... Le Rose rosse, Balocchi e profumi, Tango notturno ou la Canzone appassiunata... Ces quelques chansons-là suffisaient à ma plonger dans cette rêverie géographique, voluptueuse et douloureuse, qui est mon élément le plus naturel : qu'en serait-il de vivre à Modène, à Crémone, à Bologne, à Verceil, d'écouter cela dans des appartements aux grandes fenêtres qui regarderaient des campaniles, de chantonner ces mélopées tristes par des journées ordinaires, de les entendre seulement sur la radio des voisins, de les avoir entendues, en 35, en 38, d'être cette musique, cette lumière, ces déceptions, ces rires, cette vie plate mais qui n'est pas la mienne et qui pour cette seule raison me paraît un moment affreusement désirable, et plus riche, plus gaie, plus poétique, tout simplement parce qu'elle est autre, qu'elle m'échappe, qu'elle m'échappera toujours, et qu'elle m'échapperait même si par miracle je la vivais.
Renaud Camus Fendre l'air, Journal 1989 Editions P.OL, 1991
Images : (1) Leo Felix (Site Flickr)
(2) Site Flickr
(3) Gianluca (Site Flickr)
Surprise à la lecture de ce texte-épine qui écorche dans une volupté appelée par les chansons langoureuses et tragiques(?) de Milva. Étonnement à la lecture de cette pensée finale : "et qu'elle m'échapperait même si par miracle je la vivais. " Cet écrivain est diabolique qui sait marier l'amour à la mort, un philosophe, souvent...
RépondreSupprimerBeauté des photos, bien sûr et bravo pour la modification technique qui permet d'ouvrir les liens sans interrompre la musique.
Pouvez-vous nous offrir la traduction de la première chanson ?
"Le Rose rosse" ("Les Roses rouges") est une chanson de 1918 : sous ses airs langoureux et sentimentaux, elle évoque en fait les charniers de la première guerre mondiale à travers l'image des jardins de roses dévastés par les bombes :
Supprimer"Toutes les roses de tous les rosiers,
les amoureux les voudraient seulement pour eux
ils échangent des baisers
et s'étreignent dans les prés en fleurs.
Refrain :
Mon cœur,
je sais que tu aimes les roses
de toutes les couleurs
mais les roses rouges, non,
je ne veux plus les voir !
Je connais un jardin qui fut dévasté
quand la guerre féroce y est entrée
et le sang tacha toutes les roses,
les corolles et les pétales brisés
sous le soleil tiède.
(Refrain)
Que revienne le beau mois de mai
et qu'il efface ce souvenir des jours tristes
que ceux qui ont souffert
puissent revoir les plus belles couleurs
mais que ne reviennent jamais
ces rouges images de notre douleur."
(Refrain)
Merci, Emmanuel. Oui, ne pas dévaster le jardin que l'on aime par une guerre féroce. Se pencher sur la rose et lui sourire...
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