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lundi 9 février 2015

Quasi adagio




Vendredi 25 juillet 2014, une heure et demie du matin. [...] Je ne suis pas un spécialiste du mélange des saveurs mais j’en sais peu de plus délicieux, ou de plus opérants sur moi, que celui de la musique et de la pluie — surtout en été, quand les fenêtres sont ouvertes.




Toute la matinée a été secouée par de formidables orages, striée d’éclairs à ébranler les plus antiques forteresses — il a même été question de Lectoure et de ses tempêtes au “journal de 20 heures”, ce soir : c’est dire… Mais vers midi la foudre était rentrée dans son foudreau jupitérien, et ne restait sur nos jardins qu’une paisible et chaude pluie d’été. Or, à la radio, sonate de Liszt, un des plus majestueux chefs-d’œuvre de l’esprit humain : il m’a rarement été donné, moi qui l’adore, d’en être à ce point transporté. Il est vrai que la transition, entre ses déferlements de notes et l’ondée sur la canopée, s’opérait par le truchement d’une odeur délectable entre toutes, celle de messidor trempé, à la campagne. Même un moineau de nos amis, tout décoiffé par la bourrasque, et que les brutalités du ciel à son égard avaient paru indigner, plus tôt (il faisait les cent pas sur une croisée de meneau, les bras dans le dos), paraissait tout à fait sous le charme et se repeignait tant bien que mal, aux accents du Quasi adagio.

Renaud Camus  Morcat, Journal 2014  Chez l'auteur, 2015










Images : en haut, Cyril Aniel  (Site Flickr)

au centre et en bas, Pierre-Paul Feyte  (Site Flickr)

7 commentaires:

  1. "Le mélange des saveurs"... Là où il associe, je dissocie, rendant au bruit de la pluie sur la canopée ce bonheur plein, aux orages et aux foudres leur sauvagerie, aux odeurs de terre, d'herbes et d'eau leurs sensuels accords et à cette sonate de Liszt sa majestueuse présence. Toutefois, je conçois que cette expérience pour R.Camus ait été source de délice. J'ai beaucoup aimé le moineau décoiffé par la bourrasque et son écoute débonnaire.

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    1. Ah oui, j'aime aussi beaucoup le moineau : il me rappelle le rossignol des "Vrilles de la vigne", de la grande Colette...

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  2. Oui, il est très drôle ! Et ça c'est bien trouvé : "il faisait les cent pas sur une croisée de meneau, les bras dans le dos". Une vraie pantomime.Le monde a tant besoin d'être allégé. Un sourire en passant et on respire mieux.

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  3. Oh les photos de Pierre Paul Feyte !!! Un fou des orages !!! Ses photos sont magnifiques !
    Un nouveau livre de cet auteur qui a si bien présenté les maisons du sud-ouest et du nord-ouest ?
    Merci pour tous ces extraits !!!
    J'aime beaucoup Lectoure !

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    1. Oui, ce sont de très belles photographies, et que leur auteur partage avec beaucoup de générosité ! Merci beaucoup de votre passage !

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