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vendredi 25 octobre 2013

La Vie comme à Crémone




... Le Rose rosse, Balocchi e profumi, Tango notturno ou la Canzone appassiunata... Ces quelques chansons-là suffisaient à ma plonger dans cette rêverie géographique, voluptueuse et douloureuse, qui est mon élément le plus naturel : qu'en serait-il de vivre à Modène, à Crémone, à Bologne, à Verceil, d'écouter cela dans des appartements aux grandes fenêtres qui regarderaient des campaniles, de chantonner ces mélopées tristes par des journées ordinaires, de les entendre seulement sur la radio des voisins, de les avoir entendues, en 35, en 38, d'être cette musique, cette lumière, ces déceptions, ces rires, cette vie plate mais qui n'est pas la mienne et qui pour cette seule raison me paraît un moment affreusement désirable, et plus riche, plus gaie, plus poétique, tout simplement parce qu'elle est autre, qu'elle m'échappe, qu'elle m'échappera toujours, et qu'elle m'échapperait même si par miracle je la vivais. 

Renaud Camus  Fendre l'air, Journal 1989  Editions P.OL, 1991










 Images : (1) Leo Felix  (Site Flickr)


(3) Gianluca  (Site Flickr)

(4) Site Flickr


 

3 commentaires:

  1. Surprise à la lecture de ce texte-épine qui écorche dans une volupté appelée par les chansons langoureuses et tragiques(?) de Milva. Étonnement à la lecture de cette pensée finale : "et qu'elle m'échapperait même si par miracle je la vivais. " Cet écrivain est diabolique qui sait marier l'amour à la mort, un philosophe, souvent...
    Beauté des photos, bien sûr et bravo pour la modification technique qui permet d'ouvrir les liens sans interrompre la musique.
    Pouvez-vous nous offrir la traduction de la première chanson ?

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    Réponses
    1. "Le Rose rosse" ("Les Roses rouges") est une chanson de 1918 : sous ses airs langoureux et sentimentaux, elle évoque en fait les charniers de la première guerre mondiale à travers l'image des jardins de roses dévastés par les bombes :

      "Toutes les roses de tous les rosiers,
      les amoureux les voudraient seulement pour eux
      ils échangent des baisers
      et s'étreignent dans les prés en fleurs.

      Refrain :

      Mon cœur,
      je sais que tu aimes les roses
      de toutes les couleurs
      mais les roses rouges, non,
      je ne veux plus les voir !

      Je connais un jardin qui fut dévasté
      quand la guerre féroce y est entrée
      et le sang tacha toutes les roses,
      les corolles et les pétales brisés
      sous le soleil tiède.

      (Refrain)

      Que revienne le beau mois de mai
      et qu'il efface ce souvenir des jours tristes
      que ceux qui ont souffert
      puissent revoir les plus belles couleurs
      mais que ne reviennent jamais
      ces rouges images de notre douleur."

      (Refrain)



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    2. Merci, Emmanuel. Oui, ne pas dévaster le jardin que l'on aime par une guerre féroce. Se pencher sur la rose et lui sourire...

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