Si arriva da Elsenor, in estate, su prati
pallidi ; c’è la tomba di Amleto e un hôtel
illuminato ad elettricità, con ogni confort moderno.
Era l’estate del Nord, luminosa, dai toni teneri e spenti.
Ricordi : si vedeva, di fronte, la costa svedese,
azzurrina, come questo lontano profilo dell’Italia.
Oh ! ti è caro questo giorno quanto è caro a me ?

Cogli questo triste giorno d’inverno sul mare grigio…
Oh ! perché non ho passato la mia vita a Elsenor ?
Il porticciolo danese, vicino alla stazione,
è tranquillo, come il definitivo porto dell’esistenza.
Vivere danesemente nella dolcezza danese
di questa città, dov’è un castello con cupole di bronzo
verderame ; sì, vivere nell’innocenza
di una piccola città qualsiasi, in qualche posto
dove la gente sia quieta e pensosa,
dove poter attendere con serenità la morte.

Cogli questo triste giorno d’inverno sul mare grigio,
e lasciami nascondere gli occhi nelle tue fresche mani ;
ho bisogna di dolcezza e di pace, o sorella !
Sii il mio giovane paladino, la mia Pallade protettrice,
sii il mio rifugio sicuro, la mia cittadella ;
stasera, mi Socorro, non sono che un’umile donna
smarrita, che chiede solo d’esser amata.

Traduzione : Clotilde Izzo






Images : (1)  Giuliano Vaccaro  (Site Flickr)

(2) et (5)  Kristina  (Site Flickr)

(3)  Guillaume Baviere  (Site Flickr)



4 commentaires:

  1. Et par ailleurs, le rapprochement entre Suède et Italie n'est pas sans évoquer ceci :
    http://www.farreny.net/dictionnaire/3167/antiquite

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    Réponses
    1. Ah oui, très beau texte ! Voici le lien cliquable : Antiquité

      Et j'ignorais tout de cette adaptation suédoise de la célèbre chanson napolitaine "Santa Lucia"...

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  2. Douceur des mémoires enchantées qui patientent dans cet hiver frileux. Les tristes jours d'hiver portent la promesse du printemps. Cette Pavane est triste à mourir... Ces photographies sont apaisantes.Quelle lumière...

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